Monsieur le Président, je prends la parole ce soir au sujet du projet de loi C‑332. Ce dernier vise à modifier le Code criminel afin d'ériger en infraction le fait de se livrer à une conduite contrôlante ou coercitive qui a un effet important sur la personne envers laquelle c'est dirigé, comme la crainte de violence, le déclin de la santé physique ou mentale ou un effet préjudiciable important sur les activités quotidiennes.
Cela fait longtemps que je m'intéresse à ces comportements coercitifs et contrôlants. Ils comprennent les sévices physiques, sexuels et psychologiques, le contrôle financier, les menaces implicites ou explicites de préjudices à l'encontre du conjoint ou de l'ex-conjoint et de leurs enfants, des biens ou même des animaux de compagnie.
Je vais d'abord m'attarder un peu plus à la définition avant de parler des autres mesures que nous étudions en ce moment pour contrer les violences. Finalement, je vais expliquer quels sont nos bémols.
D'abord, j'ai eu des échanges avec mon collègue de Rivière‑du‑Nord à ce sujet. J'ai donc su que Mme Megan Stephens, une des témoins ayant participé à l'étude au Comité permanent de la justice et des droits de la personne, a relevé une petite complexité, soit le fait qu'il n'existe pas de définition universelle. Toutefois, les éléments suivants sont des définitions qui ont été données au cours de l'étude: restreindre les déplacements d'une personne; lui refuser l'entrée au domicile; contrôler sa consommation alimentaire; débrancher les lignes téléphoniques; briser son cellulaire; l'empêcher de se rendre au travail ou à l'école. Prises ensemble, ces formes de comportements correspondent à du contrôle coercitif.
Le partenaire utilise l'isolement, tant physique que psychologique, comme moyen de contrôler les contacts de sa partenaire avec ses amis et sa famille dans le but de créer entre lui et elle un lien émotionnel marqué par la peur, la dépendance et les tactiques coercitives de contrôle.
Dans certains cas, le partenaire violent utilise les structures sanctionnées de l'État pour maintenir sa contrainte et son contrôle en soulevant des problèmes de garde des enfants et de droits de visite. Le système juridique est utilisé comme une arme contre la victime. Selon une étude publiée par Statistique Canada en avril 2021, la violence entre partenaires intimes est fléau, et les comportements contrôlants ou coercitifs font partie intégrante de ce problème. Il est difficile de chiffrer avec exactitude l'ampleur de la violence au pays, car la plupart de ces cas ne sont pas rapportés à la police.
Je tiens à souligner que, 2021, c'était en pleine pandémie, alors que les victimes étaient avec leur agresseur 24 heures sur 24. Le fait que la plupart de ces cas ne sont pas rapportés à la police est d'ailleurs le principal obstacle au recensement, à la documentation et à la mise en place de solutions pour les personnes victimes de ces comportements. Il est difficile pour elles de trouver une façon d'en parler à quelqu'un.
Lors de son témoignage en comité, Mme Lisa Smylie, directrice générale des communications et des affaires publiques à la division de la recherche, des résultats et de la livraison du ministère des Femmes et de l'Égalité des genres, rapportait qu'il n'y a qu'environ 36 % des incidents de violence familiale et un maigre 5 % des agressions sexuelles qui sont signalés aux autorités policières. Ce sont de bien faibles pourcentages.
Selon les données rapportées par les services policiers au pays en 2018, ce sont les femmes vivant dans les milieux ruraux qui vivent le plus de violence entre partenaires intimes au pays. Il est aussi important de le souligner. Par ailleurs, même si la violence coercitive et contrôlante peut être présente dans d'autres cas, elle est présente dans 95 % des cas de violence conjugale telle qu'on la connaît.
Aujourd'hui, elle est facilitée par les avancées technologiques comme les systèmes de géolocalisation, les caméras miniatures, les téléphones intelligents et les plateformes de médias sociaux. Cela complexifie le tout. Tous ces moyens facilitent la tâche aux agresseurs lorsqu'ils veulent continuer à infliger un préjudice et renforcer l'isolement et le contrôle, peu importe où se trouve leur victime. Il existe aussi les formes traditionnelles de chantage sur les médias sociaux, comme l'usurpation de l'identité, l'envoi répété de messages à caractère menaçant ou la divulgation de renseignements personnels ou de contenu à nature sexuelle de la victime.
À la lumière des témoignages offerts lors de l'étude au Comité permanent de la justice et des droits de la personne, un nombre assez élevé d'infractions visées au Code criminel peuvent s'appliquer aux actes de violence familiale. Le Comité a souligné quelques problèmes avec l'application de la loi actuelle dans les cas de victimes subissant de la violence coercitive ou contrôlante.
