Monsieur le Président, je dois admettre que mon collègue conservateur de Kitchener—Conestoga et ma collègue du NPD ont tous deux fait de très beaux discours. J'ai été fort impressionné par sa référence à M. Diefenbaker, un grand homme canadien qui vient de sa province. J'allais justement parler de lui aujourd'hui. Je suis toujours très heureux de le faire, bien que je vais en parler d'une manière un peu différente.
Au Parti conservateur, nous sommes contre le projet de loi C-325, Loi modifiant la Déclaration canadienne des droits relativement au droit au logement, proposé par la députée de North Island—Powell River. Je pourrais dire que le sens des termes « prix raisonnable et sans obstacles injustifiés », dans le préambule, est vague. Je pourrais dire que le projet de loi ne tient pas compte des différences des prix du marché. Je pourrais aussi dire que l'article 92 de la Constitution fait de ce sujet une compétence provinciale et que la Déclaration canadienne des droits, mise en branle par M. Diefenbaker, touche seulement les questions fédérales.
Toutefois, ce n'est pas sous cet angle que je vais parler de mon opposition à ce projet de loi. Je voudrais plutôt aborder les idées philosophiques sous-jacentes qui sont à la base de cette proposition de la députée de North Island—Powell River. En illustrant ces idées sous-jacentes, je compte étoffer mon argument contre ce projet de loi.
D'abord, je voudrais dire que ni la gauche intellectuelle canadienne, soit les penseurs marxistes de l'Osgoode Hall Law School ou de l'Université de la Colombie-Britannique, ni la droite intellectuelle, c'est-à-dire l'école de Calgary, à mon humble avis, ne seraient d'accord sur l'introduction de ce droit dans la Déclaration canadienne des droits.
Cela dit, je lève mon chapeau à la députée de North Island—Powell River, parce qu'elle a proposé de modifier la Déclaration canadienne des droits plutôt que la Charte canadienne des droits et libertés. J'en suis extrêmement fier, puisque ainsi, la députée souscrit au constitutionnalisme libéral à la britannique, c'est-à-dire le constitutionnalisme libéral de type westminstérien, au lieu de souscrire au constitutionnalisme libéral de type américain. La différence est minime, mais cette simple nuance constitue toute une différence sur plusieurs siècles. Voici pourquoi.
Selon le constitutionnalisme libéral à la britannique de type westminstérien, le pouvoir et le dernier mot de l'ordre constitutionnel résident dans le pouvoir législatif. C'est pourquoi M. Diefenbaker, ce grand homme canadien, n'aurait jamais, au grand jamais enchâssé la Déclaration canadienne des droits dans la Constitution. En faisant cela, on donnerait le dernier mot de l'ordre constitutionnel aux juges, c'est-à-dire au pouvoir judiciaire.
La députée de North Island—Powell River témoigne donc beaucoup de respect à l'égard de notre culture politique canadienne du constitutionnalisme libéral westminstérien, une culture qui, fort malheureusement, a été mise au ban, voire mise à mort par une révolution constitutionnelle perpétrée par ce parti-là et Pierre Elliot Trudeau en 1982. Ils nous ont dirigés vers un constitutionnalisme libéral à l'américaine, selon lequel le dernier mot appartient aux juges. Nous avons la clause dérogatoire, mais aucun premier ministre n'a osé l'utiliser à ce jour, bien malheureusement.
C'est un débat historique, aujourd'hui. Selon moi, cette question nous amène beaucoup plus loin que la question du logement. Depuis le siècle des Lumières, on débat de la façon d'établir un équilibre entre les droits individuels et les droits collectifs. Même au Canada, on a ce débat depuis 1867. Depuis 1982, soit depuis 35 ans, il y a un très beau débat entre les intellectuels canadiens.
John Locke, le père intellectuel du libéralisme moderne et de l'individualisme, pensait que la liberté individuelle était antérieure à l'apparition de l'État, soit à la mise en place de toute Constitution ou droit positif de l'homme. Il croyait donc au droit naturel. Il pensait aussi que tout régime politique basé sur cette idée, son idée à lui, plaçait l'individu au coeur de l'État de droit.
Cela est à la base de notre débat d'aujourd'hui sur le droit au logement, puisque John Locke nous aurait dit que le droit au logement ne fait pas partie d'un droit individuel, qui est à la base même du droit naturel et qui a préséance sur le droit positif.
