Monsieur le Président, je propose: Que le quinzième rapport du Comité permanent des comptes publics, présenté à la Chambre le mardi 19 février 2002, soit adopté.
Le Comité des comptes publics a présenté son rapport en fonction de l'étude du chapitre 18 du rapport de décembre 2000 du vérificateur général du Canada concernant la régie des sociétés d'État. Avant d'entrer dans les conclusions du rapport du comité, je voudrais vous faire part de certains faits.
Les sociétés d'État sont administrées conformément à la Loi sur la gestion des finances publiques. Un conseil d'administration supervise la gestion de chaque société d'État. Le gouvernement fédéral a les responsabilités suivantes. Premièrement, il nomme les administrateurs et les premiers dirigeants des sociétés d'État et établit leur rémunération.
Deuxièmement, il établit les directives et les règlements touchant les sociétés d'État.
Troisièmement, il doit approuver les plans d'entreprise et les budgets de ces sociétés.
Quatrièmement, il lui incombe tous les cinq ans de procéder à des examens spéciaux afin de fournir aux administrateurs une opinion impartiale sur la façon dont leur société est gérée.
Le rapport du Comité des comptes publics est basé sur les conclusions du vérificateur général. Premièrement, des examens précis ont révélé d'importantes lacunes en matière de planification opérationnelle et stratégique dans 66 p. 100 ou les deux tiers des sociétés d'État. Ces lacunes ont été classées en deux catégories : 38 p. 100 sont qualifiées d'extrêmement graves et 28 p. 100, de graves, mais à un degré moindre. Quoi qu'il en soit, on note de graves lacunes en matière de planification opérationnelle et stratégique dans les deux tiers de toutes les sociétés d'État.
Deuxièmement, le processus d'approbation des plans d'entreprise par le gouvernement laisse à désirer.
Troisièmement, le rendement et la responsabilisation sont insuffisants.
Quatrièmement, le Secrétariat du Conseil du Trésor et le ministère des Finances comprennent mal les sociétés d'État et n'ont pas les compétences voulues pour analyser et interpréter les états financiers.
Il s'agit d'une critique cinglante des bureaucrates du ministère des Finances. Ils sont chargés de rédiger les budgets annuels du gouvernement fédéral. Il n'est pas surprenant que, dans le plus récent budget fédéral, on n'ait pas prévu de rembourser une partie de notre énorme dette nationale de 547 milliards de dollars au cours des trois prochaines années. Cela va dans le sens des conclusions du rapport, qui dit que les bureaucrates du ministère des Finances n'ont pas les compétences voulues pour analyser et interpréter les états financiers. Comment peut-on tolérer d'avoir au ministère des Finances des bureaucrates qui n'ont pas ces compétences? C'est insensé. C'est une condamnation cinglante de la compétence du gouvernement libéral.
On trouve trois autres constatations qu'il vaut la peine de signaler.
Premièrement, on note chez les membres des comités de vérification un manque de connaissances financières et d’expérience comptable, ce qui donne lieu à une supervision financière incomplète. Ils n'ont pas toutes les capacités, les connaissances et l’expérience nécessaires pour s’acquitter efficacement de leur mandat. On peut se demander pourquoi. Pourquoi y a-t-il des incompétents au sein des comités de vérification? Comment sont-ils arrivés là? Pourquoi ne trouve-t-on pas des gens compétents à ces postes?
Deuxièmement, on note de sérieuses faiblesses chez les membres des conseils d’administration, qui manquent des compétences et de l’expertise de base en finances, en administration et en gestion. Au début de mon intervention, j'ai parlé en termes généraux des sociétés d'État qui sont régies par des conseils d'administration dont les membres sont nommés par le gouverneur en conseil. Or, le rapport constate que les membres des conseils d'administration accusent de sérieuses faiblesses et manquent des compétences et de l'expertise de base en finances, en administration et en gestion. Là encore, on se demande pourquoi. Pourquoi trouve-t-on des incompétents au sein des conseils d'administration? Pourquoi n'y a-t-on pas nommé des gens compétents pour commencer?
Je pourrais ajouter que les Canadiens s'attendent à ce que les sociétés d'État soient administrées avec efficacité et efficience. Comme on constate que les membres des conseils d'administration, qui ont été nommés par le gouvernement, n'ont pas les compétences nécessaires, on doit se poser de très sérieuses questions. J'y reviendrai dans un instant après avoir rappelé la dernière constatation du rapport.
