Madame la Présidente, je participe avec plaisir à ce débat sur le discours du Trône.
Lors de la première journée du Parlement, j'ai eu l'honneur de saluer et de remercier ma famille, mes électeurs et mes organisateurs. Je voudrais en profiter aujourd'hui pour leur offrir mes meilleurs voeux à l'occasion du Nouvel An 2016: santé et bonheur à tous ces gens que j'aime bien et que j'ai l'honneur de représenter depuis 31 ans.
Certains députés me demandent si on essouffle parfois après des années et des années passées à la Chambre. Surtout aux nouveaux députés qui sont arrivés cette année — ils sont près de 200 —, je voudrais dire que la passion de la politique grandit avec le nombre d'années. Plus ils seront ici longtemps, plus ils seront passionnés du service à la population et de la politique, et plus ils respecteront cette grande Chambre des communes, un lieu de démocratie. C'est vraiment un privilège d'y siéger. Personne ne peut entrer ici, s'il n'a pas revêtu le manteau de la démocratie qu'a bien voulu mettre sur ses épaules la population de son comté. C'est toujours avec enthousiasme et passion que je reviens travailler à la Chambre. Souvent, il y a nécessairement des débats un peu houleux, ce qui va de soi, puisqu'on ne peut pas être toujours du même avis.
Souvent, à des gens qui estimaient que cela brassait pas mal à la Chambre des communes, je disais qu'on envoie nos soldats se battre partout dans le monde pour qu'un jour ils y apportent la démocratie afin d'avoir des opinions différentes. Alors, quand on a des opinions différentes, profitons-en, ici, à la Chambre des communes. Je suis encore très heureux d'y prendre la parole.
Il est certain que je regrette une chose. Le discours du Trône a été déposé le 4 décembre et les tours de parole de notre parti, étant considéré comme formé d'indépendants, arrivait aux 34e et 64e tours de parole. Dans une démocratie normale, il me semble que nous aurions pu avoir un tour de parole un peu plus tôt. Je le constatais aujourd'hui encore. Alors que l'honorable ministre a fait une déclaration importante sur l'environnement, les autres partis ont eu à peu près le même temps de parole que la ministre. Nous avons sollicité deux minutes pour notre porte-parole en environnement, mais on a refusé.
Ce fut la même chose à l'occasion d'autres déclarations de ministres, et on nous a aussi refusé de siéger à un comité spécial, sans droit de vote et seulement avec droit de parole. Il est anormal que des députés n'aient pas les mêmes privilèges que les autres députés et les mêmes ressources pour pouvoir se préparer à faire leur travail à la Chambre et dans leur comté. Ce n'est pas normal, et c'est la seule démocratie au monde qui refuse cela. On ne trouve dans aucun gouvernement des provinces ni dans aucune démocratie du monde des partis politiques qui n'ont pas les mêmes droits et privilèges que les autres députés de la Chambre ou de l'Assemblée. Cela existe seulement dans notre démocratie canadienne. C'est un accroc anormal, puisque cela ne repose sur aucun règlement de la Chambre. Cela repose simplement sur une décision des trois whips des trois partis qui décident arbitrairement qu'on doit être douze.
Historiquement, on a déjà été six députés au Bloc québécois et on nous a refusé les droits et privilèges. Le NPD a déjà compté neuf députés et on leur a aussi refusé les droits et privilèges. Nous sommes dix et on nous les refuse. Nous avons été quatre et on nous les a refusés. Nous sommes en 2016, au 21e siècle, avec des courants d'idées beaucoup plus nombreux qu'historiquement. Il est donc anormal que notre parti n'ait pas les mêmes privilèges que les autres, de même que le Parti vert. Le Parti vert, c'est un courant d'idées partout au Québec et au Canada, qui a reçu plus de 500 000 votes et qui aurait le droit d'avoir les mêmes privilèges que les autres, proportionnellement à son nombre de députés.
