Merci beaucoup de l'invitation. C'est un grand plaisir d'avoir l'occasion de témoigner.
Je vous ai fourni une présentation beaucoup plus détaillée pour vos dossiers. Aujourd'hui, je ne passerai pas en revue la plupart de ces diapositives. J'aborderai plutôt les points saillants qui ne sont pas déjà expliqués très clairement ni de façon exhaustive dans le résumé destiné aux décideurs.
Cette présentation et le résumé destiné aux décideurs mettent en évidence le déclin considérable de la nature et des contributions de la nature à la population, notamment l'assainissement de l'air et de l'eau, l'atténuation des inondations, l'aide à la production alimentaire, et démontrent comment cela mine notre capacité collective, à l'échelle mondiale, d'atteindre des objectifs sociétaux fondamentaux pour la nature et la durabilité.
Voilà qui résume la première moitié de l'évaluation, essentiellement. Je vais maintenant passer à d'autres aspects.
Fait important concernant cette évaluation, on tend à oublier que le chapitre que j'ai eu le plaisir de diriger était le premier en son genre. Il découle d'un document d'orientation dont je ne peux m'attribuer le mérite dans lequel était présentée une analyse exhaustive des voies à suivre, des scénarios et des analyses de la littérature connexe. Nous avons opté pour l'examen des voies et scénarios. Nous avons examiné toute la documentation possible sur toutes les avenues permettant d'atteindre les objectifs futurs en matière de développement durable et de conservation de la nature en fonction de six objectifs mondiaux distincts et connexes: nourrir l'humanité; fournir des ressources aux villes; maintenir l'approvisionnement en eau douce; protéger les océans; maintenir la biodiversité en milieu terrestre; prendre des mesures d'atténuation pour atteindre les objectifs en matière de changement climatique tout en assurant l'approvisionnement en énergie pour l'humanité.
Ce type d'analyse n'avait jamais été fait à une telle échelle auparavant, et c'était absolument essentiel pour en arriver à des déclarations sur les mesures à prendre, probablement, pour créer le monde envisagé dans le processus de Rio+20. Ce type d'analyse n'a jamais été fait auparavant. Dans les évaluations précédentes, les solutions reposaient en partie sur une analyse du problème plutôt que de la solution.
Cela signifie qu'à Paris, lors des négociations pour arriver à la meilleure version de la déclaration relative à l'évaluation globale, nous avons souvent répondu, lorsque certains pays demandaient des changements, que cela ne correspondait pas à nos constatations sur les mesures à prendre pour effectuer la transition vers la durabilité.
Maintenant, l'analyse des scénarios et la recherche documentaire de 13 aspects différents que nous avons appelés... Il y a cinq leviers, notamment les interventions en matière de gouvernance, et huit points de levier distincts, qui touchent vos sphères d'intervention à l'échelle mondiale, comme la consommation totale et le gaspillage. Je vais vous présenter un résumé en seulement cinq points clés sans lesquels, selon nos analyses contenues dans le rapport, nous ne pourrons réaliser le changement transformationnel dont nous avons besoin pour atteindre nos objectifs mondiaux de durabilité.
Le premier point est l'atteinte d'un bilan neutre en carbone. Il faut en outre encourager et aider les entreprises et les particuliers à en faire autant. Les dirigeants d'entreprises le font déjà et certains gouvernements ont pris un engagement en ce sens. Le Royaume-Uni s'est récemment engagé à atteindre cet objectif d'ici 2050. Il est possible d'en faire la normalité, et éventuellement, dans un avenir peut-être pas si lointain, une obligation. Nous pourrons ainsi redéfinir ce que l'on considère comme les bonnes valeurs de conscience sociale, pour les entreprises comme pour les particuliers, en nous engageant à ne plus contribuer au problème climatique. De toute évidence, ce n'est pas pour aujourd'hui. Voilà l'objectif ambitieux que s'est donné le Royaume-Uni pour 2050.
Le deuxième point est de rendre facile, agréable, peu coûteux et, enfin, normal d'agir de façon positive pour la Terre, c'est-à-dire prendre des mesures qui ont des effets positifs nets sur l'ensemble de la biodiversité et des services écosystémiques, soit sur l'ensemble de la nature et de ce qu'elle fait pour les gens. L'évaluation globale est très claire: parmi les problèmes environnementaux, les changements climatiques sont certes importants, mais ils ne sont que la pointe de l'iceberg. Ce que cela signifie, c'est que si nous ne nous attaquons pas au problème des changements climatiques — et c'est ce qui ressort de notre analyse — et à d'autres problèmes environnementaux importants, comme le changement d'affectation des terres, la surexploitation, la pollution et les espèces envahissantes, nous risquons d'exacerber d'autres problèmes et de rendre la vie plus difficile à bien des égards, dans différents endroits.
