Monsieur le Président, je vais partager mon temps de parole avec la députée de Vancouver Granville.
J'ai écouté la plupart des interventions du débat d'urgence de ce soir et j'aimerais aborder le sujet sous un angle différent, c'est-à-dire expliquer pourquoi nous en sommes là.
Il y a une vingtaine d'années, le gouvernement libéral de l'époque a carrément jeté des agriculteurs en prison pour avoir franchi la frontière dans le but de vendre leurs céréales aux États-Unis. D'un autre côté, des manifestants bloquent aujourd'hui des infrastructures essentielles à la bonne marche du pays, mais le gouvernement libéral ne fait rien pour remédier à la situation.
Quelqu'un a pensé aux dommages collatéraux de cette inaction? Les agriculteurs de tout à l'heure, qui demandaient seulement à vendre leurs céréales, ont été jetés en prison par les libéraux. De nos jours, les tribunaux ont confirmé que les barricades érigées par les manifestants sont illégales, mais les libéraux ne lèvent pas le petit doigt. On peut imaginer le message que cela envoie aux agriculteurs du pays. Ces barricades sont en train d'étouffer l'économie canadienne, et les conséquences sont bien réelles.
Vendredi, un producteur de grains de ma circonscription est venu à mon bureau à High River. Je dois admettre que je vois rarement des agriculteurs et des éleveurs de bétail au bord des larmes, mais cet agriculteur octogénaire était extrêmement furieux. Il a connu ce qui a été considéré comme la pire saison des récoltes imaginable cet automne. Il procède enfin aux récoltes. Tout au long de janvier et de février, lorsqu'il faisait beau, certains agriculteurs de ma circonscription étaient à l'extérieur sur leur moissonneuse-batteuse, essayant de récolter ce qu'ils pouvaient.
Voilà maintenant que cet agriculteur à mon bureau demande ce qu'il peut faire d'autre. Il a vécu l'un des pires printemps et l'un des pires automnes en 60 ans. Il a fini par faire les moissons, mais, il doit maintenant composer avec les blocages. Il n'y a pas de train au terminus où il pourrait vendre ses denrées et acheminer son produit jusqu'au marché.
Ce sont les conséquences réelles que vivent les agriculteurs de tout le pays. Ce n'est pas juste dans l'Ouest canadien ou dans ma circonscription. Il en est ainsi dans chaque région du pays.
Les députés d'en face disent ne pas vouloir précipiter les choses et vouloir discuter et ouvrir le dialogue, disant qu'ils seront là aussi longtemps qu'il le faudra. Toutefois, il y a des propriétaires d'entreprise, des agriculteurs et des éleveurs de bétail dans tout le pays qui ne peuvent vraiment pas attendre que prenne place ce dialogue et regarder le gouvernement libéral rester à l'écart en espérant que la crise se règle d'elle-même. Ils seront en faillite avant que la crise soit réglée si le premier ministre continue à ne rien faire.
Ce n'est pas purement rhétorique. J'ai entendu un grand nombre de mes collègues en face dire que ce n'était que des paroles en l'air. J'aimerais présenter en chiffres la situation actuelle. À l'heure actuelle, dans le port de Prince George, 19 navires attendent un chargement de grain. Ils leur en manque 400 000 tonnes. Dans le port de Vancouver, 42 navires attendent un chargement.
Seulement à Prince George, on attend 400 000 tonnes de grain, soit environ 4 000 wagons. Chaque journée d'attente coûte environ un million de dollars. Si on inclut les deux ports, on parle d'un coût direct de 40 à 50 millions de dollars par semaine pour les producteurs de grain. Quand les bateaux ne sont pas chargés, les frais de surestarie sont refilés directement aux producteurs. Ils ne peuvent pas les transférer à qui que ce soit, car ils prennent le prix offert et sont le dernier maillon de la chaîne. Si on additionne tout cela pour la période de quatre semaines, la situation a coûté au secteur agricole canadien de 200 à 300 millions de dollars, seulement pour le grain. Ces chiffres ne tiennent pas compte du bétail, des engrais, du porc ou d'autres denrées. Il ne concerne que le grain. Cela donne une idée des répercussions qu'a cette situation sur les agriculteurs et les éleveurs du pays.
Par ailleurs, j'ai parlé aujourd'hui à un marchand de propane. Il m'a dit que les réserves du Québec et de l'Ontario pourraient tenir pendant peut-être quatre ou cinq jours et qu'elles étaient rationnées. J'ai entendu des commentaires semblables venus du Canada atlantique. Ce problème touche notamment les agriculteurs qui cherchent à chauffer leurs étables et à faire sécher leur grain. Ils subissent un coup dur après l'autre. Ils lèvent les bras vers le ciel, désespérés, se demandent ce qu'ils pourraient faire de plus et pourquoi personne ne porte attention à l'anxiété, au stress et à l'exaspération qu'ils vivent.