Je tenais à faire cette partie de mon discours là-dessus. Je demande aux députés à la Chambre de réfléchir en caucus et d'essayer de défendre cela devant leurs concitoyens, en leur expliquant qu'ils ont des privilèges et des droits que d'autres députés n'ont pas, et de leur demander s'ils sont d'accord avec cela.
Aucun juriste ni aucun être ayant le moindrement de jugement serait d'accord avec cela. Ce n'est pas la faute des simples députés à la Chambre. C'est souvent l'entêtement de leur whip que les députés devraient plutôt contester. Il ne s'agit pas de nous donner le même temps. Nous sommes 10 sur 338. Nous devrions, de façon proportionnelle, avoir le droit à du temps et à un budget de recherche et de soutien pour travailler à la Chambre comme tous les autres députés.
Je vais maintenant parler du discours du Trône. Lors de la campagne électorale, le Parti libéral a créé beaucoup d'attentes avec ses promesses parfois très articulées, concernant l'environnement, par exemple. Que nous le voulions ou non, cela a aussi créé un vent de changement.
Depuis 10 ans, l'ancien gouvernement avait une politique très austère qui n'était pas du tout partagée par l'ensemble de la population. Il y avait une usure de ce gouvernement, et les gens ont décidé d'entendre ce vent de changement, ainsi que les engagements très fermes pris par les candidats et le premier ministre.
Cependant, lors du discours du Trône, le premier grand discours officiel du gouvernement, un discours qui trace la voie à tous les projets de loi qui vont être déposés au cours de cette session, qui dit comment cela va fonctionner dans les prochains mois et quelles seront les priorités du gouvernement, beaucoup de promesses semblent avoir été oubliées.
Dans le discours du Trône, nous ne retrouvons pas nombre des engagements pris par les libéraux lorsqu'ils étaient dans l'opposition comme troisième parti. Je veux bien donner une chance au coureur et dire que cela viendra peut-être s'ajouter. Il reste que généralement, c'est à partir du discours du Trône que nous agissons sur le plan législatif pour les mois qui suivent.
Voici ma première constatation: nous avons beaucoup parlé de dialogue avec les peuples autochtones de nation à nation, et le respect des nations, c'est formidable. Cependant, j'ai remarqué que la nation québécoise avait complètement été ignorée dans ce discours du Trône.
Pourtant, le Parti libéral, avec M. Chrétien en tête, avait déposé à la Chambre une motion, adoptée à l'unanimité, qui reconnaissait l'existence de la nation québécoise. Or lorsqu'on reconnaît une nation, on reconnaît également que cette nation peut faire des choix parfois différents d'une autre nation, et qu'il doit y avoir une entente spéciale sur tel projet de loi ou telle dépense engagée par le gouvernement central.
Là-dessus, il y a une absence complète de désignation de la nation québécoise, et cela fait dire à plusieurs que cette intention de reconnaissance — et cette reconnaissance qui a été faite — n'était au fond qu'une coquille vide.
D'ailleurs, c'est la première fois depuis plus de 50 ans qu'un premier ministre ne nomme pas de leader pour le Québec. Depuis plus de 50 ans, c'est la première fois. C'est donc dire qu'on considère le Québec une province comme les autres, qu'il faut oublier la notion de peuple fondateur ou de société distincte. Cela dit que le Québec est une province comme les autres, et que ce gouvernement va contribuer à la provincialisation du Québec. Cela ne conviendra pas du tout aux partis politiques qui existent au Québec.
En effet, aucun des premiers ministres du Québec n'a signé la Constitution canadienne. Légalement, nous sommes Canadiens. Toutefois, nous n'avons jamais signé la Constitution de 1982, quel que soit le parti politique au pouvoir à Québec, parce que cette reconnaissance de nation québécoise n'existe pas dans cette Constitution.
Cela étant dit, nous pouvons parler également des engagements liés à la santé. Pendant la campagne électorale, il était très clair que le ministre de la Santé voulait retourner vers le 25 %.
