Monsieur le Président, je partagerai mon temps de parole avec le député de Timmins—Baie James. Par ailleurs, monsieur le Président, j'aimerais que vous me fassiez signe lorsqu'il ne me restera que deux minutes, car j'ai tendance à parler longuement.
Nous avons assisté à des échanges fougueux et entendu plusieurs arguments convaincants au sujet de la crise de la COVID-19. Les députés m'ont entendu plus tôt faire mention des 6 180 décès causés par le virus. Dans le contexte de cette pandémie mondiale, chaque chiffre représente une histoire, une famille éprouvée par la perte d'un être cher. En présence de statistiques aussi impressionnantes — on parle de 80 000 cas —, je ne crois pas que nous soyons en mesure de bien saisir la gravité de la situation. Je ne crois pas que nous ayons pris le temps, en tant que pays, de faire le deuil de toutes ces victimes.
Hier, nous avons entendu les hommages rendus à une officière et pilote décédée lors d'un tragique accident. Je tiens à exprimer la même empathie pour la perte de milliers de Canadiens partout au pays. Je le fais parce que nous vivons un moment historique. La Chambre a la possibilité de tracer l'avenir du pays. J'admets que nous avons entendu bien des discours enflammés de la part de députés de tous les partis. Quand une personne prétend que le gouvernement ou un parti induit la population en erreur, je crois qu’elle se trompe profondément en laissant entendre que nous ne travaillons pas pour affronter la crise en cours. En faisant croire que nous ne retournons pas au travail, on va à l’encontre même de l’esprit des propos de l’intervenant précédent, qui a souligné à quel point le personnel travaille dur et à quel point les émotions sont à fleur de peau. Les membres du Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre, tous partis confondus, travaillent chaque jour avec diligence pour veiller à ce que le gouvernement rende le plus de comptes possible à la population.
Je suis heureux d'informer la Chambre que j'ai collaboré, en cours de route, avec des collègues du Bloc québécois et du Parti conservateur pour nous assurer d'être suffisamment préparés en vue de la deuxième vague qui a été annoncée. Nous savons que le gouvernement avait la responsabilité de créer une réserve de millions de pièces d'équipement de protection adéquates. Nous savons aussi qu'au début de la pandémie, nous aurions pu observer de meilleures pratiques fondées sur des données probantes, ce qui se serait peut-être traduit par un bilan inférieur à 6 000 morts. Il est trop tard pour la crise actuelle, mais il faut commencer à planifier dès maintenant pour prévenir des morts et des tragédies dans l'avenir.
Derrière chaque chiffre, il y a une histoire. Chaque mort brise le cœur des Canadiens partout au pays, sans oublier qu'il ne s'agit que des chiffres rapportés. Ces chiffres m'empêchent de dormir. Ce sont ces chiffres qui me réveillent le matin pour que je me mette au travail, que ce soit à distance à partir d'Hamilton-Centre ou ici même aujourd'hui.
Nous vivons des moments historiques. Les gens de nos circonscriptions nous ont choisis pour représenter non pas leurs intérêts financiers, mais leur vie elle-même, qui est en jeu en ce moment. C'est un honneur et un privilège et c'est la chose la plus importante que je ferai de toute ma carrière. Je ne m'en excuserai pas. Je n'ai pas à m'excuser du travail que les néo-démocrates ont fait à la Chambre pour les Canadiens. Si, parmi les députés ici présents, certains ont l'impression qu'ils ne sont pas en train de travailler ou qu'ils n'arrivent pas à obtenir des résultats, ils en sont les seuls responsables.
Lorsque nous, les néo-démocrates, avons proposé de créer un système hybride qui permettrait de représenter toutes les voix de partout au pays, nous l'avons fait au moyen d'un petit, mais formidable, caucus de 24 députés des quatre coins du Canada, du Nunavut à St. John's, en passant par Windsor et jusque dans Skeena—Bulkley Valley, dans le nord de la Colombie-Britannique.
