Bonjour, monsieur le président.
Bonjour, mesdames et messieurs. Je vous remercie de m'avoir invité à participer à cette séance.
Aujourd'hui, j'aimerais surtout vous parler de la répression qui s'est accrue depuis que Xi Jinping est devenu le secrétaire général du Parti communiste chinois, en 2012. Je vais ensuite vous entretenir de la politique du gouvernement canadien à l'égard de la Chine.
Comme vous le savez, j'ai passé 13 ans en Chine, au cours des années 1980 et 1990, et j'y ai occupé le poste d'ambassadeur de 2012 à 2016. J'ai donc pu observer l'évolution de la Chine et de sa croissance économique et la façon dont elle gère ses minorités ethniques. Depuis la conquête du Xinjiang par la dynastie Qing, au XVIIIe siècle, il y a toujours eu des tensions. En fait, les mesures qui ont été prises par les Chinois ont accru les tensions, qui ont culminé en 2009 avec les émeutes d'Urumqi, la capitale du Xinjiang. Par la suite, le gouvernement chinois a été très inquiet devant l'émergence du groupe État islamique.
Il faut rappeler qu'à partir de 2013, la Chine a fait face à une vague d'attentats sans précédent sur son territoire. Parmi les plus importantes attaques, on retient entre autres l'attentat suicide à la voiture piégée du 28 octobre 2013, qui a eu lieu sur la place Tiananmen, à Pékin, et qui a fait 2 morts et 40 blessés, ainsi que l'attaque au couteau perpétrée en mars 2014 à la gare de Kunming, qui a fait une trentaine de morts. Il y avait donc un problème de terrorisme que le président Xi Jinping voulait régler. Il a alors invoqué une menace grave à la stabilité sociale, de façon à imposer des mesures sécuritaires extrêmement strictes au Xinjiang, notamment l'installation de caméras, l'établissement de points de contrôle, la fermeture et la destruction de mosquées, l'interdiction du port de la barbe ou du voile, des contrôles étroits sur les déplacements, et ainsi de suite.
Bien sûr, depuis que Chen Quanguo a été nommé secrétaire général du Parti communiste chinois au Xinjiang en août 2016, on assiste à une répression, entre autres avec l'ouverture de ces camps de rééducation et le confinement d'au moins 1 million de musulmans.
Je voudrais maintenant parler de l'expérience canadienne au Xinjiang. Lorsque l'ACDI exerçait ses activités, elle mettait en oeuvre un très important programme d'aide au développement qui était principalement axé sur la conservation et l'utilisation durable des ressources naturelles, mais qui aidait également les femmes à se lancer dans les affaires. Un certain nombre de ces projets ont été couronnés de succès au Xinjiang.
Nous avons également connu une très triste affaire consulaire dans la mesure où un citoyen canadien, M. Huseyincan Celil, a été arrêté en Ouzbékistan au printemps 2006 et extradé vers la Chine. Nos agents consulaires n'ont jamais été en mesure d'avoir accès à lui. Bien entendu, malgré cela, ils ont rencontré des membres de sa famille au cours de leurs visites au Xinjiang.
Je me suis rendu au Xinjiang avec une délégation dirigée par le sénateur Plett en mai 2013 dans le cadre des activités de l'Association législative Canada-Chine. Nous avons soulevé nos préoccupations relatives au cas des Ouïghours. Nous avons eu des réunions au centre islamique, mais il était clair que tout cela était une mise en scène. Après le départ de la délégation, je me suis rendu à Kashgar. J'ai rencontré la famille de M. Celil. J'ai également fait des démarches auprès des autorités locales afin d'essayer d'améliorer la situation de M. Celil — tout cela en vain.
J'ajouterais qu'il est devenu très difficile de discuter des questions des droits de la personne avec la Chine depuis l'arrivée au pouvoir de Xi Jinping. Nous avons maintenant affaire à une Chine qui est très confiante, déterminée et agressive, une Chine qui refuse de recevoir des listes de cas préoccupants et qui rejette ce qu'elle considère comme une ingérence étrangère dans ses affaires. En outre, elle a réussi à exercer un contrôle sur le Conseil des droits de l'homme des Nations unies, où même les pays musulmans refusent de condamner la Chine pour ses actions au Xinjiang.
Que devrait faire le gouvernement canadien? Selon moi, il est désormais impossible de demeurer ambivalent par rapport à la Chine, après avoir vu ce qu'elle fait au Xinjiang, à Hong Kong, dans la mer de Chine méridionale, sans parler du lourd tribut que nous payons depuis l'arrestation de Meng Wanzhou. Nous savons très bien où Xi Jinping veut mener la Chine, comme il l'a indiqué au 19e congrès du parti, en octobre 2017. Il a déclaré que la Chine a réussi sans adopter les valeurs occidentales, et il a présenté la Chine comme modèle pour le monde entier.
Bien entendu, nous devons continuer de dialoguer avec la Chine pour régler les grands problèmes mondiaux tels que les pandémies ou les changements climatiques. Toutefois, comme nous avons perdu confiance en la Chine, il est temps de prendre davantage de mesures pour indiquer que nous adopterons une approche plus réaliste dans nos relations avec la Chine, une approche fondée sur la protection et la défense de nos intérêts et de nos valeurs telles que la liberté d'expression et de religion et l'égalité des chances pour tous.
Nous devrions également réagir rapidement aux cas d'intimidation ou d'ingérence perpétrés à l'encontre de Canadiens d'origine chinoise, ou d'Ouïghours ou de Tibétains vivant au Canada. Nous devrions n'avoir aucune tolérance pour des actions de ce genre.
Bien sûr, nous devons également travailler plus étroitement avec des pays qui partagent nos vues afin de renforcer le système multilatéral et à tous de souligner que les règles s'appliquent de la même manière. Nous devrions également nous mettre d'accord sur des positions communes et des réactions similaires lorsque la Chine agit comme un tyran ou s'engage dans une diplomatie reposant sur des otages. Cela vaut également pour la question de savoir si des sanctions doivent être appliquées à l'encontre de fonctionnaires chinois. Nous devons être en bonne compagnie.
Le message adressé à la Chine devrait être simple: nous vous invitons à jouer un rôle plus important sur la scène internationale, mais vous devez respecter tous les traités internationaux et toutes les règles internationales, et vous devez cesser de jouer les tyrans.
C'est avec plaisir que je répondrai à vos questions. Merci.