propose:
Que la Chambre demande au gouvernement d’agir immédiatement pour corriger le programme Nutrition Nord Canada afin d’améliorer le bien-être des Canadiens autochtones et non-autochtones du Nord du Canada en: a) incluant immédiatement dans le programme Nutrition Nord Canada les 50 communautés nordiques isolées accessibles seulement par voie aérienne et qui ne sont pas actuellement admissibles à la pleine subvention; b) lançant un examen approfondi du programme Nutrition Nord en collaboration totale avec les habitants du Nord afin de trouver une façon d’offrir la subvention directement aux résidents du Nord et d’établir des soutiens pour l’alimentation traditionnelle; c) créant, pour les communautés nordiques, des critères d’admissibilité équitables au programme qui tiennent compte de leur situation réelle; d) assurant un financement adéquat pour répondre aux besoins des communautés nordiques; e) travaillant avec tous les habitants du Nord pour élaborer une solution durable à l’insécurité alimentaire.
-- Monsieur le Président, je suis député des Territoires du Nord-Ouest depuis 10 ans, et je crois que c’est une excellente occasion de parler des habitants du Nord. Je parle du nord des provinces et des trois territoires, soit les centaines de collectivités qui s’étendent d’un bout à l’autre du Nord canadien.
J'ai grandi dans une localité isolée. La route n'y a été construite que bien des années plus tard; je sais donc à quel point un système de transport peut changer les choses. Je comprends la nature intrinsèque des problèmes auxquels font face les gens qui vivent dans des régions isolées et éloignées. Voilà les collectivités dont il est question ici. Il s'agit de collectivités canadiennes qui ne sont pas accessibles par la route ou qui ne peuvent pas être desservies à des coûts à peu près semblables à ceux des régions du Sud du Canada. Ces collectivités souffrent. Elles continueront de souffrir tant que nous n'aurons pas trouvé des solutions qui leur conviennent.
Dans un pays aussi grand et aussi prospère que le Canada, personne ne devrait avoir faim. Malheureusement, c'est le cas de nombreux Canadiens du Nord. Certains d'entre eux se passent de manger durant le jour pour s'assurer que leurs enfants auront suffisamment de nourriture. Il s'agit de situations auxquelles les Canadiens réagissent avec émotion et qu'ils souhaitent changer.
L'égalité des Canadiens est un des principes essentiels de notre société. À cet égard, les habitants du Nord savent qu'ils vivent dans une partie du pays où le coût de la vie est élevé, mais par souci d'égalité, le gouvernement doit intervenir. Outre son aspect purement humanitaire, l'aide accordée aux gens du Nord pour atténuer le coût élevé de la vie dans leur région, particulièrement le coût des aliments, permet de renforcer la souveraineté dans l'Arctique. Qui plus est, les gens du Nord sont à la base de ce que le gouvernement considère comme le nouveau secteur des ressources au pays, qu'il s'agisse des mines, du pétrole, du gaz ou de toute autre ressource naturelle que le gouvernement convoite dans le Nord. Ces gens constituent une main-d'oeuvre grâce à laquelle nous avons l'occasion de mettre en valeur ces ressources de façon appropriée.
Au départ, depuis la dernière décennie, jusqu'en 2010, les gens du Nord bénéficiaient du programme Aliments-poste, dont les coûts allaient en augmentant. Puis, en 2011, le programme Nutrition Nord a vu le jour. Les critères de participation étaient si mal conçus qu'une cinquantaine de collectivités isolées, accessibles uniquement par avion, ont été exclues de ce programme.
Dans son rapport de l'automne dernier, le vérificateur général a dit:
Nous avons constaté que le Ministère n’avait pas défini ses critères d’admissibilité des collectivités en fonction de l’équité et de l’accessibilité. Le Ministère juge qu’une collectivité est admissible si elle n’a pas accès à des transports de surface toute l’année et si elle a eu souvent recours au programme Aliments-poste. Les collectivités ayant très peu utilisé ce programme étaient déclarées admissibles à une contribution partielle...
On parle d'une contribution partielle de 5 ¢ par kilogramme. C'est un montant tout à fait dérisoire. Le vérificateur général a ajouté ceci:
[Les collectivités qui n'ont pas du tout utilisé le programme] étaient déclarées non admissibles. Par conséquent, l’admissibilité des collectivités est fondée sur l’utilisation antérieure du programme Aliments-poste, et non pas sur les besoins actuels. Il se peut donc que certaines collectivités isolées du Nord ne puissent pas bénéficier de contributions, même si elles ont un problème d’accessibilité à des aliments nutritifs à un prix abordable.