Nous comprenons la complexité de la situation. Nous comprenons la ferveur des propriétaires de petites entreprises qui sont sur le point de tout perdre après avoir travaillé pendant des décennies pour subvenir aux besoins de leur famille. Nous comprenons les travailleurs comme ceux de l'usine de transformation des viandes de Cargill, qui sont obligés de retourner au travail pour assurer notre sécurité alimentaire, sachant les risques que cela comporte pour eux. Nous comprenons les parents seuls qui sont à la maison et qui doivent choisir entre nourrir leur famille ou payer le loyer, une décision déchirante s'il en est. La crise nous a présenté des visions éloquentes de l'avenir.
Soyons clairs: ce n'est pas la classe moyenne qui est pressée de retourner au travail, mais bien les capitalistes. Beaucoup d'opinions ont été exprimées sur ce que le socialisme a l'air. On a formulé des commentaires très malveillants sur la manière dont nous nous sommes rendus au travail aujourd'hui et insinué que nous aimons le pétrole et l'essence. Pour ma part, j'aimerais demander aux députés s'ils aiment les soins de santé, l'éducation publique et tous les biens et services chers aux Canadiens. Ceux-ci ont été mis sur pied par un État social démocrate et nous distinguent des autres pays du monde.
Nous avons l'occasion de répondre aux besoins de tous les Canadiens. Nous avons la possibilité de répondre aux besoins de toutes les personnes qui se trouvent à être au pays durant la pandémie. Nous avons non seulement l'occasion, mais aussi l'obligation morale de le faire, peu importe la citoyenneté de la personne. Qu'il s'agisse de travailleurs étrangers temporaires ou de personnes sans papiers qui se sont rendus ici à la recherche de la liberté dont parlent nos amis conservateurs, tous méritent d'avoir la possibilité de survivre à la pandémie. Or, nous savons que tous ne vivent pas la pandémie avec des moyens égaux.
Les néo-démocrates sont déterminés à remédier à ce problème coûte que coûte. Nous travaillerions dans un système hybride selon une formule qui permet aux députés de s'exprimer partout au Canada, et ce, pendant tout l'été ou tant et aussi longtemps que nécessaire afin de trouver une solution pour les Canadiens. Nous sommes résolus à le faire.
Le chef de l’opposition a déclaré clairement que le reste des députés préfèrent voir comment pourrait être le Canada, mais que les conservateurs, eux, préfèrent le voir tel qu'il est. C'est très révélateur. Dans Hamilton-Centre, d'où je viens, je vois des gens qui souffrent.
Est-ce que la réalité à laquelle nous voulons retourner est celle de la profonde inégalité économique et des disparités raciales qui persistent ici ou celle où les Autochtones sont considérés comme des citoyens de deuxième classe dans tout le pays selon la définition prévue dans la Loi sur les Indiens? Non. Je ne m'excuserai jamais de vouloir que le pays devienne ce qu'il pourrait être et non qu'il redevienne ce qu'il était.
C'est l'occasion qui s'offre à nous aujourd'hui. Nous pouvons faire quelque chose d'aussi simple que d'ajouter 10 jours de congés de maladie payés à l'assurance-emploi, que de créer un régime d'assurance-médicaments qui couvrirait chacun et chacune d'entre nous ou que de garantir le droit au logement, ce qui se traduirait par la construction de 500 000 logements d'un bout à l'autre du pays. Si nous en parlons, c'est parce que nous voyons la souffrance qui nous entoure — et si jamais certains députés ne la voient pas, c'est qu'ils sont encore plus privilégiés que les autres. S'ils ne voient pas la souffrance autour d'eux, je les invite à venir dans ma circonscription, qui arrive au troisième rang national pour la faiblesse du revenu. Je vais leur montrer ce que cela signifie, moi, 6 000 morts. Le pire, c'est qu'il y en aura encore bien plus quand tout sera fini.
Nous avons l'obligation morale de faire tout ce qui est en notre pouvoir sur le plan législatif. Qu'on utilise le nom qu'on veut, Parlement ou comité plénier, et que les séances se déroulent en personne ou à distance, nous devons suivre les consignes des scientifiques et des médecins et faire comme le reste du pays afin que chacun comprenne à quel point la situation est critique. Quand tout cela sera derrière nous, peut-être la Chambre pourra-t-elle mettre la politique de côté un instant et pleurer les milliers de vies qui auront été perdues. C'est pour ça que je suis ici. C'est pour ces gens que je suis ici.
Sur ce, je vais me rasseoir et laisser le reste de mon temps de parole à mon collègue de Timmins—Baie James.