On voit qu'il y a au Canada le même genre de débat, qui tire un peu plus loin, depuis l'enchâssement de la Charte en 1982, une révolution constitutionnelle bien triste selon moi. Il y a des auteurs progressistes de pensée marxiste comme Mandel, Petter, Hutchinson, McWhinney, Hirschl, Mackay et Lebel-Grenier, qui sont les porte-étendards de la pensée intellectuelle de gauche marxiste universitaire. Il y a aussi les penseurs de l'école dite conservatrice, des penseurs du torysme canadien, ce sont Banfield, Morton, Patenaude, Knopff et Martin.
Dans les deux cas, bien qu'ils appartiennent à deux écoles de pensée totalement différentes, ils diraient que ce n'est pas en enchâssant un droit ou en apportant un nouveau droit qu'on va régler la situation de l'accès du logement au Canada.
Je suis peut-être en train de prendre de grands détours, mais j'arrive au point quand même. Ces personnes auraient dit qu'avoir accès à un logement, à de la nourriture ou à l'éducation, c'était un combat politique qu'il fallait livrer. Ils diraient, par exemple, que le droit des homosexuels a été acquis par des combats politiques, et non par le biais de la Cour suprême du Canada ni par des droits enchâssés. Ils diraient que le combat pour le droit des femmes s'est fait sur le plancher politique. Il a été mené, par exemple par les suffragette au début du XXe siècle, et non par la Cour suprême du Canada. C'est ce qu'ils auraient dit.
Tout est dans ce paradigme entre le droit négatif et le droit positif. C'est là que se trouve la distinction entre ces deux écoles de pensée des penseurs marxistes et conservateurs.
J'arrive à ce que disait la députée. C'est que, du côté du NPD, on espère être en mesure d'intégrer dans le droit canadien des notions de droit positif. On donne donc quelque chose à quelqu'un, ce qui est très rare dans la Constitution canadienne. C'est ce qu'on a, par exemple, pour les ayants droit en ce qui concerne la francophonie canadienne en matière du droit linguistique. C'est peut-être la seule chose qui donne des droits positifs dans notre Constitution.
Dans la pensée conservatrice qui est typique du libéralisme classique, on dirait que non, on est dans le droit négatif, c'est-à-dire que notre liberté s'arrête là où celle de l'autre commence. Tout le droit canadien est bâti sur une pyramide dont l'objectif fondamental est de s'assurer qu'on ne fait pas quelque chose qui brime le droit de l'autre. On n'a pas un droit positif. C'est un débat sain.
Ma collègue a dit qu'elle pensait livrer un combat politique. Toutefois, son combat politique devrait être mené pour contrôler les prix ou le marché immobilier. Il faudrait peut-être aller au palier provincial pour se battre concernant les champs de compétences appartenant aux provinces. Être ici au Parlement fédéral et vouloir intégrer un nouveau droit, qui sera seulement des lettres alphabétiques sur une feuille de papier, ne permet pas de livrer un combat politique en tant que tel.
Ces paroles sur Diefenbaker étaient très importantes et bien pensées, mais ma lecture de Diefenbaker, c'est qu'il n'aurait pas été jusqu'à intégrer ce droit dans la Déclaration canadienne des droits.
Je suis en désaccord à la fois avec deux extrêmes, soit les penseurs marxistes de la Osgoode Hall Law School, de Toronto, et ceux de l'École de Calgary qui, eux, disent qu'on devrait donner le droit à la propriété, alors que les autres disent qu'on devrait donner le droit au logement. Les deux extrêmes sont complètement faux, parce que dans les deux cas, on va paralyser l'État. La puissance de l'État est fondamentale au Canada pour faire respecter notre souveraineté d'abord et avant tout, soit sur les plans militaire, économique et politique.
Quand on dit d'enchâsser le droit de propriété dans la Constitution, on empêche le gouvernement de faire passer des lignes hydroélectriques, par exemple, ou de faire des projets de grande envergure. Quand on parle de droit au logement, on paralyse également l'État, parce qu'il devrait fournir un logement à tous les Canadiens, ce qui serait complètement aberrant sur le plan économique.
Restons dans le droit chemin, celui d'avant 1982 et soyons westminstériens.