Monsieur le Président, j'aimerais d'abord insister sur la gravité de la crise que nous vivons tous collectivement. Ni nous ni nos parents n’avons vécu d'équivalent dans nos vies. J'ai l'impression qu'il faut revenir à la grippe espagnole, il y a plus d'un siècle, pour trouver une situation semblable.
Des dizaines de milliers de personnes tombent malades, des milliers de personnes sont hospitalisées et beaucoup de gens meurent. Les scientifiques nous disent que nous sommes relativement chanceux que le taux de mortalité de la COVID-19 ne soit pas plus élevé, sinon ce serait réellement une hécatombe. Cependant, nous vivons tous ensemble cette situation et nous n'avons aucune idée du moment où nous allons nous en sortir.
Le Parlement canadien est suspendu. Quand il est rappelé, seulement 10 % des députés sont présents. Il y a beaucoup d'incertitude devant l'avenir. Dans toutes nos communautés, les gens vivent des périodes très difficiles. Ils souffrent et ils ont du mal à payer leur loyer et leur épicerie, comme je viens de le dire. Ils sont parfois anxieux et vivent un stress considérable. Les groupes communautaires nous disent qu'il y a des résurgences de problèmes de santé mentale qui avaient peut-être été réglés par le passé, mais qui reviennent à cause du manque de ressources.
Étant donné qu'on demande à tout le monde de rester à la maison, il y a également des situations dramatiques de violence conjugale dont les femmes sont les principales victimes. La maison n'est pas toujours l'endroit le plus sécuritaire. Au contraire, c'est parfois le plus dangereux.
Cette situation nous oblige à faire les choses différemment, à faire preuve de créativité, à sortir de la boîte, comme on le dit, et à travailler ensemble comme nous n'avons peut-être jamais été capables de le faire par le passé.
Je me rappelle les paroles de l'ancien chef du NPD, le regretté Jack Layton. Il nous disait toujours qu'il fallait travailler ensemble. À présent, nous voyons que nous sommes capables de le faire en tant que parlementaires.
Je veux prendre 15 secondes pour remercier plusieurs ministres du gouvernement de leur disponibilité, de leur réponse rapide, de leur écoute et du fait qu'ils sont ouverts aux propositions du NPD, du Bloc québécois, du Parti vert et des conservateurs. Nos propositions ont parfois été retenues. Tout le monde veut être constructif et trouver des solutions pour aider les gens. Bien entendu, nous suggérerons toujours d'en faire davantage, mais j'ai constaté une ouverture d'esprit et une écoute comme je n'en avais jamais vu auparavant, et je tenais à le souligner.
Même si on l'a beaucoup fait dans les médias au cours des dernières semaines, je tiens aussi à remercier tous nos travailleurs et travailleuses du système de la santé: les médecins, les infirmières, les préposés aux bénéficiaires, le personnel paramédical, les ambulanciers. Ils font un travail formidable alors qu'ils sont au front. Ils prennent des risques pour sauver des vies et prendre soin des gens. Je leur tire mon chapeau.
Je remercie également tous les employés municipaux, les chauffeurs d'autobus, les gens qui continuent à faire en sorte que nos villes fonctionnent. Merci beaucoup et bravo! Nous avons besoin de vous pour que cela continue.
Évidemment, je remercie tout le secteur agricole, toute la chaîne d'approvisionnement de nos épiceries et de nos dépanneurs. Elle est vitale pour que nous puissions traverser cette crise ensemble.
J'aimerais prendre un peu de recul et regarder la crise. Nous pouvons déjà en tirer des leçons. Certaines observations peuvent être faites dès après quelques semaines, alors que notre économie est mise à mal et que plusieurs personnes vivent des situations difficiles. Je pense que la crise est révélatrice de deux choses. Premièrement, les inégalités tuent. Deuxièmement, nous avons besoin de programmes sociaux et de services publics. On le voit: les années de capitalisme financier et de néo libéralisme et les mesures d'austérité ont rendu des personnes plus vulnérables. Ces personnes vulnérables tombent plus souvent malades quand une crise comme celle-ci se produit et elles risquent plus d'en mourir.
Il n'y a pas très longtemps, ma collègue de London—Fanshawe soulignait le fait que les inégalités qui se creusent dans notre société font en sorte que la moitié des familles sont à 200 $ de l'insolvabilité. Cela signifie que notre mécanisme de redistribution de la richesse est totalement insuffisant. Pourtant, les six grandes banques canadiennes ont fait 46 milliards de dollars de profit l'an dernier et il y a encore des gens qui mettent leur argent dans les paradis fiscaux.
On rend des personnes vulnérables quand on n'est pas capable d'offrir de bons soins aux personnes qui ont des problèmes de santé mentale et de toxicomanie. Par la suite, ces personnes se retrouvent dans la rue et deviennent itinérantes. Quand une crise comme celle-ci se produit, elles sont les premières à en souffrir. Or ce n'est ni le hasard ni leur destinée qui les a poussées dans la rue.
