Madame la Présidente, comme toujours, c'est un honneur d'intervenir à la Chambre pour discuter d'une question qui revêt une importance fondamentale non seulement pour mes concitoyens de Bruce—Grey—Owen Sound, mais pour tous les Canadiens. Je parle de l'octroi d'un soutien aux Forces armées canadiennes et de la nécessité de respecter notre engagement à l'égard de l'OTAN en consacrant 2 % de notre PIB aux dépenses en matière de défense nationale.
L'angle sous lequel je prévois aborder cette question est probablement légèrement différent de celui de nombreux autres intervenants ayant pris la parole aujourd'hui. Je veux me servir de mon expérience de plus de 25 années dans les Forces armées canadiennes pour offrir une perspective plus globale.
Tout d'abord, je tiens à remercier tous les marins, les soldats, les aviateurs et les agents des forces spéciales qui ont servi, servent encore et serviront un jour notre grand pays.
Pourquoi devons‑nous investir 2 % de notre PIB? Comme plusieurs intervenants l'ont indiqué clairement, le monde a changé. À mon avis, la situation est instable depuis de nombreuses années, du moins elle l'était pendant ma carrière militaire et depuis ma naissance, et elle continuera de l'être et de changer constamment. À l'heure actuelle, nous luttons contre la menace existentielle que représente la Russie pour l'Ukraine et pour nos alliés de l'OTAN. Cependant, la Chine et le terrorisme demeurent au centre des préoccupations auxquelles nous devons pouvoir répondre.
Mon collègue qui est intervenu juste avant moi a bien décrit la situation en Ukraine et la menace immédiate que pose la Russie non seulement pour l'Ukraine, mais également pour nos alliés de l'OTAN. J'aimerais donner un peu plus de contexte pour bien expliquer l'importance de soutenir les Forces armées canadiennes afin qu'elles puissent s'adapter et qu'elles disposent des ressources voulues pour ce faire.
Au début de mon service militaire, l'une des premières opérations auxquelles j'ai pris part s'est déroulée ici, au Canada, lors de la tempête de verglas de 1998. Ce n'était pas une situation pour laquelle nous étions préparés et formés au sens traditionnel. Toutefois, grâce à l'entraînement phénoménal offert par les Forces armées canadiennes et l'armée canadienne, les soldats étaient tout à fait en mesure d'intervenir. Mes missions à l'étranger ont toutes été menées sous l'égide de l'OTAN, à l'exception de ma dernière mission en Irak, mais j'y reviendrai plus tard, puisqu'il y avait là aussi un lien avec l'OTAN.
Parlons de la grande complexité des tâches que sont appelés à exécuter les membres des Forces armées canadiennes là-bas. En plus d'assurer le maintien de la paix, ils surveillent les élections, ils collaborent sans arrêt avec les organismes non gouvernementaux internationaux et ils soutiennent d'autres pays sur le terrain, notamment, dans certains cas, lorsque des émeutes ou d'autres situations surviennent. Les Forces armées canadiennes tiennent alors lieu de réseau de soutien pour conduire les ressortissants étrangers en lieu sûr.
Pendant ma deuxième mission en Bosnie, les attentats du 11 septembre sont survenus, et je crois que cela a changé radicalement la situation mondiale, tout le monde en conviendra. Toute la dynamique et tous nos plans ont été chamboulés. Cela a mené à une volonté de la coalition d'intervenir en Afghanistan, intervention qui s'est transformée en mission de l'OTAN. J'ai pris part aux combats en 2007, mais c'est finalement la mission canadienne d'entraînement, en 2012, qui a pris le plus d'importance. Malheureusement, cette mission a échoué. Ce ne fut pas un échec total, mais je crois que nous n'avons pas atteint notre objectif, comme on le constate aujourd'hui avec le retour au pouvoir des talibans.
Cependant, lorsqu'on regarde la situation en Ukraine et la mission d'entraînement qui s'y déroulait depuis quelques années, je dirais que le Canada a joué un rôle de premier plan dans la capacité de l'Ukraine à faire face à la Russie.
Lorsque j'étais en Irak, encore une fois, même si c'était dans le cadre d'une coalition dirigée par les États‑Unis, je faisais partie d'une équipe qui a mis sur pied la mission d'entraînement de l'OTAN et qui a informé le général canadien et son équipe qui dirigeaient la mission d'entraînement de l'OTAN en Irak.
Ce que j'essaie de dire, c'est que l'OTAN joue un rôle essentiel de réponse aux menaces aux quatre coins du monde. Nous en avons l'obligation. Nous nous y sommes engagés au Sommet de l'OTAN au pays de Galles et, comme l'a clairement souligné le député libéral de Winnipeg‑Nord dans son discours, la force de l'OTAN et notre capacité collective à défendre la souveraineté des pays membres et, bien honnêtement, à nous doter d'une force militaire et de défense qui dispose des ressources adéquates, reposent sur un effort collectif. Le Canada a pris cet engagement en 2014, et nous devons respecter cet engagement international si nous voulons contribuer à la paix et à la sécurité dans le monde.
Que signifient ces 2 %? Essentiellement, comme d'autres députés l'ont souligné, cela signifie qu'il faut doubler nos dépenses actuelles.
