Madame la Présidente, c'est avec plaisir que je prends la parole pour appuyer le projet de loi C-8 au nom du NPD.
Le NPD n'a cessé de demander que l'on mette en œuvre l'ensemble des appels à l'action de la Commission de vérité et réconciliation. En fait, en 2016, j'ai présenté un amendement à un projet de loi antérieur sur l'immigration, le projet de loi C-6, dont le but était de revoir le serment de citoyenneté afin de reconnaître et d'affirmer les droits ancestraux ou issus de traités des Premières Nations, des Inuits et des Métis. Malheureusement, l'amendement n'a pas été adopté.
Même si cette modification faisait partie de la lettre de mandat de 2017 du ministre, les libéraux ont agi seulement à la toute fin de la législature précédente, soit juste avant les élections de 2019. Par conséquent, le projet de loi ne s'est même pas rendu à l'étape de la deuxième lecture.
Le premier ministre prétend que sa relation la plus importante est cette nouvelle relation qu'il a établie avec les Autochtones, et pourtant, il a fallu trois ans au ministre pour qu'il réponde à cette priorité de sa lettre de mandat. Je demande aux députés d'y réfléchir. Il est consternant que les libéraux aient mis tout ce temps pour agir. Il n'y a tout simplement aucune bonne raison pour que cette question ne soit pas déjà réglée.
Les libéraux ont raté l'occasion de faire en sorte que le grand nombre de nouveaux citoyens qui ont prêté serment depuis 2017 entament leur vie de citoyens canadiens en prenant la pleine mesure de notre obligation collective qui consiste à honorer les droits des peuples autochtones. S'il faut autant de temps aux libéraux pour ajouter une ligne au serment de citoyenneté, faut-il s'étonner qu'ils échouent autant dans leurs relations de nation à nation avec les peuples autochtones?
En 2017, quand le premier ministre a déclaré: « aucune relation n'est plus importante pour le Canada que celle qu'il entretient avec les peuples autochtones », le Canada s'est gonflé d'espoir. Peut-être arriverions-nous finalement à redresser les torts historiques du pays et à guérir du traumatisme causé par le passé colonial du Canada. Peut-être serions-nous du bon côté de l'histoire et pourrions-nous établir une nouvelle relation ayant en son cœur les droits des peuples autochtones. Malheureusement, les actions du premier ministre indiquent le contraire.
Il suffit de faire un examen attentif des expériences qu'ont vécues les peuples autochtones pour se rendre compte que le Canada a échoué et qu'il continue d'échouer à remplir ses obligations envers ces peuples. Voyez ce qui arrive aux enfants autochtones. En 2016, le Tribunal canadien des droits de la personne a reconnu le Canada coupable de discrimination raciale délibérée et inconsidérée, parce qu'il avait sous-financé sciemment les services d'aide à l'enfance dans les réserves.
Pourquoi a-t-il fallu 10 ordonnances de non-conformité pour obliger le gouvernement fédéral à agir? Pourquoi Cindy Blackstock a-t-elle dû travailler si longtemps et si obstinément pour que le gouvernement traite les enfants autochtones de façon juste et équitable? Pourquoi le gouvernement libéral, et le gouvernement conservateur qui l'a précédé, ont-ils tant de mal à respecter les droits fondamentaux des peuples autochtones? La situation dépasse l'entendement.
Le peu d'empressement des gouvernements successifs à vraiment garantir l'application et le respect des droits des Autochtones a eu des effets dévastateurs sur les communautés autochtones de partout au pays, sur les jeunes, les aînés et tous les autres. On en voit tous les jours les effets dans nos collectivités, par exemple, sous la forme d'actes de violence qui sont commis contre les pêcheurs micmacs.
Comme l'indique la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones, l'autodétermination est un droit. Ce droit a été inscrit dans les traités de paix et d'amitié, et il a été confirmé par la Cour suprême du Canada dans la décision Marshall en 1999. En effet, cette décision d'il y a 20 ans a affirmé les droits issus des traités de pratiquer la chasse, la pêche et la cueillette pour s'assurer une subsistance convenable. Pourtant, les gouvernements successifs, libéraux comme conservateurs, n'ont pas négocié avec les communautés autochtones pour définir en quoi consiste une « subsistance convenable » et n'ont pas fait en sorte que les pêcheurs autochtones puissent pleinement exercer leurs droits, des droits consacrés par la Constitution du Canada.
