Monsieur le Président, je propose que le premier rapport du Comité spécial sur la relation économique entre le Canada et les États-Unis, présenté le jeudi 15 avril, soit agréé.
Je partagerai mon temps de parole avec le député de Chilliwack—Hope.
Nous sommes aujourd'hui le 10 mai. La gouverneure du Michigan a annoncé que, dans deux jours, soit le 12, elle mettra hors service la canalisation 5, qui fournit 540 000 barils de pétrole par jour aux raffineries de Sarnia, dans le Sud de l'Ontario, et alimente aussi celles du Québec. Seulement en Ontario, ce sont environ 30 000 emplois qui dépendent de cette infrastructure transfrontalière. Aujourd'hui, nous débattons du rapport du Comité spécial sur la relation économique entre le Canada et les États-Unis, dont la Chambre a été saisie le 15 avril. Pas moins de 25 jours se sont écoulés depuis, et le premier ministre n'a pas encore fait mine de s'intéresser à ce dossier.
Dans quelle mesure les besoins en pétrole du Canada seront-ils bouleversés? En fait, 540 000 barils par jour équivalent à environ 25 % de la consommation quotidienne de pétrole du Canada. La pénurie va se faire sentir dans deux provinces, l'Ontario et le Québec, car elle coupera environ de moitié l'approvisionnement en cette matière première énergétique qui est essentielle à la production économique — les produits raffinés servant à la fabrication de produits pétrochimiques, de plastiques et de textiles, et bien d'autres choses encore, qui sont au cœur du secteur manufacturier du Canada —, au chauffage des habitations, au fonctionnement des véhicules et à l'acheminement efficace et rapide de marchandises comme les aliments et les fournitures vers les marchés.
Bref, la fermeture de cette infrastructure aura un effet désastreux pour le Canada. Des dizaines de milliers d'emplois dans la chaîne d'approvisionnement qui alimente l'économie et un secteur manufacturier qui s'est établi grâce à cette infrastructure et qui en dépend; tous attendent, les doigts croisés, l'issue de la situation. On peut dire sans se tromper que la fermeture de cette infrastructure énergétique représente une urgence en matière de sécurité énergétique nationale. La canalisation 5 est pourtant menacée de fermeture depuis le 13 novembre 2020, et nous sommes à deux jours du dénouement. Six mois se sont écoulés. J'ai dit à l'époque que la question devait être résolue rapidement, mais le gouvernement a laissé traîner les choses.
Enbridge, l'une des grandes entreprises du Canada, communique activement avec le bureau de la gouverneure et a soumis le dossier à la Cour fédérale des États-Unis, qui semble être l'entité chargée de ce type de cas. Pourtant, la gouverneure veut que l'affaire soit portée devant un tribunal de l'État. La Cour fédérale a néanmoins statué que les parties devaient entamer des négociations par l'entremise d'un médiateur, et ce processus se poursuit à l'heure actuelle. Il est bon de souligner que la gouverneure ne retournait pas les appels d'Enbridge en lien avec ce dossier avant que le juge de la Cour fédérale ne donne ses instructions. Lors des négociations, bien que ce processus semble productif, la gouverneure a insisté sur le fait qu'elle allait fermer la canalisation 5 le 12 mai, et ce, peu importe la démarche de médiation choisie pour mener les discussions, le moment où elles auront lieu et leur résultat. Il est difficile d'y voir une attitude propice à l'atteinte de résultats ou de compromis.
Pourquoi la gouverneure du Michigan adopte-t-elle une attitude aussi déraisonnable envers un bon partenaire commercial, un partenaire international en matière de sécurité, un partenaire de sécurité énergétique de même qu'un partenaire sur le plan des progrès environnementaux pour une canalisation qui sert de lien énergétique vital pour son État, les États avoisinants et le Canada? Manifestement, pour la sécurité des eaux du bassin des Grands Lacs, elle va fermer un pipeline qui n'a jamais fui et dont l'exploitant respecte rigoureusement les processus réglementaires de l'État afin de le rendre encore plus sécuritaire au moyen d'un tunnel souterrain en béton.
À cause de cette approche malavisée, on en sera réduit à assurer le transport du pétrole par camion, wagon et barge sur les Grands Lacs, toutes des solutions dont l'empreinte et les risques environnementaux sont plus grands, même pour les Grands Lacs, que la solution intrinsèquement sûre du pipeline. Il y a donc d'autres raisons; c'est évident. La gouverneure est une politicienne; il doit donc s'agir de politique. Au bénéfice de qui? On peut faire des hypothèses, mais il est évident que cela se fera au détriment des parties qui dépendent de cette infrastructure énergétique pour leurs subsistances, leurs emplois, leurs fermes, les biens qu'elles produisent et le chauffage dans leurs maisons et leurs granges, et au détriment de liens commerciaux internationaux entre les nations commerçantes les plus amicales au monde. C'est ce qui est réellement en jeu, dans ce dossier.
L'économie du Canada et celle des États-Unis ont prospéré au fil des décennies. Elles ont mieux fait que celle des autres pays développés en raison de la solidité de nos liens commerciaux et de la règle de primauté du droit qui régit nos institutions, notamment nos relations commerciales. L'épine dorsale de ces relations commerciales mutuellement bénéfiques est notre infrastructure et la partie la plus importante de cette infrastructure est, fondamentalement, notre infrastructure énergétique. Les gouvernements canadiens et étatsuniens précédents, toutes allégeances confondues, ont reconnu cela.
En 1977, nos deux gouvernements ont signé l'Accord concernant les pipe-lines de transit afin que le transport et le commerce de l'énergie entre nos deux pays ne souffrent pas de changements d'humeur politique ou d'intérêts personnels à court terme, aux dépens de notre prospérité et de notre sécurité communes à long terme et, pourtant, c'est là où nous en sommes. Le gouvernement d'un État agit unilatéralement, en violation apparente de notre traité international. C'est à se demander si les mots de ce traité ont un sens ou si notre partenaire commercial a compris que le gouvernement canadien ne veut pas défendre la sécurité énergétique du Canada ou, peut-être, ne sait pas comment s'y prendre pour ce faire. La situation ne peut certainement pas s'expliquer par l'incapacité du gouvernement du Canada de reconnaître l'importance de l'infrastructure concernée ni de la sécurité énergétique qui y est associée.
Rappelons que le Canada a vraiment fait piètre figure pendant la négociation du nouvel ALENA, l'Accord Canada-États-Unis-Mexique, alors qu'il a eu pour stratégie d'attendre trop longtemps avant d'aborder les vrais enjeux dont il fallait discuter pour défendre les intérêts du pays. À un certain moment, le Canada a été exclu des discussions commerciales parce que les autres parties ne le prenaient pas au sérieux. Personne n'était sur place pour résoudre les nouvelles questions qui émergeaient. Au final, nous avons obtenu un accord commercial beaucoup moins favorable que le précédent, et nos élus l'ont signé avec soulagement parce qu'il aurait pu être bien pire encore. Le gouvernement actuel considère maintenant comme une victoire le fait de perdre du terrain mais sans perdre complètement. La barre est vraiment basse.
Depuis, les États-Unis continuent de faire fi des dispositions du traité portant sur l'acier et l'aluminium, et ils mettent maintenant de l'avant une politique d'achat de produits américains qui exclut le Canada. L'accès préférentiel aux marchés en prend pour son rhume, tout comme le libre-échange et les traités commerciaux, et le Canada ne lutte pas pour faire respecter les dispositions des traités qu'il a négociés. Le gouvernement actuel s'incline chaque fois. Il faut reprendre les choses en main.