Merci.
Premièrement, je tiens à mentionner que c'est un honneur pour moi d'être ici aujourd'hui. C'est aussi très troublant. Par conséquent, veuillez faire preuve de patience à mon égard.
Le Programme de cuisine communautaire de Calgary est à l'origine du programme intitulé « Moving Forward ». Lorsque le gouvernement fédéral nous a accordé des fonds pour construire un immeuble qui abriterait différents organismes, dont le nôtre, à savoir le Programme de cuisine communautaire, nous avons fait le serment d'utiliser l'immeuble en entier pour changer des vies au sein de la ville de Calgary et pour avoir un effet bénéfique.
Essentiellement, nous luttons contre l'itinérance, la faible rémunération, la pauvreté et la faim. Voilà nos domaines de compétence.
Le Programme de cuisine communautaire dispose de deux entrepôts, un de 18 000 pieds carrés situé d'un côté de l'immeuble et un autre de 21 000 pieds carrés situé de l'autre côté de l'immeuble. Des travailleurs sont nécessaires pour s'occuper de ces entrepôts. J'étais assise et je me demandais comment un organisme sans but lucratif pouvait se payer des travailleurs. Puis, une idée a surgi dans ma tête. Nous allions lutter contre la pauvreté et l'itinérance, et changer des vies. C'est à ce moment-là que j'ai décidé que la meilleure solution consistait à avoir recours à des sans-abri issus des logements de transition de la ville de Calgary, à qui nous allions offrir de vrais logements. Toutefois, il fallait que nous leur offrions des services de soutien et des cours de recyclage, et que nous leur rendions l'espoir. C'est ce que le programme Moving Forward accomplit.
Tous nos clients sont d’anciens itinérants ou des gens qui risquent de sombrer dans l'itinérance. Ils vivent tous sous le seuil de la pauvreté et souffrent tous d'une maladie mentale, d’un genre ou d'un autre. Une personne qui vit dans la rue ne peut pas échapper à la maladie mentale; cela fait simplement partie intégrante de ce mode de vie. D’abord, on se retrouve dans la rue, on consomme de la drogue, puis une chose en entraîne une autre.
Nous avons fait équipe avec divers organismes, et nous nous sommes collectivement dit que nous devrions fonder un programme qui nous permettrait de donner à ces gens l’espoir d’échapper à l’itinérance. Notre énoncé de mission indique que nous cherchons à prévenir l’itinérance en soutenant les membres les plus vulnérables de notre collectivité. En offrant aux personnes atteintes de troubles mentaux un programme de formation fondée sur les aptitudes et d’acquisition d’expérience de travail, nous leur donnons le pouvoir — et, mesdames et messieurs, le mot clé ici est « pouvoir » —, de surmonter les obstacles qui les empêchent de trouver un emploi, de réussir et de mener une vie normale, indépendante et fructueuse.
Voilà vraiment ce que nous comptons accomplir; nous comptons voir la vie de ces gens changer.
Nous nous soucions surtout de former ces gens pour les préparer à travailler dans des entrepôts et de leur offrir des cours leur permettant d’acquérir neuf compétences indispensables pour le travail et la vie quotidienne, selon Service Canada. Le programme offre à des personnes handicapées socialement et professionnellement par leur maladie mentale, qui ont du mal à garder un emploi ou à réintégrer le marché du travail, la possibilité de travailler. Bon nombre de gens touchés par l’itinérance qui retournent au travail ne gardent pas leur emploi plus d’une ou deux semaines. Vous savez ce qui se produit ensuite: ils régressent parce qu’ils n’ont pas développé les aptitudes de base nécessaires pour vivre de manière autonome ou parce qu’ils n’ont pas apporté à leur vie les changements qui s’imposaient.
Nous travaillons en partenariat avec de nombreux organismes. Aucun organisme ne peut accomplir ce travail seul; c’est absolument impossible. En ce qui concerne les procédures de recrutement, nous faisons équipe avec des organismes. Où trouvons-nous ces femmes et ces hommes? Nous les trouvons dans des refuges, dans des logements de transition de deuxième étape, comme Alpha House, qui offre des traitements aux alcooliques et aux toxicomanes. Nous les trouvons aussi dans le centre de détention provisoire, lorsqu’ils viennent de sortir de prison. Nous travaillons maintenant dans les prisons afin d’aider les détenus à transformer leur vie. À leur sortie de prison, nous les aidons à réintégrer la société.
