Monsieur le Président, j'ai le plaisir de prendre la parole à ce sujet ce soir. En effet, j'étais ce matin au Comité permanent des opérations gouvernementales et des prévisions budgétaires où nous avons reçu le président du Conseil du Trésor pour lui poser des questions, entre autres, sur l'utilisation des crédits 1 c. Depuis le 4 novembre 2015, on utilise les crédits 1 c pour répondre à l'augmentation des salaires des ministres d'État, afin qu'ils aient le même salaire que les ministres à portefeuille qui ont des sous-ministres et des centaines de bureaucrates qui sont là pour les servir.
Je vais expliquer plus tard pourquoi cela préoccupe le Comité permanent des opérations gouvernementales et des prévisions budgétaires, ainsi que le Comité sénatorial permanent des finances nationales de l'autre Chambre.
Je suis de plus en plus découragé par ce gouvernement, parce qu'il me semble qu'aujourd'hui à la Chambre, on ne devrait pas parler de ce projet de loi C-24 qui vise à réparer une chimère du gouvernement libéral. On devrait plutôt parler du devoir des citoyens, soit ce qu'on peut faire pour notre patrie, ce qu'on peut faire demain matin pour améliorer notre communauté, ce qu'on peut faire pour honorer davantage les hommes et les femmes en uniforme, et comment on peut servir la patrie en tant qu'individus.
On peut parler d'équité régionale. En effet, le projet de loi C-24 vise ce genre de discussions, puisque les libéraux ont décidé d'abolir le poste des ministres qui représentent diverses régions économiques au Canada, soit celles de l'Atlantique, du Québec, de l'Ontario, des Prairies, de la Colombie-Britannique et des Territoires.
On pourrait aussi parler de la création de la richesse. Le gouvernement libéral aime se gargariser en parlant de son objectif visant à assurer le bien-être de la classe moyenne. J'ai un problème avec cela, car on devrait plutôt parler de vouloir améliorer la situation de tous les Canadiens. J'ignore pourquoi le gouvernement s'entête à ne parler que d'une seule classe au lieu de parler de tous les Canadiens. Ce que j'aimais chez le très honorable M. Harper, c'est qu'il parlait toujours de toutes les familles canadiennes. Son objectif n'était pas de parler d'une seule classe sociale.
Cela étant dit, en raison de ma fonction, je dois m'opposer à ce projet de loi. Ainsi, au lieu de parler de devoir des citoyens et du service à la patrie, je vais parler du projet de loi C-24.
Le projet de loi C-24 veut élever des ministres d'État, dont certains n'ont ni portefeuille ni de ministère. On veut leur donner le même statut que les ministres qui ont des ministères, des sous-ministres, des milliers de fonctionnaires, des équipes de centaines de fonctionnaires, en plus de bâtiments pour les loger. On parle de véritables ministères, par exemple, les ministères de la Défense nationale, des Services publics et de l'Approvisionnement, des Transports et la liste continue. Il y a environ 25 véritables ministères.
On veut donner à ces personnes, qui n'ont ni chauffeur ni vraies responsabilités, le même salaire que celui d'un ministre traditionnel du Cabinet. C'est paradoxal.
En outre, le projet de loi C-24 prévoit la création de huit nouveaux postes de ministre, dont trois ministres « mystères », dont on ne connaît pas encore ni les fonctions, ni les objectifs, ni les responsabilités. On connaît cependant leur couleur: ils seront des libéraux. Le projet de loi élimine les postes des six ministres qui représentaient les régions. On a maintenant seulement un ministre et il représente Toronto qui compte 7 millions d'habitants. C'est énorme et c'est une grande responsabilité. C'est lui qui représente maintenant, par exemple, le peuple acadien et la péninsule acadienne concernant leurs préoccupations au sujet de la pêche du homard et du crabe. C'est vraiment paradoxal.
Qui plus est, le projet de loi C-24 vise à modifier la Loi sur les traitements, et c'est bien de vouloir le faire. En fait, le gouvernement veut réparer une erreur sur le plan de la jurisprudence parlementaire, c'est-à-dire une erreur qu'ils font à contre-courant de la jurisprudence parlementaire.
Le très honorable sénateur M. Smith, qui est le président du Comité sénatorial permanent des finances nationales au Sénat, a communiqué avec moi pour me faire part du problème, afin que je puisse en parler au Comité permanent des opérations gouvernementales et des prévisions budgétaires. En fait, le gouvernement utilise le budget supplémentaire des dépenses pour payer le salaire supplémentaire des ministres d'État, alors que la jurisprudence parlementaire nous dit qu'il y a trois raisons pour lesquelles il ne faut pas agir ainsi.