Le processus de nomination des premiers dirigeants des sociétés d'État laisse à désirer au niveau de la transparence et de la responsabilité. Les membres des conseils d'administration, les premiers dirigeants et les membres des comités de vérification sont nommés par le gouvernement à l'issue d'un processus dont le rapport dénonce le manque de transparence et de responsabilité, et ils n'ont pas les compétences nécessaires pour occuper leur poste.
Cela m'amène à parler du scandale au ministère des Travaux publics et du fait que l'ex-ministre, Alfonso Gagliano, s'est livré à de l'ingérence politique pour procurer des emplois et des contrats auprès de sociétés d'État à des amis et à des partisans du Parti libéral. Il s'agit là d'une violation du code de déontologie, celui-là même que le gouvernement a institué en 1995. C'est ce même code de déontologie auquel le premier ministre a lui-même contrevenu quand il est intervenu auprès du dirigeant de la Banque de développement du Canada pour qu'un de ses amis obtienne un prêt.
Ce qu'on voit, c'est la politique de l'assiette au beurre, le favoritisme, l'influence de la sphère politique et l'inobservation du code d'éthique afin de décrocher des emplois et des contrats pour les amis et les partisans du Parti libéral. Le gouvernement a mis au point un système lui permettant de faire fi de tout principe de transparence et d'imputabilité pour pourvoir les postes à la direction générale et au conseil d'administration des sociétés d'État afin d'y nommer des partisans libéraux. Au bout du compte, c'est la population qui en paie le prix parce que les sociétés d'État sont mal gérées.
Comme il est établi dans le rapport même, les administrateurs n'ont pas les compétences voulues en matière de finances, d'administration et de gestion. Autrement dit, ils ne sont nullement qualifiés pour occuper ces postes, où ils ont pourtant été nommés au moyen d'un processus n'ayant ni transparence ni imputabilité, de telle sorte que le gouvernement libéral peut s'amuser à faire du favoritisme et à décrocher des contrats et des emplois pour ses copains et ses partisans. Il n'y a pas que l'infraction évidente au code d'éthique, car on sait qu'au moins deux ministres, et le fait est de notoriété publique, le premier ministre et l'ancien ministre des Travaux publics, Alfonso Gagliano, ont ouvertement enfreint le code d'éthique en faisant de l'ingérence politique active. Cela met en cause la conduite et l'intégrité du gouvernement. Il y a une odeur de corruption insupportable.
Le rapport du Comité des comptes publics a conclu que, dans le processus de nomination des membres des conseils d'administration des sociétés d'État, il n'y avait aucune imputabilité. Cette constatation ressortait très clairement. Le comité a déclaré que le PDG et les administrateurs d'une société d'État devraient avoir les compétences et l'expérience requises pour que la société puisse efficacement poursuivre ses objectifs et accomplir son mandat. Encore une fois, cela va de soi et on se demande pourquoi cela n'a jamais été le cas pour commencer.
Le gouvernement libéral est en place depuis 1993. Pourquoi les sociétés d'État ne sont-elles pas gérées comme il faut depuis? Pourquoi n'y a-t-il pas eu un processus transparent pour nommer des PDG et des administrateurs compétents et capables de remplir leur mandat?
Je pense qu'on connaît la réponse à cette question. La raison est celle-là même qui explique que le premier ministre soit intervenu auprès du dirigeant de la Banque de développement du Canada: obtenir un prêt pour un copain. C'est pour cette raison que l'ancien ministre des Travaux publics et son personnel sont intervenus à tort dans la gestion de sociétés d'État: décrocher des emplois pour des amis et des partisans du Parti libéral.
Le rapport formule dix recommandations, mais je ne vais m'attarder qu'à trois d'entre elles. Tout d'abord, les critères de sélection des membres des comités de vérification doivent garantir que tous les membres ont des connaissances financières suffisantes et qu'au moins un possède les connaissances et l’expérience nécessaires en gestion financière et en comptabilité.
J'insiste sur les mots «tout» et «un», car ils sont soulignés dans le rapport. C'est presque une condamnation facétieuse du gouvernement, car on insinue qu'il n'y pas un seul membre de ces conseils qui a des connaissances suffisantes en matière financière. Le gouvernement pourrait certainement veiller à ce qu'au moins un membre sache de quoi il parle, au lieu de confier tous les postes dans les conseils des sociétés d'État aux amis et partisans des libéraux.
