Monsieur le Président, je tiens à souligner ma déception. J'étais très impatient de parler de ce projet de loi aujourd'hui, d'abord pour des raisons très personnelles. J'ai un prénom inuit, Alupa, qui veut dire « homme fort », et dans ma famille, nous sommes très sensibilisés à toutes les questions autochtones. Ma femme, qui est anthropologue, travaille auprès des Inuits depuis plusieurs années, et mon père est un historien légiste qui a défendu les Autochtones dans plusieurs causes en trouvant des traités ou en faisant des recherches pour ceux-ci.
Le ministre a dit que c'était un projet de loi extrêmement important pour protéger et promouvoir les langues autochtones, dont certaines sont en train de disparaître. C'est vrai. Auparavant, les libéraux nous ont aussi dit que le lien le plus important de ce gouvernement est celui qu'il a avec les Autochtones. Ils l'ont dit à maintes reprises, mais on constate que ce projet de loi n'apparaît que quelques mois avant les élections, à la fin de leur mandat, quatre ans plus tard. Oui, il y a urgence d'agir, mais ce n'est pas vrai que nous pourrons tous et toutes prendre position et en discuter au sein du comité. Comme il n'y a que trois places réservées à l'opposition, je ne pense pas avoir la chance d'y débattre ou d'y apporter mes suggestions d'amendement.
Bien que nous appuyons ce projet de loi de prime abord, celui-ci est lié à des questions très sérieuses. La raison pour laquelle nous l'appuyons est très claire. Elle se trouve dans le préambule de la Loi sur les langues officielles, au dernier paragraphe, où il est écrit que le gouvernement reconnaît l'importance, parallèlement à l'affirmation du statut des langues officielles et à l'élargissement de leur usage, de maintenir et de valoriser l'usage des autres langues.
Ce projet de loi s'insère donc parfaitement dans la doctrine politique canadienne. Toutefois, il y a des questions très importantes à éclaircir, et je vais les énumérer dès maintenant. Pourquoi la Loi sur les langues officielles est-elle quasi constitutionnelle? C'est parce qu'elle est liée aux articles 16 à 23 de la Charte canadienne des droits et libertés. Le ministre nous a dit que le projet de loi C-91, Loi concernant les langues autochtones, est lié à l'article 35 de la Constitution. Est-ce que cela en fera une loi quasi constitutionnelle comme c'est le cas pour la Loi sur les langues officielles? Si tel est le cas, il faudra en discuter pendant des semaines, parce que cela aura de grandes conséquences dans notre société. Ce seront des conséquences sûrement très positives, soit, mais il faut savoir où on s'en va lorsqu'on dit qu'un projet de loi pourrait être quasi constitutionnel.
Par ailleurs, le projet de loi stipule qu'il y aura un commissaire aux langues autochtones. Aura-t-il des fonctions similaires à celles du commissaire aux langues officielles? Auront-ils un bureau conjoint?
On nous parle également de financement visant à protéger, préserver et valoriser les langues autochtones. Est-ce que ce seront des plans d'action comme c'est le cas pour les langues officielles? Est-ce que ce seront des milliards de dollars sur cinq ans tous les cinq ans, comme dans le cas du plan d'action pour les langues officielles? Est-ce que le ministère va recevoir une somme récurrente de 1 milliard de dollars tous les cinq ans également?
Bref, il y a toutes sortes de questions auxquelles on n'a pas de réponse aujourd'hui. Peut-être pourrions-nous avoir des balbutiements de réponse dès maintenant.