Monsieur le Président, j’aimerais commencer ce soir par remercier Lisa Freeman, d’Oshawa, pour la création de ce projet de loi. Je connais Lisa depuis de nombreuses années, et l’on ne saurait trop insister sur son apport à la défense des intérêts publics, qui a mené à la présentation de ce projet de loi aujourd’hui.
Avant de me pencher sur l’histoire de Lisa et sur ses contributions à ce projet de loi, je tiens à préciser que je ne mentionnerai pas le nom de la personne qui a assassiné son père en 1991. Nous ne sommes pas là pour donner de la notoriété à des gens qui prennent la vie d’autres personnes innocentes.
Le père de Lisa, Roland Slingerland, a été brutalement attaqué et assassiné en 1991. Lisa n’avait que 21 ans à l’époque et elle a eu la tâche d’identifier son père après l’agression. Le meurtrier a été reconnu coupable et condamné à l’emprisonnement à perpétuité sans possibilité de libération conditionnelle avant 25 ans, ce qui est la pratique courante pour les crimes violents comme celui-ci.
Cependant, 20 ans après le début de sa peine, l’homme qui a brisé la vie de Lisa est devenu admissible à une libération conditionnelle anticipée, pour des raisons qui n’ont jamais été communiquées clairement à Lisa ou à sa famille. On ne lui a pas dit ce que le meurtrier de son père avait fait pour devenir admissible à une libération conditionnelle anticipée. On ne lui a pas dit pourquoi la Commission des libérations conditionnelles envisageait de libérer le meurtrier qui avait enlevé la vie d’un homme innocent, son père innocent. On ne lui a pas expliqué pourquoi son gouvernement faisait preuve d’indulgence à l’égard d’un criminel qui méritait vraiment sa punition.
Le fait est que Lisa Freeman n’a jamais reçu une seule justification pour expliquer pourquoi le système judiciaire de son pays était prêt à tourner le dos aux gens qu’il était censé protéger.
Dans le Code criminel tel qu’il est actuellement, aucune loi n’oblige la Commission des libérations conditionnelles à expliquer aux victimes et à leur famille la raison pour laquelle le criminel qui a commis un crime contre elles est admissible à une libération conditionnelle anticipée. De nombreux textes législatifs protègent les droits des victimes. Comme la Chambre le sait, il existe littéralement une Charte canadienne des droits des victimes, dans le seul but de veiller à ce que la protection des droits des victimes demeure une priorité absolue pour le système judiciaire.
Cependant, les lois actuellement en vigueur ne prévoient tout simplement pas le droit des victimes de savoir: le droit de savoir pourquoi ceux qui leur ont fait du tort sont admissibles à la libération. Lorsqu’un tribunal condamne un individu, le système judiciaire ne se contente pas de punir ou de réadapter une personne; il rend également justice au nom de la victime.
Toutefois, lorsqu’un criminel condamné qui n’est même pas censé être admissible à une libération conditionnelle avant cinq ans a la possibilité de se promener librement en public, il n’est pas juste pour la famille de la victime d’être tenue dans l’ignorance quant aux raisons ou aux circonstances de cette libération.
Je vais donner un autre exemple de l’inexistence du droit des victimes d’être informées au Canada. L’assassin de M. Slingerland a été transféré dans une prison en Colombie-Britannique, située à seulement 10 kilomètres de la maison de la sœur de Lisa, et ce n'est que 24 heures après le transfert que Lisa en a été avisée.
Ce n’est là qu’un autre exemple de ce qu’a vécu Lisa et de ce que vivent bien d’autres personnes comme elle chaque jour: elles sont mal informées. Depuis, le tueur a été transféré dans une prison à sécurité minimale sur l’île de Vancouver. Cet établissement a même été qualifié de « club fed » en raison du laxisme dont profitent les détenus.
Cette injustice institutionnelle pure et simple a incité Lisa à se porter à la défense des droits des victimes, en particulier le droit de savoir pourquoi ceux qui les ont fait souffrir et ont fait souffrir la population dans son ensemble sont admissibles à la libération. Elle a non seulement défendu les droits des victimes dans ma collectivité, mais elle est même allée jusqu’à écrire son propre livre, intitulé She Won't Be Silenced, pour parler de son expérience tout au long du processus de la Commission des libérations conditionnelles.
Ce sont des gens comme Lisa Freeman qui font du Canada le meilleur pays du monde. Sous le choc après l’annonce de la libération conditionnelle anticipée, elle a pris position pour s’assurer que personne d’autre n’ait jamais à vivre le traitement, la négligence et la noirceur qu'elle a dû subir à la suite de l’annonce soudaine et mystérieuse faite par la Commission.
J’aimerais prendre le temps de lire à haute voix une déclaration de Lisa au sujet de ce projet de loi d’initiative parlementaire: « Des familles comme la mienne sont plongées dans des situations insondables, puis sont encore plus démoralisées et traumatisées par les actions d’un gouvernement, c’est-à-dire la Commission des libérations conditionnelles du Canada, le Service correctionnel du Canada, des institutions qui se disent favorables aux victimes de crimes, ce qui est, au mieux, une illusion.
Après avoir fait affaire avec le Service correctionnel du Canada depuis 2011, lorsque j’ai demandé pourquoi le meurtrier de mon père s’était vu accorder plusieurs autorisations de sortie quatre ans avant la date de sa libération conditionnelle, j’en ai rapidement eu assez des belles paroles et de l’étalage de vertu du Service correctionnel du Canada, qui prétend aider les victimes, mais qui, en réalité, fait le contraire.