Nous travaillons avec de nombreux organismes que je vais vous énumérer pour vous prouver qu’aucun organisme n’a réponse à tout. Nous collaborons avec Alpha House, un centre de désintoxication; Keys to Recovery; la Société de schizophrénie; la Self-Help Association; l’Association canadienne pour la santé mentale; les Alberta Health Services; Momentum, qui enseigne aux gens comment établir des budgets et gérer leurs finances; la Alpha House Society; la Commission des accidents du travail; les services d’aide aux jeunes et aux familles, le NeighbourLink; et la Société John Howard. Nous travaillons également avec l’Armée du salut, le Calgary Drop-In and Rehab Centre, la Mustard Seed, et le Dream Centre.
Ces services sont tous offerts là-bas. Leurs clients cessent maintenant de les fréquenter et réintègrent la société. C’est là que nous devons entrer en jeu pour les aider à faire la transition.
Nos clients sont atteints de maladie mentale et de toxicomanie. De plus, ils risquent énormément de sombrer dans l’itinérance. Ils ont plusieurs déficiences sur le plan social et professionnel, et plusieurs obstacles les empêchent de trouver des emplois durables. La plupart d’entre eux ont eu des démêlés avec la loi auparavant, et certains d’entre eux ont été incarcérés ou itinérants. Lorsque les employeurs en prennent conscience, la plupart d’entre eux reculent et disent: « Non, merci. Nous allons chercher ailleurs ».
Vous savez quoi? Pour changer, il est nécessaire d’avoir accès à des outils, et c’est ce que nous leur fournissons. Nous devons donner des directives à ces jeunes hommes et ces jeunes femmes.
Le gouvernement du Canada a distingué neuf compétences qui sont nécessaires pour pouvoir travailler au XXIe siècle. Nous intégrons ces éléments dans notre formation, à savoir la lecture, l’utilisation de documents, le calcul, l’écriture, la capacité de communiquer — bon nombre d’entre eux ne savent pas comment s’exprimer correctement — et le travail en collaboration. La plupart d’entre eux sont solitaires et ne s’entendent pas très bien avec les autres. Ils ont été emprisonnés pour des voies de fait et toutes sortes d’autres infractions de ce genre. Ils ne sont simplement pas très sociables. Nos programmes de formation portent également sur l’utilisation d’ordinateurs et l’éducation permanente.
Nous enseignons à nos clients des compétences de vie de base, dont on ne peut se passer pour affronter la vie quotidienne. Nous avons commencé à cuisiner avec eux, et c’est formidable. La plupart d’entre eux n’ont jamais cuisiné; ils n’ont jamais vécu dans un appartement où ils étaient en mesure de préparer leurs propres repas. Nous avons commencé à leur donner une formation, et ils apprennent très aisément.
Les sans-abris n’ont aucune notion de gestion du temps. Ce concept leur est complètement étranger. C’est pourquoi nous leur enseignons comment gérer leur temps. Ils doivent se présenter à l’heure prévue et respecter certaines pauses. Leur emploi du temps pendant leurs fins de semaine et leurs journées de congé est géré efficacement.
Ils n’établissent pas non plus de limites raisonnables. On doit donc leur apprendre à se fixer des objectifs, car c’est une tâche que les itinérants n’entreprennent jamais. Cet apprentissage représente un véritable défi. Il nous est très difficile de les remettre sur le droit chemin en leur expliquant qu’ils ne feront jamais grand-chose s’ils ne se fixent pas des objectifs. Comme le vieux dicton l’indique, les gens périssent sans vision de l’avenir.
Nous les aidons à trouver des carrières, à rédiger leur curriculum vitae et à gérer leur argent. Nous leur apprenons les convenances. Vous pensez peut-être que cette idée est ridicule, mais la plupart d’entre eux n’ont aucun savoir-vivre. Il est même parfois nécessaire de surveiller et de restreindre leur langage.
Ils apprennent aussi sur le tas à reconnaître les relations saines et à prendre soin de leur santé et de leur bien-être. Pour ce qui est de cuisiner, nous leur apprenons comment lire des recettes, comment peler, couper et faire cuire des aliments, et comment s’acquitter d’autres tâches de ce genre. Nous, les femmes, savons vraiment ce dont il s’agit, n’est-ce pas?
