Avant d'aller plus loin, monsieur le Président, je crois que nous devrions remonter un peu dans le temps. Revenons, disons, à une dizaine de jours avant le scrutin de 2015. Le premier ministre, qui était alors député de Papineau, avait promis aux Canadiens qu'il ferait les choses différemment. Il disait représenter le véritable changement. Il avait notamment juré de laisser les débats suivre leur cours et de faire adopter les projets de loi sans les habituels tours de passe-passe parlementaires, comme l'attribution de temps. Si je ne m'abuse, c'est à peu près la cinquantième fois à ce jour que le gouvernement a recours à l'attribution de temps pour faire adopter ses projets de loi.
Ce n'est pas tout. La mesure législative à l'étude est d'une grande importance. Les libéraux ont l'appui des conservateurs, c'est-à-dire de l'opposition, mais il y a une chose que j'aimerais leur rappeler et qu'il faudrait sans doute leur répéter chaque fois qu'ils ont recours à ce type de manigances: la Chambre ne leur appartient pas. Elle n'appartient pas au Président, et elle ne m'appartient pas à moi non plus. Elle appartient aux électeurs, aux Canadiens qui ont élu les 338 députés ici présents pour qu'ils les représentent.
J'aimerais expliquer à ceux qui nous écoutent ce que le gouvernement a fait concernant cette mesure législative. Il a, en gros, décrété qu'elle avait été suffisamment débattue et devait être renvoyée au comité.
On fait du bon travail au comité; mais la plupart du temps, cela ressemble un peu à du « speed dating ». Il y a des consultations et des témoins venus de partout au Canada comparaissent pour parler de la mesure législative. Le nombre de réunions peut varier; je me base sur mon expérience au comité des pêches, cependant. Parfois, ce sont trois ou quatre témoins qui comparaissent sur une période de trois ou quatre jours. Chaque témoin a de 7 à 10 minutes pour donner son point de vue. La seule manière de faire avancer un projet de loi aussi important que celui-ci, c'est un débat approfondi.
Maintenant, je vais parler de moi. J'ai déjà dit à la Chambre, un certain nombre de fois, que ma femme et mes enfants sont autochtones. Ils ne connaissent pas leur langue. Ils ne connaissent pas bien leur culture. C'est une importante mesure législative et tout député qui ne peut faire venir un habitant de sa circonscription ou un membre d'une Première Nation ici mérite de comparaître devant le comité et faire connaître leurs histoires et entendre leurs voix ici.
Il est honteux que l'attribution de temps soit encore une fois utilisée pour ce projet de loi comme celui-ci.
L'acoustique de la Chambre est excellente. Un peu plus tôt, pendant l'une des questions, un député d'en face a crié, croyant peut-être qu'on ne l'entendrait pas de ce côté-ci, que si on tient à faire avancer ce dossier rapidement, c'est parce que les élections approchent, comme des gens d'en face l'ont mentionné.
Nous devons faire tout notre possible pour entendre ce que les Canadiens et les peuples autochtones ont à dire au sujet de la signification et de l'importance des langues autochtones. Comme les libéraux l'ont déjà fait dans d'autres dossiers, ils affirment, la main sur le coeur, accorder une immense importance au projet de loi C-91, mais ils ne font aucune ou presque aucune consultation avant de s'empresser de le faire adopter.
Le ministre aime répéter que le gouvernement a consulté pendant un an et demi. Je peux toutefois dire aux députés que dans mon coin de pays, à Cariboo—Prince George, peu de Premières Nations ont été consultées au sujet de ce projet de loi, et qu'elles aimeraient bien avoir leur mot à dire.
J'encouragerais vivement le ministre à réévaluer la situation. Pourquoi juge-t-il nécessaire de bafouer encore une fois une promesse électorale et d'imposer l'attribution de temps?