Petit fait ironique à propos du propane, ces mêmes agriculteurs doivent aussi composer avec la taxe sur le carbone des libéraux, qui leur coûte des dizaines de milliers de dollars par mois.
L'association des producteurs agricoles de la Saskatchewan a calculé que c'est comme si la taxe sur le carbone faisait disparaître 12 % du revenu des agriculteurs.
Les agriculteurs ont fini par envoyer leurs céréales cet automne, mais le CN est alors tombé en grève. Là non plus, le gouvernement libéral n'a rien fait; il a plutôt décidé de rester sur la touche et d'attendre que le problème se résolve tout seul. On commence à peine à rattraper les retards accumulés. Puis voilà qu'en janvier, la taxe sur le carbone s'est ajoutée aux malheurs des agriculteurs. Février arrive, le pays est jonché de barricades illégales et ils ne peuvent toujours pas acheminer leurs produits jusqu'aux marchés. J'espère que mes collègues d'en face peuvent sentir toute la colère du milieu agricole et agroalimentaire du pays. Chaque fois que ces gens pensent qu'ils sont au bout de leurs peines, le gouvernement libéral leur assène une autre gifle.
Quand on a demandé à la ministre de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire si elle était au courant des effets de la taxe sur le carbone sur les agriculteurs canadiens, elle a répondu que son ministère ne gardait pas de données là-dessus, mais qu'elle avait bon espoir d'en avoir un jour en sa possession. Avant d'imposer une taxe sur le carbone, le gouvernement aurait peut-être dû en calculer les coûts pour le secteur agricole.
Au cours des deux dernières semaines, j'ai entendu les libéraux dire qu'ils n'allaient pas faire respecter l'injonction accordée par les tribunaux et qu'ils espéraient que le problème se règle tout seul pacifiquement et rapidement. Je suis désolé, mais cela ne suffit tout simplement pas. Je ne voudrais surtout pas inciter les gens à la violence ou avoir une influence de ce genre, mais il faudra tôt ou tard comprendre que l'inaction actuelle a des conséquences économiques bien réelles.
L'économie canadienne est au bord du gouffre, et je ne vois pas comment je pourrais qualifier la situation autrement. Il ne faut pas penser que, lorsque le problème sera résolu, à un moment donné, l'économie canadienne se remettra aussitôt à tourner comme si de rien n'était. Ce ne sera pas le cas. J'ai parlé au CN, la semaine dernière, et il a un arriéré de 200 trains de marchandises. Ce ne sont ni des jours ni des semaines qu'il faudra pour résorber cet arriéré, mais bien des mois.
Par ailleurs, le gouvernement doit comprendre les incidences de ce qui se passe actuellement sur les relations du Canada avec ses partenaires commerciaux les plus fidèles et les plus importants. Ils voient le Canada comme un fournisseur. Eux sont nos clients. Que feront-ils lorsque leurs navires partis du Japon, de la Chine, de l'Inde, de l'Australie, de la Nouvelle-Zélande et du Pérou pour prendre un chargement à Vancouver ou à Prince George repartiront bredouilles? Ils enverront leurs navires prendre une cargaison chez un fournisseur leur offrant une meilleure garantie d'approvisionnement. Ils iront au Brésil, au Pérou ou aux États-Unis. Nous aurons perdu ces clients.
Notre réputation sur les marchés mondiaux sera ternie. Plus de 50 % de la production agricole canadienne est destinée à l'exportation. Nous dépendons plus des marchés d'exportation que n'importe quel autre pays ou presque. La fiabilité de l'infrastructure essentielle et de la chaîne d'approvisionnement dans l'ensemble du pays ne peut être ébranlée de la sorte sans que des conséquences très claires en résultent.
J'ai beaucoup parlé des simples agriculteurs qui sont touchés par cette situation. Toutefois, vendredi dernier, j'ai aussi discuté avec Chuck Magro, le président-directeur général de Nutrien, pour connaître les répercussions sur ses activités. Cette entreprise d'engrais, qui est située à Calgary, est la plus importante en Amérique du Nord. C'est le temps de l'année le plus occupé pour Nutrien. Elle cherche à acheminer ses produits non seulement à ses clients aux quatre coins du Canada, mais également vers des bateaux pour les envoyer partout dans le monde. Si ces barrages ne sont pas retirés à très court terme, Nutrien n'aura pas d'autre choix que de fermer certaines de ses usines les plus importantes au pays et de mettre à pied des employés. Nutrien a maintenant un retard de 125 wagons, et ce nombre continue d'augmenter chaque jour.
En conclusion, je veux dire très clairement à mes collègues d'en face qu'il y a des conséquences bien réelles à cette inaction et à toute cette démagogie. Des agriculteurs, des éleveurs et des transformateurs d'aliments de partout au pays seront acculés à la faillite. Ils sont désespérés. Ils ont besoin de gens qui se tiennent debout et qui sont prêts à lutter pour eux. Malheureusement, le gouvernement a montré, encore et encore, que ce n'est pas le cas.