Le vérificateur général dit encore que le ministère des Affaires autochtones était conscient de ce problème et qu'il a estimé qu'il en coûterait 7 millions de dollars par année pour servir ces 50 collectivités. Mon bureau a fait des recherches et a pu trouver 46 collectivités parmi celles qui devraient être pleinement subventionnées. Vingt-sept de ces collectivités sont dans des circonscriptions représentées par des députés conservateurs. Dix-neuf sont dans la circonscription du député de Kenora. Où était passé le député pendant deux ans et demi, lui qui a été le secrétaire parlementaire du ministre des Affaires autochtones et du Développement du Nord? N'aurait-il pas pu parler au ministre des besoins des collectivités de sa circonscription? D'autres députés ont également manqué à leur obligation de défendre les intérêts des gens de leur circonscription.
Puisque ces collectivités ont besoin de toute l'aide possible, la première partie de la motion néo-démocrate dit ceci: « incluant immédiatement dans le programme Nutrition Nord Canada les 50 communautés nordiques isolées accessibles seulement par voie aérienne et qui ne sont pas actuellement admissibles à la pleine subvention ». Toutefois, inclure ces collectivités n'est qu'une solution d'urgence qui les amènerait au même point que les autres. C'est bien. C'est un bon départ afin d'arriver au résultat souhaité. Ce n'est qu'un début, mais il faut bien commencer quelque part.
Nous vivons dans un pays où il faut se montrer équitable. Nous devons mettre toutes les collectivités sur un pied d'égalité. Nous devons comprendre qu'elles ont toutes besoin des subventions, quel que soit leur passé.
Le vérificateur général a aussi constaté un autre problème. Le ministère des Affaires autochtones n'est pas en mesure de s'assurer que les détaillants font profiter les habitants du Nord des subventions. C'est un problème fondamental. Nutrition Nord prétend aider les habitants du Nord à obtenir des aliments nutritifs à prix abordable, mais ce programme a pour effet réel de subventionner la vente d'aliments aux habitants du Nord et aux gens d'ailleurs qui se rendent dans leurs épiceries.
Au lieu d'aider des entreprises, il serait préférable d'analyser comment d'autres pays s'y prennent pour subventionner l'alimentation. Une solution possible serait de verser directement la subvention aux consommateurs. Aux États-Unis, un programme fédéral destiné aux femmes, aux bébés et aux enfants, d'un bout à l'autre du pays, et accessible au moyen d'une carte de paiement remporte un franc succès.
Ce n'est pas aujourd'hui que nous arrêterons une solution durable dans ce dossier. Cependant, nous devons définir un processus de collaboration avec les habitants du Nord dans le but de trouver une solution à long terme, ce qu'englobe également la motion.
Une autre partie de la motion exhorte le gouvernement à lancer un examen approfondi du programme Nutrition Nord en collaboration totale avec les habitants du Nord afin de trouver une façon d'offrir la subvention directement aux résidants du Nord et d'établir des soutiens pour l'alimentation traditionnelle. Dans tous les villages, l'alimentation traditionnelle, c'est souvent le fruit de la chasse, du piégeage, de la pêche et du jardinage. C'est ainsi que les ancêtres des habitants se nourrissaient, et nous devons aider nos concitoyens à mieux perpétuer ce mode de vie.
Le programme Nutrition Nord est entaché d'un vice de conception. Alors que le gouvernement se targue de soutenir le Nord, il refuse de collaborer avec les Canadiens qui y habitent et même de les écouter. Je pourrais parler de l'opposition aux changements apportés à la Loi sur la gestion des ressources de la vallée du Mackenzie ou dans le projet de loi adopté hier, le projet de loi S-6, par lequel le gouvernement passe carrément outre aux préoccupations légitimes de nombreux Yukonnais.
On pourrait en dire autant de Nutrition Nord. De plus en plus de gens dénoncent le programme et son inefficacité. Ainsi, le vérificateur général a conclu que le ministère des Affaires autochtones avait échangé avec Santé Canada à propos des aliments que devrait couvrir la subvention sans avoir toutefois tenu compte des habitants du Nord et des aliments qui devraient selon eux être couverts.