Les victimes accordent peu de confiance ou se méfient des mécanismes actuels, des services policiers et du système de justice pour traiter adéquatement leurs traumatismes. À cet égard, plusieurs intervenants notent que les victimes sont d'avis qu'elles ne seront pas prises au sérieux, qu'il existe des mythes, et qu'elles veulent éviter de subir le jugement des institutions sur leur crédibilité lorsqu'il y a dénonciation.
La dépendance, entre autres financière, envers l'agresseur entrave les actions que peuvent entreprendre les victimes prises dans ce cercle vicieux où elles pourraient tout perdre, se retrouver à la rue ou perdre la garde de leurs enfants.
Les clivages qui existent entre le système de justice pénale, des tribunaux de la famille et des organismes communautaires sont à soulever.
Alors que des éléments de contrôle coercitif et de contrôle sont présents, les systèmes policiers judiciaires disent trop souvent que le seul récit de son vécu n'est pas suffisant pour porter plainte.
Enfin, parmi les obstacles les plus dramatiques, c'est la sous-application de la loi. On assiste souvent à des réductions de peine lors d'accusations multiples portées contre les hommes violents à une seule accusation, généralement celle de voies de fait. Cette accusation est ensuite souvent retirée en échange d'un engagement de ne pas troubler l'ordre public. C'est le fameux article 810.
Les nombreux féminicides ou cas de harcèlement montrent les limites et la grande faiblesse de l'article 810 dans les cas où les hommes violents représentent un risque élevé de récidive. Ils doivent être traités différemment, avec l'imposition d'un dispositif antirapprochement.
Deuxièmement, le projet de loi proposé par la députée de Victoria s'inscrit dans une tendance croissante des législateurs sur la violence coercitive. Durant les dernières années, le Comité permanent de la justice et des droits de la personne a produit un rapport sur cette question et celui-ci a été présenté à la Chambre le 27 avril 2021. Le Comité permanent de la condition féminine a effleuré la question lors de son étude sur les violences entre partenaires intimes et a priorisé pour l'hiver 2024 deux motions, dont mon projet d'étude sur cette question, pour étudier notamment les bonnes pratiques internationales et essayer de s'en inspirer.
J'ai aussi regardé cette question au Comité permanent du patrimoine canadien, dans une moindre mesure, lors de mes quelques participations à son étude sur la pratique sécuritaire dans le sport où le contrôle coercitif a été nommé.
Plus récemment le projet de loi C‑233 de la députée libérale Dorval—Lachine—LaSalle que nous avions étudié également au Comité permanent de la condition féminine a reçu la sanction royale le 27 avril dernier.
Le texte a modifié le Code criminel afin que le juge ait obligation dans le cas de violence conjugale de considérer s'il est souhaitable qu'un prévenu ait à porter un dispositif de surveillance à distance avant de rendre une ordonnance de remise en liberté. De plus, le texte a modifié la Loi sur les juges pour qu'il y ait une obligation d'organiser des colloques en tant que formation continue sur les questions d'agression sexuelle, de violence entre partenaires intimes, de contrôle coercitif.
Enfin, dans une moindre mesure, le projet de loi C‑21, qui est actuellement à l'étude au Sénat, porte principalement sur le contrôle des armes à feu et la révocation de la possession de celle-ci lorsqu'un individu est soupçonné ou a participé à des actes de violence familiale, incluant des comportements coercitifs et dominants. Cela s'inscrit dans une tendance.
Troisièmement, le projet de loi C‑332 modifie donc le Code criminel afin d'y introduire la notion de conduite contrôlante ou coercitive comme infraction criminelle par adjonction après l'article 264. Le Bloc québécois est favorable à l'objectif visé par le projet de loi C‑332. Toutefois, nous constatons plusieurs lacunes importantes qui devront être étudiées en comité. Il faudrait étendre la portée du projet de loi afin que d'ex-conjoint ou d'autres membres de la famille qui ne font pas partie du ménage puissent témoigner afin de briser le fameux système « la parole de l'un contre la parole de l'autre ». C'est bien.
De plus, la prise en compte de témoignages de voisins, de collègues de travail ou d'autres pourraient aussi faciliter la dénonciation pour les victimes. La sévérité des peines et la prise en compte des enfants dans les cas de violences coercitives ou contrôlante sont d'autres éléments importants. D'étudier les motifs pour lesquels les procureurs abandonnent plusieurs accusations pour opter pour le plus petit dénominateur commun peut nuire à l'administration de la justice et mine la confiance des victimes et du public envers les tribunaux qui traitent de ces questions. Il faudra étudier tout cela.
Il y a déjà 35 articles dans le Code criminel pouvant s'appliquer à la violence familiale ou conjugale. Il suffit de les appliquer avec rigueur et de réfléchir à des moyens pour que ces articles soient utilisés davantage par les procureurs dans les cas de violences coercitives ou contrôlantes. Il va aussi falloir se préoccuper des difficultés portant sur la collecte de la preuve et sur la solidité de la poursuite.