Comment est-ce possible? S'il s'agissait d'une décision de la Cour suprême en faveur de peuples non autochtones, personne n'imaginerait, ne serait-ce qu'un seul instant, que le gouvernement mettrait plus de deux décennies à agir. Cette inaction a entraîné des actes de violence, d'intimidation et de terrorisme intérieur contre les pêcheurs micmacs. Ils ont été victimes de crimes. Des gens ont subi des blessures et des dommages matériels.
Il y a deux semaines, les ministres libéraux ont convenu avec les néo-démocrates qu'un débat d'urgence à ce sujet s'imposait à la Chambre des communes. Or, pendant le débat, les députés libéraux ont voté contre la motion du NPD demandant le consentement unanime en vue d'affirmer les droits inhérents des peuples micmacs et malécites. Les libéraux ont refusé de confirmer ces droits consacrés par la Constitution canadienne et par la Cour suprême du Canada. Ils refusent de considérer le fait que la nation micmaque a le droit à la protection pleine et égale de la loi contre la violence, l'intimidation et le terrorisme intérieur.
Maintenant, selon les reportages des médias, l'Assemblée des chefs micmacs de la Nouvelle-Écosse laisse entendre que le ministère des Pêches et des Océans a l'intention de saisir les engins et les casiers de pêche des pêcheurs micmacs. Est-ce cela, la définition de la réconciliation des libéraux? C'est carrément honteux.
Le gouvernement libéral doit cesser de ridiculiser l'intention qui sous-tend ce projet de loi et agir avec intégrité en prenant des mesures concrètes pour affirmer les droits des Autochtones. Le premier ministre doit également prendre un instant pour réfléchir au message qu'il envoie aux jeunes Autochtones qui sont témoins de l'inaction flagrante de la GRC pour ce qui est d'offrir à la nation micmaque la même protection qu'à tous les autres.
Cette situation est plus préoccupante que celle des défenseurs des terres des Wet'suwet'en, qui ont été encerclés par un nombre considérable d'agents de la GRC lourdement armés alors qu'ils tentaient de faire valoir leurs droits en s'opposant au gazoduc Coastal GasLink. C'est vraiment consternant d'apprendre que les agents de la GRC avaient reçu l'ordre d'« employer la violence à volonté pour démanteler le barrage ».
C'est comme si le jugement phare de 1997 de la Cour suprême du Canada, dans lequel celle-ci a conclu que les droits de la nation des Wet'suwet'en n'étaient pas éteints, n'existait pas. Les libéraux vont de l'avant avec l'agrandissement du pipeline Trans Mountain. On ne tient nullement compte de la voix des défenseurs des terres. On fait complètement abstraction de l'article 10 de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones, lequel énonce explicitement la nécessité, pour le gouvernement, d'obtenir auprès des peuples autochtones leur consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause, en ce qui a trait à l'exploitation des ressources situées sur leurs terres, ce qui inclut la nécessité de respecter leur décision s'ils n'y consentent pas.
Avec des violations aussi évidentes des droits des peuples autochtones, comment les libéraux peuvent-ils continuer à prétendre qu'ils défendent les droits des peuples autochtones? Malheureusement, ce n'est pas la première fois que nous sommes témoins de ce genre d'injustice ni de ce genre de double discours.
Mes questions pour le premier ministre sont les suivantes: que faudra-t-il pour que cesse la violation des droits de la personne des Autochtones? Que faudra-t-il pour qu'il comprenne que les traumatismes engendrés par ces violations sont intergénérationnels?
Ma collègue la députée de North Island—Powell River nous a parlé de l'expérience bien réelle vécue par ses enfants en tant qu'Autochtones. Aucun parent ne devrait voir ses enfants être victimes d'un tel racisme systémique. Aucun parent ne devrait craindre pour la sécurité de ses enfants parce qu'ils sont Autochtones, mais c'est pourtant ce que vivent chaque jour des parents au pays.
