Merci infiniment de m'avoir invitée à témoigner aujourd'hui. C'est pour moi un véritable honneur d'être ici avec vous.
L'une des choses essentielles que nous faisons dans le cadre du projet de prévention de la cyberviolence, c'est essayer d'amener les écoles et les établissements à définir la cyberviolence et à mettre en place une politique comportant des procédures et processus clairs, de même que des ressources. Quand nous essayons d'amener les gens à nommer la cyberviolence et à l'inclure dans leurs politiques anti-harcèlement et dans le manuel de l'étudiant, ce que nous entendons souvent, c'est: « Eh bien, ça s'est produit en ligne, alors ce n'est pas réel » ou « Cela ne s'est pas produit sur le campus, alors ce n'est pas notre problème ». Il faut commencer par reconnaître que la cyberviolence envers les filles et les jeunes femmes est inextricablement liée à la violence dans la réalité.
De nos jours, pour bon nombre d'entre nous et en particulier pour les jeunes, il n'y a pas de ligne de démarcation entre ce qui se passe en ligne et dans la réalité. Les espaces virtuels sont omniprésents dans tous les aspects de la vie, car nous sommes continuellement connectés sur Internet, à nos communautés en ligne, et entre nous. Les conséquences physiques, psychologiques, émotionnelles et financières d'une expérience en ligne peuvent donc être profondes. Cela se produit en ligne et hors ligne. Par rapport à cela, la violence en ligne a pour effet de normaliser la violence hors ligne. Quand on est immergé dans une culture numérique qui montre comme étant quelque chose de normal, divertissant ou même drôle la violence sexuelle, la misogynie, l'objectivation de la femme, l'hypersexualisation des filles et la discrimination contre les LGBT+ et les personnes transgenres, ces représentations ou conceptions semblent courantes et même acceptables hors ligne.
Les environnements et les communautés en ligne avec lesquels nous interagissons sont importants et ont de profondes incidences sur nos vies hors ligne. On peut penser que définir la cyberviolence et la politique à ce sujet est un principe plutôt simple, mais si cette définition se trouve dans le manuel de l 'étudiant ou dans une politique, les femmes peuvent s'en servir comme outil pour obtenir de l'aide et dire: « Il m'est arrivé ceci. Ce n'est pas acceptable. J'ai besoin d'aide. »
La technologie envahit de plus en plus nos vies, et les concepteurs cherchent à rendre les interactions en ligne plus puissantes, significatives et réalistes; il est donc essentiel de prendre des initiatives concrètes et efficaces pour garantir que ces technologies sont conçues et intégrées dans nos vies dans le respect de l'éthique.
La cyberviolence est semblable à d'autres formes de violence, en ce sens qu'elle s'inscrit dans un continuum allant des répercussions sociales très générales aux répercussions plus personnelles. À une extrémité du continuum, il y a l'hypersexualisation et l'objectivation des filles et des femmes en ligne, avec la culture populaire, les jeux vidéo et la pornographie; à l'autre extrémité se trouvent les actes de violence ciblés, comme les menaces et le harcèlement, la culpabilisation des victimes, la pornographie de vengeance, le harcèlement criminel, le leurre et la séduction. C'est sans fin. Nous voyons cela dans notre recherche et dans le travail que nous faisons avec les jeunes.
Bien que toutes les manifestations de cyberviolence aient des effets négatifs, il est essentiel de mener des recherches qui contribueront à l'élaboration de stratégies nuancées et ciblées de manière à être efficaces. Il faut concevoir des interventions précises, selon ce que vous voulez cibler le long du continuum. Par exemple, avec une intervention par laquelle on réunirait l'industrie du jeu vidéo et les communautés des TIC en vue de discussions sur la prévention et l'élimination de l'hypersexualisation et l'objectivation des femmes, ou la violence sexuelle gratuite à des fins de divertissement, on agirait sur un élément du continuum différent, par rapport à une intervention qui viserait la mobilisation des connaissances des filles en matière de séduction et de leurre, ou qui servirait à fournir des politiques, des ressources et du soutien aux filles subissant de la cyberviolence.
Il faut prendre des décisions concernant les mesures législatives à adopter, les politiques à concevoir, les initiatives éducatives ou la mobilisation des connaissances qui sont nécessaires, et le soutien et les ressources qu'il faut fournir aux personnes qui subissent de la cyberviolence.