Il est important que tout le monde comprenne à quel point ce sera compliqué et quelles répercussions cela aura sur la structure des Forces armées canadiennes, tant du point de vue des capacités que de celui des moyens. Même si la politique de défense actuelle, soit Protection, Sécurité, Engagement, présente des points forts, elle ne suffit pas à elle seule à fournir la couverture nécessaire.
Je ne prétends pas détenir toutes les réponses, mais je sais que si les Forces armées canadiennes sont correctement appuyées et que les investissements nécessaires sont faits, le Canada et les Forces armées canadiennes seront alors beaucoup plus aptes à intervenir, tant au pays qu'à l'étranger, pour répondre à toute demande du Canada et de l'OTAN. C'est pourquoi j'insiste autant et je continuerai d'insister — et j'en dirai un peu plus à ce sujet plus tard — sur la nécessité de procéder à un examen non partisan, ou du moins bipartisan, de la politique étrangère sur lequel nous pourrons nous entendre, ce qui permettra ensuite de mettre à jour notre examen de la politique de défense.
Comment allons-nous procéder? Premièrement, lorsqu'il s'agit d'engager des dépenses pour fournir les ressources appropriées aux Forces armées canadiennes et ainsi respecter l'engagement du Canada, plus souvent qu'autrement, le plus grand défi qui se pose au secteur militaire est de ne pas pouvoir compter sur un financement prévisible et stable. À défaut de comprendre cette nécessité et de planifier en conséquence, il est difficile de respecter notre engagement. De nombreuses observations ont été faites au sujet des fonds inutilisés au titre de la défense. Une partie du problème tient au fait que si les fonds prévus pour un exercice sont inutilisés, nous n'en obtiendrons pas autant pour notre argent lors des exercices suivants. À l'heure actuelle, le niveau d'inflation moyen se situe à approximativement 5,7 %, mais dans certains secteurs de l'industrie de la défense, il se chiffre à 20 % en une année seulement. Par conséquent, si on planifie l'acquisition de 10 navires au cours d'un exercice, mais qu'on repousse cet achat d'une année, il ne sera alors possible d'en acquérir que huit. Je ne prétends pas que ce soit simple.
Pour équilibrer un budget et éviter de créer des problèmes pour la prochaine génération, il faut de la collaboration. Ainsi, de nombreux députés ont déjà fait état de la nécessité de corriger le système canadien de marchés publics. Il faut rationaliser les processus. À mon avis, il faut quelqu'un à blâmer — et je ne préconise absolument pas la violence —, je veux simplement dire qu'il faut désigner un responsable du système d’approvisionnement pour être en mesure d'en corriger les failles.
De plus, nous devons investir dans nos gens, car ils constituent la ressource la plus essentielle de nos Forces armées canadiennes. J’ai déjà mentionné l’importance de la raison pour laquelle nous avons besoin de cet examen bipartite ou non partisan de la politique étrangère et de la défense. C’est important parce que c’est la clé pour prévenir l’ingérence politique et les retards dans notre processus d’acquisition.
Je ne veux pas m’attarder sur les capacités ou les plateformes précises, car rien ne me rend plus fou que d’entendre des politiciens parler d’un avion X ou d’un char d’assaut Y. Nous devrions parler des capacités en général, dire à nos forces armées canadiennes et à nos experts militaires ce qu'ils doivent accomplir dans l'intérêt du Canada sur la scène internationale, puis les laisser nous présenter les meilleures options disponibles et nous dire précisément où nous pouvons dépenser judicieusement l'argent de l'augmentation de nos budgets de défense.
Nous avons déjà parlé de la modernisation du NORAD. D’après ce que j’ai entendu jusqu’à présent aujourd’hui, je suis convaincu que le gouvernement libéral inclura dans le budget de jeudi les fonds nécessaires à la modernisation du NORAD. Toutefois, nous devons nous attacher à combler les principales lacunes du NORAD au lieu de nous contenter de grignoter les bords. Un commentaire a été fait selon lequel nous devons réexaminer la défense contre les missiles balistiques. Nous devons investir davantage dans l'Arctique canadien. Nous pouvons envisager la surveillance, les capacités des drones et de meilleures capacités d’ingénierie. Nous pouvons investir davantage dans notre personnel, nos marins, nos soldats, nos équipages aériens et nos forces spéciales. Les forces spéciales sont un autre domaine dans lequel nous pourrions dépenser plus d’argent. Le cyberespace et le transport stratégique sont également de bonnes idées auxquelles consacrer de l’argent.
En résumé, je pense avoir abordé le pourquoi de la motion, à savoir les menaces et notre obligation d’atteindre 2 %. Cela doit se faire en fournissant un financement prévisible, en réparant le système d’approvisionnement, en investissant dans nos gens, en investissant dans des capacités essentielles et, en fin de compte, en procédant à un examen non partisan ou bipartite de la politique étrangère et de la défense.
Le monde a besoin d’un Canada qui maintient sa position de partenaire de confiance en matière de sécurité mondiale et de membre fiable de l’OTAN. Sans augmenter nos dépenses militaires, le gouvernement met cette position en péril. Il est essentiel de respecter notre engagement envers l’OTAN de dépenser 2 % du PIB aujourd’hui et à l’avenir.
Bien que dans la planification militaire, l’espoir ne soit pas une option, j’espère que tous les membres de la Chambre appuieront cette motion.