Madame la Présidente, j'aimerais d'abord annoncer que je vais partager mon temps de parole avec ma collègue de Salaberry—Suroît.
À titre de porte-parole en matière d'agriculture, d'agroalimentaire et de gestion de l'offre pour le Bloc québécois, je vais vous entretenir aujourd'hui d'agriculture.
Nous avons été satisfaits de constater que les compensations promises aux producteurs laitiers avant la campagne électorale étaient inscrites au discours du Trône. À ce sujet, nous assurons notre pleine collaboration au gouvernement pour la suite des choses.
Par contre, je désire faire remarquer au gouvernement qu'il manque plusieurs compensations promises lors de la signature des traités de commerce. Les productions de poulet, de dindon, d'œufs d'incubation et d'œufs de consommation ne sont pas encore couvertes, et aucune entente n'est encore intervenue entre ces producteurs et le gouvernement.
Nous demandons par conséquent que le gouvernement agisse avec diligence et procède le plus rapidement possible au règlement de ce dossier. Tous les engagements et toutes les promesses de compensation doivent devenir réalité. La santé financière de nos entreprises agricoles en dépend.
Il n'y a pas eu d'entente non plus dans le secteur de la transformation laitière. Non seulement les compensations de ce secteur ne sont pas fixées, mais aussi toutes les questions de contingence, c'est-à-dire les licences d'importation, restent à fixer de façon définitive. Sur cette question, nous avons une inquiétude. En effet, en ce qui concerne le traité avec l'Europe, on nous a annoncé qu'une fixation permanente des licences d'importation serait annoncée en janvier. Or, nous n'avons en ce moment aucune autre information.
Les quotas avaient été fixés de façon provisoire à 55 % pour les détaillants et à 45 % pour les transformateurs. Or il appert que ce ratio est nuisible à l'industrie québécoise. Les détaillants profitent de cette situation pour importer des quantités importantes de fromages dont des équivalents sont déjà produits ici à bas prix. Ces produits remplacent les produits locaux sur les tablettes et occasionnent des pertes pour les producteurs du Québec.
Ainsi, pour le plus grand bien de notre production locale, il est urgent de modifier ce ratio en augmentant considérablement la part des transformateurs. Ces derniers, lorsqu'ils sont titulaires des licences, importent en toute logique des produits complémentaires à la production locale. Ils font ainsi moins concurrence à nos producteurs locaux. Cette répartition est aussi plus avantageuse pour les consommateurs, qui se voient offrir une plus grande variété de produits. C'est gagnant-gagnant.
Je demande donc aujourd'hui quelles sont les intentions du gouvernement à cet effet. Les producteurs, les transformateurs, les consommateurs et nous-mêmes avons besoin d'une réponse claire.
Voilà ce que je souhaitais dire au sujet des compensations. Or, bien que ces compensations soient nécessaires et souhaitées maintenant par nos producteurs agricoles, il ne s'agit pas de leur premier choix. Les agriculteurs du Québec sont des gens fiers. Ils ne veulent pas être des assistés du gouvernement. Ce qu'ils veulent, c'est travailler. Pour ce faire, ils ont besoin, maintenant plus que jamais, que le gouvernement bouge et protège de façon définitive et sans équivoque le système de gestion de l'offre.
Nous ne nous satisferons pas cette fois-ci d'un engagement ou d'une simple motion. Ce que nous voulons, c'est qu'une loi protège notre système de gestion de l'offre, afin que plus jamais on ne puisse l'amputer de nouveau. Ce système n'a pas d'équivalent dans le monde. Il permet d'assurer un produit de qualité, un prix stable et un niveau de vie décent pour nos producteurs. Ce système, on ne devrait pas le découper en morceaux. On devrait plutôt le préserver et en faire la promotion à l'international. Il fonctionne bien, ce système. De plus, à la base, il ne demandait aucune subvention gouvernementale. Il est surréaliste de voir ce système novateur remplacé graduellement par un système de compensation, donc de subventions.
Au Bloc québécois, nous demandons un engagement ferme du gouvernement à cet effet. Le gouvernement est-il prêt à bouger, et à protéger notre façon de faire de l'agriculture?
Les gens du NPD nous ont affirmé qu'ils allaient appuyer notre démarche. Les gens du Parti conservateur parlent beaucoup d'agriculture depuis le début des travaux et le chef de l'opposition s'est déjà prononcé en faveur de notre système de gestion de l'offre par le passé. J'imagine — du moins, je l'espère — que son parti va lui aussi appuyer notre demande.
Du côté du gouvernement, quelles sont les intentions?
J'ai écouté attentivement la déclaration que la ministre a faite le 3 décembre dernier lors du congrès de l'Union des producteurs agricoles, à Québec. J'ai bien compris que la ministre voulait rassurer les agriculteurs sous gestion de l'offre et leur garantir que son gouvernement avait l'intention de protéger le système et de ne plus jamais céder de nouvelles parts de marché. Je présume donc que le gouvernement acceptera de protéger pour vrai notre système de gestion de l'offre au moyen d'une loi.