Sous prétexte de réadaptation, les victimes d’actes criminels doivent souvent se contenter de regarder les délinquants violents exercer leurs droits, ce qui, comme la plupart des victimes d’actes criminels le constatent, n’est rien de plus qu’une parodie de justice et de bon sens fondamental. J’ai vite compris que tout accès du délinquant à ses droits me privait en fait des miens, ce qui a été prouvé à maintes reprises.
Il incombe au gouvernement de veiller à ce que les victimes d’actes criminels soient traitées avec dignité et respect et de fournir des renseignements exacts en temps opportun et de façon transparente. Grâce à ce projet de loi, il évitera de donner un faux sentiment de réconfort. Les familles comme la mienne et même les familles partout au pays qui essaient de naviguer dans le système à un moment déjà très éprouvant méritent plus, et à tout le moins, elles méritent des renseignements exacts. »
C’est à cause de Lisa Freeman que je prends la parole aujourd’hui à la Chambre au sujet de ce projet de loi d’initiative parlementaire qui propose des modifications au Code criminel pour faire en sorte que toutes les victimes et leur famille sachent comment les dates de libération conditionnelle et l’admissibilité sont déterminées, car les lois en vigueur ne prévoient rien à cet égard.
Même si, à mon avis, il est essentiel de sévir contre la criminalité pour créer un Canada plus sûr, il ne faut pas oublier les victimes d’actes criminels, en particulier d’actes criminels violents, comme le meurtre du père de Lisa. Dans chaque affaire criminelle, les deux parties opposées sont la Couronne et la défense. Cependant, il est juste de ne pas oublier les victimes. Ce sont elles qui souffrent vraiment aux mains des criminels. Dans des cas comme celui de Lisa, les victimes souffrent non seulement aux mains des criminels, mais aussi aux mains du gouvernement lorsqu’elles sont tenues dans l’ignorance.
La Commission des libérations conditionnelles accède à 79 % des demandes de semi-liberté qu’elle reçoit. Pour les victimes de crimes commis par des personnes admissibles à une libération conditionnelle anticipée, il est tout à fait logique et humain de les informer de la probabilité très élevée que ceux qui leur ont fait du tort soient mis en liberté avant la fin de leur peine.
Il s’agit vraiment d’une question non partisane. Fournir une explication raisonnable n’est pas seulement logique, c’est aussi faisable. À ce moment-là, lorsque la Commission des libérations conditionnelles détermine la date d’admissibilité à la libération conditionnelle d’un criminel condamné, elle envoie un document à la victime qui a été lésée par le crime du criminel. Tout ce que ce projet de loi exige, c’est que la Commission des libérations conditionnelles précise pourquoi la date d’admissibilité à la libération conditionnelle a été choisie. Les considérations financières et procédurales potentielles sont très limitées, voire inexistantes.
Cette mesure législative exigerait que les renseignements concernant la révision et l’admissibilité à toute forme de libération conditionnelle soient communiqués par écrit aux victimes du délinquant. Ainsi, les victimes et les familles n’auraient pas à se sentir mal informées au sujet de ceux qui leur ont fait du mal. Une explication de la façon dont les dates d’admissibilité à la libération conditionnelle sont déterminées serait également exigée dans la documentation écrite. C’est une simple question de transparence. Les victimes méritent d’obtenir des renseignements exacts en temps opportun sur le processus de libération conditionnelle.
Chaque jour où nous n’adoptons pas de loi favorisant la transparence des décisions en matière de libération conditionnelle, une autre victime et une autre famille sont réduites à constater que le gouvernement les a négligées.
Ce projet de loi éviterait de donner aux victimes le sentiment de faux réconfort que leur procurent de fausses informations sur l’admissibilité à la libération conditionnelle. Il vise à rendre les procédures de la Commission des libérations conditionnelles plus transparentes et plus respectueuses des droits des victimes et de leur famille.
Ce projet de loi a été applaudi par les défenseurs des droits de la personne, qui estiment qu’il donnera une voix plus forte aux victimes d’actes criminels. Celles-ci ne seront plus éclipsées en raison de l’attention portée aux condamnés. Elles auront la possibilité de bien comprendre le fonctionnement du système judiciaire et les motifs des décisions de justice rendues dans le dossier les concernant.
Il incombe au gouvernement de veiller à ce que les victimes d’actes criminels soient traitées avec le plus grand respect et la plus grande dignité. Jusqu’à maintenant, le gouvernement a manqué à son devoir de protéger les plus vulnérables. Il était grand temps que la Chambre intervienne pour remédier à cette situation.
En terminant, surtout, je dirais que les Canadiens victimes d’actes criminels ne méritent pas de se voir infliger de nouvelles épreuves par le système de libération conditionnelle, qui est coupable d'un manque de transparence. Il est du devoir des législateurs de cette Chambre de remédier aux failles du système. Voilà pourquoi je prends la parole aujourd’hui. J’invite mes collègues de la Chambre à appuyer ce projet de loi.
J’aimerais par ailleurs remercier ma collègue, la députée de Milton, d’avoir été le fer de lance de cette initiative visant à assurer la transparence du système judiciaire pour les personnes les plus vulnérables. Ce fut un honneur de travailler avec elle. Ce projet de loi d’initiative parlementaire témoigne de la grosse somme de travail qu’elle a accomplie pour ses électeurs et tous les Canadiens.