Merci beaucoup. J'espère apporter du neuf au débat.
Nous avons entendu que ce n'est pas seulement un crime sans victime. Voilà pourquoi l'unité anticorruption de l'OCDE s'y est intéressée. Je pense que cela entache gravement la réputation du Canada et que nous voudrions y remédier le plus rapidement possible.
Ces dernières semaines, beaucoup d'intervenants ont parlé de l'importance de la primauté du droit et de ce que signifie vivre dans un pays dont l'élite politique n'hésite pas à s'ingérer dans une prise de décisions qui devrait être indépendante, en ce qui concerne les poursuites criminelles. Les Canadiens réprouvent ce comportement dans leur pays, et les allégations selon lesquelles ce type de pression politique inopportune qui s'est exercé les inquiète beaucoup.
Quand on affirme qu'aucun crime n'a été commis, on se trouve à descendre beaucoup trop la barre pour le Canada. Comme l'a souligné le premier ministre dans ses lettres de mandat, au début de la législature et par la suite, les Canadiens s'attendent à ce que la norme éthique du gouvernement et de ses ministres soit bien plus que satisfaire aux exigences de la loi en matière d'éthique. Il avait déclaré que pour lui l'éthique signifiait bien plus: non seulement ne rien faire de répréhensible, mais, aussi, ne pas en offrir l'apparence.
Tout cela aggrave l'inquiétude ressentie par beaucoup de Canadiens, relativement à l'existence d'un ensemble de règles pour les riches qui ont des relations, ici, au Canada, et celle d'un autre ensemble de règles pour les autres. Il se passe certainement assez de choses pour avoir l'impression que c'est peut-être la réalité, et, tant que nous n'aurons pas été au fond des choses, les Canadiens continueront de douter du bon fonctionnement du système pour eux.
Comme quelqu'un l'a dit plus tôt, c'est la raison pour laquelle nous croyons que la règle d'or pour restaurer la confiance est une enquête publique, pas seulement pour entendre toutes les personnes visées par la motion d'aujourd'hui. Cette motion n'est vraiment qu'un minimum pour le nombre de personnes que notre comité peut convoquer. Elle ne fait qu'affirmer que pour être sûrs, nous devions les convoquer, mais que, bien sûr, si notre comité veut en convoquer d'autres, non nommées dans la motion, il en a pleinement le droit.
Nous avons certainement d'autres noms à proposer, mais il importe de faire démarrer l'étude. Ensuite, nous pourrons discuter des autres noms qu'il conviendrait d'ajouter à la liste. Il faut aussi déterminer l'indépendance de la personne qui la dirigera.
L'autre utilité d'une enquête publique serait d'aboutir, vraisemblablement, à des résultats, ce à quoi le Comité de la justice a failli, jusqu'ici, et ces résultats donneraient aux Canadiens une idée des faits essentiels, de la façon de les interpréter et des leçons à retenir de tous ces témoignages.
Visiblement, le Comité de la justice n'a pas été à la hauteur. Il n'a permis aucune constatation, du moins pas encore, même s'il y était tenu. Manifestement, il fallait entendre beaucoup plus de témoins que ceux qui ont comparu. Nous essayons donc d'obtenir tous les renseignements à obtenir. Sans vouloir ressasser les citations, nous avons bien entendu Mme Philpott dire que tout ce qui devait être dit ne l'avait pas été et qu'elle estimait que son éventuelle contribution serait importante. Nous avons aussi entendu Mme Jody Wilson-Raybould dire qu'elle aimerait raconter ce qui devait être dit et qui ne l'avait pas encore été.
Elles en ont été empêchées pour deux raisons. D'abord, l'absence de tribune appropriée. Ensuite, et c'est la plus importante, faute d'une dispense du premier ministre et du Cabinet relativement aux secrets du Cabinet, qui leur permettrait de parler sans crainte de représailles. Certains prétendent qu'elles sont déjà en posture de le faire. Voyons rapidement ce dont il s'agit. À mon avis, ces affirmations sont absolument dénuées de fondement. Celles des derniers jours, particulièrement, concernent le privilège parlementaire et le serment que doivent prêter les membres du Cabinet.
