Monsieur le Président, le projet de loi C-83 a deux objectifs principaux.
D'abord, il permettra la séparation des détenus fédéraux de la population carcérale générale quand cela est nécessaire pour des raisons de sécurité. Ensuite, il fera que les détenus auront accès aux interventions, aux programmes et aux soins de santé mentale dont ils ont besoin afin de retourner à la population générale de façon sécuritaire et d'avancer vers une réadaptation et une réinsertion réussies.
Le projet de loi atteindrait ces objectifs en remplaçant le système actuel d'isolement préventif par des unités d'intervention structurée. Dans ces unités, les détenus pourraient passer deux fois plus de temps hors de leur cellule — quatre heures au lieu de deux — et ils auraient droit à deux heures de contacts humains réels tous les jours.
Nous avons prévu 448 millions de dollars sur six ans pour veiller à ce que le service correctionnel dispose des ressources nécessaires pour mener des programmes et des interventions s'adressant aux détenus des unités d'intervention structurée et mettre en œuvre ce nouveau système de façon sécuritaire et efficace. Ce financement comprend 150 millions de dollars pour les soins en santé mentale, autant dans ces unités que dans le reste du système carcéral fédéral.
Le projet de loi C-83 a été présenté en octobre dernier. Le comité de la sécurité publique l'a étudié en novembre et l'a renvoyé à la Chambre en décembre avec plusieurs amendements. D'autres amendements ont été proposés à l'étape du rapport, en février, notamment celui de la députée d'Oakville-Nord—Burlington, qui ajoutait un système d'examens externes obligatoires.
Au cours des derniers mois, les honorables sénateurs ont étudié le projet de loi et ils nous l'ont maintenant renvoyé avec des propositions d'amendements. L'intérêt considérable suscité par le projet de loi C-83 montre l'importance du système carcéral fédéral et des lois et politiques qui le régissent. Le caractère humain et efficace des établissements carcéraux est essentiel à la sécurité publique et il définit l'identité du Canada. Comme le disait Dostoïevski, la situation dans les prisons témoigne du degré de civilisation d'une société.
Je remercie sincèrement tous les intervenants qui ont témoigné et qui ont présenté des mémoires au cours des neuf derniers mois, ainsi que les parlementaires des deux Chambres qui ont examiné le projet de loi et qui ont formulé des suggestions réfléchies et constructives.
Depuis que le comité sénatorial des affaires sociales a terminé l'étude article par article du projet de loi il y a quelques semaines, le gouvernement étudie attentivement les recommandations du comité, qui visent toutes à atteindre des objectifs louables. Nous proposons d'accepter plusieurs amendements du Sénat tels quels ou avec des modifications mineures.
Tout d'abord, à quelques détails près, nous appuyons les amendements qui exigent que la santé mentale de tous les détenus soit évaluée dans les 30 jours suivant leur admission dans un établissement fédéral et dans les 24 heures suivant leur transfèrement dans une unité d'intervention structurée. Ces mesures sont conformes à l'idée de mettre l'accent sur le diagnostic et le traitement précoces, qui seront financés par les sommes importantes que nous consacrons aux soins de santé mentale.
Nous souscrivons à la proposition de modifier l'article 29 de la loi, qui porte sur les transfèrements, pour mettre l'accent sur la possibilité de transférer un détenu dans un hôpital, hors du milieu carcéral. Le Service correctionnel du Canada gère cinq hôpitaux psychiatriques certifiés et il disposera de nouvelles ressources importantes pour les soins de santé mentale. Le transfert vers un établissement externe pourrait néanmoins être approprié dans certains cas. Si le transfert peut être effectué de façon sécuritaire, si l'hôpital a les ressources nécessaires et si cette décision est dans l'intérêt du patient, on devrait suivre cette option. En fait, c'est pour cette raison que nous avons prévu des fonds, dans le budget de 2018, pour financer plus de lits en santé mentale à l'externe.
Nous souscrivons aussi à un amendement touchant l'examen initial des transfèrements à une unité d'intervention structurée. Le projet de loi exigerait que le directeur de l'établissement procède à un examen dans les cinq premiers jours. Cet amendement précise que cette période de cinq jours commence dès que la décision de placer le détenu dans cette unité est prise plutôt qu'au moment où le détenu arrive dans l'unité.
À quelques petits changements près, nous adhérons à deux amendements à l'article du projet de loi qui exigerait la prise en considération de facteurs systémiques et historiques dans les décisions touchant les détenus autochtones. L'un d'eux préciserait que le passé familial et l'historique d'adoption de la personne doivent être pris en compte dans l'analyse. L'autre préciserait que ces facteurs peuvent être utilisés pour faire baisser le niveau de risque que pose le détenu, mais non pas pour l'augmenter.
Il va sans dire que ces dispositions ne suffiraient pas à elles seules à régler le problème de la surreprésentation des Autochtones dans le système correctionnel. Les facteurs socioéconomiques en amont qui entraînent les proportions élevées d'Autochtones dans le système de justice pénale doivent de façon générale être abordés de concert avec d'autres ministères et organismes, un travail qui est d'ailleurs en cours. Le Service correctionnel est chargé de veiller à ce que les Autochtones incarcérés se voient vraiment offrir l'occasion de se reprendre en main. Ces amendements devraient contribuer à la réalisation de cet objectif.
Nous souscrivons à l'objet de deux autres amendements et proposons essentiellement un compromis au Sénat.
Le premier est un amendement qui cherche à ajouter certains éléments à l'article 4 de la loi, qui établit les principes de fonctionnement du Service correctionnel. Plus particulièrement, cet amendement met l'accent sur des mesures de rechange à l'incarcération. Nous convenons qu'il faudrait systématiquement prendre en considération ces solutions de rechange et les utiliser là où c'est approprié.
Toutefois, nous voulons suggérer quelques modifications au libellé du Sénat. Par exemple, dans l'amendement, on nomme les articles 29, 81 et 84 de la loi comme des articles prévoyant des mesures de rechange à l'incarcération. L'article 29 porte sur les transfèrements à des hôpitaux et l'article 81, sur les transfèrements à des pavillons de ressourcement. Leur inclusion dans l'amendement est donc logique. Toutefois, l'article 84 concerne la libération dans une collectivité autochtone après l'incarcération. Il ne prévoit pas de solution de rechange, mais la prochaine étape après la libération du détenu. Nous proposons donc de l'enlever de la liste.
L'amendement exigerait aussi qu'on privilégie les mesures de rechange à l'incarcération. Honnêtement, c'est fort problématique. Ces mesures de rechange devraient être utilisées lorsque c'est approprié, car il y a des situations où l'incarcération est une solution valable et nécessaire. Des mesures de rechange devraient être considérées, mais pas nécessairement privilégiées.
En outre, par souci de clarté, nous proposons de supprimer ou de remplacer certains termes qui n'ont pas un sens juridique bien établi, tels que « isolement carcéral », « personnes incarcérées » ou « interprétation large reposant sur les droits de la personne ». De toute évidence, tout ce que les organismes gouvernementaux font devrait reposer sur les droits de la personne. Toutefois, pour pouvoir être exécutoires et exploitables, les termes juridiques doivent être définis de façon claire et précise. Or, si nous demandions à tous les députés d'expliquer ce que signifie le fait de donner à une mesure législative une interprétation large et reposant sur les droits de la personne, nous obtiendrons probablement 338 réponses différentes.