Pour arriver à tout cela, il faut davantage de recherche qualitative permettant de créer des stratégies à la fois efficaces et sensées pour les jeunes qui vivent directement ces problèmes. J'ai travaillé à des projets de recherche dans des universités et dans la collectivité, et je peux dire que les approches sont très différentes quand vous travaillez avec les filles et la culture numérique, avec des universitaires ou dans le cadre de projets communautaires.
Je pense que nous devons créer des occasions de combiner les forces de ces perspectives — celles des universitaires, des organisations communautaires et des forces de l'ordre — afin de mener des recherches et de concevoir collectivement des stratégies tout en prêtant attention aux voix des filles et des personnes qui vivent directement ces problèmes.
Des fossés culturels et socio-économiques se creusent en réponse aux fossés numériques. Grâce à nos initiatives de culture numérique, j'ai pu aller dans diverses écoles et organisations communautaires, dans des contextes culturels, sociaux et économiques variés. Je commence à réaliser qu'Internet n'est pas pareil pour tous. Dans les organisations où il y a une éducation à la culture numérique très présente et de grande qualité, les jeunes semblent être davantage en mesure de reconnaître la violence fondée sur le sexe et de négocier les situations dans lesquelles ils se retrouvent. Ils connaissent quand même la cyberviolence, qui leur cause toujours des difficultés. Ils n'aiment pas cela. Ils ne la comprennent pas nécessairement, mais ils reconnaissent que c'est un problème social et systémique, plutôt qu'un comportement normal et acceptable faisant partie de la vie de tous les jours en ligne.
J'ai constaté que dans les écoles et les organisations communautaires où l'éducation des jeunes à la culture numérique est absente ou très limitée, on parlait souvent des limites ou des risques des espaces en ligne, plutôt que des possibilités qu'ils offrent. Il faut à tous les niveaux une éducation à la culture numérique complète et approfondie afin de dénormaliser la cyberviolence grâce à un programme qui nous aiderait à comprendre les aspects économiques, sociaux, politiques et éthiques de la culture numérique. Cela pourrait exiger que ce soit intégré dans toutes les disciplines et dans divers aspects de l'éducation.
Nous voyons parfois un écart entre la perception qu'ont les adultes de la façon dont les jeunes sont engagés dans la culture numérique et la réalité de ce que les jeunes vivent. Je m'inclus dans cela. Cet écart se traduit par des difficultés concernant la préparation de stratégies sensées aux yeux des jeunes, ainsi que la conception et la mise en oeuvre de politiques et de mesures législatives. Quand des jeunes s'intéressent à du contenu misogyne ou très sexualisé, c'est souvent à l'insu des chercheurs, des parents et des enseignants; parce qu'il s'agit de contenu controversé, c'est gardé privé ou secret. Quand des jeunes rencontrent des problèmes, ils vont souvent choisir de ne pas s'adresser à des adultes parce qu'ils craignent qu'on les blâme ou que les adultes interviennent d'une façon qui empirerait leur situation.
Les filles disent souvent qu'elles ressentent de la pression à cause de l'hypersexualisation de la culture en ligne. Nous sentons souvent que la misogynie s'intensifie beaucoup, et nous nous demandons pourquoi. L'une des choses que nous avons remarquées dans notre travail, c'est que les personnes qui sont vulnérables hors ligne semblent souvent aussi être vulnérables en ligne. Nous remarquons que les jeunes dont l'univers hors ligne est limité, qui risquent d'être sous-qualifiés et sous-employés, et qui sont confinés à leurs voisinages sont aussi confinés dans leur univers en ligne.
Par exemple, si vous allez constamment à du contenu en ligne qui reflète des normes très misogynes ou de la violence sexuelle, vous risquez de créer des bulles de filtres. Votre moteur de recherche vous donnera ce qu'il prévoit que vous voulez en fonction de vos clics antérieurs. Vous créez ainsi votre propre bulle qui exclut l'information ou les points de vue extérieurs qui ne vous intéressent pas particulièrement. Cela ne se fait pas que par algorithmes; il y a également vos choix particuliers, en ligne et hors ligne, et le pouvoir des pairs d'influencer le contenu que vous consommez et produisez.
