Monsieur le Président, juste avant que le Parlement ne reprenne ses travaux après le congé de Noël, d'innombrables Canadiens ont participé à la Journée Bell cause pour la cause. Ils ont profité de l'occasion pour parler de la santé mentale, sensibiliser la population, échanger des témoignages et se rappeler qu'il est bon d'offrir ou de demander de l'aide quand on en a besoin. De nombreux députés de tous les partis se sont joints à cet effort, et on peut légitimement supposer qu'ils l'ont fait parce qu'ils souhaitent sincèrement aider les gens.
Chaque année, après cette journée, nous nous rendons compte que la promotion de la santé mentale est en fait une tâche énorme et que c'est plus facile à dire qu'à faire. Au fil du temps, des progrès ont été réalisés dans notre approche de la santé mentale, mais il peut parfois être décourageant de constater que nous devons encore faire face à certains problèmes persistants ou qu'il nous reste encore beaucoup de travail à accomplir. Ce constat remet la situation en perspective et montre que les résultats et les décisions que nous prenons sur une question sont plus importants que le simple fait d'en parler.
Dans cette optique, le projet de loi C‑39 et le thème plus général dans lequel il s'inscrit, constituent une véritable mise à l'épreuve. En effet, il nous oblige à exprimer avec précision ce que nous entendons par promotion de la santé mentale. Malheureusement, nous sommes saisis d'un projet de loi émanant du gouvernement qui va manifestement nous faire emprunter la mauvaise voie, car il laissera tomber les personnes vulnérables atteintes de maladie mentale. D'une certaine façon, c'est une bonne chose de débattre du projet de loi C‑39, mais nous devons également clairement indiquer que cela n'est pas suffisant. Bien que ses dispositions n'entreront en vigueur que dans un an, cela ne fera que retarder légèrement l'inévitable au lieu de révoquer une mauvaise décision.
Que se passera-t-il dans un an? Le gouvernement va-t-il présenter un autre projet de loi comme celui-ci pour retarder les choses encore d'un an? Les problèmes majeurs soulevés par les provinces, les professionnels, les groupes de défense et les citoyens concernés seront-ils tous réglés comme par miracle avant l'expiration du délai d'un an? En quoi est-ce réaliste? Le gouvernement pense-t-il vraiment que les Canadiens vont y croire?
À l'évidence, cet échéancier est ridicule. Cela n'a aucun sens d'un point de vue pratique, mais surtout, cela ne réglera pas le problème à l'origine de tout cela. On peut avoir différents points de vue au sujet de l'accès au suicide assisté pour les personnes dont la maladie mentale est le seul problème médical, mais personne des deux côtés du débat ne peut affirmer sérieusement que la question a été soigneusement étudiée au Canada, s'il est possible de le faire. Tout le processus a plutôt été bâclé.
Si les libéraux se souciaient réellement de prendre la bonne décision, le projet de loi à l'étude serait bien différent. Même s'ils sont responsables d'établir l'échéancier, ils ne seront pas plus prêts au changement à venir l'année prochaine que s'il arrivait le mois prochain. La pression populaire les a amenés à ralentir la cadence, mais ils n'ont pas l'intention de s'arrêter complètement. À l'évidence, ils veulent procéder comme ils l'entendent et ils espèrent pouvoir encore s'en sortir le printemps prochain.
Si on prend un peu de recul pour examiner la question dans son ensemble, on constate que cette façon d'agir est fort irresponsable. Premièrement, je vais examiner ce projet de loi tel qu'il a été présenté. Généralement, nous n'avons pas à trop réfléchir au titre officiel d'un projet de loi présenté au Parlement. Cependant, ce n'est pas le cas avec le projet de loi C‑39. Il serait peut‑être même juste de dire que son titre est quelque peu trompeur. En effet, d'après le titre, nous modifions les dispositions du Code criminel relatives à l'aide médicale à mourir. Or, il s'agit là d'une subtilité. En réalité, cette mesure législative ne modifie pas le fond du projet de loi C‑7, adopté lors de la dernière législature. Elle ne ferait que retarder d'un an la mise en œuvre du projet de loi C‑7 ou l'élargissement prévu. Ce n'est certainement pas une réaction utile ou encourageante à ce que les Canadiens et les experts nous disent depuis l'adoption par le Parlement du projet de loi C‑7 et son entrée en vigueur.