En ce qui concerne les emplois dans l’entrepôt, leurs titulaires apprennent comment balayer, apporter une aide sur un véhicule motorisé, ramasser, emballer, charger des palettes et conduire un chariot élévateur à fourche. Ils passent des heures à acquérir ces compétences. Ils apprennent également le secourisme d’urgence, la réanimation cardiopulmonaire, l’application du SIMDUT et la manipulation des aliments. Après 160 heures de leçons pratiques offertes dans le cadre du cours, ils obtiennent leur permis de conducteur de chariot élévateur à fourche de catégorie II, III et IV.
Ce programme est offert depuis quatre ans, et nous avons accueilli jusqu’à maintenant, sept groupes comprenant de 8 à 18 étudiants. Notre taux d’obtention d’emploi s’élève à 72 p. 100, ce dont nous sommes très fiers. Nous organisons une remise des diplômes dans le cadre de laquelle les étudiants invitent des membres de leur famille ou des proches. Très souvent, nous rencontrons des parents qui avaient renoncé à aider ces jeunes. Lors de la cérémonie, ils manifestent une telle fierté à l’égard de leur fils ou de leur fille, qui a finalement réussi à obtenir un certificat. La plupart d’entre eux n’ont même pas terminé leurs études secondaires. Il leur semble donc incroyable de détenir un certificat indiquant qu’ils sont qualifiés pour un travail.
Lorsque nous rejetons quelque chose dont nous ignorons tout, nous nous livrons à la plus haute forme d’ignorance. Veuillez prendre le temps de tenir compte du fait que nous sommes tous responsables de notre santé mentale et des gens qui nous entourent. Nous pouvons tous développer des troubles mentaux, peu importe qui nous sommes, d’où nous venons et où nous allons, et les effets de ces problèmes peuvent changer notre vie. Voilà ce en quoi consiste le programme Moving Forward.
J’aurais souhaité pouvoir vous présenter la vidéo que je possède d’un jeune homme ayant obtenu son certificat. Il était âgé de 24 ans à l’époque et avait vécu dans la rue depuis l’âge de 13 ans. Il souffrait d’alcoolisme et de toxicomanie, et n’avait pas dormi dans un vrai lit depuis l’âge de 14 ans. Cela faisait plus d’un an qu’il passait d’un canapé à l’autre. Bon nombre de ses amis l’avaient abandonné et, par conséquent, il vivait complètement dans la rue. Ce n’est qu’à l’âge de 21 ans qu’un agent de police l’a conduit à l’Alpha House, afin qu’il subisse une cure de désintoxication. Là-bas, il s’est rendu compte qu’il était tombé tellement bas qu’il lui était impossible de sombrer plus profondément.
C’est à ce moment-là que Jason a décidé qu’il avait besoin d’aide et, grâce à l’intervention d’Alpha House, un organisme avec lequel nous travaillons en partenariat, quelqu’un a communiqué avec nous et nous a demandé si nous l’accepterions dans notre programme. Il avait commis de nombreuses infractions, avait séjourné en prison à plusieurs reprises et avait perdu espoir. Son regard était éteint. Il est venu dans mon bureau et m’a demandé si nous lui donnerions une chance. Il a ajouté qu’il avait simplement besoin que quelqu’un se préoccupe de lui. Nous lui avons dit que nous le ferions. Aujourd’hui, il est titulaire d’un certificat et travaille à temps plein, cinq jours semaine, soit du lundi au vendredi. Il ne consomme plus d’alcool ou de drogue. Il fréquente de nouveau sa famille qui l’avait jeté à la porte lorsqu’il avait 13 ans.
La vie de cet homme a complètement changé. C’est vraiment un honneur de pouvoir dire que, grâce aux fonds que le gouvernement nous accorde, nous avons été en mesure de changer la vie d’une personne. Je vous pose la question suivante: quelle est la valeur d’une vie, selon vous? À mon avis, elle a une grande valeur dans la société d’aujourd’hui. À l’heure actuelle, nous changeons la vie de 18 personnes.
Je tiens à vous remercier de m’avoir donné l’occasion de comparaître devant vous. C’est une fabuleuse expérience. Merci beaucoup.