propose que le projet de loi C-590, Loi modifiant le Code criminel (alcoolémie), soit lu pour la deuxième fois et renvoyé à un comité.
— Monsieur le Président, c'est un grand honneur pour moi de prendre encore la parole à la Chambre pour présenter un projet de loi d'initiative parlementaire, qui, je pense, rendrait le Canada, et certainement nos routes, plus sûrs.
Pour commencer, j'aimerais remercier le ministre de la Justice et son personnel de l'aide qu'ils m'ont apportée. J'aimerais remercier le secrétaire parlementaire pour toute l'aide qu'il m'a fournie. J'aimerais aussi remercier le personnel de la Bibliothèque du Parlement de m'avoir aidé à rédiger ce texte législatif.
Je tiens aussi à dire, dès le départ, que je suis très ouvert d'esprit en ce qui concerne cette mesure législative. Je suis disposé à ce qu'elle soit amendée pour la rendre meilleure. C'est une mesure législative à laquelle la Chambre peut souscrire, à laquelle le comité peut souscrire, dans le but d'en faire une mesure législative solide qui sauverait la vie de Canadiens.
Je pense que tout le monde à la Chambre connaît une personne qui est décédée des suites d'un accident de la route causé par une personne en état d'ébriété. Je crois que nous savons tous à quel point cela peut avoir des effets dévastateurs sur les membres de la famille, les employeurs, les employés et les amis des personnes touchées.
J'aimerais maintenant vous raconter l'histoire d'un collègue et ami, un homme d'affaires de Prince Alberta qui se nomme Ben Darchuk.
Ben gérait un commerce appelé Ben's Auto Glass. Il faisait partie de notre collectivité depuis fort longtemps. Il était âgé de 53 ans le 20 mai 2012. Ce jour-là, il conduisait sa voiture pour aller rejoindre le reste de sa famille au lac lorsqu'il a été heurté de plein fouet par un conducteur en état d'ébriété. Le taux d'alcoolémie de ce conducteur dépassait largement la limite permise. Celui-ci a aussi reconnu avoir consommé de la cocaïne plus tôt ce jour-là. Ces gestes ont eu des conséquences dévastatrices non seulement pour Ben, mais aussi pour les membres de sa famille, ses amis et ses employés.
Ce jour-là, la ville de Prince Albert a perdu l'un de ses piliers. Cet accident est survenu pendant la longue fin de semaine de la fête de Victoria, au moment où les gens vont camper pour la première fois de l'été. Ben avait l'intention de mettre son bateau à l'eau sur le lac et de profiter de la journée. Sa femme et ses enfants étaient déjà au lac. Il se trouvait à neuf kilomètres de la ville de Prince Albert et il était en route vers le lac lorsque l'accident s'est produit.
Sa famille est atterrée. Sa femme, Leanne, est anéantie. Ses trois enfants n'ont plus de père. Les employés de Ben's Auto Glass, eux, n'ont plus de patron. Tous ces gens sont durement éprouvés, car ils doivent vivre leur deuil et l'avenir de l'entreprise est incertain; en effet, les collègues et les employés de Ben ne savent pas ce qui les attend.
Ben était très actif au sein du Club Kinsmen. C'est grâce à lui que Prince Albert peut compter sur le service d'urgence 9-1-1; il a contribué à instaurer ce service. Il était très fier de ses racines ukrainiennes et aimait la danse ukrainienne. On le voyait souvent participer aux soirées dansantes et aux activités. Il jouait un rôle actif au sein de la collectivité. Il avait 53 ans. Il a été heurté par un conducteur en état d'ébriété et il est décédé.
Les cas comme celui de Ben sont désolants. Comme je l'ai dit plus tôt, je crois que tout le monde peut comprendre, car nous connaissons tous quelqu'un, que ce soit un ami, un collègue ou un proche qui a connu une telle situation.