La première chose à se demander, d'après moi, et ça n'a pas été suffisamment abordé dans la discussion — et je relance à ce sujet mes collègues libéraux —, c'est simplement ceci: voulons-nous vraiment que la seule raison pour laquelle nous croyons que les anciens ministres continueraient de tenir leur serment de garder le silence, c'est la crainte d'être expulsés du Cabinet? Que si, déjà, ils n'en font plus partie, qu'est-ce qui les en retient? Il faut sûrement croire qu'une force plus grande les incite à taire les secrets du Cabinet que la crainte d'en être expulsés. En effet, tous les anciens ministres, si nous devons en croire les libéraux, pourraient, à tout moment, à la Chambre, d'un coeur léger, divulguer les secrets du Cabinet ou donner des détails sur les séances du Cabinet.
D'autres anciens ministres encore députés pourraient invoquer le privilège parlementaire. Je m'en étonne, bien que ce soit une conséquence de l'affirmation des libéraux selon laquelle ils pourraient, n'importe quand, à la Chambre, sans problème, commencer à divulguer des détails sur les réunions du Cabinet et sur d'autres questions importantes qui se discutent au Conseil des ministres. Je pense que c'est incohérent. Ça ne satisfait certainement pas au genre de norme que, d'après moi, les Canadiens s'attendent à voir respecter par leur gouvernement.
On veut entendre Mmes WIlson-Raybould et Philpott non pour connaître les détails piquants, mais sans importance, des séances du Conseil des ministres, mais par crainte que le Cabinet du premier ministre ne se soit ingéré dans un processus judiciaire censé être indépendant. Ce n'est pas pour cette seule raison que nous nous en préoccupons, mais aussi parce que des organisations comme l'unité anticorruption de l'OCDE a dit s'en inquiéter. Nous voulons laver la réputation du Canada et aller au fond des choses.
Nous ne demandons pas à ces femmes de connaître un détail quelconque d'un fait qui répondrait aux critères de confidentialité du Cabinet. C'est absurde de prétendre que, en raison d'un privilège parlementaire, quiconque connaît des secrets du Cabinet n'a qu'à se lever n'importe quand à la Chambre pour les divulguer. Ce n'est pas crédible, et je pense que nous devrions tous vouer plus de respect au serment que prêtent les membres du Cabinet.
Voilà pourquoi il importe d'abord d'obtenir une dispense. Le premier ministre a semblé en reconnaître la nécessité quand il en a d'abord accordé une à Mme Jody Wilson-Raybould. Il pourrait avoir songé aux directives du Conseil du Trésor sur les secrets du Cabinet, conformément à l'article 5. Voici une citation des lignes directrices que je crois importante pour les députés, particulièrement libéraux qui s'ouvrent aux médias à ce sujet, pour qu'ils en connaissent la teneur: « la Loi ne confère aucun pouvoir discrétionnaire à un ministre ou à une institution fédérale de divulguer un renseignement confidentiel au grand public ».
C'est assez clair, et c'est un document du gouvernement. Ce n'est pas de mon invention. C'est un document qui expose les attentes concernant les secrets du Cabinet. Le premier ministre semblait en comprendre la teneur quand il a accordé la dispense. Le problème est que la dispense ne couvrait pas toute la période qui nous intéresse. Elle s'arrêtait à la date à laquelle Mme Jody Wilson-Raybould a été démise de ses fonctions de procureure générale. La dispense ne l'autorise pas à parler de faits survenus entre cette date et celle de sa démission du Cabinet.
Maintenant, c'est tout à fait plausible... Nous avons tous connu quelqu'un dont le comportement semblait erratique ou étrange. Plus tard, nous avons découvert un détail qui, après coup, expliquait ce comportement. Nous comprendrons qu'il est tout à fait plausible qu'une cause survenue après son renvoi de son poste de procureure générale ait provoqué son départ: « Oh! Ce n'était pas tout à fait une coïncidence. Ce n'était pas seulement un chassé-croisé de rencontres avec différents intéressés, mais une décision délibérée qui cachait autre chose ». Voilà une allusion à un plus gros secret, que les Canadiens méritent de connaître.
Si le premier ministre estime qu'il n'y a rien d'incriminant et qu'il s'est bien conduit, je ne comprends pas... De plus, s'il estime qu'elle pourrait avoir parlé n'importe quand en invoquant son privilège, eh bien, ça soulève la question — pourquoi, d'abord, avoir accordé une dispense? C'est une dispense, qui, entre parenthèses, est non seulement temporaire, mais elle est aussi seulement valide pour les audiences du Comité de la justice. Pourquoi l'avoir d'abord accordée? Pourquoi la position n'a-t-elle pas été d'abord de lui accorder la pleine liberté de parole, en vertu du privilège parlementaire?