Comme l'a suggéré Megan Stephens, directrice exécutive intérimaire et avocate générale du Fonds d'action et d'éducation juridiques pour les femmes, le projet de loi C‑247 et le projet de loi C‑332 actuel peuvent rendre la loi inutilement complexe, car de nouveaux concepts sont présentés alors que le Code criminel contient déjà des infractions très proches, notamment sur le harcèlement criminel et la traite des personnes. Il va falloir que nous étudiions ces questions.
La formulation des libellés des deux projets de loi des députés du NPD ne règle pas la question relative à la réactivation des traumatismes pour les victimes. Elles devront livrer leurs histoires à nouveau à l'instar de la situation actuelle qui est décriée. En outre, le projet de loi C‑332, tel que rédigé actuellement, ne modifie pas la manière de traiter ces questions par les tribunaux et les autorités.
En conclusion, pour qu'il n'y en ait pas une de plus, pour que cesse cette épidémie de l'ombre, il faut agir. Il faut agir, parce que la violence n'est pas toujours frappante, mais cela fait toujours mal.
Une dernière chose: c'est aussi une demande de l'Assemblée nationale du Québec. J'ai eu une discussion avec une députée à Québec, cet été. Elle me disait que l'Assemblée nationale du Québec avait fourni sa part d'efforts, qu'elle avait produit le rapport « Rebâtir la confiance » et que la balle était maintenant dans le camp d'Ottawa. Elle dit que l'Assemblée nationale ne peut pas agir quant à la possibilité d'étudier le contrôle coercitif dans le Code criminel. J'ai pris sur moi cette demande de l'Assemblée nationale du Québec qui est portée par des députées féminines qui ont fait un travail exceptionnel, non partisan.
Essayons maintenant de l'étudier intelligemment en comité.
Mr. Speaker, I rise this evening to speak to Bill C‑332, which amends the Criminal Code to create an offence of engaging in controlling or coercive conduct that has a significant impact on the person towards whom the conduct is directed, including a fear of violence, a decline in their physical or mental health or a substantial adverse effect on their day-to-day activities.
The issue of controlling and coercive conduct has been an interest of mine for quite some time. This type of conduct includes physical, sexual and emotional abuse, financial control, and implicit or explicit threats to the partner or ex-partner and to their children, belongings or even pets.
First I will spend a little more time talking about the definition, before moving on to other measures we are currently looking at to address violence. I will conclude by explaining some of our concerns with the bill.
First, I have discussed the topic with my colleague from Rivière‑du‑Nord on a number of occasions. That is how I found out that Megan Stephens, one of the witnesses who participated in the Standing Committee on Justice and Human Rights' study, had mentioned a minor complication, namely, the fact that there is no universally accepted definition. However, the following are some of the definitions that were given over the course of the study: limiting transportation, denying access to household, controlling food consumption, disconnecting phone lines, breaking cell phones and preventing them from going to work or going to school. Combined together, all those forms of behaviour fall under coercive control.
Abusive partners uses isolation, both physical and psychological, as a means to control their partner's contact with friends and family to emotionally bind the partner to them with the shackles of fear, dependency and coercive tactics of control.
In some cases, the violent partner uses state-sanctioned structures to continue to coerce and control their victim by creating problems related to custody of the children and visitation rights. The justice system is used as a weapon against the victim. According to a study published by Statistics Canada in April 2021, intimate partner violence is a serious problem, and controlling and coercive behaviours are an integral part of that. It is difficult to know the exact scope of this type of violence in Canada, because most cases are not reported to the police.
I want to point out that, in 2021, we were in the midst of the pandemic and victims were at home with their abusers 24-7. The fact that most cases of intimate partner violence are not reported to the police is the biggest impediment to determining how many people are affected, documenting the situation and implementing solutions for the victims of these types of behaviour. It is difficult for them to find a way to talk so someone.
During her testimony in committee, Lisa Smylie, the director general of communications and public affairs for the research, results and delivery branch at the Department for Women and Gender Equality, said that only about 36% of domestic violence incidents and 5% of sexual assaults are reported to the police. Those numbers are very low.
According to the data reported by the country's police forces in 2018, women living in rural areas experience intimate partner violence the most. That is also important to note. What is more, even though coercive and controlling violence may be present in other cases, it is present in 95% of cases of domestic violence as we know it.
Today, it is facilitated by technological advances such as geolocation systems, miniature cameras, smart phones and social media platforms. This makes everything more complex. All these things make it easier for the abusers when they want to continue to inflict harm and reinforce the isolation and control, regardless of where their victim may be. There are also the traditional forms of blackmail on social media, such as identity theft, the repeated sending of threatening messages or the disclosure of personal information or content about the victim that is sexual in nature.