Nous devons réfléchir à ce que nous pouvons faire pour que la conduite avec facultés affaiblies soit perçue comme totalement inacceptable, une chose à laquelle personne ne songerait. J'utilise souvent l'expression : « Dans le doute, ne prend pas la route ».
Ce que je tente de mettre en relief ici, c'est le fait que certaines personnes prennent le volant d'un véhicule motorisé même si elles sont beaucoup trop intoxiquées pour conduire. Ce faisant, elles mettent d'innocentes vies en danger.
Je vais donner un aperçu détaillé du projet de loi. Je vais ensuite conclure avec des commentaires recueillis lors de mes conversations avec les familles de victimes. Je tiens d'ailleurs à les remercier de leurs témoignages. Ils fournissent un contexte qui aide à faire avancer ce genre de chose.
Le projet de loi C-590 vise à modifier l'article 255 du Code criminel, afin de prévoir des peines plus sévères lorsque le taux d’alcoolémie du contrevenant est deux fois plus élevé que la limite permise. Soyons précis : deux fois plus élevé que la limite permise, cela correspond à un taux d'alcoolémie de 0,16. Voilà ce dont on parle dans le projet de loi.
Ces contrevenants seraient passibles d'une peine d'emprisonnement pouvant aller jusqu'à 10 ans. Une première infraction entraînerait une amende minimale de 2 000 $ et une peine minimale d'emprisonnement de 60 jours. En cas de récidive, la peine minimale d'emprisonnement serait de 240 jours.
Les contrevenants dont le taux d'alcoolémie dépasse la limite permise et qui causent des blessures ou la mort en conduisant encourraient une amende maximale de 5 000 $ et une peine minimale d'emprisonnement de 120 jours pour une première infraction ou de 12 mois en cas de récidive.
Les données de Statistique Canada donnent à réfléchir: près de la moitié des conducteurs morts ou blessés au volant avaient un taux d'alcoolémie qui dépassait le double de la limite permise. Dans la moitié des accidents ayant causé la mort, les conducteurs impliqués avaient un taux d'alcoolémie équivalant à deux fois la limite permise. Nous devons interdire à ces gens de conduire.
C'est également un fait que la conduite avec facultés affaiblies a un effet dévastateur sur notre jeunesse, puisque 31 % des décès parmi les jeunes sont liés à la consommation d'alcool. Cette statistique est inacceptable.
Ces décès pourraient être évités, mais le problème existe et le drame se poursuit.
En juin 2009, le Comité permanent de la justice et des droits de la personne de la Chambre des communes a produit un rapport sur l'alcoolémie des conducteurs dans les accidents mortels. On y constate que, dans la plupart des cas où le conducteur avait consommé de l'alcool, le taux d'alcoolémie était supérieur à la limite de 0,08 actuellement inscrite dans le Code criminel.
Parmi les conducteurs qui ont été impliqués dans des accidents mortels et dont l'alcoolémie a été mesurée au Canada, 62,9 % n'avaient pas d'alcool dans le sang. Voilà qui est bien. Il faudrait que la proportion soit de 100 %, mais 63 % n'est pas mauvais.
Ceux qui avaient bu constituent donc 37,1 % des conducteurs. Leur alcoolémie était inférieure à 0,05 dans 4,3 % des cas et se situaient entre 0,05 et 0,08 dans 2,6 % des cas. En revanche, une alcoolémie entre 0,081 et 0,16 a été mesurée dans 9,5 % des cas et une alcoolémie de plus de 0,16, dans 20,8 % des cas. Autrement dit, 81,5 % des conducteurs qui avaient bu avant d'être impliqués dans un accident mortel avaient une alcoolémie dépassant la limite actuelle de 0,08 et, dans un grand nombre de cas, dépassant même 0,16.