Il n'est pas encore possible pour les particuliers et les organisations d'avoir un impact positif net sur la planète, mais cela pourrait évoluer, comme nous l'avons vu pour les changements climatiques, notamment les mesures de compensation du carbone, en tirant des leçons de certaines erreurs. J'ai beaucoup d'autres choses à dire à ce sujet, mais j'y reviendrai plus tard.
Le troisième point est de veiller à ce que l'ensemble des subventions et des mesures incitatives contribue à la transformation et non à la contrer. Un des éléments clés de l'évaluation globale, y compris le résumé à l'intention des décideurs, qui a suscité une grande controverse ne portait-il pas sur la nécessité de surmonter, dans cette transformation, l'opposition de groupes d'intérêts? Nous n'avons pas hésité une seconde à dénoncer ces groupes d'intérêts et cette opposition.
Il semble que des gens reçoivent beaucoup de financement sous forme de subventions, ce qui a pour effet manifeste, mais pervers de favoriser l'accroissement de la production au détriment de l'environnement. C'est absolument inévitable, à moins de cibler ces subventions pour favoriser les modes de production qui contribuent à l'amélioration de l'intendance. Malheureusement, à l'heure actuelle, au Canada, la plupart des subventions ne sont pas structurées ainsi. Par conséquent, d'une part, nous dépensons beaucoup d'argent pour améliorer la production et, d'autre part, pour compenser les effets négatifs de cette production. Nous pouvons rationaliser ces deux processus en les harmonisant.
Je pense en particulier pour les combustibles fossiles. Cela signifie qu'il faut détourner les subventions destinées à la production de combustibles fossiles vers la transition, vers l'énergie propre. Évidemment, cela devrait comprendre des programmes de recyclage de la main-d’œuvre.
Le quatrième point porte sur la prise de décisions en matière de gestion de l'environnement et de gestion des ressources pour qu'elle soit prudente, adaptative, inclusive et intégrative dans l'ensemble des secteurs et des administrations.
Cela signifie notamment — dans la foulée de la réglementation REACH de l'Union européenne —, l'imposition de restrictions sur l'utilisation des produits chimiques, à titre préventif, jusqu'à ce qu'on ait suffisamment de raisons de croire qu'ils sont sûrs pour la population et l'environnement. Deuxièmement, il faut assurer une gouvernance transparente et participative avec l'apport de tous les principaux groupes d'intervenants, et les titulaires des droits, sans privilégier des intérêts particuliers en accordant un accès spécial ou secret, comme couramment dans toutes les administrations au Canada actuellement. Troisièmement, il faut une approche adaptative au zonage, de façon à reconnaître que le monde est en évolution. Par exemple, nous ne pouvons plus établir nos plans de zonage en fonction des crues centenaires, alors que de telles crues ont eu lieu trois fois en une décennie dans de nombreuses régions. Nous devons planifier en fonction d'événements surprenants.
Le cinquième et dernier point, qui fait manifestement partie de votre mandat, est le renforcement des lois et des politiques environnementales et l'application uniforme de toutes les lois et politiques — et pas seulement des lois et politiques environnementales — au pays et à l'étranger. C'est crucial pour de nombreuses raisons.
Il est devenu normal, dans la mesure où notre économie est fondée sur une mentalité du XIXe siècle, de chercher à favoriser sa croissance le plus possible. Or, si cela convenait au XIXe siècle, cela convient moins aujourd'hui, alors que nous vivons dans un monde surpeuplé, où toutes nos activités de production et d'extraction ont eu, à retardement et de façon généralisée, des impacts négatifs importants et fondamentaux sur la nature et par conséquent sur la population.
Comme je l'ai indiqué, un des éléments clés de ce processus est la nécessité d'agir tant au pays qu'à l'étranger. Des actions diplomatiques sont donc nécessaires, car nous sommes actuellement engagés dans une sorte de course mondiale vers le bas. Cela nuit à notre capacité de protéger notre environnement actuel, car les producteurs peuvent, à juste titre, faire valoir que leur incapacité de maintenir ces méthodes de production — qui ont des répercussions négatives sur l'environnement — au Canada les obligera à le faire ailleurs, entraînant la perte d'emplois au Canada. Nous pouvons faire beaucoup de choses à l'échelle locale, mais à long terme, il faudra intervenir à l'échelle internationale.
Si nous réussissions à accomplir cette tâche, nous créerons une économie mondiale durable. Ensemble, ces cinq changements contribueraient à concrétiser la vision du monde adoptée dans le cadre de la Conférence de Rio+20, qui fait aussi partie intégrante de l'évaluation globale, à l'atteinte — tardive — de l'ensemble des objectifs de durabilité axés sur la nature et à la création d'un monde durable, en général.
Merci.