Madame la Présidente, c'est un honneur et un privilège de prendre la parole aujourd'hui au sujet du projet de loi C‑12 au nom des membres du Parti vert dans l'ensemble du Canada et des habitants de la circonscription de Nanaimo—Ladysmith, qui se trouve sur le territoire non cédé des Premières Nations des Snuneymuxws, des Snaw-Naw-As, des Stz'uminus et des Lyacksons. Je remercie les électeurs de Nanaimo—Ladysmith de m'avoir accordé leur confiance.
Les gens de ma circonscription voient les effets des changements climatiques et sont profondément préoccupés par l'avenir de leurs enfants et petits-enfants. Je suis né et j'ai grandi sur l'île de Vancouver. Je vois aussi les effets. Je vois les changements dans l'écosystème local. Les mois de sécheresse s'étendent jusqu'en hiver. Des arbres de plus de 100 ans meurent par manque d'humidité. Le mois d'août dans le Sud de la Colombie‑Britannique est maintenant communément appelé « Smogust », une combinaison des mots « smog » et « août » en anglais, en raison de l'épaisse fumée des feux de forêt qui recouvre la province. Si je me souviens bien, je n'ai jamais été incapable de sortir dehors à cause de la fumée, quand j'étais plus jeune, sauf l'année où le mont Saint Helens est entré en éruption. Le climat est en train de changer, et nous n'en faisons pas assez pour atténuer les changements et nous y préparer.
Il y a deux ans, le 18 juin 2019, la Chambre a voté pour déclarer une urgence climatique. Dix-huit mois après cette déclaration, le gouvernement a déposé le projet de loi C‑12, un projet de loi si vide qu'il ressemblait à une tentative de tromper le public canadien en lui faisant croire que de véritables mesures allaient être prises pour lutter contre la crise climatique. Où est la reddition de comptes dans le projet de loi, dans une série de rapports qui montrent les progrès — ou l'absence de progrès — vers l'atteinte des objectifs? Si la population est insatisfaite des progrès — ou de l'absence de progrès —, elle peut élire un autre gouvernement. Comme l'a dit Greta Thunberg, « l’objectif de carboneutralité d’ici 2050 équivaut à une capitulation ». Sans objectifs à court terme ambitieux, nous laisserons à nos enfants et à nos petits-enfants à un monde inhabitable.
La députée de Saanich—Gulf Islands a offert de mettre en contact le ministre de l'Environnement avec le Sabin Center for Climate Change Law de l'Université Columbia. Cela aurait pu contribuer à ce que le projet de loi soit pertinent et comparable à la loi sur les dépenses liées au climat du Royaume‑Uni. La députée a proposé de mettre le ministre en contact avec James Shaw, le ministre des Changements climatiques de la Nouvelle‑Zélande, qui vient de mettre en œuvre une série de plans complets pour lutter contre les changements climatiques. Elle a suggéré des climatologues qui pourraient témoigner devant le comité. Le ministre ne voulait pas l'avis de ces experts.
Pourquoi l'organisme consultatif a-t-il été créé avant que ce projet de loi soit renvoyé au comité? Peut-être parce que l'organisme consultatif constitue le maillon faible de ce projet de loi. Ce devrait être un organisme expert composé de climatologues, mais ce n'est pas le cas.
Le projet de loi C‑12 a été mal géré. Il a été présenté en novembre, il a traîné jusqu'en mars sans débat, puis il a traîné encore jusqu'en mai. La plupart des commentaires des experts sur le projet de loi C‑12 ont été fournis aux députés une fois qu'il était trop tard pour proposer des amendements. Le processus a été bafoué. Il n'y a pas eu de témoignages de climatologues, aucun jeune ne s'est adressé au comité et aucun témoin autochtone n'a été entendu. Combien de fois les libéraux pourront-ils affirmer ne pas avoir eu le temps de consulter les peuples autochtones tout en affirmant du même souffle que le projet de loi C‑12 respecte la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones?