Les députés peuvent ainsi voir exactement où je veux en venir avec ce projet de loi et pourquoi je vise ceux dont l'alcoolémie est supérieure à deux fois la limite permise par la loi. Les députés peuvent voir pourquoi nous devons nous assurer que ces gens ne prennent plus le volant. Lorsqu'une personne a taux aussi élevé d'alcool dans le sang, il est évident qu'elle est extrêmement soûle, comme elle peut le sentir et comme ses amis et collègues peuvent s'en apercevoir, donc qu'elle ne devrait ni avoir les commandes d'un véhicule ou d'une grue, ni être en train d'effectuer une activité du genre.
Les personnes ayant un fort taux d'alcool dans le sang représentent 1 % des conducteurs sur les routes la nuit ou la fin de semaine, mais elles constituent près de la moitié des conducteurs qui meurent dans un accident de la route pendant cette période.
Les ressources limitées dont nous disposons seraient sans doute mieux employées si nous ciblions les conducteurs qui sont les plus susceptibles de mourir dans un accident de la route, c'est-à-dire ceux dont l'alcoolémie dépasse 0,08. Ils représentent 81,5 % des conducteurs ayant consommé de l'alcool qui meurent sur les routes. Les pires délinquants prennent déjà le volant avec une alcoolémie de deux à trois fois supérieure à la limite actuellement permise. Ce sont eux qui constituent le plus grand danger sur les routes, et nous devrions encore considérer qu'il s'agit d'un problème prioritaire.
Voici ce que dit le rapport:
L’article 255.1 du Code criminel porte que, dans le cas d’une infraction commise avec un véhicule à moteur, si le contrevenant avait une alcoolémie de plus de 0,16 au moment où l’infraction a été commise, cela constitue une circonstance aggravante dont il est tenu compte dans la détermination de la peine. En effet, un tel niveau d’ébriété au volant (plus du double de la limite légale) suppose généralement de graves problèmes.
Même si un conducteur présentant une telle alcoolémie n’en est qu’à sa première arrestation, il y a de fortes chances qu’il soit souvent en état d’ébriété au volant. Il n’a simplement encore jamais été épinglé.
Dans la province d'où je viens, la Saskatchewan, nous n'avons pas de quoi être fiers de notre bilan en matière de conduite en état d'ébriété. En fait, le nombre de cas de conduite en état d'ébriété recensés par la police n'a pas cessé d'augmenter de 2006 à 2011, selon Statistique Canada.
Qui plus est, c'est en Saskatchewan que la police recensait en 2011 le plus de cas de conduite en état d'ébriété. On parle de près de 700 personnes sur 100 000. Autrement dit, nous sommes passés en 5 ans de 500 personnes sur 100 000 à 700 sur 100 000. Nous n'allons pas dans la bonne direction, et il faut que ça change.
En rehaussant les sanctions à leur encontre, le projet de loi C-590 cible plus particulièrement les conducteurs ayant un fort taux d'alcool dans le sang. L'objectif: les empêcher de récidiver, car ce sont les délinquants à haut risque qui causent le plus grand nombre de collisions mortelles et qui sont le plus susceptibles de récidiver.
Je suis conscient que cette mesure législative n'est pas une panacée et qu'elle ne réglera pas à elle seule le problème de l'alcool au volant. Elle permettra cependant à ceux qui s'occupent de l'éducation de nos enfants de leur expliquer à quel point il s'agit de quelque chose de grave. Nos enseignants pourront dire aux enfants qu'en plus d'être inacceptable, l'alcool au volant peut avoir de graves conséquences, encore plus pour ceux qui conduisent en état d'ébriété avancé.
Elle permet aussi de prendre conscience de ce qui peut arriver et des décès qui peuvent survenir non seulement quand une personne conduit alors que son alcoolémie dépasse la limite légale, mais quand elle conduit alors que son alcoolémie est deux fois supérieure à la limite légale. Quand on y pense, la moitié du temps, lorsqu'une personne meurt dans un accident de la route, un chauffard présentant une alcoolémie deux fois supérieure à la limite légale est impliqué.
