Monsieur le Président, c'est comme toujours un grand honneur de prendre la parole à la Chambre pour représenter les habitants de Timmins—Baie James et d'être ici en cette période où notre monde entier change fondamentalement et à jamais. Ce que la Chambre doit accepter, c'est que nous sommes en plein milieu d'une crise économique et sanitaire sans précédent et qu'il incombe au Parlement de se réunir pour trouver une façon de répondre à celle-ci.
Avant que je prenne la parole, nous avons entendu parler d'un rapport de l'armée canadienne dans lequel on a appris que des militaires envoyés en renfort dans des centres de soins de longue durée y ont constaté un mépris flagrant pour la vie des personnes âgées et ont été témoins de cas de mauvais traitements et de négligence au sein du système de soins à but lucratif. Tous les yeux du pays sont tournés vers nous. Les Canadiens nous regardent et ils vont nous demander ce que nous prévoyons faire pour remédier de façon permanente à cette horrible situation. Certains députés diront que c'est une question de compétence provinciale, mais à cela je leur répondrai que c'est sous la surveillance de plusieurs provinces que cette négligence a eu lieu. Les personnes âgées méritaient mieux, et nous allons étudier comment garantir que les soins de santé offerts soient dignes du XXIe siècle.
La COVID a très clairement mis au jour les mythes et l'arrogance de notre société. Elle a fait ressortir les iniquités et nous a forcés à commencer à y remédier. Le Canada se réveille maintenant dans un nouveau siècle, et celui qui l'a précédé avec toutes ses certitudes arrogantes est disparu pour de bon.
Hier, le chef de l'opposition a parlé de la main invisible, magique et mystique du marché qui crée tout ce dont on a besoin. Ce sont là des propos vraiment étranges quand on sait que le Canada n'avait pas suffisamment d'équipement de protection individuelle, que notre plus proche voisin, les États-Unis, volait les fournitures médicales qui nous étaient destinées et que les travailleurs de la santé de première ligne ont dû quêter de l'argent parce que le pays n'avait pas la capacité de gérer la pandémie.
Les Canadiens se tourneront vers le Parlement pour demander ce qu'il compte faire pour éviter qu'une telle situation ne se reproduise. Nous ne devrions jamais être forcés de faire intervenir l'armée pour que les aînés restent en vie. Le Canada a envoyé des militaires lors des tremblements de terre en Haïti. Voilà une situation qui nécessitait la présence de l'armée, comme les inondations et les incendies catastrophiques. Cette fois-ci, il a fallu faire intervenir l'armée parce qu'on a fait preuve d'une terrible négligence en ce qui concerne les soins de santé aux aînés, et les reportages font état de négligence et d'abus flagrants.
Il a également fallu adapter le fonctionnement du Parlement. Néanmoins, une chose est certaine: les députés de l'opposition ne renoncent jamais à leur temps de parole. C'est leur outil le plus précieux. Les députés n'écourtent jamais le débat et ne ratent jamais une occasion d'intervenir, parce que c'est l'outil dont ils disposent. Dans le contexte de la présente crise, nous avons bien vu que nous devions nous retirer du Parlement et réfléchir à la façon de reprendre les travaux. Nous, les néo-démocrates, nous sommes mis à négocier puisque le gouvernement est minoritaire. C'est ainsi qu'on procède en situation de gouvernement minoritaire.
La première série de négociations avait comme point de départ le fait que des millions de Canadiens se retrouvaient soudainement dans une situation où ils ne pouvaient plus payer leur loyer. Voilà pour le fameux mythe de la classe moyenne et de ceux qui veulent en faire partie. On a pu voir que des millions de gens qui ont des petits boulots et des millions de travailleurs à contrat ne seraient pas en mesure de payer leur loyer. C'est alors que nous avons commencé à pousser le gouvernement.
Au départ, le gouvernement voulait apporter de petits changements à l'assurance-emploi et augmenter un peu l'Allocation canadienne pour enfants. Les néo-démocrates estimaient que l'ampleur de la crise était telle qu'il fallait faire quelque chose de tout à fait différent, une chose que l'on aurait crue impossible en février: un montant minimal de 2 000 $ par mois pour aider les gens à tenir le coup. Nous avons travaillé avec le gouvernement sur cette prestation. Nous n'avons jamais eu le moindre soutien des conservateurs. Ils étaient tous là à hurler. Ils parlaient des tire-au-flanc et de gens dormant dans leur hamac. Nous avons collaboré avec le gouvernement, mais lui avons dit que la mesure était trop restrictive. Nous avons soulevé la question des travailleurs autonomes. Il fallait apporter un changement pour eux, et nous avons dû négocier à chaque étape. Voilà ce qu'on peut faire dans une situation de gouvernement minoritaire.
Les Étatsuniens ont obtenu un paiement unique de 1 250 $. Pas étonnant qu'il y ait tant de troubles sociaux aux États-Unis actuellement: il y a une rupture de la solidarité sociale. Si nous avions versé un paiement unique de 1 250 $ en mars, cela aurait été une catastrophe économique pour le Canada. Nous avons compris que nous avions le pouvoir du gouvernement fédéral, que les provinces n'ont pas. Nous disposons de la Banque du Canada pour soutenir ces mesures. Nous savions que nous pouvions accorder à tout le moins 2 000 $ par mois, alors nous avons inclus les travailleurs autonomes.