In light of the testimony offered during the study at the Standing Committee on Justice and Human Rights, a rather high number of offences under the Criminal Code can apply to domestic violence. The committee noted a few problems with the enforcement of the current legislation in the cases of victims of coercive or controlling violence.
Victims are wary of and have little confidence in existing mechanisms, police services and the justice system to adequately deal with their trauma. A number of stakeholders noted that victims believe that they will not be taken seriously and they worry about myths. They do not want to be judged by institutions on their credibility when they report their abusers.
Abusers often create financial and other forms of dependence, which limits the actions that victims caught in this vicious circle can take, because they could lose everything, end up on the street or lose custody of their children.
The divide between the criminal justice system, family courts and community organizations needs to be addressed.
When elements of coercive control and other forms of control are present, the criminal and judicial systems too often say that simply telling one's story is not enough to file a complaint.
Lastly, one of the most serious obstacles is the under-enforcement of the law. Multiple charges against violent men are often reduced to a single charge, usually assault. This charge is then often withdrawn in exchange for a peace bond. This is the infamous section 810.
The many femicides and cases of harassment demonstrate the limitations and the weakness of section 810 in cases where violent men pose a high risk of reoffending. They must be treated differently and required to wear an electronic monitoring device.
Second, the bill proposed by the member for Victoria is part of a growing trend among legislators to focus on coercive violence. In recent years, the Standing Committee on Justice and Human Rights released a report on this issue, which was presented in the House on April 27, 2021. The Standing Committee on the Status of Women also touched on the issue during its study on intimate partner violence and made two motions a priority for the winter of 2024, one of which was my study proposal to look at international best practices in this area and try to learn from them.
I also examined this issue to a lesser degree at the Standing Committee on Canadian Heritage, when I participated a few times in its study on safe practices in sport and the topic of coercive control came up.
More recently, the Liberal member for Dorval—Lachine—LaSalle's Bill C‑233, which was also examined by the Standing Committee on the Status of Women, received royal assent on April 27.
The bill amended the Criminal Code to require judges, in cases of domestic violence, to consider whether it is appropriate for the accused to wear an electronic monitoring device before issuing a release order. In addition, the bill amended the Judges Act to include an obligation to hold continuing education seminars on issues of sexual assault, intimate partner violence and coercive control.
To a lesser extent, Bill C-21, which is currently before the Senate, focuses primarily on gun control and revoking possession when an individual is suspected of, or has engaged in, domestic violence, including coercive and controlling behaviour. This is part of a trend.
Third, Bill C-332 amends the Criminal Code, after section 264, by introducing the concept of controlling or coercive conduct as a criminal offence. The Bloc Québécois supports the objective of Bill C-332. However, we see several major shortcomings that will have to be studied in committee. The scope of the bill should be expanded to allow former spouses or other family members who are not part of the household to testify, in order to break the infamous “one person's word against another's” system. That is good.
What is more, consideration of testimony from neighbours, colleagues or others might also make it easier for victims to come forward. The severity of sentences and the consideration given to children in cases of coercive or controlling violent behaviour are other important factors. Reviewing the grounds on which prosecutors drop several charges and opt for the lowest common denominator shows that this can hinder the administration of justice and undermine public confidence and the victims' confidence in the courts that deal with these issues. We have to study all of that.
There are already 35 sections in the Criminal Code that can apply to domestic or family violence. They just need to be rigorously enforced, and we need to think of ways of ensuring that prosecutors rely on these sections more often in cases of coercive or controlling violence. We also need to address the difficulties associated with collecting evidence and ensuring solid and sound prosecution.
Megan Stephens, Executive Director and General Counsel at Women's Legal Education and Action Fund argued that Bill C‑247 and Bill C‑332 can make the legislation unnecessarily complex because new concepts are being introduced when the Criminal Code already contains very similar offences, particularly on criminal harassment and human trafficking. We will need to take a closer look at that.
The wording of the two NDP members' bills does not address the issue of victims having to relive their trauma. They will have to retell their stories over and over again, just as they do now, which has been roundly criticized. Furthermore, Bill C-332, as currently drafted, does not change how these matters are dealt with by the courts and the authorities.
In closing, if we want to ensure that this never happens again, if we want to put an end to this shadow epidemic, we must take action. We must take action because violence is not always physical, but it always hurts.
As a final point, the Quebec National Assembly has also made this call. I had a discussion with an MNA in Quebec City this summer. She told me that the Quebec National Assembly had done its part, that it had produced the report “Rebuilding Trust” and said that the ball was now in Ottawa's court. She said that the National Assembly does not have jurisdiction to study coercive control in the Criminal Code. I took it upon myself to heed the call from the Quebec National Assembly, a call made by female MNAs who did exceptional, non-partisan work.
Let us try to examine it intelligently in committee.