Merci beaucoup de l'invitation à faire une présentation devant vous, ce matin.
J'ai mis à la disposition du comité des documents en anglais et en français, tout d'abord, le livre Less Law, More Order: The Truth About Reducing Crime. Il cadre tout à fait avec ce que le sénateur Hutchinson vous a dit, mais il ajoute des renseignements tirés d'études qui ont été faites en Angleterre et aux États-Unis sur les mesures visant à réduire le taux de criminalité qui sont efficaces et financièrement avantageuses. Il traite également d'une stratégie qui consiste à compter non pas sur une justice pénale réactive, mais plutôt sur l'équilibre entre une justice pénale intelligente et une prévention efficace.
J'ai également mis à la disposition du comité, un document disponible dans les deux langues officielles qui, en français, s'intitule Rendre les villes plus sûres: Pistes d'action pour les acteurs municipaux. Il a été financé par le Centre national de prévention du crime et on y a beaucoup recours. En fait, nous avons très vite manqué d'exemplaires après la publication par ville d'un océan à l'autre. Edmonton est probablement l'exemple le plus pertinent, mais le document traite également d'autres villes, comme Montréal et Waterloo.
Je me suis exprimé en public sur un certain nombre de questions dont nous discutons aujourd'hui, et j'aimerais seulement vous rappeler brièvement mon parcours.
Dans les années 1970, j'ai fait la première et la seule évaluation indépendante du système carcéral et du régime de libération conditionnelle du Canada. Toujours dans les années 1970, j'ai agi à titre de directeur général au ministère de la Sécurité publique. J'ai remporté des prix pour avoir amené l'ONU à adopter la déclaration des droits des victimes de crimes, qu'on appelle communément la grande charte des victimes de crimes, et j'ai agi à titre de directeur général fondateur du Centre international pour la prévention de la criminalité, qui est affilié à l'ONU et situé à Montréal.
Toutefois, plus récemment je me suis tourné vers l'écriture de deux livres destinés aux législateurs, aux électeurs et aux contribuables, et une grande partie de leur contenu cadre avec celui du site Web Right on Crime, mais il porte également peut-être sur deux grands volets dont le sénateur Hutchinson n'a pas parlé. Tout d'abord, je suis un défenseur des victimes de crime et rien d'autre. J'ai dirigé la Société mondiale de victimologie. Je suis moi-même une victime de crime, et je suis présentement à la tête de l'International Organization for Victim Assistance. Ma principale contribution en ce qui a trait aux victimes, c'est que je suis également un spécialiste des sciences sociales qui examine les données et les normes et ce qui est dans le meilleur intérêt des victimes, et je tente de leur faire part de mon point de vue.
C'est l'objectif du livre, et en fait, un de mes livres, Rights for Victims of Crime, a déjà été publié aux États-Unis et au cours des trois semaines qui ont suivi sa publication, il ne restait plus d'exemplaires.
À mon avis, ce que vous n'avez pas dit aujourd'hui, c'est qu'il faut donner la priorité à... En visitant le site Web Right on Crime, vous verrez qu'on y traite de la protection des victimes, et je crois que nos politiques publiques canadiennes, tant fédérales que provinciales, devraient être axées complètement sur l'objectif de réduire les préjudices que subissent les victimes de crime, ce qui signifie réduire le nombre de victimes de crime et axer nos efforts sur ce qu'on peut faire au sujet des préjudices.
Il y a environ une semaine, le ministère de la Justice du Canada a publié une étude mise à jour qui porte sur les coûts associés aux victimes de crime au Canada; on y explique que les coûts liés à la douleur et aux souffrances des victimes représentent 85 milliards de dollars. Soit dit en passant, le ministère évalue les coûts de la justice pénale à 15 milliards de dollars, et je suppose que c'est parce que les auteurs de l'étude font partie du ministère de la Justice qu'ils ne suivent pas ce qui se passe dans les services de police au Canada. Justin Piché ne parlait pas seulement des coûts associés aux prisons. Il y a également des coûts liés aux services policiers, qui ont des répercussions sur les taxes municipales dans notre pays. Je crois donc qu'il nous faut considérer la question de la construction de prisons dans le contexte de l'augmentation rapide des dépenses liées aux activités policières et des dépenses liées aux services correctionnels dans les provinces.
À mon avis, on perd le contrôle des dépenses, et il faut faire preuve de leadership. La bonne nouvelle, c'est qu'il y a un leader au pays. En 2007, l'Alberta a mis en place un groupe de travail pour examiner les meilleures données provenant de partout au monde sur ce qui contribue à réduire les préjudices subis par les victimes. Le groupe de travail comptait, entre autres, le chef de police d'Edmonton, un doyen associé en droit et un Autochtone.
