Madame la présidente, je vous remercie et je remercie les députés qui sont réunis ici pour étudier le budget supplémentaire des dépenses. Je suis particulièrement reconnaissante de l'occasion qui m'est donnée de participer à ce débat.
D'entrée de jeu, je tiens à reconnaître que nous nous trouvons sur un territoire algonquin. Je dis meegwetch aux Algonquins.
Avant de commencer, comme c'est probablement la dernière fois pour un bon moment que je vais m'adresser à mes amis de la Chambre — en effet, j'aime à croire que nous sommes tous des amis —, j'aimerais souligner que, dans le monde entier, les pays qui ont répondu à la COVID-19 de la manière la moins partisane sont ceux qui ont obtenu les meilleurs résultats. En fait, ces jours-ci, les médias mentionnent souvent que les pays dirigés par des femmes se sont particulièrement bien tirés d'affaire: l'Islande, la Finlande, la Norvège, le Danemark, la Nouvelle-Zélande, l'Allemagne et Taïwan. En plus d'être dirigés par des femmes, tous ces pays ont instauré un système de représentation proportionnelle pour élire leur gouvernement. On constate une absence de partisanerie remarquable là où l'on n'utilise pas un système uninominal majoritaire à un tour.
Voilà des années que je siège à la Chambre et que je travaille en politique et j'ai acquis la conviction que le système uninominal majoritaire à un tour encourage les pires instincts en politique. Je crois que je ferais montre des pires instincts en politique si, en cette période où les Canadiens comptent sur leurs élus pour collaborer, je ne remerciais pas les personnes que je regarde en ce moment. Voilà pourquoi je suis venue de ce côté-ci de la Chambre: pour les remercier.
Je pense qu'aucun d'entre eux n'a pris congé depuis fort longtemps. Si les Canadiens pensent que nous ne travaillons pas, ils ont tort. Je sais que mon collègue d'Edmonton et moi-même travaillons, peu importe l'endroit où nous nous trouvons. Depuis l'ajournement de la Chambre le 13 mars — et je ne recherche pas la sympathie —, la fête des Mères a été mon seul jour de congé.
J'espère que nous serons tous de retour à la Chambre le 8 juillet, mais je sais que la situation a été difficile pour les ministériels, les hauts fonctionnaires et leur famille. Les députés du gouvernement qui siègent aux banquettes avant travaillent d'arrache-pied pour aider tous les Canadiens.
Il est vrai qu'il faut obliger le gouvernement à rendre des comptes, dans la mesure où il n'a pas été à la hauteur. Toutefois, il m'est impossible d'affirmer que les personnes assises en face de moi aujourd'hui ne se sont pas dévouées corps et âme pour aider les Canadiens et je les en remercie. La situation n'a pas été facile pour personne. Je sais que lorsque nous saurons être moins partisans, nous ferons un meilleur travail.
Je tiens à parler, comme l'ont fait de nombreux députés de l'opposition, d'un concept qui perd de sa popularité depuis très longtemps. C'est ce dont je veux parler, étant donné que j'ai, hélas, une excellente mémoire.
Le Parlement est censé contrôler les dépenses publiques. Il ne fait aucun doute que le directeur parlementaire du budget a eu raison de dire que quatre heures ne suffisent pas pour étudier le budget supplémentaire des dépenses.
L'autre jour, je me suis demandé quand j'ai ressenti cela pour la dernière fois. C'était lorsque j'ai été élue pour la première fois, et lors de mon premier discours du Trône, le 3 juin 2011. Comment puis-je m'en souvenir? Je m'en souviens parce que quelques semaines plus tard, les médias ont parlé de la façon dont le Parlement avait pu approuver des milliards de dollars dans le budget supplémentaire des dépenses sans même l'avoir examiné. Cette situation avait provoqué une levée de boucliers.
Je savais que j'étais consciencieuse et que je ne pouvais pas être passée à côté. Comment aurais-je pu ne pas avoir vu passer une motion demandant le consentement unanime, alors que je ne manquais jamais une séance au Parlement? Comment cela avait-il pu se produire?
Voici ce qui est arrivé. Le 3 juin, nous nous sommes réunis dans l'édifice du Centre pour assister au discours du Trône. Certains députés, comme le ministre des Transports, s'en souviendront. Je n'avais pas encore subi mon opération de remplacement de la hanche, si bien que durant le temps qu'il m'a fallu pour quitter le Sénat et retourner à mon pupitre à la Chambre en empruntant le Hall d'honneur, un budget supplémentaire des dépenses de 6 milliards de dollars avait été réputé étudié, adopté, réglé et adjugé, et ce, par consentement unanime.
Si j'avais été là, au lieu de boiter dans le couloir avec ma canne, j'aurais alors dit: « Pas si vite! Nous n'allons pas approuver un budget supplémentaire des dépenses de 6 milliards de dollars sans l'avoir étudié au préalable. » Si je rappelle ces faits, c'est pour dire que même si une telle situation s'est déjà produite, cela ne veut pas dire que nous devons nous contenter maintenant de quatre petites heures pour étudier le budget supplémentaire des dépenses.
