Madame la Présidente, j'interviens aujourd’hui au sujet du projet de loi C-83, Loi modifiant la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition et une autre loi. Ce projet de loi propose de faire ce qui suit: éliminer l’isolement préventif dans les établissements correctionnels, remplacer ces installations par de nouvelles unités d’intervention structurée, utiliser des détecteurs à balayage corporel sur les détenus, établir des paramètres sur l’accès aux soins de santé et officialiser les exceptions pour les délinquants autochtones ainsi que pour les délinquantes et pour les délinquants chez qui l’on a diagnostiqué un trouble de santé mentale.
En moyenne, le Canada compte toujours environ 40 000 détenus dans ses prisons. Dans tout le pays, il existe 8 établissements à sécurité maximale, 19 établissements à sécurité moyenne, 15 établissements à sécurité minimale et 10 établissements multidisciplinaires. Le gouvernement canadien affecte 18 000 employés pour s’occuper de ces détenus, dont 10 000 travaillent en première ligne. Ce sont des agents correctionnels, des agents de libération conditionnelle et des fournisseurs de soins de santé.
Je ne siège pas au comité qui a étudié ce projet de loi, mais j'ai pris connaissance de témoignages terriblement frappants faits par l’ombudsman du Service correctionnel du Canada ainsi que plusieurs intervenants, dont ces agents de première ligne qui servent fidèlement jour après jour.
De toute évidence, le gouvernement libéral, qui a promis de consulter les Canadiens lors de la dernière campagne électorale, n'a aucunement l'intention de tenir cette promesse parce qu'il a visiblement mené très peu de consultations, voire aucune, dans ce dossier. D'importants témoins comme l'ombudsman du Service correctionnel du Canada, le Syndicat des agents correctionnels du Canada, des groupes de défense des libertés civiles et des groupes autochtones ont tous parlé du manque de consultation et de leur crainte que trop de volets du projet de loi soient déterminés par les règlements.
Je veux aborder ce sujet pendant quelques secondes parce que, à titre de coprésident du comité d'examen de la réglementation, je peux confirmer à quel point il est important que toute loi adoptée à la Chambre ait un cadre législatif adéquat pour autoriser la prise de règlements. Trop souvent, divers ministères du gouvernement du Canada mettent en place et, dans certains cas, appliquent des mécanismes de réglementation pendant des années, alors qu'ils ne disposent pas des pouvoirs législatifs pour le faire. Il est essentiel de prévoir des pouvoirs législatifs suffisants dans cette mesure législative. Or, beaucoup de témoins qui ont comparu devant notre comité ont affirmé que les pouvoirs législatifs prévus dans le projet de loi sont insuffisants.
Ivan Zinger, l'enquêteur correctionnel du Canada, a affirmé ceci:
Toutes les consultations semblent avoir été faites à l’interne. À ma connaissance, il n’y a pas eu de consultations avec les intervenants externes. C’est pourquoi, je pense, vous vous retrouvez avec un texte qui n’est peut-être pas entièrement abouti.
Selon la Société Elizabeth Fry, il s'agit d'un mauvais projet de loi. Elle a déclaré que les unités d'intervention structurée ne sont pas nécessaires, que le projet de loi manque la cible au chapitre des programmes et que la surveillance est insuffisante. Elle se préoccupe de l'article 81 en raison du fonctionnement des corps dirigeants autochtones.
La Société John Howard dit elle aussi qu'il s'agit d'un mauvais projet de loi. Elle cherche à connaître la différence entre l'isolement et l'intervention structurée. Elle affirme qu'il n'y a pas de différence et que le projet de loi change les mots, mais propose peu de vrais changements. C'est d'ailleurs une tendance chez le gouvernement au cours des trois dernières années et demie: il prononce de bien belles paroles, mais il prend très peu de mesures concrètes.
Ce n'est pas la première fois que le gouvernement libéral fait fi des consultations effectuées auprès des intervenants des services correctionnels et impose unilatéralement sa propre idéologie. Cela s'est produit également à l'établissement pour femmes Grand Valley, situé près de ma circonscription. Cet établissement correctionnel était l'un des deux établissements choisis au Canada pour mettre en oeuvre un programme d'échange de seringues pour les prisonniers, mettant ainsi en danger les agents correctionnels et les autres détenus. Le lundi 25 juin, un programme d'échange de seringues a été inauguré à l'établissement pour femmes Grand Valley, à Kitchener.
Il est très préoccupant que le gouvernement libéral ait ordonné au Service correctionnel Canada d'approuver ce programme, qui envoie le mauvais message aux prisonniers, aux victimes d'actes criminels et à l'ensemble des Canadiens. Ce programme procurera aux prisonniers reconnus coupables d'actes criminels violents un accès à des seringues pour qu'ils puissent s'injecter eux-mêmes des substances qui sont illégales, tant au sein de la population que dans les prisons.
Je suis d'accord avec le président du Syndicat des agents correctionnels du Canada dans la région de l’Ontario, Rob Finucan, qui craint que ce programme mette en danger les agents correctionnels et les force à fermer les yeux sur une activité illégale dans le système carcéral.
Je suis conscient que des drogues illicites sont introduites dans nos établissements et que près de 1 500 saisies de drogues sont effectuées dans les prisons chaque année. Toutefois, la solution à ce problème n'est pas de fermer les yeux, mais plutôt d'appliquer efficacement la politique de tolérance zéro du Service correctionnel Canada.