La seule réponse crédible qui semble me venir à l'esprit est que le premier ministre se souciait de limiter son droit de parole à la seule étude du Comité de la justice que, ensuite, nous l'avons vu, les membres libéraux de ce comité ont sommairement abrégé et qu'il ne se souciait que de limiter son droit de parole à une période précise.
Maintenant, c'est à ses propres risques qu'elle parlera de ce qui ne s'inscrit pas dans cette étude ni dans la période de validité de la dispense accordée par le premier ministre, et elle risque des poursuites. Il se peut que, en fin de compte, un tribunal décide que le privilège parlementaire a préséance, mais ce n'est susceptible d'arriver après une longue saga judiciaire, au prix de conséquences sur sa carrière, peut-être, même à l'extérieur de l'arène politique. Un ancien légiste nous a dit que des poursuites pour abus de confiance et d'autres motifs étaient peu probables mais elles ne sont pas impossibles, et nous savons tous les vrais coûts, financiers et autres, qu'entraîne la justice. Même si, en fin de compte, on obtient justice, quelle maigre consolation ce peut être que d'avoir finalement raison.
Tout cela, et la raison pour laquelle elle devrait prendre ce risque si elle parlait en vertu de la protection du privilège parlementaire, se produit seulement parce que le premier ministre refuse de lui donner la permission de raconter simplement son histoire. Si le premier ministre lui donnait cette permission, tous ces débats cesseraient. Elle serait libre de parler de cette affaire dans le cadre d'une conférence de presse plutôt que d'être limitée à des séances de comités parlementaires ou à une période mal définie à la Chambre, car nous savons tous qu'aucun député ne peut se lever et parler de ce qu'il veut en tout temps, sans condition.
Nous n'avons pas vu le gouvernement s'efforcer de réserver, avec les autres partis, le temps nécessaire. Un espace avait été créé au comité de la justice à cette fin, mais il a été éliminé. Nous saurons plus tard aujourd'hui si nous offrirons l'espace nécessaire à ce témoignage. La coopération qui pourrait faciliter la création de cet espace dans notre comité n'a pas été manifestée et encore une fois, c'est seulement parce que le gouvernement, et surtout le premier ministre, par décret, ne facilite pas les choses en prolongeant l'exemption.
Nous tentons de créer cet espace. L'amendement que nous proposons aujourd'hui vise à aider nos collègues libéraux à créer cet espace, car il élimine la partie du libellé la plus politisée dans le paragraphe A de la motion. En effet, si l'amendement est adopté, la motion ne ferait plus référence à la « corruption ». Il revient clairement au Comité, dans le cadre de son mandat, d'éliminer tout doute sur le fait qu'il existe une façon appropriée d'aborder cette question dans le respect du bon déroulement de ses travaux. C'est la raison pour laquelle nous faisons référence à ce règlement.
L'autre chose accomplie par cet amendement concerne moins nos collègues libéraux. La première partie les concerne, mais la deuxième partie vise les Canadiens qui souhaitent comprendre le processus décisionnel lié à ces dossiers et qui veulent savoir pourquoi ils entendent ou n'entendent pas toute l'histoire. C'est le vote public. La fermeture du processus du comité de la justice a été faite en privé. Les Canadiens n'ont pas pu connaître les raisons qui ont motivé cette décision. Ils ont entendu les raisons que les libéraux ont données à la conférence de presse, mais ils n'ont pas pu entendre la discussion.
Nous sommes parfaitement à l'aise avec le fait d'avoir cette discussion en public. Nous pensons que les Canadiens méritent de l'entendre. Ils méritent d'entendre les raisons, c'est-à-dire les vraies raisons, pour lesquelles les libéraux ont voté contre cette motion. C'est la raison pour laquelle j'espère que nous ne passerons pas au vote sans entendre les témoignages de députés libéraux aujourd'hui. Je crois qu'il serait dommage qu'ils n'expliquent pas, pour le compte rendu, les raisons qui motivent leur vote. Il serait honteux de terminer la réunion sans qu'aucune indication n'ait été ajoutée au compte rendu sur les raisons pour lesquelles ils auraient voté contre la motion.
Nous demandons seulement que le vote soit public, et j'espère que nous entendrons leurs témoignages avant le vote, afin que les Canadiens puissent comprendre pourquoi la motion n'est pas adoptée, le cas échéant.
Merci beaucoup, monsieur le président.