Monsieur le Président, je commencerai tout simplement en disant que le ministre de la Défense nationale ne doit pas seulement démissionner en raison de chiffres ou de décisions politiques, mais en raison de la responsabilité ministérielle, une convention constitutionnelle très importante dans ce pays. Comme il ne veut pas suivre celle-ci, nous devons aujourd'hui utiliser une journée de l'opposition pour demander sa démission, qui viendra bientôt. À la fin de mon discours, on comprendra pourquoi.
J'aimerais quand même remercier tous les hommes et les femmes qui servent leur pays dans les Forces armées canadiennes pour le travail acharné qu'ils font tous les jours, comme en témoigne dernièrement leur action rapide pour aider à remédier aux inondations qui ont lieu dans plusieurs régions du Québec et de l'Ontario.
J'aimerais également remercier les membres du 6e Régiment d'artillerie de campagne, avec lesquels j'ai eu l'honneur de servir notre pays, pour tout le dévouement dont ils font preuve envers la patrie depuis la création du régiment et dans tout conflit.
Tout comme mes autres collègues de l'opposition, aujourd'hui, je veux parler de notre motion, que voici:
Que la Chambre n'a plus confiance en l'habileté du ministre de la Défense nationale à exercer ses fonctions au nom du gouvernement puisqu'il a présenté plusieurs fois son service militaire sous un faux jour et induit la Chambre en erreur.
C'est quand même très grave. Tout a commencé par des enjeux antérieurs, dont je parlerai très bientôt. Tout d'abord, je veux expliquer un peu ce qui nous a amenés à cette journée de l'opposition, c'est-à-dire l'opération Méduse, qui a eu lieu en Afghanistan en 2006.
La carrière politique du ministre a débuté récemment, en 2015. Avant les élections de novembre 2015, il était toujours au service des Forces armées canadiennes. Dans un discours à New Delhi, en Inde, pour la deuxième fois dans sa carrière politique, il a précisé qu'il était l'architecte principal de l'opération Méduse. Ce n'était pas une erreur de parcours, puisqu'il avait déjà prononcé cette fausseté, cette exagération lors de la campagne électorale de 2015 lors d'une entrevue avec un journaliste.
L'opération Méduse était l'une des opérations les plus importantes menées par les Forces armées canadiennes en Afghanistan. Elle fait partie de notre fierté nationale, puisqu'elle a été un succès, selon la majorité des analystes.
Depuis qu'il a fait cette fausse déclaration, le ministre a fait l'objet de fortes critiques à l'égard de ce mensonge de la part des médias, de l'opposition et de nombreux membres des Forces armées canadiennes actifs ou retraités. Aujourd'hui, mes collègues en ont bien fait la démonstration en mentionnant plusieurs militaires retraités qui sont déçus et accablés par le comportement de ce ministre.
Ce qui est malheureux, mais qui renforce notre point de vue en cette journée de l'opposition, c'est que le ministre de la Défense nationale est en train de créer une tendance dans le cadre de l'exercice de sa fonction ministérielle.
Au tout début de son mandat ministériel, en décembre 2015, lorsque le gouvernement, tout nouvellement élu, a décidé de mettre fin à notre campagne de CF-18 en Irak, le ministre de la Défense nationale a discuté avec certains membres du gouvernement irakien. À son retour en sol canadien, nous avons demandé plusieurs fois au ministre s'il avait effectivement entendu des commentaires sur le retrait de nos avions CF-18 en Irak, et il a dit que ce n'était pas le cas. Toutefois, grâce au bon travail des journalistes, nous avons récemment appris que le gouvernement irakien, au contraire, avait à de nombreuses reprises fait part au ministre de ses préoccupations concernant le retrait des avions CF-18. C'est le premier élément par rapport auquel le ministre de la Défense nationale nous a trompés.
Le deuxième exemple de la tendance que le ministre est en train de créer concerne le Koweït. Nous avons des militaires au Koweït qui, depuis le 5 octobre 2014, bénéficient d'un allégement fiscal qui a été mis en place par le gouvernement conservateur, comme c'est souvent cas dans le cadre d'autres missions.
Le ministre de la Défense nationale a reconnu, dans une réponse aux questions au Feuilleton, que le gouvernement conservateur avait effectivement mis en place ces allégements fiscaux. Malgré les indications claires du ministre, à l'effet que les militaires déployés au Koweit avaient droit à un allégement fiscal offert par le gouvernement conservateur précédent, il n'a cessé d'affirmer quelques mois après, faussement, que ces militaires ont été déployés sans obtenir d'allégement fiscal de la part du gouvernement conservateur. Pourquoi a-t-il changé d'avis? Ses assistants parlementaires n'ont-ils par pris le temps de lui dire qu'il avait signé une feuille à cet effet à la Chambre? C'est probablement ce qui est arrivé, et il s'agit là d'un autre exemple d'incompétence.