Lorsque le projet de loi C‑7 a été adopté, en 2021, 91 % des psychiatres de l'Ontario étaient contre l'élargissement de l'euthanasie, mais on ne les a pas écoutés. Le gouvernement ne s'est pas donné la peine d'écouter des conseils et des commentaires essentiels. Il ne faut pas se leurrer. Partout au pays, des citoyens ordinaires sont horrifiés lorsqu'ils apprennent ce qui se passe ici, et qu'il est question d'étendre l'aide médicale à mourir aux personnes atteintes d'une maladie mentale. De nombreux habitants de ma circonscription ont communiqué avec moi. Ils m'ont abordé à des patinoires et à diverses assemblées publiques que j'ai organisées pendant la pause hivernale. Ils m'ont dit à quel point il était inconcevable qu'une telle chose se produise au Canada.
On a constaté la même réaction partout dans le monde lorsque, dans d'autres pays, les gens apprenaient ce qui se passait au Canada. Nous ressortons, et pas de la bonne manière, du lot des pays qui offrent le suicide assisté. La couverture médiatique qu'on fait du Canada à l'étranger démontre que la réputation de notre pays en a souffert. Il est plus que temps que le gouvernement sorte de sa bulle et qu'il écoute ce que les Canadiens pensent et ressentent. Même si le ministre de la Justice essaie de prétendre que notre système possède des mesures de sauvegarde strictes, il suffit de regarder ce qui se passe ailleurs pour constater que quelque chose cloche.
Le Canada a rapporté 7 300 décès en 2020 et 10 000 en 2021. C'est encore plus troublant lorsqu'on compare ces chiffres avec d'autres administrations. L'État de la Californie a commencé à autoriser le suicide assisté la même année que nous, soit en 2016. Même si sa population totale est semblable à la nôtre, la Californie n'a rapporté que 495 décès en 2020 et 486 en 2021. L'écart est frappant.
Les gens voient ces chiffres et ne peuvent pas croire que le gouvernement envisage d'élargir l'admissibilité aux personnes dont le seul trouble de santé est une maladie mentale. Ils ne peuvent s'empêcher de se demander si ces personnes ne passent pas déjà entre les mailles du filet et si elles sont prises en compte dans les chiffres que nous avons au Canada.
Si nous voulons comprendre le contexte qui a nous a menés à la situation actuelle avec le projet de loi C‑39, nous devons nous rappeler ce qui s'est passé lors de l'étude du projet de loi précédent. À l'époque, le gouvernement libéral a présenté un projet de loi qui élargissait considérablement l'admissibilité à l'aide médicale à mourir, par rapport à ce qui avait été prévu initialement, quelques années auparavant. Le suicide assisté était désormais autorisé dans les cas où la mort naturelle n'était pas raisonnablement prévisible.
À l'époque, nous avons entendu une écrasante majorité de militants, d'organisations et de membres de la communauté des personnes handicapées, qui étaient profondément préoccupés par la nouvelle orientation du gouvernement. Ils ont souligné les failles et les risques encourus par les personnes handicapées, qui pourraient se retrouver dans une position vulnérable et subir des abus plutôt que de recevoir le soutien et les ressources dont elles ont besoin. Ils s'inquiétaient également de la stigmatisation et du message que cela pourrait envoyer aux personnes handicapées ainsi qu'à la société en général. Toute personne, qu'elle vive avec un handicap ou non, aura l'impression que ces vies humaines sont inférieures ou ne valent pas la peine d'être vécues, et il ne sera manifestement pas inacceptable de le penser.
