Monsieur le Président, je vais partager mon temps de parole avec mon collègue de La Prairie.
Si on prétend que l'agriculture et l'agroalimentaire sont des services essentiels, il va falloir que nos paroles soient conséquentes. Nous constatons combien l'agriculture est une base importante de notre économie. En effet, des revenus de 68 milliards de dollars proviennent des fermes annuellement. Chaque année, on perd déjà 5 % à 7 % de nos exploitations agricoles. Comme mon collègue l'a dit plus tôt, selon les prédictions, cette année, cela pourrait atteindre 15 %. Les pertes sont énormes. On a jeté des millions de litres de lait et des millions d'œufs et de poussins ont aussi été détruits. Pour ce qui est de la volaille, on enregistre des pertes de 115 millions de dollars. Les chiffres que je donne représentent les pertes jusqu'à maintenant.
À l'heure actuelle, à peu près 100 000 porcs sont en attente d'être abattus. De jour en jour, comme mon collègue l'a spécifié, on évite l'euthanasie, mais on finira par y avoir recours. Les porcs grossissent trop et ne peuvent pas être conservés dans les installations. C'est très complexe.
Pour ce qui est du bœuf, la Canadian Cattlemen's Association parlait de pertes de 500 milliards de dollars à l'échelle nationale. Là aussi, 100 000 bêtes sont en attente d'être abattues. Les producteurs de grains parlent d'une perte de 86 millions de dollars. Il y a quelque temps, une somme de 77,5 millions de dollars a été annoncée pour que les abattoirs subissent des modifications. Pourtant, selon l'industrie de la transformation alimentaire, il faudrait 860 millions de dollars pour faire ces modifications. On est loin du compte.
Les unités d'abattage fonctionnent au ralenti et sont parfois fermées pendant quelques jours. Le marché de la restauration s'est effondré. Il faut être conscient de ces choses-là. Plusieurs de ces petits établissements de restauration ne pourront pas rouvrir leurs portes après la crise. La baisse actuelle de la demande va perdurer. Le milieu agricole nous demande d'agir et d'améliorer les programmes permanents en tenant compte du fait que la crise va malheureusement durer plus d'un an. Je suis désolé d'annoncer cela. Toute cette précarité nous met une pression énorme et menace notre autonomie alimentaire, notre sécurité alimentaire ainsi que notre sécurité nationale. C’est aussi grave que cela.
Il y a aussi des difficultés quant à la main-d'œuvre. Il faut parler des travailleurs étrangers et des travailleurs saisonniers. On nous a donné des chiffres qui indiquent que 85 % ou 86 % des travailleurs sont arrivés. Cependant, plusieurs de ces travailleurs saisonniers étaient déjà ici. Plus les mois vont passer, plus les difficultés vont se manifester. Il manquera plus de 15 % de la main-d'œuvre. Ce n'est pas un reproche aux gens de l'immigration, au contraire, je pense qu'ils font un bon travail. Toutefois, il faut être conscient des difficultés et il faut venir en aide à notre secteur agricole.
Lors de son annonce, le premier ministre a dit qu'il s'agissait d'un premier investissement et que s'il devait en faire plus, il allait en faire plus. Je lui annonce aujourd'hui que, oui, on doit en faire plus, et j'espère que je ne serai pas le dernier à le dire.
Bien sûr, nous sommes ici pour parler du projet de loi C-16. Notre formation politique préconise cette solution depuis plusieurs semaines. Cela a été long, mais nous sommes très heureux de le voir aujourd'hui. Évidemment, nous sommes en faveur du projet de loi. Cela va permettre à la Commission canadienne du lait de stocker davantage de produits de longue conservation pour absorber les variations du marché. Cela pourra donc avoir comme répercussion qu'on jette moins de lait. Malheureusement, il est un peu tard, puisqu'on en a jeté beaucoup, mais à l'avenir, cela ira mieux.
Nous sommes des gens positifs et nous regardons vers l'avant. Nous sommes contents d'appuyer le projet de loi, mais il faut faire plus que cela. Je ferai une comparaison avec les États-Unis. Au Canada, une série de mesures totalisant 252 millions de dollars a été annoncée pour le secteur agricole; aux États-Unis, les producteurs ont reçu une aide de 19 milliards de dollars. Évidemment, il ne s'agit pas de la même population. Cela représente 12 fois plus d'aide. Selon les évaluations de l'OCDE, chaque année et de façon répétitive, les États-Unis appuient le secteur agricole deux fois plus que le Canada.
Les agriculteurs sont des gens forts, fiers et solides qui se lèvent le matin pour travailler et qui ont comme motivation de nourrir notre monde. À un moment donné, cela finit par compter à l'international, alors que ces gens font face à la concurrence. Lors d'une partie de hockey, les joueurs doivent être à armes égales. Si mon bâton est trop court, je ne pourrai pas gagner la partie. Il faut donc équiper notre monde, il faut le soutenir, et ce qui se passe actuellement n'a pas de bon sens.