Les habitants de ma circonscription, qui sont témoins des violations commises quotidiennement par le gouvernement, disent que la réconciliation n'est plus possible. Ils voient un nombre sans précédent d'enfants autochtones être enlevés à leur famille par le système d'aide à l'enfance. Ils voient la brutalité dont fait preuve la police à l'endroit des Autochtones. Ils voient le racisme qui est présent dans tout le système de santé. Ils continuent d'apprendre la disparition de femmes et de filles autochtones.
L'Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées a déterminé que les structures et les politiques coloniales, qui persistent au Canada, sont la cause première de la violence subie par les femmes, les filles et les personnes 2ELGBTQQIA autochtones. Selon le rapport, cette violence équivaut à un génocide racial contre les peuples autochtones, particulièrement les femmes, les filles et les personnes 2ELGBTQQIA.
Pour remédier au problème et mettre fin à ce génocide canadien, l'enquête nationale a présenté 231 appels à la justice dans son rapport final. Lorsque ce rapport a été publié, le gouvernement fédéral a promis de mettre en place un plan d'action national d'ici l'anniversaire de la publication annuelle.
Les familles, les survivantes et les organisations autochtones ont souligné la nécessité d'avoir un plan d'action national dirigé par des femmes autochtones pour mettre en œuvre les 231 appels à la justice. Cependant, sous prétexte de la pandémie de COVID-19, le plan d'action national a été retardé indéfiniment. Plus le gouvernement tarde à agir, plus les gens souffrent.
Par exemple, bon nombre des appels à la justice demandent qu'on s'attaque au racisme dans le réseau de la santé et plus particulièrement dans les hôpitaux. La mort consternante de Joyce Echaquan, cette mère autochtone de sept enfants, sous les quolibets racistes et désobligeants du personnel de l'hôpital où elle était traitée, nous prouve de manière irréfutable que le gouvernement libéral n'a aucune excuse pour retarder la mise en œuvre des appels à la justice.
Le gouvernement a beau invoquer la pandémie pour justifier son inaction et ses atermoiements, il y a déjà des dizaines d'années que la population réclame des actions concrètes, sur le terrain, pour améliorer la sécurité et le bien-être des femmes et des jeunes filles autochtones. Les exemples ne manquent pas, de l'accès à un logement sûr et abordable à la réforme du réseau d'aide à l'enfance, de l'appareil judiciaire ou de la police en passant par l'accès aux soins de santé et le financement durable des organismes qui offrent des services adaptés culturellement ou du soutien aux personnes ayant vécu un traumatisme.
La pandémie ne doit pas servir d'excuse pour retarder la mise en œuvre de ce qui devrait être une priorité pour le Canada. Elle devrait au contraire pousser le gouvernement à agir au plus vite. La pandémie a fait ressortir de nombreux problèmes. Les députés peuvent-ils s'imaginer sans eau potable en pleine pandémie? Pourtant, le gouvernement libéral, qui avait promis de lever tous les avis de faire bouillir l'eau dans les communautés autochtones du pays d'ici mars 2021, c'est-à-dire dans à peine cinq mois, est revenu sur sa parole dernièrement.
Pas plus tard que le mois dernier, la Première Nation de Neskantaga a été évacuée en pleine pandémie mondiale après la découverte de niveaux élevés d'hydrocarbures dans le réseau d'approvisionnement en eau. Même si le gouvernement donne la pandémie pour excuse pour les retards dans la concrétisation de sa promesse, cette situation n'a pas été causée par la pandémie. La communauté des Neskantaga fait l'objet d'un avis de faire bouillir l'eau depuis 25 ans. Avec la pandémie de COVID-19, l'accès à l'eau potable pour répondre aux besoins en matière d'hygiène est plus important que jamais. La pandémie devrait signifier une action rapide et non pas une excuse pour les retards. La santé et la sécurité des populations autochtones sont importantes. La vie des populations autochtones est importante.
L'accès à un logement sûr et abordable est lié à la question de l'eau potable. Le Canada est confronté à une crise évitable en matière de logement abordable et d'itinérance. Cette crise a des conséquences beaucoup plus graves sur les communautés autochtones en raison des déplacements forcés historiques et continus et du racisme systémique dont sont victimes les populations autochtones. Les Autochtones sont dix fois plus à risque de se retrouver sans abri que les Canadiens non autochtones.