Nous n'étions pas alors en période de pandémie, alors je dirais que nous avons quelques excuses pour procéder différemment aujourd'hui. Je demanderai des comptes au gouvernement et je ferai en sorte que, lorsque nous reviendrons et que nous examinerons de nouveau le budget principal des dépenses — car je suis certaine que nous en aurons l'occasion —, nous puissions lui consacrer plus de temps et l'étudier comme il se doit. Une pandémie n'est pas non plus une excuse pour ne pas permettre au Parlement de jouer vraiment son rôle.
Évidemment, je n'ai jamais participé aux discussions des leaders parlementaires, mais j'aurais préféré que nous ne formions pas le Comité spécial sur la pandémie de la COVID-19, car, bien franchement, nous parvenions à faire l'essentiel du travail de la Chambre des communes. Si nous avions pu prévoir cette situation, nous aurions pu créer deux versions du Règlement: une pour les temps normaux et une pour les moments où nous ne pouvons pas nous réunir.
En ce qui a trait au point soulevé par le chef de l'opposition officielle, qui a fait valoir que le Parlement a siégé tout au long de la Deuxième Guerre mondiale, c'est bien sûr qu'il n'y avait aucune raison d'interrompre les séances pendant la guerre; les députés n'étaient pas tous contagieux. Nous ne pouvons pas siéger à la Chambre, les uns à côté des autres, et faire des aller-retour entre la capitale nationale et nos circonscriptions sans risquer de devenir des vecteurs de la maladie et de contaminer nos concitoyens. Cependant, la solution n'est toujours pas adéquate, alors je suis partagée sur cette question.
Cela dit, avant que nous ne tournions définitivement le dos à la pandémie, j'ose espérer que la Chambre au complet pourra se réunir à distance. Tout ce qu'il manque, ce sont les votes à distance. Or, ce serait tout simple, et une fois ce léger détail réglé, nous pourrions étudier les textes législatifs qui doivent l'être. Nous pourrions demander aux comités de soumettre tous les aspects de tous les budgets à une longue et rigoureuse étude. Le comité des finances a d'ailleurs continué à se réunir. J'en regarde souvent les réunions. Il a pu entendre des dizaines de témoins. La technologie qui permettrait au Parlement de se réunir existe déjà, alors j'espère que c'est ce qu'il fera. Nous devons remettre la démocratie en action, et pour que la démocratie soit en action, tous les Canadiens doivent être représentés par leur député — pas par procuration, ni par les whips des partis, mais par les députés eux-mêmes. Tout le monde doit participer, et c'est ce qui arrive quand nous tenons des séances hybrides, séances qui sont d'ailleurs la preuve que cette technologie fonctionne.
Le seul problème, c'est que le Règlement de la Chambre ne s'applique pas à ces séances. Puisqu'il s'agit du comité sur la COVID-19, nous observons plutôt les règles des comités. C'est bon pour la reddition de comptes, cela dit, et force est d'admettre que les plages de cinq minutes sont beaucoup plus instructives et intéressantes que les échanges de 30 secondes auxquels nous avons généralement droit pendant la période des questions telle qu'elle est définie dans le Règlement.
Quoi qu'il en soit, je souhaite passer aux questions que je me pose sur le budget supplémentaire des dépenses, et je m'adresserai aux ministres.
Ma première question serait pour le ministre de la Sécurité publique. Toutefois, je ne suis pas certaine de savoir qui doit répondre aux questions concernant la Gendarmerie royale du Canada. C'est le ministre des Transports.
Le ministre peut-il nous fournir des précisions concernant ce que l'on retrouve à la page 2-21? Je tiens à dire qu'évidemment, le Parti vert est très favorable au nouveau montant de 380 millions de dollars destinés à indemniser les membres de la Gendarmerie royale du Canada pour les blessures subies dans l’exercice de leurs fonctions, mais il y a un poste de 18 millions de dollars qui n'est accompagné d'aucune explication.
Pour les gens qui nous regardent à la maison, je précise que le budget total de la Gendarmerie royale du Canada est de l'ordre de 3,7 milliards de dollars. Par conséquent, les 18 millions de dollars représentent une somme plutôt dérisoire dans un budget de 3,7 milliards de dollars. Étant donné que ce montant n'est accompagné d'aucune explication et qu'on s'inquiète beaucoup actuellement du racisme systémique au sein de la Gendarmerie royale du Canada, le ministre peut-il nous confirmer qu'aucune partie des 18 millions de dollars de ce poste budgétaire n'est destinée à des interventions de police militarisée face à des manifestants pacifiques, lors des événements qui alimentent les conversations actuelles au Parlement et dans les médias?
Que prévoit-on faire avec les 18 millions de dollars? J'espère que ce sera pour de la formation sur la désescalade.