Le projet de loi C‑12 n'a pas de jalon pour 2025, ce que demandait le document sur la décision de la Conférence des parties que le Canada a signé à Paris. Tous les experts s'entendent pour dire qu'il sera trop tard en 2030. L'amendement proposé conjointement par les néo-démocrates et les libéraux à l'égard d'une cible intérimaire de réduction des émissions de gaz à effet de serre pour 2026 ne constitue pas une année jalon. Cela procure uniquement une occasion d'évaluer les progrès réalisés ou leur absence.
Pourquoi le gouvernement a-t-il rejeté l'amendement du Parti vert qui demandait que les cibles et les plans soient fondés sur les meilleures données scientifiques disponibles? Les libéraux et les néo-démocrates étaient à ce point résolus à bloquer les propositions du Parti vert qu'ils ont voté contre un amendement dont le libellé était identique à celui de l'amendement suivant du gouvernement, qui a donc aussi été rejeté. Après avoir perdu une heure à chercher une solution pour réintégrer ce passage dans le projet de loi, le gouvernement a proposé ce qui suit:
Il [Le ministre] établit chaque cible nationale en matière d’émissions de gaz à effet de serre au moins neuf ans et 366 jours avant le début de l’année jalon visée.
On ne parle plus de 10 ans, comme le faisait l'amendement du Parti vert, mais de 10 ans plus un jour. Cet incident est un exemple de la pire forme de partisanerie. Les libéraux tentent de reprocher au Parti vert de retarder l'adoption du projet de loi, mais soyons bien clairs. Les retards ont été causés par le calendrier entourant le projet de loi, qui est établi par les libéraux.
Parce que la fin de session approchait, la députée de Saanich—Gulf Islands a demandé le retrait de neuf de ses amendements pour aider le comité à terminer l'étude article par article. Les conservateurs ont fait la même chose. De toute façon, leurs propositions auraient été rejetées. Tout au long de ce processus, le Parti vert a accordé la priorité au climat. Les libéraux et les néo-démocrates ne peuvent pas en dire autant.
Le projet de loi C‑12, Loi canadienne sur la responsabilité en matière de carboneutralité, ne permettra pas d'exiger des comptes au gouvernement actuel, au prochain gouvernement ou à celui qui lui succédera en ce qui concerne la réduction des émissions.
En effet, malgré son titre, le projet de loi n'augmentera en rien la responsabilité exercée. Si les Canadiens n'aiment pas ce que fait le gouvernement, ils peuvent s'en défaire lors des prochaines élections. L'urgence climatique exige que des responsabilités soient prises durablement, plutôt que de dépendre des caprices des politiciens.
Le Canada doit suivre l'exemple du Royaume‑Uni, qui a adopté une loi sur le budget carbone obligeant tous les gouvernements successifs à respecter des objectifs de réduction des émissions, ainsi qu'à rendre des comptes à cet égard, ce qui dépolitise la lutte contre les changements climatiques. Le Royaume‑Uni a réduit ses émissions de 42 % par rapport à ses niveaux de 1990. Collectivement, les 27 pays de l'Union européenne ont réduit leurs émissions de 25 % depuis 1990. Les niveaux d'émission actuels du Canada, eux, ont augmenté de 21 % depuis 1990. C'est honteux.
Le Canada n'a pas respecté les cibles des neuf accords climatiques internationaux qu'il a signés. Le plus récent objectif du Canada, réduire les émissions de gaz à effet de serre de 17 % en deçà des niveaux de 2005 d'ici 2020, a été fixé par le gouvernement conservateur de Harper en 2009. Même si la majorité des provinces et des territoires ont sincèrement tenté d'atteindre cette cible, les émissions de l'industrie pétrolière et gazière du Canada ont tellement augmenté que ces efforts ont été faits en vain.