Les communautés autochtones des collectivités rurales, urbaines et nordiques connaissent des conditions de logement parmi les pires de tout le Canada. Ma collègue la députée de Nunavut a fait une tournée des logements dans sa région. Toutes les familles chez qui elle s'est rendue vivaient dans des logements surpeuplés qui avaient tous de graves problèmes de moisissure. Certaines maisons étaient en si mauvais état que les lits étaient collés aux murs par le gel.
Le surpeuplement dans les maisons et le manque de logements font que de nombreuses personnes sont souvent contraintes de rester avec leurs agresseurs. Des enfants sont retirés de leur foyer et de leur famille parce qu'il n'y a pas de logement habitable sûr disponible pour les familles. Comme ma collègue le dit: « Mettre les Inuits dans des situations où ils meurent, tombent malades ou se font arracher leurs enfants à cause de logements inadéquats est une forme de colonialisme des temps modernes. »
Les communautés autochtones urbaines et rurales doivent également surmonter des défis uniques et considérables en matière de logement. Ma circonscription, Vancouver-Est, est l'une des plus durement touchées au pays par la crise de l'itinérance, une crise qui affecte de façon disproportionnée les peuples autochtones.
Parmi toutes les personnes qui vivent actuellement dans le village de tentes érigé dans le parc Strathcona, quelque 40 % sont d'origine autochtone, et ce malgré que les Autochtones ne représentent que 2,5 % de la population du Grand Vancouver.
Le manque d'accès au logement, un droit fondamental de la personne, est une des causes profondes du nombre disproportionné d'enfants autochtones pris en charge et retirés de leur famille par l'État. C'est une des causes profondes de la violence dont sont victimes les femmes et les filles autochtones ainsi que les membres de la communauté 2ELGBTQQIA. C'est stressant, traumatisant et préjudiciable.
Il est tout simplement incroyable que la Stratégie nationale sur le logement n'ait absolument pas tenu compte des besoins des communautés autochtones des régions urbaines, rurales et nordiques. Malgré toutes les discussions au fil des ans, il n'y a toujours rien de prévu relativement à une stratégie sur le logement pour les communautés autochtones des régions urbaines, rurales et nordiques qui serait dirigée par des Autochtones, pour des Autochtones.
Le serment de citoyenneté modifié affirme une réalité qui aurait toujours dû être un fait: la reconnaissance et la confirmation des droits ancestraux ou issus de traités des peuples autochtones devrait être au cœur des obligations de tout citoyen canadien. Le gouvernement doit agir dès maintenant afin de remplir ses propres obligations à propos de la reconnaissance et de la confirmation de ces droits ancestraux ou issus de traités.
La nouvelle version de la Loi sur la citoyenneté aide les nouveaux Canadiens à mieux comprendre mais, parallèlement, nous, parlementaires, avons un rôle crucial à jouer pour faire en sorte que le Canada respecte ses obligations envers les peuples autochtones. Les traités ont donné aux colons canadiens le privilège de vivre sur des terres autochtones, mais ce privilège s'accompagne de la responsabilité collective de s'engager à reconnaître et à affirmer les droits des Autochtones, notamment les droits issus de traités.
C'est le juge Murray Sinclair qui a le mieux résumé cette obligation en disant: « La réconciliation n'est pas un problème autochtone, c'est un problème canadien. Cela nous concerne tous. » Il incombe donc au gouvernement fédéral de faire preuve du leadership nécessaire à toutes les étapes du processus. Quant au gouvernement libéral, il doit faire mieux qu'il n'a fait jusqu'ici dans ce dossier.
Il ne suffit pas d'avoir donné suite à 10 appels à l'action. Les peuples autochtones ne devraient pas devoir continuellement attendre qu'on respecte leurs droits, notamment les droits fondamentaux de la personne. La réconciliation progressive ne devrait pas être la voie à suivre. Le gouvernement doit passer à l'action dès maintenant. On ne peut permettre que la pandémie lui serve d'excuse. Le gouvernement doit accélérer le processus et aller de l'avant. Des générations attendent qu'on donne suite aux appels à l'action. Les peuples autochtones méritent mieux.