Lorsque j'étais à Iqaluit, je me suis entretenu avec des gens qui s'occupent du programme Nutrition Nord Canada et qui cherchent à sensibiliser la population. Ces gens m'ont fait part d'un fait intéressant: la plupart des habitants du Nunavut, les Inuits, sont intolérants au lactose. Le gouvernement a fait du lait un aspect important de ce programme, mais, comme bien des gens du Nord ne peuvent pas en consommer de la même façon que les gens du Sud ou les gens d'origine caucasienne, ils ne profiteront pas de la subvention. Par conséquent, cette subvention n'est pas aussi pertinente qu'elle devrait l'être pour ces personnes. C'est pourquoi nous réclamons que le gouvernement cible davantage les aliments traditionnels. Voilà l'une des mesures qui doivent être prises.
Comme je viens de le dire, les critères actuels du programme Nutrition Nord Canada excluent beaucoup de collectivités qui devraient recevoir la pleine subvention. Ces critères semblent surtout conçus pour exclure des gens plutôt que pour voir à ce que tous les habitants du Nord aient accès à des aliments nutritifs à bon marché.
Comme le vérificateur général l'a signalé, il devait notamment y avoir des examens annuels de l'admissibilité au programme et de son fonctionnement. Or, depuis qu'il a été lancé, il y a quatre ans, le programme n'a fait l'objet d'aucun examen de ce genre. Comment le gouvernement peut-il savoir si le programme fonctionne bien s'il ne procède pas aux examens prévus?
Ce programme, qui concerne la santé de nombreux habitants du Nord, est très important. Comme on n'a pas bien fait les choses, d'autres coûts ont grimpé. Ça ne dérange peut-être pas le gouvernement fédéral, car les coûts relatifs à la santé et l'éducation et les coûts sociaux associés à la pauvreté et à une qualité de vie inadéquate sont assumés par les autres gouvernements. Le gouvernement actuel ne se soucie peut-être pas de ces gens.
Nous savons qu'un grand nombre de localités accessibles par voie terrestre toute l'année payent très cher leur nourriture. La nourriture qu'elles font venir du Sud des États-Unis ou du Mexique jusqu'à Inuvik coûtent très cher. Ces coûts doivent être assumés par les habitants de ces localités dans le Nord, qui n'ont pas tous des emplois très payants.
Étant donné que les critères d'admissibilité imposés aux localités sont mal pensés, nous demandons au gouvernement de fixer des critères équitables d'admissibilité au programme pour les collectivités du Nord en tenant compte de leur situation réelle.
Un grand nombre de ces collectivités sont très petites. Le coût d'exploitation d'un magasin de détail y est très élevé. Elles ne peuvent se soustraire à ce problème. Elles ne peuvent pas éviter le problème du coût du carburant, qui a grimpé de près de 400 % au cours de la dernière décennie dans tout le Nord du Canada. Dans les petites collectivités, les gens sont aussi aux prises avec ce problème.
On ne peut pas, en tenant compte d'un seul critère — le tarif pour le transport des marchandises — et du fait d'avoir déjà adhéré au programme, déterminer comment une collectivité devrait toucher la subvention.
Une comparaison des dépenses les dernières années du programme Aliments-poste à celles allouées par Nutrition Nord montre que les conservateurs ont délibérément sous-financé le programme. Les deux dernières années, le coût du programme Aliments-poste était d'environ 59 millions de dollars. Or, quatre ans auparavant, il était de 39 millions de dollars.
Nous avons constaté que les coûts ont augmenté rapidement pour le programme Aliments-poste. Pourquoi cela s'est-il produit? C'est parce que tous les autres coûts dans le Nord du Canada étaient en train d'augmenter. Le vérificateur général a indiqué que le taux d'inflation du coût des aliments était deux fois plus élevé que dans le Sud du Canada. Pour ce qui est du programme Aliments-poste, où les conservateurs n'avaient pas vraiment d'emprise sur les coûts, les coûts ont augmenté rapidement.
Cependant, pendant les quatre années du programme Nutrition Nord, le budget initial a été de 53 millions de dollars par année. Des sommes supplémentaires ont été versées, mais l'augmentation au cours de ces années a été relativement faible par rapport aux sommes affectées au programme Aliments-poste.
Je crois que l'on peut dire sans hésitation que le programme a été sous-financé depuis sa création. Le gouvernement conservateur avait indiqué qu'il augmenterait le financement de 5 % par année. Cependant, il n'a pas ajouté de fonds afin d'atteindre le niveau prévu pour le programme. Si le programme a été en place pendant quatre ans sans que l'on tienne compte de l'inflation, le financement accordé devrait donc être beaucoup plus élevé à la base, avant même d'ajouter l'augmentation de 5 % par année.
