Madame la Présidente, je tiens à reprendre ce qu'a dit notre chef ce matin. Comme il l'a dit, nous sommes tous inspirés par les jeunes de partout au pays et les gens de tous les horizons qui se battent pour les droits de la personne et la justice climatique.
Je souhaite aussi reconnaître l'incertitude qui plane dans l'ensemble du pays. Les gens craignent d'avoir du mal à se rendre au travail. Les employés de VIA Rail et du CN ont peur de perdre leur emploi. Les gens ont peur de ne pas recevoir les produits dont ils ont besoin pour assurer leur sécurité. Nos pensées accompagnent ces travailleurs.
Mes pensées accompagnent aussi ceux qui se trouvent en première ligne dans les barrages, comme j'ai moi-même dû le faire, en tant que personne autochtone, pour défendre mes droits fondamentaux ici, au Canada. Je comprends la situation. Ces gens défendent ce qu'ils savent être la vérité. Ils tiennent tête et ils affirment clairement défendre les droits de toutes les personnes. Ils espèrent que cette fois-ci, peut-être, les choses changeront enfin.
C'est une crise terrible que nous vivons, mais elle se reproduit constamment. Le premier ministre a froidement parlé d'une crise qui perturbe les infrastructures, mais ce n'est pas de cela qu'il s'agit. C'est une crise qui touche les droits de la personne et qui découle du fait que les Autochtones ont été injustement dépossédés de leurs terres. C'est une crise qui touche des gens de partout au pays.
Les Canadiens s'attendent maintenant à ce que nous fassions tous preuve de leadership, y compris le premier ministre. Pour l'instant, il y a un fossé énorme entre ce que le premier ministre et le gouvernement ont promis et ce qui a été fait.
Cette crise n'est pas arrivée du jour au lendemain. Elle découle de la dépossession injuste ayant privé les Autochtones de leurs terres ainsi que des violations des droits de la personne et du colonialisme violent qui ont été tellement normalisés que les Autochtones ne jouissent pas des normes minimales en matière de droits de la personne dont tout le monde, autochtone ou non, doit pouvoir bénéficier pour mener une vie heureuse. Ces normes minimales sont établies dans la Charte des Nations unies, la Déclaration universelle des droits de l'homme, les lois internationales en matière de droits de la personne et la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones, autant de déclarations et de lois que le Canada a accepté de suivre, mais qu'il viole souvent, dans les faits. C'est une situation qui se perpétue.
Ces violations des droits de la personne ont eu des répercussions sur ma propre famille et ma propre nation. Les pensionnats, la rafle des années 1960 et la dépossession de nos terres ont eu des effets sur nos communautés qui perdurent encore aujourd'hui. Les pensionnats ont déstabilisé nos familles. On a procédé à l'incarcération forcée de nos enfants pour nulle autre raison que l'origine de nos ancêtres, une lignée de grands chefs qui nous enseignaient le respect, l'amour, le courage, l'humilité, la vérité, la sagesse et la gentillesse, les sept lois sacrées qui guidaient un merveilleux mode de vie.
Le premier ministre avait promis de faire les choses différemment. Il s'était engagé à travailler à la réconciliation. Les peuples autochtones sont, encore une fois, déçus. On a trahi, encore une fois, les promesses qu'on leur avait faites ce qui a laissé nombre de leurs membres sans abri sur leurs propres terres.
Depuis des générations, on promet une chose et on fait le contraire. Au lieu de tirer des leçons du passé, le premier ministre a aggravé la situation. Il avait promis d'être différent. Il avait promis d'apporter des changements. Il avait promis de prendre des mesures concrètes pour appuyer la réconciliation. Il a dressé une liste des choses qu'il a faites, mais regardons ses réalisations et celles de son gouvernement.
Il a trahi ces promesses. Lui et son gouvernement ont fait fi des décisions des tribunaux, du Parlement et de leurs propres promesses. Ils ont continué de traîner devant les tribunaux les enfants des Premières Nations qui se battent pour avoir un accès équitable aux programmes et aux services et pour jouir des mêmes droits de la personne que les autres enfants sur les terres que nous appelons maintenant Canada. Ils ont trahi leur engagement de combler l'écart dans le financement de l'éducation des enfants dans les réserves et ils ont sous-financé les programmes destinés à aider les femmes autochtones à retrouver leur statut et à aider celles ayant fréquenté les écoles de jour à obtenir une indemnisation. Malgré toutes leurs promesses, ils se sont traîné les pieds pour ne pas avoir à s'acquitter de leur obligation de fournir de l'eau potable dans les communautés autochtones partout au pays. Or, il s'agit de droits de la personne fondamentaux.
Tout cela, le premier ministre l’a fait en mettant à mal les peuples autochtones et en se moquant d’eux, notamment de la jeune protectrice de l’eau et des terres de Grassy Narrows, qui a participé à une activité de financement et a attiré l’attention sur la question de l’eau potable. Ce n’est pas une plaisanterie. Nous ne sommes pas une plaisanterie.
J’ai jeûné le long des barrages érigés à Grassy Narrows, sur ces magnifiques terres qui ont subi les contrecoups de l’activité humaine. Une fois de plus, Grassy Narrows se voit refuser le droit à un environnement sain, et le gouvernement tarde désespérément à y installer un centre de traitement pour les personnes souffrant d’un empoisonnement au mercure.
À la Chambre, il y a quelques semaines, lorsque le NPD a exhorté le premier ministre à accepter l’invitation des chefs héréditaires de Wet'suwet'en, le premier ministre a ri et déclaré que ce n’était pas son problème, puisque cela relevait « entièrement de la compétence provinciale ». Je peux dire une chose. Je suis heureuse que le premier ministre ne réclame pas l’intervention de la police. Nous avons déjà vu les conséquences qu’une telle intervention peut avoir. Cependant, comment a-t-il pu, il y a à peine quelques semaines, être aussi inconscient de la réalité sur le terrain, et faire fi des voix des Autochtones et des jeunes de partout au pays? Comment a-t-il pu être aussi aveugle, il y a à peine quelques semaines? Cela en dit long sur le pourquoi et le comment de la situation actuelle.
Il existe un malentendu fondamental, volontaire ou non, concernant les faits qui entourent la situation à laquelle nous faisons face. La plupart des Canadiens ont appris une version de l’histoire qui fait fi du colonialisme violent sur lequel notre pays est fondé et qui se perpétue aujourd’hui sous nos yeux. Dans ce pays, le concept de la primauté du droit a été utilisé pour arracher des enfants à leur famille. Nous ne pouvons pas choisir de recourir à la primauté du droit uniquement lorsque cela sert nos intérêts économiques. Nous devons faire respecter la primauté du droit de sorte que tous les habitants de ce pays puissent jouir des droits de la personne et que les Autochtones puissent également se prévaloir de leurs droits et titres ancestraux.
La Commission de vérité et réconciliation du Canada et la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones nous ont montré la voie à suivre. Cependant, il ne suffit pas d’adopter une déclaration: il faut aussi la respecter. Nous devons respecter des normes minimales en matière de droit de la personne et utiliser la primauté du droit non pas pour punir, mais pour offrir une bonne qualité de vie à tous les peuples qui vivent en ce lieu que nous appelons aujourd’hui le Canada.