Le problème, c'est que les bulles de filtres tendent à vous isoler des idées opposées et des points de vue extérieurs plus généraux, et que vous avez tendance à interagir avec les personnes et les communautés qui ont les mêmes intérêts que vous. Ils font écho à vos points de vue. Parfois, cela peut devenir intense, et une personne qui a une expérience de vie limitée aura tendance à penser que tout se limite à cela et qu'il n'y a pas d'autre issue.
Comment résoudre cela? Nous devons améliorer les compétences des personnes qui n'ont pas de culture numérique et travailler à utiliser la technologie pour aider les jeunes à rechercher consciemment des points de vue extérieurs variés et divergents, afin qu'ils puissent en venir à évaluer l'information d'un oeil critique. Quand je travaille avec des jeunes à risque que des adultes ont aidés à dénormaliser la cyberviolence fondée sur le sexe et à accéder à de l'information qui les intéresse pour l'évaluer d'un oeil critique, ils arrivent à mieux évoluer dans l'univers en ligne, mais en plus, ils participent à la conception de solutions. Ils discutent d'interventions comme l'approche du témoin, la façon de dénormaliser la cyberviolence fondée sur le sexe et la façon de soutenir les pairs qui subissent de la cyberviolence.
Je pense que nous devons éduquer l'industrie. Le changement est possible, si nous éduquons l'industrie sur les incidences des espaces qu'ils créent et si nous incluons les concepteurs dans les discussions sur les possibilités de conception et sur les conséquences d'ordre éthique des choix de conception. Je pense que nous devons penser à la direction que la technologie prend. Avec les nouvelles technologies, et la possibilité de nouvelles manifestations de cyberviolence, personne ne peut prédire où cela s'en va ou comment les gens vont s'adapter à cela. En raison de la réalité virtuelle qui évolue énormément et qui devient de plus en plus immersive et réaliste, nous pourrions nous retrouver devant de tout nouveaux défis en matière de cyberviolence fondée sur le sexe.
Thank you so much for inviting me to speak today. It's really an honour to be here with you.
One of the basic things we do at the Cyber-violence Prevention Project is to try to get schools and institutions to define cyber-violence, and to implement a policy with clear procedures and processes in place, as well as resources. When we try to get people to name cyber-violence and put it into their anti-harassment policies or student handbooks, and so on, we often hear “Well, it happened online, so it's not really real” or “It didn't happen on campus, so it's not our problem.” We need to begin with the acknowledgement that cyber-violence directed at girls and young women is inextricably linked to off-line violence.
For many of us today, and particularly for youth, there's no divide between online and off-line. Virtual spaces pervade every aspect of life as we are continuously connected to the Internet, to our online communities, and to each other. As a result, the physical, psychological, emotional, and financial consequences of an online experience can be profound. They are experienced both online and off-line. In relation to this, online violence normalizes off-line violence. Being immersed in a digital culture that portrays sexualized violence, misogyny, the objectification of women, hypersexualization of girls, and discrimination against LGBT-plus and gender-nonconforming people as normal, as entertainment, or even as humour makes those representations or beliefs seem mainstream, palatable, or even acceptable in off-line environments.
The online environments and communities we interact in are important, and they have profound implications for our off-line lives. Defining cyber-violence and policy may seem like such a basic thing, but just having that definition in a student handbook or a policy allows women to use it as a tool to get help and to say “This is happening to me. It's not acceptable. I need help to address it.”
As technology becomes more pervasive in our everyday lives, and as designers and developers seek to make online interactions more powerful, meaningful, and realistic, it's critical to engage in concrete, effective initiatives to ensure that those technologies are developed and integrated into our lives in ethical ways.
Cyber-violence is similar to other forms of violence in that it exists along a continuum, from the very broad social impacts to the more personal, individual impacts. At one end of the continuum, there might be the hypersexualization and objectification of girls and women in online spaces through popular culture, video games, and pornography, and then more individually focused acts of violence, such as threats and harassment, victim-blaming, revenge porn, stalking, luring, and grooming. The manifestations go on and on. In our research and our work with young people, we see them.
While all manifestations of cyber-violence have negative impacts, it's crucial to engage in research that will contribute to drafting strategies that are nuanced and focused enough to be effective. Specific interventions need to be developed, depending upon where along the continuum you're choosing to target. For example, an intervention that brought video game industry and ICT communities together to discuss preventing and eliminating hypersexualization and objectification of women, or the gratuitous representation of sexual violence for entertainment would be addressing a different end of the continuum than would knowledge mobilization with girls around grooming and luring, or providing policies, resources, and support to girls who are experiencing cyber-violence.