Le groupe de travail a fait 31 recommandations que je vais diviser en quatre volets. Premièrement, une partie d'entre elles portait sur la construction de cellules de détention provisoire parce que personne n'a vraiment trouvé de moyen de limiter le recours à l'emprisonnement. Le groupe a inclus l’ajout de policiers. L'Alberta compte moins de policiers par habitant que l'Ontario et le Québec. Deuxièmement, il a recommandé des mesures pour traiter les maladies mentales, l'alcoolisme et la toxicomanie. Troisièmement, il a mis en pratique le type d'éléments que l'on trouve dans le livre, et un certain nombre d’autres organismes. Soit dit en passant, une bonne partie de la recherche portant sur ce qui réduit la criminalité vient des États-Unis. Quatrièmement, et c'est le volet le plus important pour le comité, le groupe a établi une stratégie à long terme, qui se fonde non pas sur l’idée de devoir construire des prisons maintenant parce qu'il y aura deux détenus par cellule, etc., mais sur l’idée selon laquelle, oui, nous devons nous assurer qu’il y a suffisamment de capacité réactionnelle, mais nous devons aussi nous attaquer aux facteurs qui expliquent cette marée de gens dans notre système carcéral et faire de la prévention.
Je sais que mon temps est limité, mais j'ai préparé un long mémoire que je serai heureux de vous remettre en temps voulu. Durant le très peu de temps qui m'est accordé, j'ai décidé de me concentrer sur un très bref historique. Je ne remonterai pas 30 ou 40 ans en arrière, ce que je pourrais faire.
Je veux seulement m’exprimer sur deux choses que le sénateur Hutchinson vous a dites. Il a dit que les prisons coûtent cher. Cela signifie qu'un contribuable américain paie le double de ce que paie le contribuable canadien pour le privilège d'avoir un certain nombre de policiers et d'avocats et un nombre incroyable de personnes incarcérées. Il a parlé de 2,3 millions, mais selon moi, le nombre de personnes incarcérées correspond de très près à la population de Toronto. Il vous a dit que cela représentait 23 p. 100 de la population carcérale recensée dans le monde. Vous devez y réfléchir.
Pendant que vous y réfléchissez, et c'est un taux de 750 par 100 000 habitants, le taux d'incarcération chez les Autochtones au Canada est plus élevé. Si vous décidez d'agrandir les pénitenciers, pensez seulement aux gens qui seront incarcérés: les Autochtones, de manière disproportionnée; les femmes, de manière très disproportionnée; les hommes, de manière disproportionnée.
J'ai le privilège d'avoir un étudiant au doctorat qui examine la façon de résoudre le problème, et la solution, c'est la prévention. On examine plus particulièrement les raisons pour lesquelles il y a tant de violence, surtout chez les Autochtones vivant en milieu urbain, et nous savons exactement quoi faire. Soit dit en passant, dans une large mesure, nous le savions en 1993, lorsque le comité Horner s'est penché sur ces questions. Même chose en 1995, lorsque le comité O'Shaughnessy s'est penché sur ces questions. Depuis, l'Organisation mondiale de la Santé a rédigé un rapport en 2002 avec l'aide des Centers for Disease Control and Prevention aux États-Unis. Essentiellement, selon l'avant-propos de ce rapport, comme l’a dit Mandela, on peut prévenir la violence.
Aucune recommandation de ce rapport n'appuie l'idée d'une augmentation de la population carcérale. On ne parle pas d'abolir les prisons. Il est clair que nous avons besoin de prisons pour les délinquants dangereux. Ce que j'ai fait notamment à titre de fonctionnaire fédéral, c'est présenter les premières mesures législatives sur les délinquants dangereux. Je ne veux pas qu'Olson me téléphone et je ne veux pas que Bernardo soit libéré, et je pourrais mentionner plusieurs autres affaires. Si vous visitez le site Web Right on Crime, on dit qu'il faut établir des priorités. Comme les prisons ont une certaine capacité, il faut les utiliser pour les gens dangereux — je crois que c'est ce que vous avez dit, mais il se peut que je ne cite pas bien vos propos.
L'Organisation mondiale de la Santé a rédigé son rapport et aussi un important rapport sur le rendement des investissements. Selon moi, cette idée vient de l'Alberta. Hier, je faisais un exposé devant un groupe de justice pénale américain à Toronto avec le gouvernement albertain, et les gens ont parlé de rendement social des investissements.
Ces gens en Alberta sont intelligents. Ils ne restent pas là à rien faire pendant qu'on grossit les services de police et qu'on construit des prisons. Ils disent qu'ils vont protéger les victimes, qu'ils vont utiliser l'argent des contribuables de façon responsable, ce qui correspond bien à ce qu'on dit sur le site Web Right on Crime. L'OMS a réuni tous ces éléments.
En 2007, le gouvernement fédéral actuel, le gouvernement conservateur, a doublé le budget alloué à la prévention, qui est passé de 25 ou 30 millions à 60 millions de dollars. Sur un budget de 4 milliards, c'est peu. Stockwell Day, qui connaît très bien les statistiques sur la victimisation, a laissé entendre que cela réglerait le problème de la criminalité. Ce petit montant d'argent destiné à un projet pilote ne résoudra pas le problème de la criminalité.
Le gouvernement a maintenant réduit le financement. On ne pouvait pas dépenser l'argent. Il y a des gens qui pourraient utiliser cet argent, mais on ne pouvait pas le dépenser.
C'est une honte épouvantable. Non seulement c'est trop peu — c'est limité à un projet pilote —, mais le gouvernement n'a pas dépensé l'argent. Il y a 14 villes dans ce pays qui veulent 300 000 $ par année pour développer ce qui fonctionne, et on leur a dit qu'il n'y avait plus d'argent disponible. Tout cela alors qu'on parle de 400 millions de dollars dans la presse.
J'ai parlé du groupe de travail de l'Alberta. Je vais parler de quelques éléments de base...