Monsieur le Président, je vais parler du projet de loi C-83, Loi modifiant la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition et une autre loi. D’entrée de jeu, permettez-moi de dire que je m’oppose à ce projet de loi, non pas pour ce qu’il est destiné à accomplir, mais pour ce que je crains qu’il permette d’accomplir sans qu’on le souhaite.
Le projet de loi propose d’éliminer l’isolement préventif dans les établissements correctionnels, de le remplacer par l'utilisation de nouvelles unités d’intervention structurée et de permettre au commissaire de modifier la classification de sécurité de tout un pénitencier ou d’un secteur en particulier.
Dans notre société libre et démocratique, la pire punition qu’on puisse infliger aux gens est de les priver de leur liberté. En effet, la Charte des droits et libertés est claire à ce sujet. Voici ce que dit l’article 7 à cet égard:
Chacun a droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de sa personne; il ne peut être porté atteinte à ce droit qu’en conformité avec les principes de justice fondamentale.
C’est cette disposition qui permet à une société démocratique qui tient en haute estime les principes fondamentaux de la vie, de la liberté et de la sécurité de la personne de priver une personne de l’application de ces mêmes principes. Si quelqu’un commet un crime au Canada, surtout si c’est un crime odieux, il sera enfermé pour protéger la société contre ses actes.
Il y a des Canadiens, surtout ceux qui ont subi des souffrances inimaginables aux mains de criminels, qui croient que ces gens-là ne devraient pas avoir de droits en prison. Sur le plan personnel, je comprends ce cri de vengeance, ce besoin de faire souffrir l’autre personne pour la façon dont elle a elle-même fait souffrir un être cher. En ma qualité de parlementaire, et à l’instar de mes collègues de la Chambre, je dois cependant tempérer mes sentiments personnels compte tenu du devoir que les Canadiens ont voulu me confier afin que tout le monde soit traité équitablement au titre des lois de notre grand pays.
Cela étant, au Canada, les détenus bénéficient d’un certain nombre de protections grâce aux lois sur les droits de la personne, à diverses lois et à la loi suprême du Canada: notre Constitution. Eux aussi sont protégés contre les criminels les plus dangereux à l’intérieur des établissements carcéraux.
L’isolement assure la protection des détenus et, ne l’oublions pas, du personnel correctionnel qui travaille dans les établissements. La loi exige qu’il y ait un équilibre entre la protection des détenus et du personnel et la protection des détenus en isolement.
Les détenus qui, selon une évaluation, poseraient des risques pour eux-mêmes ou pour d'autres personnes seraient placés dans l'une des nouvelles unités d'intervention structurée. Ils pourraient passer au moins quatre heures par jour en dehors de leur cellule et auraient la possibilité d'interagir avec d'autres personnes pendant au moins deux heures.
Le recours à des unités d'intervention structurée poserait des risques pour les gardiens de prison, l'ensemble des détenus et les détenus qui sont placés en isolement pour leur propre sécurité. Le projet de loi C-83 éliminerait le recours à l'isolement à des fins de discipline. Les prisons deviendraient donc plus dangereuses pour les gardiens, puisqu'ils devraient composer avec les détenus les plus violents, qui s'en prennent aux autres détenus.
Le Syndicat des agents correctionnels du Canada soutient ne pas avoir été consulté adéquatement à propos du projet de loi C-83. Selon un article publié le 21 octobre dans le Vancouver Sun, le président du syndicat qui représente les gardiens de prison prévoit qu'il y aura un « bain de sang » dans les prisons canadiennes si le gouvernement fédéral élimine l'isolement comme il compte le faire. Comme l'a expliqué le président de l'exécutif national, Jason Godin:
[...] où le recours à l'isolement a été remplacé par les unités d'intervention structurée, le SCC aura encore plus de difficulté à réaliser son mandat, soit exercer une surveillance sécuritaire et humaine sur les populations carcérales. Nous sommes préoccupés par ces révisions, car elles semblent réduire la possibilité de recourir à l'isolement pour assurer la sécurité d'un détenu ou celle du personnel [...]
Je déplore moi aussi qu'on n'ait pas réfléchi aux mesures qu'il faut prendre pour éviter que des personnes soient blessées.
Ivan Zinger, l'enquêteur correctionnel du Canada, a dit ceci:
En effet, le projet de loi C-83 propose une version adoucie de l'isolement sans les protections constitutionnelles. Le projet de loi passe trop vite sur les détails et accorde trop de pouvoir discrétionnaire et de confiance aux autorités correctionnelles afin de remplacer l'isolement par un modèle correctionnel non vérifié et mal conçu.
Le projet de loi C-83 va plus loin que les exigences des décisions des deux cours supérieures. En ce qui a trait aux unités d'intervention structurée, le projet de loi autoriserait le commissaire à attribuer une cote de sécurité à chaque pénitencier ou à tout secteur à l'intérieur d'un pénitencier. Ces désignations ont amené certaines personnes à craindre que tout un pénitencier puisse devenir une unité d'intervention structurée et à s'inquiéter des répercussions pour la sécurité et le personnel.
Par ailleurs, à cause de ces nouvelles dispositions, un plus grand nombre de prisonniers ayant un niveau de sécurité supérieur pourra se trouver dans des secteurs ayant une cote de sécurité inférieure, tout cela en raison de détails techniques.