Par exemple, dans l'ouvrage de Beauchesne, au paragraphe 935, on se réfère à la page 8601 des Débats du 25 mars 1981:
On ne doit pas tenter d'obtenir par le biais des affaires relatives aux subsides une autorisation qui devrait normalement provenir de source législative.
Puis, au paragraphe 937, on se réfère à la page 10546 des Débats du 12 juin 1981:
Le gouvernement ne peut pas usurper, par le biais d'une loi de crédits, une autorisation qu'il n'a pas encore en vertu de lois existantes.
C'est ce que le gouvernement tente de faire aujourd'hui. Il tente d'obtenir une autorisation de notre part au moyen de la Loi sur les traitements. Finalement, au paragraphe 941, on se reporte aux pages 94 et 95 des Débats du 5 février 1973:
S'il arrive qu'un poste de budget intéresse un projet de loi non encore adopté par le Parlement, le projet de loi d'autorisation doit être adopté avant la que dépense prévue ne soit autorisée par une loi de crédits.
La jurisprudence parlementaire nous dit donc que les ministres d'État du Cabinet du premier ministre n'auraient pas dû bénéficier d'une augmentation salariale depuis le 4 novembre 2015. Ils auraient dû l'avoir, en bonne et due forme, dès l'adoption du projet de loi C-24. D'ailleurs, celui-ci ne sera pas adopté par nous, les conservateurs, mais par les libéraux, qui forment la majorité. Grand bien leur fasse!
Noir sur blanc, les sénateurs ont écrit ceci:
Notre comité est préoccupé par la pratique récurrente consistant à utiliser les budgets supplémentaires des dépenses afin de payer le traitement de certains ministres avant la promulgation d'amendements à la Loi sur les traitements, et soulève cette question dans le contexte du projet de loi C-24.
Il y a donc un comité du Sénat qui se penche sur ces questions depuis plusieurs mois et qui s'en préoccupe davantage que la Chambre des communes.
Quand on parle de parité, les libéraux aiment mettre en place des politiques gouvernementales qui siéent à leur énoncé idéologique et à leur vision du monde, mais il y a peut-être des conséquences inattendues à certaines de leurs actions qu'ils n'arrivent pas à observer, tellement ils sont aveuglés par leur idéologie.
Ils disent vouloir amener la parité au sein du Cabinet, mais après plus ample réflexion, j'ai constaté que cela pourrait avoir une conséquence inattendue très déplorable. Si on dit que le Cabinet est majoritaire, on peut en déduire qu'il n'y aura jamais de Cabinet formé d'une majorité de femmes. Pourtant, au cours des 150 dernières années, le Cabinet était composé d'une majorité d'hommes à maintes reprises. Maintenant, on dit aux femmes qu'elles ne formeront jamais une majorité au sein du Cabinet, et ce, peu importe leurs compétences, leurs convictions et leurs forces sur le terrain politique. Non, ce sera la parité, 50-50.
Je pourrais même ajouter qu'en faisant cela, on s'assure qu'il n'y aura jamais moins de 50 % d'hommes au sein du Cabinet. C'est paradoxal. On dit cela pour sauvegarder et agrandir les droits des femmes, mais en réalité, lorsqu'on fait une réflexion philosophique et politique, on constate que c'est peut-être un moyen de freiner l'avancement des femmes en politique. N'est-ce pas une réflexion intéressante?
Au lieu de parler de la parité du Cabinet, puisque je viens démontrer que c'est une chimère et que cela nuit à l'avancement des femmes au sein du Cabinet, on devrait parler de la parité des peuples fondateurs. C'est cela qui est important, au Canada: les Canadiens français, les Canadiens anglais, le fait que le Québec n'a pas encore signé la Constitution, et le fait que certaines revendications émanent de toutes parts, que ce soit dans l'Ouest, qui aimerait voir certaines réformes, dans les provinces maritimes ou au Québec. On devrait parler de la parité de notre pays sur le plan des cultures anglaise et française et s'assurer que tout un chacun est confortable dans l'environnement constitutionnel. Toutefois, au lieu de cela, on est pris à parler d'un projet de loi qui vise à corriger une erreur qui a été commise sous les auspices d'une idéologie aveuglante.
Ce que je déplore de plus en plus, c'est que ce gouvernement dise être objectif et se baser sur les faits scientifiques.
D'abord, c'est arrogant de dire cela, parce que c'est prétendre que ce n'est pas le cas de celui qui nous fait face. Or, en réalité, les libéraux sont pris eux-même dans des perceptions idéologiques qui les empêchent de constater certaines conséquences importantes de leur projet de loi.
En définitive, je voudrais dire que, nonobstant l'idéologie, les libéraux ne peuvent pas verser aux ministres des salaires augmentés avant que la loi ne soit adoptée, or ils le font depuis 2 ans, et c'est ce qui est grave.