Sous Boris Johnson, l'Angleterre a aussi adopté un revenu de base, mais il n'inclura pas les travailleurs autonomes avant juin. Si nous avions fait la même chose au Canada, des millions de personnes auraient tout perdu.
Voici comment nous avons négocié. Nous avons fait des concessions par rapport à notre temps de parole, pour lequel nous avons l'habitude de nous battre pour empêcher le gouvernement de clore le débat et pour que nous puissions intervenir en comité. Nous avons fait des concessions à cet égard au nom d'un principe plus important: aider les Canadiens en temps de crise.
Nous avons négocié avec le gouvernement au nom des petites entreprises. À l'origine, le gouvernement comptait offrir une subvention salariale de 10 %. Nous avons fait valoir que ce pourcentage était inadéquat et qu'il fallait le faire passer à 75 %. Nous avons négocié ce pourcentage. Nous sommes en mesure de négocier dans un contexte de gouvernement minoritaire.
Le gouvernement a maintenant présenté une motion afin que la Chambre se réunisse en comité plénier quatre jours par semaine. Les gens de ma circonscription ne m'ont jamais entendu expliquer les tenants et les aboutissants du processus parlementaire parce que je n'en ai pas l'habitude, mais l'idée qu'il s'agisse là de simulacres de séances est une fausseté, une déformation de la réalité. Nous avons pu nous adresser directement aux ministres et leur poser des questions très précises pour exercer plus de pressions.
Nous avons demandé comment nous allions procéder d'ici la fin de juin. Il ne s'agit pas de fermer le Parlement de façon permanente.
Comment allons-nous procéder d'ici la fin de juin? Nous avons dit que nous avions deux demandes claires.
Nous voulions la tenue de certaines séances pendant l'été parce que nous ne savons pas comment la COVID évoluera durant cette saison. Les conservateurs n'ont nullement exprimé le désir de se présenter au travail cet été. Le Parlement ne siège habituellement pas l'été, mais nous avons obtenu gain de cause à cet égard.
Nous avons aussi dit que nous appuierions cette motion clé du gouvernement si ce dernier se penchait sur la situation des personnes qui retournent à un emploi où elles gagnent 14 $ l'heure et n'ont pas de congé de maladie. Nous ne voyons jamais les conservateurs intervenir pour parler des gens gagnant 14 $ l'heure, à part pour remercier une personne leur ayant servi le hamburger qu'ils ont commandé le matin au service au volant. Il est formidable d'entendre un député remercier un employé d'un service au volant, comme ce fut le cas plus tôt, mais les conservateurs ne disent pas un mot sur le fait que les travailleurs qui tombent malades ne peuvent pas s'absenter.
Il est extraordinaire que nous ayons réussi à négocier 10 jours de maladie avec le gouvernement. Ce qui est aussi extraordinaire, c'est que nous devrons commencer à discuter à l'échelle fédérale de la façon dont nous pouvons instaurer ces congés de maladie partout au pays en temps de pandémie, ce qui risque de faire perdre la raison à nos collègues bloquistes. Nous devrons négocier une solution ici.
Nous allons maintenant parler jusqu'à la fin de juin de ce que nous devons faire, mais pour nous sortir de cette situation, nous devons avoir les idées très claires. La reprise économique ne va pas se faire toute seule.
Nous avons entendu le chef de l'opposition dire que le gouvernement doit cesser d'intervenir pour que les gens puissent faire leurs propres choix. Parler de faire des choix alors que des millions de Canadiens ne peuvent pas payer leur loyer, c'est vraiment avoir une vision du siècle passé. Empêchons le gouvernement d'intervenir et laissons faire le secteur privé. Quiconque a discuté avec des représentants des différentes industries sait qu'ils ne pensent pas pouvoir sortir de cette crise sans une sorte de vision et de l'aide.
Nous discutons de ce que sera le rôle du gouvernement. Cela fait deux jours que nous sommes là et les conservateurs nous ont parlé de beaucoup de choses. Ils ont parlé de Margaret Thatcher. S'en souvient-on? Elle avait affirmé que la société, cela n'existe pas. Devinons quoi? La COVID nous a montré qu'une telle affirmation était fausse. Bien sûr, les conservateurs ont aussi parlé de Winston Churchill puis on est revenu à Margaret Thatcher et on est passé à l'Union soviétique et à sa bonne vieille approche. La seule chose qu'ils ne nous ont pas dite, c'est de tenir le delta du Mékong pour éviter l'effet domino.
On nous répète sans cesse les mêmes excuses éculées tirées d'une vision désuète du XXe siècle. Ce que nous avons appris en 2020 grâce à la COVID-19, c'est que les vieux mythes ne suffisent plus. Nous aurons besoin d'une nouvelle stratégie pour les investissements publics dans les services de santé. Nous devrons faire appel à un engagement du public et nous soumettre à des normes afin que le retour au travail ne soit plus dangereux. Il ne faut pas simplement demander au gouvernement de rester à l'écart. Nous aurons aussi besoin d'un plan pour rebâtir l'économie.
Nous, les néo-démocrates, sommes prêts à céder une partie de notre temps de parole afin que nous puissions débattre dans un contexte de gouvernement minoritaire et ainsi accorder la priorité aux besoins des Canadiens. C'est ce que nous continuerons de faire. Nous laisserons les conservateurs s'insurger et gesticuler sur leurs banquettes. Peut-être qu'ils mentionneront Castro dans leur prochaine intervention, ou une autre personne inspirée de leur vision du XXe siècle.