L'ancien gouvernement conservateur est intervenu et s'est attaqué au problème en augmentant la fréquence des tests aléatoires de dépistage des drogues, en investissant considérablement dans la lutte contre le trafic de stupéfiants et en instaurant des peines d'emprisonnement obligatoires sévères pour la vente de drogue dans les prisons. Les citoyens de ma circonscription et tous les Canadiens aimeraient voir plus de mesures en ce sens, et non pas la normalisation de la consommation de drogues illicites dans les prisons.
Nous devons également investir beaucoup plus dans les programmes de traitement et de prévention. J'ai sur mon bureau une pétition signée par des électeurs de partout au Canada qui demande au gouvernement de mettre fin au programme d'échange de seringues en prison. Je n'ai pas encore eu le temps de présenter cette pétition, tout d'abord parce que nous sommes passés à l'ordre du jour, puis en raison de la motion d'attribution de temps. Les pétitionnaires demandent au gouvernement libéral de mettre fin au programme d'échange de seringues en prison. Le Syndicat des agents correctionnels du Canada n'a pas été consulté au sujet de ce plan, qui met en danger ses membres et la population canadienne.
Le gouvernement conservateur précédent a adopté la Loi concernant l'éradication des drogues dans les prisons, qui prévoit l'annulation de la libération conditionnelle des délinquants qui ont consommé de la drogue en prison. Selon la nouvelle réglementation, les détenus qui sont inscrits au programme d'échange de seringues en prison n'ont même pas besoin d'en aviser la commission des libérations conditionnelles.
Les pétitionnaires demandent au premier ministre et au ministre de la Sécurité publique de mettre fin au programme d'échange de seringues en prison et de mettre en place des mesures pour renforcer la sécurité des agents correctionnels et des collectivités environnantes.
Le rôle du gouvernement est d'abord et avant tout d'assurer la sécurité des citoyens, non pas de rendre la vie des criminels plus confortable. Je m'efforcerai toujours de défendre les victimes au sein du système de justice et de veiller à ce que les criminels condamnés subissent pleinement les conséquences de leurs actes.
Malheureusement, la ministre de la Santé a elle aussi pris ce genre de décision autoritaire pour obliger des collectivités à mettre en place des centres d'injection supervisée dont elles ne voulaient pas. Les familles canadiennes s'attendent à élever leurs enfants dans des milieux sûrs et sains. La Loi sur le respect des collectivités, qu'avait présentée le gouvernement conservateur précédent, a permis à la police, aux habitants et aux dirigeants municipaux d'avoir leur mot à dire sur l'ouverture de centres d'injection dans leur collectivité.
Les drogues dangereuses qui créent une dépendance déchirent des familles. Elles encouragent les comportements criminels et elles détruisent des vies. Au lieu de faciliter la vie aux toxicomanes lorsqu'ils consomment de la drogue, le gouvernement libéral devrait appuyer les programmes de désintoxication et de rétablissement pour aider les toxicomanes à surmonter leurs dépendances et imposer de lourdes peines minimales obligatoires pour sévir contre les trafiquants de drogue.
J'espère que le gouvernement libéral réfléchira un instant au mauvais signal que le Programme d’échange de seringues envoie et qu'il abandonnera cette politique le plus rapidement possible dans l'intérêt des agents correctionnels et des détenus, ainsi que des habitants de la région de Waterloo et de tous les Canadiens.
Il importe en outre de souligner qu'après avoir appris l'existence de ce programme, mes collaborateurs ont pris contact avec Jason Godin, chef du Syndicat des agents correctionnels du Canada, qui a exprimé sa colère de ne pas avoir été consulté sur un sujet qui touche directement la sécurité des agents. Ils n'ont pas été consultés. Voilà une plainte que l'on entend souvent à propos de ce projet de loi en dépit des belles paroles des libéraux pendant la campagne électorale de 2015, eux qui avaient dit que, s'ils étaient élus, le gouvernement qu'ils formeraient consulterait largement les Canadiens.
J'ai également reçu des pétitions de détenues de l'Établissement pour femmes Grand Valley opposées à ce programme, qui les exposera à davantage de risques.
L'une des déclarations les plus éloquentes que j'ai lues dernièrement sur le sujet provient d'un article du Vancouver Sun où Jason Godin affirme que « le nombre d'attaques contre des gardiens et des détenus a augmenté pendant la période où on a réduit la fréquence de l'isolement en [prévision] des nouvelles mesures législatives visant à changer le système carcéral ».
S'il y a bien des raisons de ne pas appuyer ce mauvais projet de loi, je me contenterai de vous résumer notre position.
De ce côté-ci de la Chambre, nous déplorons que rien ne soit fait pour empêcher le transfèrement de délinquants à risque élevé dans des établissements à sécurité minimale. Le projet de loi donnerait au commissaire le pouvoir de désigner certains secteurs d'un établissement comme des secteurs à sécurité de niveau inférieur où, en fonction de critères d'ordre technique, on logerait des délinquants à risque élevé.
Il est en outre inquiétant de voir les libéraux renoncer à l'isolement préventif comme moyen de décourager les mauvais comportements, privant ainsi les agents de première ligne d'un outil de contrôle des prisonniers difficiles.
Le projet de loi ne jouit de l'appui d'aucun intervenant majeur ayant comparu devant le comité, qu'il soit de gauche ou de droite…