Certains choix politiques et économiques qui ont été faits auparavant ont fait en sorte que ces gens se retrouvent dans ces situations. Ce matin, dans La Presse, un article soulignait que, aux États-Unis, les Afro-Américains avaient un taux de mortalité de la COVID-19 plus élevé que la moyenne des gens, parce que, depuis longtemps, ils vivent dans des situations de pauvreté et d'insalubrité qui entraînent une augmentation des problèmes respiratoires, des problèmes cardiaques et du diabète. Ceux qui souffrent de ces problèmes et qui contractent le virus ont plus de chances de mourir. C'est un autre exemple qui démontre que la pauvreté tue lors de pandémies.
Il y a un autre exemple qu'on peut comprendre, et dont le NPD essaie de parler le plus souvent possible, car cela préoccupe grandement certains de nos collègues. Il s'agit de la situation des Premières Nations, qui sont extrêmement vulnérables dans les circonstances actuelles. Elles manquent déjà de services sociaux et de services de santé en temps normal. Comme disait le chef du NPD un peu plus tôt aujourd'hui, quand il faut prendre un avion pour trouver le ventilateur le plus proche, on est dans une situation de vulnérabilité. Quand on n'a pas d'eau potable, la consigne de se laver les mains avec du savon ne peut être respectée. Quand on a un problème de logement parce qu'il y a surpopulation dans les logements de plusieurs communautés autochtones, la consigne de distanciation physique ne fonctionne pas non plus. Le jour où le virus arrive dans ces communautés, cela peut provoquer une hécatombe.
Si la situation est ainsi, c'est parce qu'on l'a laissée pourrir pendant des décennies. Nous avons un héritage de colonialisme envers les Premières Nations et il faut le reconnaître. Il faut saisir l'occasion que nous offre la crise actuelle d'en prendre conscience et ne plus faire les mêmes erreurs à l'avenir.
Je parlais tantôt du deuxième aspect qui est révélé par la crise actuelle, soit l'importance d'avoir un filet social, des programmes sociaux universels, un système qui empêche qu'on n'échappe et qu'on ne laisse tomber personne. Je pense qu'on peut commencer. Bien sûr, il va falloir sortir de la crise. Il faut soigner les gens et trouver des masques, des gants et le reste, mais il va falloir finir par se dire que l'idée d'un supplément d'un revenu garanti ne serait peut-être pas folle. Cela nous permettrait peut-être d'absorber les coûts collectivement quand des crises surviennent, qu'elles soient sociales, sanitaires ou économiques, ou les trois en même temps, comme c'est le cas actuellement.
Il faut un filet social robuste et des programmes sociaux universels, et il faut avoir de la supervision quand on offre des soins, notamment à des personnes âgées. Nous sommes très fiers d'avoir, au Québec et au Canada, un système de santé public et universel. Imaginons la situation des Américains. Les gens qui n'ont pas du tout d'assurance ne peuvent se rendre à l'hôpital parce qu'ils ont peur de payer une facture exorbitante. Nous serions dans une situation beaucoup plus difficile aujourd'hui.
On a quand même laissé au privé le soin de dégager une certaine marge de manœuvre et un espace quant à la prestation de certains services. Un autre exemple est révélateur. C'est une histoire affreuse dont on a pu prendre connaissance ce matin, celle d'un CHSLD privé de Dorval. À cause de mauvaises conditions salariales et de mauvaises conditions de travail, les employés ont simplement arrêté de se rendre au travail. Des dizaines de personnes âgées ont carrément été abandonnées. Il a fallu que la direction de la santé publique de Montréal reprenne le contrôle après que des gens ont souffert le martyre dans ce CHSLD. C'est la conséquence de la décision politique de laisser le privé s'occuper de certains soins. Cela ne devrait peut-être même pas être le cas, et on devrait y penser. En fait, ce serait l'occasion d'y penser. Des gens décédés ont été laissés dans leur lit, d'autres gisaient par terre parce qu'ils étaient tombés, déshydratés et affamés. Ils n'avaient pas reçu de soins et de services depuis des jours. Il faudrait s'assurer collectivement que cela n'arrive plus jamais.
On dit qu'on a hâte que les choses reviennent à la normale. Nous, en tant que progressistes, nous disons que le retour à la normale n'est pas la solution, parce que la normalité faisait partie du problème. Il faut profiter de cette occasion pour changer des choses de manière fondamentale pour ne pas répéter les erreurs de l'austérité néo libérale et les coupes dans les services publics. Il faut donner de bonnes conditions de travail aux gens qui nous offrent des services. Pour ce qui est du retour à la normale, on repassera. Nous sommes capables de faire mieux. Cela va bien aller et nous allons faire mieux.