La troisième notion qui renforce le modèle de tromperie du ministre envers les Canadiens et la Chambre, c'est le manque de capacités de notre flotte aérienne. Cela ne s'avère pas du tout. Le lieutenant-général Michael Hood, commandant des forces aériennes, a dit, lors de son passage au Comité permanent de la défense nationale, auquel siège mon collègue de Charlesbourg—Haute-Saint-Charles — il était là et peut en témoigner — qu'il n'y avait pas de manque de capacité en ce qui a trait à la flotte aérienne du Canada.
J'ai donné trois exemples patents qui démontrent que le ministre a faussement guidé la Chambre des communes, les parlementaires qui doivent voter pour ou contre les décisions du gouvernement. Son modèle me semble assez évident, et c'est ce qui m'amène à la deuxième partie de mon discours.
Je veux revenir sur la convention de la responsabilité ministérielle. S'il y a bien une chose fantastique que nous a légué la mère patrie, l'Angleterre et son Parlement mère, le fantastique Parlement de Westminster, c'est la responsabilité ministérielle qui, d'abord et avant tout, repose sur l'honneur d'un homme ou d'une femme, l'honneur de servir et de reconnaître que, en temps et lieu, il ou elle doit mettre fin à ses fonctions.
Je dois dire que le Canada a un historique intéressante en ce qui a trait à la responsabilité ministérielle. Je vais nommer tous les exemples des ministres qui, depuis 1867, ont démissionné pour des raisons qui vont du banal au plus grave.
Je pensais que le changement de la culture politique qui s'effectue depuis les années 50 avait dû faire en sorte que peu de ministres auraient démissionné récemment. On traite les politiciens comme on traite un produit de consommation de masse, c'est-à-dire qu'on les met à la poubelle quand ils ne sont plus bons. Contrairement à ce que je pensais, jusqu'aux années 2000, des ministres ont eu le courage de démissionner pour des raisons beaucoup plus banales que ce dont nous discutons présentement par rapport au ministre de la Défense nationale.
M. Galt, l'un des pères fondateurs du pays, démissionne en 1867 parce qu'il manque d'appui et de confiance de la part de ses collègues du Cabinet qui tenaient sa politique responsable de l'effondrement de la Commercial Bank of Canada.
En 1878, M. Vail, ministre de la Défense nationale, démissionne parce qu'il contrevient aux directives ministérielles en étant actionnaire d'une compagnie ayant obtenu des contrats d'imprimerie et de publicité du gouvernement.
En 1907, le ministre des Chemins de fer et Canaux, M. Emmerson, démissionne, car il a été accusé d'être allé dans un hôtel de Montréal avec une personne de mauvaise vie. N'est-ce pas incroyable?
En 1965, le secrétaire d'État du Canada, M. Lamontagne, démissionne parce qu'il est accusé par l'opposition, pas par un tribunal, d'être impliqué dans le scandale d'une histoire de faillite proche du premier ministre.
M. Dupuis, un ministre sans portefeuille, démissionne en 1965 après avoir exercé une influence indue dans une affaire de pistes de courses à Saint-Luc.
En 1986, le ministre de l'Expansion industrielle régionale, M. Stevens, démissionne car il était l'objet d'une enquête au sujet d'allégations de conflit d'intérêts, ce qui est beaucoup plus grave.
En 2002, le solliciteur général du Canada, l'actuel ministre de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire, démissionne parce qu'il fait l'objet d'une enquête sur des allégations de conflit d'intérêts.
En 2005, l'actuelle députée de Humber River—Black Creek démissionne au milieu d'allégations d'actes irréguliers.
Finalement, en 2010, Helena Guergis, ministre d'État, démissionne puisqu'elle est l'objet d'une enquête au sujet d'allégations en ce qui a trait à sa conduite.
Comme on peut le voir, pour diverses raisons, banales ou non, les ministres ont appliqué une convention fort importante de notre pays, une convention constitutionnelle qui demande à un homme ou une femme qui exerce un ministère du Canada de démissionner lorsque les députés de la Chambre remettent en doute leur confiance à son endroit. Or Ce n'est pas seulement nous, c'est l'entièreté des forces canadiennes qui remet en doute leur confiance envers le ministre. Il devrait tout simplement démissionner.
Lorsqu'on connaîtra la vérité sur tous les enjeux qui nous préoccupent, et si effectivement il n'a pas menti aux Canadiens, il pourra revenir.