Monsieur le président et mesdames et messieurs les membres du Comité, je vous remercie de me donner l'occasion de m'adresser à vous.
Depuis le 24 février, lorsque la Russie a lancé sa guerre injustifiée contre l'Ukraine, elle a utilisé une vaste gamme d'armes: des missiles, des chars, la violence sexuelle, la nourriture et l'énergie.
Nous sommes reconnaissants du leadership du Canada et des réactions rapides du Parlement canadien, qui figure parmi les premiers pays à reconnaître l'agression et les crimes de guerre russes comme le génocide du peuple ukrainien. Vous avez énoncé l'évidence et vous nous avez aidés à construire des alliances dans le monde entier pour reconnaître que l'objectif de la Russie est de détruire l'Ukraine en tant que pays souverain et les Ukrainiens en tant que nation.
Nous sommes aussi reconnaissants au Canada pour son appui indéfectible en fournissant une aide financière, militaire et humanitaire sans précédent, en accueillant des Ukrainiens qui fuient la guerre, en imposant des sanctions et en étant le premier à mettre en œuvre un outil pour saisir des actifs russes. L'Ukraine est reconnaissante pour ces importantes mesures de soutien direct.
La capacité de la Russie à alimenter sa machine de guerre repose principalement sur ses revenus pétroliers et gaziers, qui ont déjà dépassé les 100 milliards de dollars depuis le début de la guerre. Le Canada et d'autres alliés ont imposé des sanctions dans le but de priver la Russie des revenus qui financent la guerre.
Nous faisons front commun avec nos partenaires de l'Union européenne en ce qui concerne l'importance de réduire la dépendance envers l'énergie russe. Cette dépendance s'est construite pendant des décennies, malheureusement dans l'ignorance du véritable danger qu'elle représentait. Les personnes qui ont été à l'origine de cette politique irresponsable se rendent maintenant à Moscou pour y passer des vacances.
L'Union européenne a pris des mesures urgentes pour réduire sa consommation. En tant que pays, nous avons dû prendre des mesures sérieuses en 2014 lorsque l'Ukraine a totalement coupé l'approvisionnement en gaz russe au pays. Aujourd'hui, je m'adresse à vous non seulement depuis la position du pays qui se bat depuis plus de cinq mois pour sa souveraineté, mais aussi depuis le pays qui résiste depuis une décennie à la pression énergétique de la Russie.
Depuis le début, notre position était que la décision d'accorder le permis pour les turbines Siemens était un dangereux précédent qui viole la solidarité internationale et va à l'encontre du principe de l'État de droit. En fait, la dérogation a déjà renforcé le sentiment d'impunité de Moscou.
Nous répétons ce qui a déjà été dit: il est clair que la demande russe concernant les turbines n'a aucun fondement technique et ne visait qu'à exercer encore plus de pression. Plus vous pliez, plus le Kremlin se sent enhardi à réclamer de nouvelles dérogations. Autrement dit, c'est une pente glissante.
J'aimerais vous rappeler les faits essentiels. Tout d'abord, la Russie est en mesure de poursuivre l'approvisionnement complet en gaz de l'Allemagne sans la turbine qui a été expédiée au Canada. Cette turbine est toujours en Allemagne et Gazprom a annoncé pas plus tard qu'hier qu'elle n'en prendrait pas livraison.
Deuxièmement, il est faux de dire que l'Ukraine ne peut pas livrer et remplacer l'approvisionnement de gaz à l'Allemagne. Le réseau de transport de gaz ukrainien a une capacité de 40 % supérieure à celle de Nord Stream 1. Aujourd'hui encore, le volume de gaz que l'Ukraine livre à l'Europe est supérieur à celui de Nord Stream 1. L'Ukraine a traditionnellement livré du gaz à l'Allemagne, à l'Italie, à l'Autriche et à d'autres pays de la région. C'est le seul gazoduc dans lequel le monopole russe Gazprom n'a aucune participation. Il livre du gaz à l'Europe même pendant la guerre.