Nous avons déjà été témoin du laxisme du gouvernement envers les individus les plus répréhensibles qui soient. Récemment, Terri-Lynne McClintic, qui a été reconnue coupable en 2009 de meurtre au premier degré pour l'enlèvement et le meurtre d'une fillette de huit ans, Victoria Stafford, a été transférée dans un établissement à sécurité minimale en Saskatchewan, malgré sa condamnation à perpétuité sans possibilité de libération conditionnelle avant 25 ans. Le gouvernement veut maintenant mettre en place une politique officielle qui permettrait à ce genre de situation aberrante de se produire régulièrement. Nous ne le laisserons certainement pas faire.
Les conservateurs s'opposent à toute mesure législative qui facilite l'incarcération de contrevenants à risque élevé dans des établissements à sécurité minimale. Les tueurs d'enfants, les pédophiles et les meurtriers — les criminels les plus horribles — méritent de se retrouver derrière les barreaux. Les terroristes du groupe armé État islamique devraient être jetés en prison, et non se voir offrir des cours de poésie par le gouvernement.
Ce projet de loi prouve encore une fois que les libéraux font passer les droits des dangereux criminels avant ceux des victimes et de leur famille, avant la sécurité et le bien-être des agents correctionnels qui doivent travailler dans ces établissements, et, bien entendu, avant le bon sens. Ce projet de loi a une trop vaste portée.
Debra Parkes, professeure à la faculté de droit de l'Université de Colombie-Britannique, a déclaré:
Le premier point, c'est que la proposition des unités d'intervention structurée élargit, plutôt qu'elle n'élimine, les conditions de l'isolement. Ces dispositions accordent des pouvoirs incroyablement vastes au commissaire de désigner comme [unités d'intervention structurée] des établissements pénitentiaires entiers ou des secteurs de ces établissements. Les buts visés par le placement dans des [unités d'intervention structurée] sont aussi très vastes, y compris celui, à l'alinéa 32a) proposé, « de fournir un milieu de vie qui convient à tout détenu dont le transfèrement dans l'unité a été autorisé et qui ne peut demeurer au sein de la population carcérale régulière notamment pour des raisons de sécurité », qui est peu défini et peu clair. C'est très vaste.
Bien que la somme de 448 millions de dollars pour les six prochaines années soit affectée au Service correctionnel du Canada dans le Budget supplémentaire des dépenses, le coût de cette mesure législative n'a pas été évalué. Nos agents correctionnels font un travail exemplaire pour assurer la sécurité de tout le monde, y compris la leur et celle des détenus, mais il arrive des incidents. Voilà maintenant que nous demandons au personnel d'en faire plus avec moins. À mesure que se produiront des incidents — et il y en aura — des gens en souffriront et ce n'est pas acceptable.
Jason Godin, président du Syndicat des agents correctionnels du Canada, a déclaré:
Pas plus tard qu’il y a quelques semaines, je me suis rendu à Edmonton, dans l’unité d’isolement, pour demander au personnel s’il répondait à l’exigence des deux heures, avec les douches et les appels téléphoniques en plus. On m'a répondu: « Absolument pas. Il est 22 heures et nous ne pouvons pas la respecter. »
À l'heure actuelle, les détenus placés en isolement sont supervisés selon un ratio de deux gardes pour un prisonnier lorsqu'ils ne sont pas dans leur unité. Le projet de loi C-83 vise à augmenter les services offerts aux détenus en isolement et à doubler le temps qu'ils passeront en dehors de leur cellule d'isolement sans sacrifier les ressources requises pour assurer la sécurité des détenus et du personnel.
C'est une autre raison pour laquelle je m'oppose au projet de loi. Il ne tient tout simplement pas la route, ce qui pourrait faire en sorte que des gens seront blessés.
L'ombudsman du Service correctionnel du Canada, le syndicat des agents correctionnels, des groupes de défense des libertés civiles et des groupes autochtones ont tous parlé du manque de consultation et ils craignent que trop de volets du projet de loi soient déterminés par les règlements. Je crains qu'on n'ait pas suffisamment tenu compte des préoccupations des groupes autochtones, des organismes de défense des libertés civiles et du personnel du service correctionnel qui doit assurer la sécurité dans les établissements. Pour être franc, le manque de consultation et de prévoyance de la part du gouvernement concernant le projet de loi C-83 est épouvantable.
Jason Godin a fait le commentaire suivant sur le processus:
Malheureusement, en raison de la confidentialité du Cabinet, comme notre commissaire nous le dit souvent, nous n’avons pas vraiment été consultés. Nous avons été aussi surpris que n'importe qui par ce projet de loi. Je ne vois pas le projet de loi avant qu’il soit déposé, alors nous n’avons pas été officiellement consultés au sujet du projet de loi C-83.
Il y a aussi la révélation stupéfiante d'Ivan Zinger, qui a dit ceci:
Toutes les consultations semblent avoir été faites à l'interne. À ma connaissance, il n'y a pas eu de consultations avec les intervenants externes. C'est pourquoi, je pense, vous vous retrouvez avec un texte qui n'est peut-être pas entièrement abouti.
Il est inquiétant que les libéraux abandonnent la pratique de l'isolement, surtout comme moyen de dissuasion à la mauvaise conduite. Les agents de première ligne perdent ainsi des outils pour gérer les détenus difficiles. La décision de recourir à l'isolement doit tenir compte de la santé mentale des délinquants ainsi que de la sécurité des gardiens, du personnel et des autres détenus.
La sécurité des détenus et des agents des services correctionnels doit être une priorité dans toute mesure législative que le gouvernement présente. Il est évident, à notre avis, que les libéraux n'ont pas bien fait le travail en ce qui concerne le projet de loi C-83. Les conservateurs du Canada demandent au gouvernement de reprendre à zéro le projet de loi C-83 pour proposer une mesure législative qui accorde la priorité à la sécurité des détenus et des agents des services correctionnels.