L'autre chose que je tiens à signaler à la Chambre, c'est que je suis très ouvert aux amendements. Je suis très ouvert à l'idée d'élaborer une mesure législative qui non seulement fait l'unanimité et la fierté de tous, mais que tous voudront adopter. Je me permets d'utiliser une analogie pour décrire ma démarche: j'ai pris un morceau d'argile, à l'instar d'un potier, et j'ai commencé à lui donner une forme. J'ai essayé de lui donner une vision. Je m'attends toutefois à ce que la Chambre, par l'intermédiaire des comités, contribue à définir cette vision. J'attends de la Chambre et des comités qu'ils présentent des suggestions et je suis impatient d'en tenir compte lorsque nous essayerons d'améliorer le projet de loi. Notre but ultime est de réduire le nombre d'accidents mortels sur les autoroutes et de nous assurer que les routes que nos enfants, nos parents et notre famille empruntent sont sécuritaires.
Il n'y a pas que les routes. Je tiens à le préciser. Tout véhicule motorisé présente un danger potentiel, comme les bateaux, par exemple. En discutant avec des collègues aujourd'hui, quelqu'un a suggéré que nous devrions également inclure les lieux de travail. Si une personne affiche un taux d'alcoolémie de plus de 0,08, ou deux fois la limite permise, devrait-elle avoir le droit de conduire une grue? Devrait-elle avoir le droit de conduire de la machinerie lourde, surtout si, en raison de son taux d'alcoolémie trop élevé, elle ne travaille pas de façon sécuritaire et risque de blesser gravement les gens qui se trouvent à proximité?
Je tiens à souligner que cette mesure législative donne matière à réflexion. Je veux que les gens comprennent qu'il est inacceptable de conduire en état d'ébriété. Si une personne affiche un taux d'alcoolémie deux fois plus élevé que la limite permise et prend le volant, il faut la punir sévèrement.
Lorsque j'ai discuté du projet de loi avec les gens de MADD, ils m'ont dit être déçus à certains égards, ce que je peux comprendre. Ils auraient voulu que le projet de loi soit même plus sévère. Selon eux, les sanctions devraient être plus lourdes, et les peines minimales devraient être plus longues. Je suis disposé à envisager des amendements à ces égards, mais je suis certain que le comité décidera de la meilleure solution après avoir entendu divers témoignages.
Nous devons notamment parler aux victimes. Nous devons comprendre ce qu'elles traversent et ce que sont les conséquences pour leurs proches et la population locale. Certains événements se sont produits dans certains des petits villages de la circonscription de Prince Albert. Un vendredi soir, des adolescents prennent le volant en état d'ébriété. Ils savent très bien que ce n'est pas acceptable, mais ils le font quand même. Et, un jour, des funérailles ont lieu dans le gymnase de l'école. Quelle tristesse de voir des vies ainsi perdues.
Nous devons vraiment veiller à ce que des programmes de sensibilisation appropriés soient mis en oeuvre pour que les jeunes soient au fait des conséquences de la conduite en état d'ébriété et ne recommencent pas.
En conclusion, je souligne que Ben Darchuk avait un dicton: « Quand on veut, on peut. » C'est ainsi qu'il voyait les choses lorsqu'il était à Prince Albert. Lorsqu'il voulait que quelque chose se fasse, il disait toujours: « Quand on veut, on peut. » Je crois que c'était sa devise. Si la Chambre veut, si le comité veut et si nous voulons tous collaborer à l'atteinte du même objectif, nous pouvons faire adopter ce projet de loi, qui contribuera à rendre la société meilleure.
Monsieur le Président, je vous remercie du temps de parole qui m'a été accordé pour présenter mon projet de loi. Je remercie mes collègues de leur appui. Je remercie également tous les députés d'examiner cette mesure législative. J'espère entendre, pendant le débat de ce soir, des propositions et des idées constructives susceptibles d'améliorer encore davantage cette mesure législative.