Rappelons que, sous le gouvernement libéral de Paul Martin, les contributions aux provinces s'élevaient à 50 % des dépenses totales des provinces. Pour faire en sorte que le budget soit équilibré, on a réduit les transferts à 25 % sous le gouvernement libéral du temps et on a continué sous les conservateurs, tout en collectant les mêmes taxes et les mêmes impôts. Ainsi, l'argent est à Ottawa, et les besoins dans les provinces, mais on diminue continuellement les transferts. Il doit y avoir un réajustement basé sur 1994-1995; on doit ramener les transferts à au moins 25 % et faire en sorte qu'on rétablisse aussi le même principe que dans ces années-là. Cela signifie que, dans les provinces, on doit considérer les soins de santé globaux et non pas par tête d'habitant, puisque certaines d'entre elles ont des populations plus vieillissantes que d'autres et auront donc besoin de plus d'argent pour donner les services à ces personnes qui en demanderont davantage. Cela est très important dans les négociations que le gouvernement devrait avoir avec les provinces. Disons là-dessus qu'il a bien commencé par une réunion des ministres de la Santé. Espérons qu'il écoutera leurs revendications.
En matière d'environnement, dans les promesses et dans le discours du Trône, il y a une intention claire de réduire les gaz à effet de serre. Il faut des gestes concrets. Puis, on ne peut pas passer à côté du fameux projet Énergie Est de TransCanada. En Colombie-Britannique, il y avait aussi un projet de pipeline. Le premier ministre de la Colombie-Britannique, ainsi que beaucoup d'élus et la population en général, s'y sont opposés. Le Parti libéral, qui n'était pas au pouvoir à ce moment-là, a immédiatement appuyé la Colombie-Britannique, en disant qu'il s'opposait à ce pipeline, tout comme l'ont fait d'ailleurs les députés du Nouveau Parti démocratique.
En ce qui concerne le pipeline qui traversera le Québec, le gouvernement du Québec a dit qu'il fallait au moins sept conditions pour qu'il puisse regarder cela. Or aucune de ces conditions n'est remplie. Il n'y a pas d'acceptation de la population ou d'acceptabilité sociale, selon l'expression utilisée par le premier ministre. Quatre-vingt-deux maires de la région de Montréal représentant 4 millions de personnes disent « non » à ce projet de loi. Il n'y a donc pas d'acceptation sociale, pas plus qu'il n'y en avait en Colombie-Britannique. On doit donc agir en conséquence de cette non-acceptation sociale. Quatre-vingt-deux maires ainsi que le gouvernement du Québec s'y opposent. Il y a donc de quoi réfléchir. Il me semble que les députés du Québec, de n'importe quel parti politique ici, ont le devoir de se lever et de défendre les intérêts du Québec, avant de défendre les intérêts de TransCanada. Il me semble tout à fait normal d'écouter la population.
Je rappelle également que les risques environnementaux, puisqu'on a parlé beaucoup d'environnement dans le discours du Trône, concernent les 160 rivières que doit traverser le pipeline au Québec. Il ne s'agit pas de deux, mais de 160 rivières en plus du fleuve. Imaginons un instant un accident. Avons-nous les moyens de courir ce risque? Le maximum qui est couvert, lorsqu'un tel accident arrive, est de 1 milliard de dollars. Un accident dans une de ces rivières ou dans le fleuve coûterait beaucoup plus que cela. Le Québec court donc les risques et n'a aucune retombée financière, à part 33 emplois. La position du Bloc là-dessus est donc claire: il faut défendre les intérêts du Québec et s'opposer à ce pipeline.
En ce qui concerne l'assurance-emploi, je voudrais réitérer les engagements que le Bloc avait pris pendant la campagne et les engagements que certains députés libéraux avaient pris ici, à la Chambre. Il s'agissait d'éliminer la fameuse réforme proposée par l'ancien gouvernement et qui concernait, par exemple, la distance de 100 kilomètres à la ronde pour accepter obligatoirement un travail. Il y avait un engagement ferme de corriger cela.