Une autre recommandation veut que le gouvernement et les ministres responsables de sociétés d’État tiennent compte des compétences des candidats nommés présidents et membres des conseils d’administration.
Nouvelle évidence. C'est là une condamnation sévère des libéraux et de leur recours à une ingérence politique inappropriée au détriment des Canadiens. Pas étonnant que les vérifications montrent que nos sociétés d'État manquent d'efficacité et d'efficience, et qu'elles ne suivent pas les méthodes qui s'imposent.
Dernière recommandation que je tiens à souligner, le processus de nomination des administrateurs et des premiers dirigeants des sociétés d'État doit changer. Il n'y a pas que le processus de nomination des premiers dirigeants et administrateurs qui doit changer. Il faut aussi étudier sérieusement le code d'éthique et les conséquences qui découlent d'ingérences politiques déplacées et du favoritisme politique.
J'ai présenté deux motions au comité chargé du ministère des Travaux publics à deux occasions distinctes, depuis un mois, demandant que Jon Grant, ancien président de la Société immobilière du Canada, comparaisse à titre de témoin pour expliquer l'ampleur de l'ingérence politique, du favoritisme et des manoeuvres politiques de l'ancien ministre, Alfonso Gagliano. Les libéraux sont venus en force à ces réunions, et ils ont refusé au comité la possibilité de convoquer des témoins pour essayer de comprendre l'ampleur de la corruption et des malversations et de faire toute la lumière. Cela dépasse l'entendement.
Simplement aux fins du compte rendu, et comme la question porte sur l'ancien ministre, M. Gagliano, et sur son ingérence indue dans des sociétés d'État, je veux donner un aperçu des transactions qu'a conclues cette personne, un ancien ministre du Cabinet libéral, sur lequel l'actuel ministre des Travaux publics a refusé de demander une enquête de la GRC, et pour lequel le whip du Parti libéral a pressé les simples députés du parti d'empêcher le comité de mener une étude.
En 1993, une vérification des antécédents de M. Gagliano a révélé ses liens avec un criminel reconnu, Agostino Cuntrera, qui a été un client du cabinet d'experts-comptables de M. Gagliano à compter des années 70 jusqu'en 1993.
En 1998, 20 p. 100 des subventions accordées par le gouvernement fédéral au titre de la culture et du sport se sont retrouvées dans seulement 2 des 301 circonscriptions du Canada, celle du premier ministre et celle d'Alfonso Gagliano. Est-ce étonnant? En 2001, M. Gagliano a été accusé de conflit d'intérêts après que Communications Canada ait confié des marchés fédéraux de publicité à une entreprise montréalaise qui employait le fils d'Alfonso Gagliano.
En 2001, il a également été révélé que l'ancien sénateur italien, Maurizio Creuso, qui a été condamné à la suite d'accusations de corruption et qui connaît M. Gagliano depuis 1983, a obtenu deux marchés fédéraux lucratifs de Postes Canada et de la SCHL. Il s'agit là des deux sociétés d'État dont les conseils d'administration se composent de partisans libéraux et sont financés par des fonds du gouvernement libéral. Les députés voient-ils la corruption? Voient-ils l'étendue du favoritisme et de la politique de l'assiette au beurre?
Ces incidents enfreignaient totalement le code d'éthique et vont entièrement à l'encontre de tout ce qui est correct. Ils révèlent tout ce qui cloche avec le gouvernement libéral et jusqu'où il peut aller pour commettre des écarts de conduite afin de consolider l'organisation libérale.
En 2002, l'ancien chef de la Société immobilière du Canada a allégué que Gagliano et son personnel s'ingéraient dans la gestion quotidienne de la société d'État.
En effet, l'ancien ministre possède tout un bilan.
Je terminerai en disant que, selon la vérificatrice générale, les libéraux ne devraient plus recourir à la politique de l'assiette au beurre lorsqu'ils nomment des administrateurs aux sociétés d'État du Canada. Les preuves révélant que des ministres du Cabinet libéral ont été mêlés à ces scandales ont détruit la notion d'indépendance des sociétés d'État.
Des députés libéraux se servent de sociétés d'État comme d'une assiette au beurre pour leurs partisans et leurs amis. Les Canadiens en ont marre d'une telle absence d'éthique dans la gestion des ministères fédéraux.