Les priorités de l'actuel gouvernement montrent qu'il ne prend pas suffisamment au sérieux la menace existentielle que sont les changements climatiques. Le gouvernement est en train de dépenser 17 milliards de dollars pour l'expansion du pipeline Trans Mountain. Or, Trans Mountain est perdant, pas seulement sur le plan du climat, mais aussi sur le plan financier. Selon le directeur parlementaire du budget, on évitera que le pipeline Trans Mountain entraîne des pertes de milliards de dollars que si le gouvernement abandonne sa lutte contre les changements climatiques et augmente l'exploitation des sables bitumineux.
Pour le gouvernement néo-démocrate de l'Alberta, la lutte contre les changements climatiques consistait à plafonner les émissions à 100 mégatonnes, ce qui représente une augmentation de presque 40 % par rapport aux niveaux de 2014. Pour le gouvernement de la Colombie‑Britannique, la lutte contre les changements climatiques consiste à intensifier les efforts de fracturation hydraulique, à construire de nouveaux pipelines pour exporter du gaz liquéfié extrait par fracturation et à offrir des subventions à hauteur de 6 milliards de dollars à cinq multinationales étrangères. Par-dessus le marché, le gouvernement de la Colombie‑Britannique permet l'exploitation des forêts anciennes en péril qui séquestrent le carbone.
Pourquoi le gouvernement fédéral ne peut-il pas faire en sorte que les provinces unissent leurs efforts pour que nous respections nos engagements internationaux en matière de climat? Pourquoi devrions-nous croire que le projet de loi C‑12 changera cela?
Ce ne sont là que quelques raisons qui expliquent pourquoi le Canada a besoin d'une loi sur le budget carbone. Il faut sortir la politique de la lutte contre les changements climatiques et se fier à la science. Il faut une transition équitable pour les travailleurs du secteur des combustibles fossiles et une fin à toutes les subventions versées à l'industrie des combustibles fossiles.
Le vrai problème ne vient pas de ceux qui nient l'existence des changements climatiques. Il vient des politiciens qui acceptent la science, mais qui n'ont pas le courage de sortir la politique de l'action climatique. Le projet de loi C‑12 ne répond pas au problème que nous devons affronter. Il crée un faux sentiment de sécurité et repousse d'une autre décennie la prise de mesures requises depuis longtemps et la responsabilisation. Ce n'est pas seulement irresponsable, c'est immoral.
Toutes les civilisations qui nous ont précédés ont fini par s'effondrer. L'histoire nous rappelle que, dans tous les cas, tant que l'effondrement n'avait pas débuté, les gens croyaient que tout allait bien. Certains effondrements historiques ont touché uniquement certaines régions. Lorsque l'Empire romain s'est effondré, les gens de l'île de la Tortue ou du sud de l'Afrique ne s'en sont pas rendu compte.
Pour la première fois de l'histoire de l'humanité, nous vivons dans une civilisation interconnectée à l'échelle planétaire. C'est également la première fois de l'histoire que des menaces technologiques et environnementales pèsent sur la capacité de la planète à héberger la vie. L'humanité doit faire face à une situation sans précédent. Nous risquons de ne plus être capables de survivre sur notre planète. Le prochain effondrement pourrait être le dernier.
Pour accepter l'existence de cette menace et y réagir, il faut un changement. L'ampleur du défi de l'urgence climatique et de la crise de la biodiversité exige que nous gagnions en maturité. Nous devons choisir une vision à long terme, nous devons collaborer et défendre les intérêts communs. Il n'y a là rien de radical. Il s'agit de vivre en harmonie avec notre environnement comme le font les Autochtones depuis des temps immémoriaux. C'est le minimum que l'on peut faire pour se sortir de cette civilisation autodestructrice.
Les jeunes de partout au pays veulent que nous en fassions plus. Ces jeunes, nos enfants et nos petits-enfants, méritent mieux que cette pauvre mesure législative. Je vais appuyer le projet de loi, parce que c'est mieux que rien, mais mieux que rien n'est pas loin de rien du tout.