Je vais me calmer un peu, mais cela n'a pas de sens. Des 252 millions de dollars dont il est question, 125 millions de dollars ne sont pas de l'argent frais. On peut certainement s'amuser avec les formules comptables, inverser les définitions et dire que ce sont des sommes qui n'étaient pas utilisées, il n'en reste pas moins que ces millions ne sont pas nouveaux. Il est correct de faire ces annonces, mais il ne faut pas qu'on nous présente ces montants comme de l'argent frais alors que ce n'est pas vrai: ce serait induire les gens en erreur.
On parle des 50 millions de dollars débloqués ici pour aider au rachat de marchandises, mais aux États-Unis, c'est 3 milliards de dollars que l'on a versés à cette fin, juste cette semaine. Je ne sais pas ce que ce sera plus tard, mais c'est complètement surréaliste.
On n'arrête pas de nous répéter qu'on travaille fort à chercher des solutions. Pour ma part, j'ai une solution simple à proposer au gouvernement. Encore une fois, je lui tends la main et lui offre ma collaboration. Je pense que les autres partis veulent le faire, eux aussi. Nous sommes ici pour travailler, mais il faudrait écouter notre monde.
La ministre l'a dit tantôt dans son énoncé: il faut accorder aux gens ce qu'ils nous demandent. Ce à quoi je réponds: allons-y, nous sommes prêts! Que nous demandent ces gens? Ils nous demandent un fonds d'urgence et ciblé et une action rapide.
Les petites entreprises sont en détresse. La Fédération de la relève agricole du Québec a écrit qu'elle n'avait pas obtenu de réponse sur des mesures concrètes permettant que les petites entreprises agricoles soient admissibles aux prêts d'urgence. C'est bien dommage, mais ces petites entreprises n'ont pas une masse salariale de 20 000 $. Elles se paient différemment, soit avec des dividendes, et cela ne compte pas. C'est dommage, mais cela n'entre pas dans la bonne colonne du petit formulaire. Je ne sais pas si cela entre dans la fameuse calculatrice, mais ces entreprises ne sont pas admissibles.
Pour ce qui est de la congélation, les transformateurs ont lancé un cri d'alarme. Ils ont besoin de soutien, parce qu'ils conservent beaucoup plus de stocks qu'avant. Veut-on qu'il y ait encore plus de gaspillage alimentaire?
On nous dit que le programme Agri-stabilité fonctionne et on demande aux agriculteurs d'utiliser les programmes actuels. Parlons-en.
Premièrement, quand on dit aux producteurs agricoles d'utiliser le programme Agri-investissement, c'est comme si l'on disait à un étudiant qu'on va lui donner de l'aide parce qu'il n'aura pas de travail cet été, mais à condition qu'il s'assure de vider tous ses comptes de banque avant. Pour les agriculteurs, la situation est la même. Ces programmes sont des investissements en cas de besoin. Il est normal qu'on traite les agriculteurs comme tous les autres groupes de la société. Il est question d'épargnes. On me répondra bien sûr que c'est à cela que servent les mesures d'urgence. Oui, mais nous sommes dans une situation exceptionnelle.
Marcel Groleau, président général de l'Union des producteurs agricoles, a comparu en comité cette semaine. Il nous a donné un exemple relatif au programme Agri-stabilité, se demandant même si les gens qui prennent les décisions comprennent les programmes. Il nous a donné l'exemple d'une ferme typique qui a un revenu de 250 000 $ par année, des dépenses de 100 000 $ et donc une marge de 150 000 $. Le programme exige en ce moment d'avoir une marge de programme n'excédant pas 70 % de la marge de référence. Cette année, une telle ferme, qui a perdu 80 000 $, soit plus de 50 % de ses revenus, ne recevra pas un sou du programme actuel. Qu'on ne me dise pas que ce programme fonctionne! Si la limite de marge n'existait pas, le programme verserait 24 500 $ à la ferme pour compenser sa perte de 80 000 $. Si l'on changeait le taux à 85 % comme le demande le milieu agricole depuis avant la crise, ce versement serait de 40 250 $. Ce serait alors un programme qui fonctionne, comme c'était le cas avant les coupes de 2013.
Les gens nous demandent d'agir et d'être précis. Je vais donc laisser de côté le reste de mes notes, parce que je vois mon temps filer, et je vais lancer un appel aux parlementaires et à la collaboration. Oui, nous faisons tous partie de formations politiques avec chacune ses objectifs. Toutefois, en cette période de pandémie de la COVID-19, ce n'est pas le temps de faire jouer des cassettes ou de suivre des lignes de parti. C'est le temps de travailler pour le monde agricole, qui nous demande d'intervenir.
Si les interventions qui sont faites étaient pertinentes, je ne crois pas qu'un regroupement massif de gens du milieu dirait deux jours plus tard sur la scène publique que cela n'a pas d'allure. Deux jours, c'est le temps que cela prend pour lire un document, se dire que cela n'a pas d'allure, appeler ses amis et organiser une réunion.