Merci, monsieur le président.
Je remercie le sous-comité de m'avoir donné l'occasion de m'exprimer et de son intérêt constant concernant la situation désastreuse des droits de la personne au Nigeria et de ses implications pour l'ensemble de la région du Sahel en Afrique.
L'organisation Jubilee Campaign œuvre à la promotion des droits de la personne et de la liberté religieuse des minorités ethniques et confessionnelles, ainsi qu'à la libération des prisonniers de conscience religieux. Aujourd'hui, notre intervention portera sur ce point, sur les violations des droits de la personne concernant la liberté de pensée, de conscience, de religion et de croyance, et sur la manière dont ces violations sont associées à d'autres violations, notamment du droit à la vie, ainsi qu'à des cas de torture.
Depuis le début du millénaire, le groupe militant islamiste djihadiste Boko Haram terrorise les citoyens du Nigéria, en particulier les chrétiens et les musulmans pacifiques non djihadistes dans tout le nord et le centre du pays. En décembre 2015, à la suite d'importantes opérations militaires, le président du Nigéria a affirmé que Boko Haram avait été techniquement vaincu. Toutefois, au cours des sept années qui ont suivi cette déclaration, la violence militante a augmenté de manière exponentielle et de nouveaux acteurs, tels que l'État islamique dans la province de l'Afrique de l'Ouest, aussi connu sous le nom d'ISWAP, et des bandes de militants fulanis islamistes, ont joué un rôle dans la violence. Cela a été signalé lors de la dernière réunion que vous avez tenue à ce sujet en novembre 2020. Il s'agit notamment d'exécutions et de traitements inhumains et dégradants de civils, y compris l'ablation de membres, l'incendie de maisons et de lieux de culte, l'enlèvement et la mise en esclavage de femmes et de filles, ainsi que des conversions forcées. Le cas de Leah Sharibu est particulièrement marquant.
Le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés a constaté, en novembre 2021, qu'au moins trois millions de Nigérians étaient déplacés à l'intérieur du pays, la majorité d'entre eux se trouvant dans le nord-est du Nigéria et dans la région du centre du pays, où se concentrent les violences commises par les islamistes fulanis et d'autres attaques de bandes criminelles. L'UNICEF rapporte également que plus d'un million d'enfants craignent de retourner à l'école en raison des violences et des enlèvements perpétrés par ces bandes criminelles.
En 2020, Jubilee Campaign a soumis un rapport intitulé This Genocide is Loading à la Cour pénale internationale. Je vous invite à en prendre connaissance. Nous y expliquons que les militants djihadistes fulanis se livrent de plus en plus à des crimes contre l'humanité et à des attaques génocidaires dans la région du centre du Nigéria.
Selon des statistiques récentes de janvier 2023 publiées par l'organisation Open Doors, 5 014 chrétiens ont été tués par des islamistes et d'autres groupes militants. Cela représente près de 90 % du nombre total de chrétiens tués dans le monde. Pas plus tard que cette semaine, mercredi, une nouvelle attaque menée par des militants fulanis a tué 18 personnes et en a blessé d'autres dans un village majoritairement chrétien de l'État du Plateau, au Nigéria.
On entend par crime contre l’humanité « l’un quelconque des actes ci‑après lorsqu’il est commis dans le cadre d’une attaque généralisée ou systématique lancée contre toute population civile »: meurtre; extermination; déportation ou transfert forcé de population; torture; viol, persécution d'un groupe pour des motifs politiques, raciaux, nationaux, ethniques, culturels, religieux, sexistes ou autres; disparition forcée de personnes et autres actes « causant intentionnellement de grandes souffrances ou des atteintes graves à l’intégrité physique ou à la santé physique ou mentale ». Les actes de génocide comprennent également le meurtre de membres d'un groupe, les atteintes à l'intégrité physique et l'imposition de « conditions d’existence devant entraîner sa destruction physique totale ou partielle ». La perpétration de l'un de ces actes constitue un crime contre l'humanité. D'après ce que nous avons vu au Nigéria, tous ces actes ont été commis.
Dans nos recommandations — et aussi dans le cadre du suivi de la dernière réunion —, nous demandons instamment qu'une mission d'observation soit envoyée au Nigéria pour recueillir des preuves de ce qui se passe, et plus particulièrement pour travailler à la collecte de preuves des crimes qui ont été commis. Étant donné que la Cour pénale internationale ne traite pas les crimes perpétrés par les bandes de militants fulanis et d'autres bandes criminelles, tels que la réduction en esclavage et la conversion forcée de femmes et de jeunes filles, il faut soit créer une commission d'enquête supplémentaire, soit envoyer une mission d'observation.
La deuxième recommandation préconise d'œuvrer à la suppression des lois anti-blasphème, pour lesquelles la peine de mort est en vigueur dans 12 États du nord du Nigéria. Nous connaissons le cas de Yahaya Sharif-Aminu, qui a été condamné à mort. Cette affaire est contestée devant la Cour suprême en raison de la légitimité de l'application des lois de la charia, qui prévoient la peine de mort pour le blasphème.
Il y a plusieurs autres cas notables, comme ceux de Rhoda Jatau et de Muburak Bala, qui…