This entails making decisions about where we need to implement legislation, where we need policy, where we need educational initiatives or knowledge mobilization, and where we need to provide support and resources for those experiencing cyber-violence.
To do all of this, we need to engage in more qualitative research to create strategies that both are effective and make sense to the young people who are on the front lines of the issue. As someone who has worked on research projects both within academia and in community, I can say that those things are very different approaches when you're working with girls and digital culture, with academics, or with community projects.
I think we need to create opportunities to combine the strengths of both those perspectives, bringing academia together with community organizations and law enforcement, to engage in research, and to develop strategies collaboratively, while focusing on and getting the voices of girls and the people who are on the front lines of those issues.
Cultural and socio-economic divides are emerging in response to digital divides. Through our digital literacy initiatives, I have gone into a wide range of schools and community organizations in varied cultural, social, and economic contexts. I have begun to realize that the Internet is not the same for everyone. In organizations where there's a strong component of high-quality digital literacy education, young people seem to be better able to recognize gendered cyber-violence, and they're better able to navigate the situations in which they find themselves. They still experience cyber-violence. They still struggle with it. They don't like it. They don't necessarily understand it, but they recognize it as a social problem and a systemic issue rather than as a normal, acceptable behaviour that's simply an aspect of everyday life online.
I found that in schools and community organizations where young people have had no, or very limited, digital literacy education, they often spoke about the limits or risks of online spaces rather than the inherent opportunities. We need extensive comprehensive digital literacy education at all levels that denormalizes cyber-violence through a curriculum that helps us understand the economic, social, political, and ethical aspects of digital culture. That might mean incorporating it across disciplines into many aspects of education.
We sometimes see a gap between the ways in which adults see young people's engagement with digital culture and the reality of what young people are experiencing. I include myself in this category. This gap results in challenges with regard to crafting strategies that make sense to young people, as well as in developing and implementing policy and legislation. When young people engage with misogynistic or highly sexualized content, it's typically hidden away from researchers, from parents, and from teachers, and because of the potentially controversial content, it's kept private or secret. When young people run into problems, they often don't go to adults, because they are afraid of being blamed, or they are worried that maybe adults will intervene in ways that would make the situation worse for them.
Girls often express that they feel pressure from the hypersexualization of online culture. We often feel that misogyny is very intensified, and we wonder why this is. One of the things we've noticed in our work is that people who are vulnerable off-line also often seem to be vulnerable online. We notice that young people whose off-line worlds are limited, who are at risk for undereducation and underemployment, and who are confined in their neighbourhoods, are also often confined in their online worlds.
An example of this is that if we consistently access online content that's highly misogynistic or sexually violent, then we risk creating filter bubbles. Our search engine will give us what it predicts we want based upon our previous clicks. In this way we create our own bubble that filters out the information or world views we aren't particularly interested in. This happens not only through algorithms, but also through the individual choices we make, both online and off-line, and the power of our peers to influence the content we consume and produce.
The problem is that filter bubbles tend to isolate us from opposing ideas and broader world views, and we tend to interact with people and communities that share our interests. They echo our perspectives back to us. Sometimes it can become intense, and someone with limited life experience tends to think that this is all there is and there's no way out.
How can we address this issue? We need to increase the skills of those people who lack digital literacy, and work on using technology to help young people consciously seek out varying and divergent world views, to help them critically evaluate information. When I work with communities of at-risk youth who've had adults helping them denormalize gendered cyberviolence and learn to access and then critically evaluate information that interests them, not only are they better able to navigate the online landscape, they're also usually engaging in developing solutions. They're talking about discussing interventions like the bystander approach, how to denormalize gendered cyber-violence, and how to support peers experiencing cyber-violence.
I think we also have to educate industry. There's a potential for change through educating industry about the implications of the spaces they create and engaging developers in conversations about design affordances and the ethical implications of design choices. I think we have to think forward about where technology is going. With the emergence of new technologies, and potentially new manifestations of cyber-violence, no one can predict where it's going or how people are going to adapt to it. With the development of virtual reality technologies, which are becoming increasingly immersive and realistic, we could be facing a whole new set of challenges around gender-based cyber-violence.