Si c'est bien le cas, nous aurons un formidable consensus à la Chambre, et nous exclurons de façon définitive notre système de gestion de l'offre de toute future négociation internationale. Il est impératif de le faire. Les négociations sur le Mercosur et le probable Brexit nous forcent à accélérer le pas. Je le demande aux élus de la Chambre, agissons promptement.
J'aimerais aussi entretenir la Chambre de la récente crise de propane, qui a eu de très graves conséquences sur le monde agricole. Après une année terrible sur le plan climatique, avec son printemps pluvieux et tardif, son hiver et sa neige hâtifs, il y a eu la grève du CN. Tout cela est venu noircir le portrait d'une situation de la saison 2019 déjà très difficile pour les producteurs de grains.
Les approvisionnements en propane ont été interrompus dès le premier jour, sans aucun préavis de la part de l'entreprise. Les producteurs se sont retrouvés avec des silos remplis de grain humide, impossible à assécher, ou devant des champs enneigés non récoltés. Ils ont dû se résigner à regarder le grain se détériorer dans les champs, faute de combustible pour procéder au séchage.
Cette situation est inacceptable. Le Bloc québécois a demandé qu'on agisse dès le départ, notamment en s'assurant que le propane circule en priorité sur les rails du CN pour assurer l'approvisionnement en propane de nos producteurs. Cette interruption de service aura été fatale pour de nombreuses productions.
Selon les dires de M. Overbeek, président des Producteurs de grain du Québec, plusieurs entreprises ne passeront pas au travers de l'année 2019. Pour ajouter à tout cela, lors de la reprise du service, les agriculteurs ont dû subir une hausse déraisonnable du prix du propane. Il est révoltant de voir une industrie profiter d'une autre quand celle-ci est dans la misère. Encore, samedi dernier, des producteurs de Saint-Barthélemy, dans Berthier—Maskinongé, me racontaient leurs déboires de la dernière année en ayant peine à retenir leurs émotions. Certains tentent encore de récupérer une partie du grain en le récoltant de nuit parce que les conditions y sont plus favorables. Plusieurs ont aussi baissé les bras. Les agriculteurs, nos producteurs de grain, ont besoin d'un signal. Ils ont besoin d'un geste, d'une mesure de leurs élus pour leur montrer qu'ils les soutiennent.
Sur le prix du propane, le gouvernement fédéral a peu d'emprise. Cependant, là où on peut agir, on doit le faire. À court terme, il s'agit de compensations. Le gouvernement fédéral s'engage-t-il à emboîter le pas au moment où le gouvernement du Québec fera une demande afin de soutenir de façon extraordinaire nos producteurs, considérant la crise hors du commun qu'ils viennent de traverser?
À long terme aussi, il faudra agir. Le gouvernement est-il prêt à réfléchir afin d'assurer dans l'avenir un approvisionnement énergétique minimal en milieu agricole? Au Bloc québécois, nous trouvons que ce que nos agriculteurs ont vécu n'est pas admissible et que cela ne doit plus se produire. Nous devons prendre des mesures.
Il a été question, au cours des débats, de nos relations avec la Chine. Là aussi, les agriculteurs sont ceux qui écopent. Les exportations de porc ont pu reprendre, mais nos producteurs ont subi de lourdes pertes qu'il faudra compenser. Nous pensons qu'il faut également se doter d'un fonds d'urgence afin de soutenir toute production agricole qui serait touchée par une future crise diplomatique. Nos producteurs de canola sont aussi très durement touchés. Nous devons leur venir en aide.
N'oublions pas que les autres pays n'hésitent pas, eux, à soutenir le monde agricole. Cela donne aux producteurs étrangers un avantage indu par rapport à nos producteurs locaux. Il faudra aussi se questionner sur le soutien qu'on pourra apporter à nos producteurs de bovins. En ce qui a trait aux normes de transport qui vont entrer en vigueur en février prochain, la ministre a annoncé un sursis de deux ans pour ce qui est des sanctions qui seront appliquées.
Profitons de cette période pour réfléchir à la manière dont on peut venir en aide à nos producteurs et pour instaurer des normes de façon raisonnable afin de ne pas mettre en danger notre agriculture.
J'aurais pu parler de quelques autres sujets, mais je vais conclure maintenant et j'y reviendrai dans mes réponses. Le monde agricole a été mis à mal ces dernières années. Les gens de nos campagnes ont besoin d'aide et de reconnaissance. Ils ont besoin de nous. N'oublions jamais que, lorsqu'on parle du monde agricole, on parle non seulement de notre garde-manger et de notre souveraineté alimentaire, donc de notre sécurité, mais on parle aussi de l'occupation dynamique et complète de notre territoire.