Nous voilà, encore une fois, dans une situation semblable. C'était choquant lorsque les libéraux ont accepté l'amendement de dernière minute visant à admettre la santé mentale comme condition d'admissibilité à l'aide médicale à mourir. Depuis lors, ils ont eu le temps et la possibilité de revenir sur la décision, mais ils refusent d'écouter et de protéger la vie des Canadiens vulnérables. Si les députés ministériels n'arrêtent pas l'élargissement de l'aide médicale à mourir pour admettre la santé mentale, il sera impossible de les prendre au sérieux quand ils essaieront de parler de la crise en santé mentale.
Je peux prendre quelques instants pour parler de Michel Landsberg, qui a parlé avec beaucoup de passion de la santé mentale il y a plusieurs années. Je le considère comme un pionnier et un modèle.
Michael Landsberg était l'animateur de l'émission Off the Record sur TSN. Il a créé une fondation appelée « #SickNotWeak ». Comme il y a 20 ans, il parle à nouveau aujourd'hui principalement des préjugés auxquels les personnes atteintes de maladie mentale sont assez souvent confrontées et auxquels les personnes dépressives sont confrontées. Lorsque nous examinons la communauté des personnes handicapées et ce dont parlions plus tôt concernant les préjugés, nous voyons que la situation se répète pour les personnes atteintes de maladie mentale. Je pense qu'il est important que nous nous penchions sur l'histoire de personnes comme Michael Landsberg, qui nous a exhortés si clairement et si passionnément à ne pas associer de préjugés nuisibles aux maladies mentales. Lorsque nous regardons les statistiques que j'ai citées plus tôt, nous constatons qu'il existe un danger réel ici si nous ne nous attaquons pas à ce problème pendant que nous en avons l'occasion.
Il y a un manque de soutien en matière de santé mentale dans l'ensemble du Canada, surtout dans les circonscriptions rurales comme la mienne. Il est absolument honteux de proposer la mort comme solution. Bien que le projet de loi C‑39 suspende cet élargissement, il est inapproprié de l'utiliser comme tactique de vente avec l'espoir que le public changera d'opinion et se rangera de leur côté entretemps.
Toutefois, un report ne suffit pas. Nous devons exclure la santé mentale des conditions d’admissibilité au suicide assisté. Le gouvernement doit s’arrêter ici et examiner ce qu’il a fait du système. S’il ne le fait pas, cela prouvera tout simplement qu’on ne peut lui faire confiance. Le gouvernement n’a montré aucun signe qu’il a examiné attentivement les mesures législatives qu’il a instaurées précédemment. En agissant ainsi, il n’a pas rassuré les Canadiens à propos des changements futurs. Il a été question de mesures de sauvegarde plus tôt; les Canadiens se demandent si elles existent réellement.
Comment ne pas tenir compte du fait que les anciens combattants se font offrir l’aide médicale à mourir au lieu de soins en santé mentale? Comment pouvons-nous aller de l’avant quand nous savons que des personnes pauvres et souffrantes se sont fait offrir l’aide médicale à mourir contre leur volonté? Ce type de report est devenu trop fréquent, et nous ne pouvons pas utiliser l’excuse que nous n’avons eu aucun avertissement. Les prédictions des experts, partagées par un grand nombre de députés de ce côté-ci de la Chambre, se sont avérées exactes jusqu’à maintenant. Si le report est adopté jusqu’en mars 2024, comment est-il possible de croire que les problèmes ne deviendront pas encore plus graves?
Parce que les libéraux ne font pas ce qui est nécessaire, un de mes collègues conservateurs a pris l’initiative de présenter un projet de loi pour supprimer l’admissibilité à l’aide médicale à mourir en raison d’une maladie mentale. Cette disposition nous donnerait une nouvelle chance de prévenir la catastrophe. J’espère que tous les députés donneront leur appui.