Cette situation découle soit d'une mauvaise planification, soit d'une tentative délibérée de minimiser les coûts liés au programme. C'est pourquoi une partie de la motion vise à faire en sorte que le gouvernement « [...] [assure] un financement adéquat pour répondre aux besoins des communautés nordiques ».
Voilà ce dont on a besoin. Quand je suis arrivé au Parlement, je travaillais sur la déduction fiscale pour les habitants de régions éloignées, qui était un programme en 1989. Les habitants du Nord faisaient valoir que le programme était en place depuis de nombreuses années mais qu'ils n'avaient constaté aucune augmentation de la déduction fiscale pour les habitants de régions éloignées. Tout le monde a dit que, compte tenu de l'inflation, il faudrait prévoir une augmentation de 50 % pour le programme. Le regretté ministre Jim Flaherty, dans son budget de 2007, avait prévu une augmentation de 10 %. Depuis, plus rien.
Ce qu'on a pu constater c'est que le financement du programme, un programme très important pour les habitants du Nord, qui encourageait les gens à vivre et à travailler dans le Nord, qui favorisait le développement de diverses activités, dont celles liées aux mines, au pétrole et au gaz, n'a pas vu l'ombre d'une augmentation, ne serait-ce que pour suivre le rythme de l'inflation.
Dans le Nord, le taux d'inflation est très élevé. Pour les Canadiens du Sud du Canada qui utilisent un système de chauffage au gaz naturel, les coûts sont demeurés à peu près les mêmes depuis 10 ans. Dans le Nord, le coût de l'énergie a connu une augmentation de 400 %. Il fait froid et il faut chauffer les maisons. Il faut augmenter le financement accordé à ce programme, ainsi qu'à d'autres programmes qui ne sont pas liés à l'inflation. Les gens ne peuvent pas échapper à ces dépenses, car elle font partie intégrante du système dans lequel nous vivons.
La dernière chose dont je veux parler, c'est qu'il faut cesser de soutenir, dans le Nord, la mise en place d'un modèle de distribution des aliments semblable à celui du Sud. Il faut mettre en place un réseau durable établi en fonction du Nord.
Nous devons être plus autonomes. Nous avons besoin d'être encouragés. Il faut encourager les collectivités du Nord de tout le pays à chercher elles aussi des solutions à ce problème. Traditionnellement, partout dans les Territoires du Nord-Ouest, il y avait beaucoup de grandes exploitations agricoles administrées par les missions. Dans les années 1920, 1930 et 1940, elles produisaient les légumes pour tout le Nord. Elles n'existent plus, mais elles pourraient reprendre la production. Il y a des villes, comme Inuvik et Norman Wells, qui ont construit des serres. Leur production d'aliments connaît un grand succès.
Que ce soit en matière d'énergie, d'alimentation ou de logement, il y a beaucoup d'occasions favorables dans le secteur du renouvelable pour améliorer la situation. Tous ces éléments se conjuguent pour réduire les coûts.
Lorsque les efforts viennent d'ailleurs, cela ne laisse pas de place à l'engagement à l'échelle locale. Lorsque ceux qui ne sont pas du Nord décident de ce qui est bon pour nous, nous assistons habituellement à un échec. Cela dit, nous demandons au gouvernement de travailler avec tous les habitants du Nord afin de mettre au point une solution durable au problème de l'insécurité alimentaire.
Le programme Nutrition Nord présente de nombreux défauts et il faudrait qu'il soit remanié avec la participation des habitants du Nord. Cependant, en attendant que cela se fasse, le programme doit être élargi pour englober les collectivités qu'il ne couvre pas à l'heure actuelle. C'est une simple question d'équité et, en tant que Canadiens, nous sommes équitables. Nous croyons en l'égalité. Nous n'empêchons pas quelqu'un de demander un remboursement de TPS sous prétexte qu'il ne l'a pas fait l'année d'avant. Alors, pourquoi exige-t-on des collectivités du Nord qu'elles aient eu recours au système d'approvisionnement alimentaire par la poste pour être admissibles au programme Nutrition Nord? Ce n'est qu'un prétexte.
Le Nord n'a pas besoin de prétextes. Nous avons besoin de façons de nourrir nos enfants, de faire fonctionner le système et d'avoir des collectivités prospères et en santé.