Madame la Présidente, je suis heureuse de prendre la parole aujourd'hui au sujet du projet de loi C-4, Loi de mise en œuvre de l'Accord Canada–États-Unis–Mexique.
Je tiens à remercier tout particulièrement mon collègue le député d'Elmwood—Transcona pour son travail dans ce dossier. Grâce à de longues négociations avec le gouvernement, mon collègue a obtenu que le processus commercial du Canada devienne plus ouvert et transparent, et j'en suis extrêmement fière.
Trop souvent, l'opposition affirme que le NPD ne comprend rien au commerce international. Rien n'est plus faux. Ce que nous rejetons, c'est le programme commercial néo-libéral. Les néo-démocrates sont conscients de l'importance des relations commerciales du Canada avec les États-Unis, son principal partenaire commercial. Nous sommes d'avis qu'un meilleur ALENA pourrait améliorer la situation de tous les Nord-Américains. Nous sommes convaincus que tous les accords commerciaux doivent être transparents, inclusifs et progressistes. Ils doivent aborder des questions importantes comme l'inégalité des revenus, la souveraineté et les changements climatiques. D'abord et avant tout, ils doivent renforcer les droits de la personne. Ils doivent être transparents et équitables pour tous.
Un trop grand nombre d'accords commerciaux sont portés par l'idée d'enrichir les riches. Ils visent d'abord à accroître la richesse et le pouvoir de ceux qui en détiennent déjà beaucoup. On ne cherche pas à améliorer la vie de tous les Canadiens.
Chose certaine, les gens du Sud-Ouest de l'Ontario, dans ma circonscription, sont bien au courant de ce que les accords commerciaux négociés par les libéraux et les conservateurs ont fait subir à leur famille et à eux. Des centres manufacturiers hautement productifs sont maintenant placardés. Il suffit de circuler sur la rue Dundas, à London en Ontario, pour voir ce que ces accords commerciaux ont causé et ce qu'ils ont fait aux travailleurs de ma circonscription.
Le premier ALENA avait été négocié par les conservateurs et signé par les libéraux en 1994. On avait promis aux gens la création d'emplois, la hausse de la productivité et un accès garanti au plus grand marché du monde. C'est comme si nous étions aux portes du paradis et que, pour pouvoir les franchir, il nous suffisait de vendre notre âme.
Loin d'être le paradis, ce que les travailleurs canadiens ont plutôt connu, c'est l'enfer. Le Canada a perdu plus de 400 000 emplois dans le secteur manufacturier et dans l'industrie du textile. En outre, le Canada a dû dépenser des millions de dollars en frais juridiques et amendes en raison des poursuites intentées contre lui par des entreprises au moyen des dispositions investisseur-État concernant le règlement des différends.
Malgré de rares améliorations, le nouvel ALENA continue dans la même voie, celle des accords commerciaux qui accordent plus de droits exécutoires aux entreprises qu'aux citoyens et à l'environnement. Au cours des 25 dernières années, à cause de l'ALENA, l'industrie automobile et le secteur manufacturier nord-américains sont devenus très dépendants de la chaîne d'approvisionnement intégrée. D'ailleurs, les véhicules automobiles et les pièces qui les composent doivent souvent traverser des centaines de fois la frontière avant que le véhicule soit prêt.
Depuis l'annulation du Pacte de l'automobile en 2001, 44 000 emplois ont été perdus dans le secteur canadien de l'automobile. Après l'annonce dévastatrice de la fermeture de l'usine de GM à Oshawa il y a quelques années, les Canadiens commencent à comprendre que nulle disposition d'accord de libre-échange, y compris le nouvel ALENA, n'empêchera les sociétés de quitter le Canada pour déménager au Mexique, un pays qui ne se soucie pas de l'environnement et où elles peuvent tirer profit d'une économie de bas salaires.
Les travailleurs sont abandonnés à leur sort, même si les libéraux affirment que cet accord est avantageux pour le secteur de l'automobile. D'ailleurs, les libéraux ont également fait en sorte que GM n'avait aucun lien la retenant au Canada lorsqu'ils lui ont fourni un sauvetage de millions de dollars pour son usine d'Oshawa. Ils ont laissé la société se défiler de tout éventuel remboursement aux Canadiens.
Les libéraux brillaient par leur absence lorsque les travailleurs de l'automobile se battaient pour sauver leur emploi à l'usine GM d'Oshawa. Ils n'étaient certainement pas au front, cherchant désespérément des réponses à l'égard de leur avenir et de leur gagne-pain.