La livraison par la voie ukrainienne offrirait également une sécurité supplémentaire aux 11 millions de foyers ukrainiens qui reçoivent le gaz par le même gazoduc.
Mesdames et messieurs, cette dérogation n'est pas une décision ponctuelle. L'entretien des six turbines au Canada renforcera la capacité de la Russie à militariser l'énergie pendant des années et à faire échouer les efforts de lutte contre les changements climatiques, et ce, avec la bénédiction du Canada.
La dérogation a été accordée sous prétexte d'une meilleure sécurité énergétique, mais les dernières semaines ont montré qu'elle n'a fait que donner à la Russie des raisons de poursuivre son chantage.
Des actions hostiles de la part de la Russie ont suivi. Elle a encore réduit le débit de gaz, annoncé qu'une autre turbine était hors d'usage et a complètement interrompu l'approvisionnement en gaz de la Lettonie, où sont déployées les Forces canadiennes.
Aujourd'hui, 12 pays européens ont été coupés de l'approvisionnement en gaz russe pour des raisons politiques. La Russie est responsable de l'orchestration de la crise du gaz en Europe. C'est désormais évident.
La dérogation visait à empêcher la Russie de blâmer les sanctions pour l'interruption de l'approvisionnement en gaz et maintenant il est plus qu'évident que la Russie transformera en outil d'humiliation les cinq turbines supplémentaires dont l'entretien au Canada est autorisé.
Nous vous demandons instamment de ne pas mordre à l'hameçon. Il n'était pas nécessaire de lever les sanctions pour forcer le régime de Poutine à abattre son jeu et révéler son mensonge éhonté. Il suffit de faire une recherche historique sur Google. Cette logique d'apaisement a déjà échoué à empêcher la guerre en Ukraine.
L'Ukraine est impatiente de collaborer avec des pays de l'Union européenne à des mesures visant à réduire la dépendance du gaz. Nous sommes résolus à apporter notre aide en assurant une voie d'acheminement du gaz ukrainien et en offrant des réserves de gaz ukrainien ainsi qu'en fournissant à l'Union européenne l'électricité supplémentaire qui pourrait remplacer jusqu'à cinq milliards de mètres cubes de gaz. Nous avons déjà entrepris ces démarches avec l'Union européenne. Nous sommes aussi impatients de coopérer avec le Canada en matière de sécurité énergétique pour les énergies renouvelables, l'hydrogène et l'approvisionnement en GNL.
N'oublions pas que depuis la délivrance du permis, la Russie a commis une série de crimes de guerre — dans un centre commercial à Kremenchuk et dans le port maritime d'Odessa; plus de 50 prisonniers de guerre d'Azovstal ont été tués; et plus de 160 civils ont été tués en seulement trois semaines.
L'Ukraine a besoin d'une aide militaire supplémentaire pour résister à l'agresseur sur le champ de bataille. Nous avons besoin de sanctions pour priver la Russie de la capacité financière de poursuivre la guerre. Comme on l'a dit, le permis a été délivré parce que le gouvernement du Canada espérait vivement aider ses partenaires stratégiques en Europe. Comme cette mesure n'a manifestement pas donné les résultats escomptés, nous vous demandons de réviser cette décision. Le permis a été déclaré révocable, et personne ne souhaite que le triste scénario qui s'est joué avec la turbine actuelle se répète avec les cinq autres turbines.
Monsieur le président, mesdames et messieurs du Comité, l'Ouest a montré son unité et son engagement à se tenir aux côtés de l'Ukraine jusqu'à ce que celle‑ci gagne cette guerre. Soyons fermes. Soyons aussi courageux que les Ukrainiens qui protègent le reste de l'Europe de la barbarie russe. Je ne doute pas de votre soutien à l'Ukraine et que votre soutien à l'Ukraine se poursuivra. Au nom de tous les Ukrainiens, je tiens à vous en remercier.