Aujourd'hui, à la Chambre, la ministre a répondu qu'elle tendait une oreille et qu'elle s'apprêtait à réfléchir à une façon de régler ce dossier. Tant mieux! Si elle le règle, je n'aurai que des félicitations à lui transmettre. Toutefois, je voudrais qu'on aille plus loin au sujet de l'assurance-emploi. Je voudrais qu'on crée une caisse d'assurance-emploi indépendante du gouvernement. C'est l'argent des travailleurs et des travailleuses et celui des entrepreneurs. On ne peut pas piger dans les surplus de la caisse comme l'ont fait les gouvernements précédents.
Je rappelle que, dans le dernier budget du gouvernement, on disait qu'il y avait équilibre du budget. Toutefois, 3 milliards de dollars ont été puisés dans le surplus de la caisse d'assurance-emploi pour atteindre cet équilibre. Ces 3 milliards de dollars étaient prévus pour les deux prochains budgets. On doit donc mettre fin à cela et créer une caisse d'assurance-emploi indépendante. Quand il y aura un surplus, on augmentera l'accessibilité à l'assurance-emploi, et quand il y aura un déficit, on augmentera les cotisations. Il reste que ce sera une caisse indépendante et non une caisse dans laquelle le gouvernement pourra puiser pour atteindre ses objectifs financiers.
On a également parlé de la revitalisation de nos régions. Ma consoeur la députée de Manicouagan a prononcé un éloquent discours à ce sujet. Le gouvernement est presque muet à ce sujet. On oublie souvent que le Québec est aussi une terre de régions. Dans la grande région de Montréal, il y a 4 millions de personnes, mais dans le reste du Québec, contrairement à l'Ontario, il y a énormément de régions. Malheureusement, on ne semble pas tenir compte de ce fait, et on n'adapte pas les programmes d'infrastructure et les autres programmes aux réalités de ces régions, surtout en ce qui a trait aux domaines de la forêt, du tourisme et des pêches.
Je voudrais également parler brièvement de prestations pour enfants. Avant que la réforme proposée par le gouvernement actuel soit mise en place, il me semble y avoir un geste concret à poser. Dans le programme établi par les conservateurs, la PUGE, le montant reçu par les parents pour leurs enfants devait être ajouté à leur déclaration de revenus de 2016. On pourrait corriger cela immédiatement afin que ces prestations ne soient pas imposables.
En agriculture, plus précisément en ce qui a trait à la gestion de l'offre, le gouvernement s'était très clairement engagé à dédommager les producteurs laitiers, qui n'ont pas été entendus dans le cadre de l'entente Canada-Europe et du Partenariat transpacifique. On en a parlé, mais rien de concret n'a été fait pour les producteurs laitiers, surtout par rapport à l'importation de fromage, dans le cadre de ces ententes. Nous serons le chien de garde des producteurs laitiers dans ce dossier.
Quant au financement des partis politiques, une réflexion s'impose. Le gouvernement libéral de M. Chrétien avait établi, avec raison, en citant même René Lévesque, que le financement devait être public et que seuls les gens ayant le droit de vote pouvaient financer les partis politiques. On éliminait ainsi toutes les corporations. En compensation, on leur donnait 2 $ par vote, pour éviter que l'argent occulte ne revienne flirter avec les gens qui forment le gouvernement. Il serait grand temps de faire une réflexion à ce sujet et de rétablir l'esprit du projet de loi déposé par l'honorable Jean Chrétien.
Le Bloc québécois sera très vigilant en ce qui a trait aux promesses du discours du Trône. Il sera également présent lorsque viendra le temps de donner son appui aux mesures qui le méritent et pour proposer des solutions concrètes afin d'améliorer le sort de l'ensemble de la population canadienne et celui des Québécois et des Québécoises.