Curieusement, les libéraux ont prétendu qu'ils avaient travaillé dur pour les travailleurs de l'automobile lorsqu'ils ont signé le nouvel ALENA le printemps dernier. Ils ont insisté pour dire que l'accord était fantastique et qu'on ne pouvait obtenir mieux. C'est drôle, les démocrates américains leur ont donné tort. Il semble que les libéraux ne sont pas des négociateurs aussi compétents qu'ils le prétendent.
À toutes les étapes du processus, les libéraux n'ont cessé de nous ressortir le même couplet, à savoir que c'est un accord commercial fabuleux. D'abord, ils ont déclaré être satisfaits de l'ALENA d'origine et ne pas vouloir le renégocier. Puis, ils ont affirmé que l'ACEUM dans sa première version était ce que l'on pouvait obtenir de mieux, et maintenant, ils disent que c'est cette toute dernière version qui est le mieux que l'on puisse espérer. Quelle est la meilleure version, en fin de compte?
Quand le NPD a demandé au gouvernement d'attendre un peu avant de ratifier la première version de l'ACEUM pour que les démocrates aux États-Unis puissent l'améliorer un peu, la vice-première ministre a déclaré:
Monsieur le Président, ce que le NPD devrait comprendre, c'est que la réouverture de cet accord ouvrirait la boîte de Pandore [...] Le NPD serait naïf de penser que la réouverture de cet accord serait bénéfique pour les Canadiens.
Quoi qu'il en soit, les libéraux tiennent maintenant à se vanter des améliorations apportées par les démocrates américains.
L'écart entre les riches et les pauvres au Canada se creuse de manière alarmante, et 46 % des Canadiens se trouvent en ce moment même à 200 $ de l'insolvabilité. Les travailleurs, y compris ceux de London—Fanshawe, ont du mal à joindre les deux bouts et la majorité des habitants de ma circonscription ne profiteront pas des bienfaits de ce nouvel ALENA, pas plus que de l'ancien. Le fait est que les accords de libre-échange néo-libéraux ne profitent pas aux travailleurs.
Les néo-démocrates ont toujours été en faveur d'un processus transparent en ce qui concerne le déroulement des négociations commerciales, ce qui obligerait le gouvernement à rendre davantage de comptes et permettrait au Parlement de jouer un rôle plus significatif que celui de simple mécanisme d'approbation automatique.
Les libéraux ont trop promis et pas assez fait quant à la tenue de consultations publiques sérieuses sur cet accord.
Le NPD estime que le gouvernement doit tenir des consultations sérieuses, approfondies et ouvertes auprès des Canadiens et des représentants élus, tous partis confondus, au sujet des négociations commerciales.
Je me penche sur certaines des préoccupations que j'ai au sujet du chapitre 11 qui porte sur le mécanisme de règlement des différends entre investisseurs et États. Il va sans dire que nous, néo-démocrates, nous réjouissons de la suppression du chapitre 11. Toutefois, il a été remplacé par des dispositions qui prévoient une coopération réglementaire obligatoire et qui élargissent l'influence des entreprises. En principe, la coopération internationale en matière de réglementation peut améliorer les normes, mais certains experts soutiennent que les nouvelles dispositions augmentent l'influence des entreprises aux dépens de la protection du public et limitent la capacité du gouvernement de réglementer dans des domaines comme les produits chimiques toxiques, la santé et la sécurité des travailleurs et l'environnement.
En vertu du nouvel accord, les entreprises seraient avisées à l'avance de tout projet de réglementation et pourraient participer à des consultations avant que ledit règlement soit soumis au processus législatif.
La coopération réglementaire est assujettie au processus de règlement des différends. En pratique, cela signifie que les entreprises peuvent directement contester les décisions gouvernementales, ce qui représente la pire forme de frilosité réglementaire. Les organismes de réglementation doivent vigoureusement défendre les règlements proposés et sont même tenus de suggérer des solutions de rechange excluant la prise de règlements. Ils doivent également fournir à l'industrie des analyses exhaustives, notamment sur les coûts par rapport aux avantages. Bref, les gouvernements doivent rendre des comptes à l'industrie plutôt qu'à la population.
Cet accord me pose également problème pour ce qui est de l'égalité des sexes. Les libéraux avaient promis qu'un chapitre entier de l'Accord Canada—États-Unis—Mexique serait consacré à l'égalité des sexes, ce qui n'est pas le cas. Les libéraux semblent avoir laissé tomber leur promesse avant même qu'elle puisse prendre racine. Leurs belles paroles sur l'importance de l'égalité des sexes ne veulent rien dire, car il n'y a aucun chapitre à ce sujet dans l'Accord.
Des experts ont déclaré au comité du commerce international que, dans ce genre d'accord, la notion d'égalité des sexes ne devrait pas se limiter à un seul chapitre, mais bien être intégrée à l'ensemble du document, car l'égalité entre les sexes ne se limite pas uniquement aux femmes entrepreneures et aux propriétaires d'entreprises.
Le seul chapitre où on aborde de façon substantielle les liens entre le genre et le commerce est le chapitre sur le travail. Ailleurs, l'égalité des sexes est abordée de façon plutôt superficielle que concrète. Les dispositions sur les droits des travailleurs doivent aussi traiter des injustices subies par les femmes, comme l'iniquité salariale, le travail des enfants et les mauvaises conditions de travail. Le NPD est d'avis que pour qu'un accord soit vraiment progressiste en matière d'égalité entre les sexes, il doit s'attaquer aux inégalités systémiques que subissent toutes les femmes. Le NPD est d'avis que, pour tous les accords commerciaux, il faut procéder à une analyse comparative entre les sexes et à une évaluation des effets sexospécifiques.
Mme Erin Hannah, qui enseigne à London, où j'habite, a déclaré ceci devant le comité du commerce international:
Nous avons accordé énormément plus d'attention aux femmes entrepreneures dans le volet genre du programme de commerce international. C'est important [...] Par contre, la grande majorité des femmes dans les pays en développement travaillent au niveau de l'économie informelle.
Nous ne disposons pas de très bons outils pour évaluer l'incidence de toutes sortes de choses dans la vie des travailleuses de l'économie informelle, mais en particulier dans le commerce. [Il n'y a pas] de bons outils méthodologiques pour étudier l'incidence des accords commerciaux proposés sur les femmes qui ne font pas partie de l'économie formelle.
Par contre, cela soulève des questions beaucoup plus vastes, à savoir si l'objectif de ces initiatives est de faire entrer les femmes dans l'économie formelle, de les faire passer de l'économie informelle à l'économie formelle. Cela soulève une foule d'autres questions. Je pense qu'il est important de réfléchir à la façon dont cela pourrait changer la vie de ces femmes. Nous avons un problème de données, mais nous avons aussi un problème idéologique.
Le NPD estime que, comme pour les autres idéaux socialement progressistes qui peuvent être intégrés aux accords commerciaux, les mots ne suffisent pas. Il faut des outils concrets si nous voulons faire progresser les droits des femmes, des travailleurs, des Autochtones, de l'environnement et de la personne. Comme le disait si bien Mme Hannah, le Canada a encore beaucoup de chemin à faire pour parvenir à l'égalité entre les sexes. L'équité salariale n'est pas encore une réalité, et il n'y a toujours pas de régime universel de garde d'enfants. Un constat s'impose donc: pour faire avancer le monde et négocier des accords internationaux progressistes, nous devons commencer par nous donner les moyens de nos ambitions ici, chez nous.
En terminant, j'aimerais parler des droits des Autochtones. Mon collègue d'en face a souligné que cet accord ne mentionne pas non plus la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones. Les néo-démocrates estiment que le gouvernement doit se conformer à l'article 19 de cette déclaration et qu'il doit donc obtenir le consentement préalable des Autochtones, donné librement et en connaissance de cause avant d'adopter des mesures susceptibles de les toucher.
Comme l'a fait remarquer Pam Palmater devant le comité du commerce international pendant son étude du Mercosur, il faut tenir compte des droits des Autochtones d'un bout à l'autre d'un accord commercial, et non seulement dans un chapitre. Elle a aussi signalé que, dans l’ensemble des pays de l’Alliance du Pacifique, de nombreux Autochtones sont victimes de violence de la part de multinationales qui se livrent à des activités commerciales. On a certainement pu constater ce phénomène dans le cadre de l'ALENA.
Ce sont là quelques-unes des préoccupations que j'ai à propos de l'accord commercial. Je remercie la Chambre de m'avoir accordé du temps pour en parler. Je suis maintenant prête à répondre aux questions de mes collègues.