Merci, monsieur le président.
Le CNAAC se réjouit de l’occasion qui lui est donnée ce matin de parler au comité du projet de loi C-59 et, en particulier, de la partie de la loi qui traite de la réforme de la Nouvelle Charte des anciens combattants.
Premièrement, je tiens à souligner que nous avons pu constater, ces derniers mois, plusieurs éléments nouveaux importants ayant eu une incidence positive sur le fonctionnement d’Anciens Combattants Canada et sur la relation du ministère avec le groupe des anciens combattants. Il nous faut louer le ministre, Erin O'Toole, et le sous-ministre, Walt Natynczyk, pour leur engagement dynamique à l’égard de la réforme globale de la Nouvelle Charte des anciens combattants et l’amélioration de la culture administrative au sein d’ACC.
En ce qui concerne plus particulièrement les réformes de la charte, il est juste de dire qu’un élan important et un dynamisme considérable se font sentir compte tenu des différentes recommandations formulées par le ministre, lesquelles ont abouti à l’élaboration des modifications législatives soumises au Parlement qui représentent manifestement la volonté du gouvernement de réagir aux propositions formulées par votre comité permanent, l’ombudsman des vétérans, le Groupe consultatif d’anciens combattants, le Comité consultatif de la Nouvelle Charte des anciens combattants et les organismes membres de notre CNAAC.
Malheureusement, bon nombre des annonces du ministre et des modifications législatives proposées représentent, à notre avis, des demi-mesures et, de toute évidence, elles ne donnent pas suite à toutes les recommandations que vous et les nombreux groupes consultatifs susmentionnés avez formulées. Toutefois, après des années de ce que j’ai qualifié d’inertie inacceptable de la part d’ACC, on décèle des signes concrets de la première phase d’un changement graduel positif. Il demeure de notre devoir et, si je peux me permettre de le mentionner respectueusement, de votre devoir ainsi que de celui du groupe des anciens combattants, de maintenir la pression exercée sur le gouvernement pour mener à bien cette initiative essentielle visant à éliminer les injustices qui demeurent dans la charte.
Monsieur le président, j’aimerais faire maintenant quelques remarques générales sur le projet de loi et sur l’incidence qu’il aura sur la Nouvelle Charte des anciens combattants.
Premièrement, l’accent qui est nettement mis sur les anciens combattants lourdement handicapés est louable; d’ailleurs, le CNAAC a toujours été d’avis que la grande priorité pour la communauté des anciens combattants et le gouvernement doit être les anciens combattants gravement handicapés.
Deuxièmement, il est évident, après l’examen des principales modifications législatives, que le diable se cache dans les détails puisque le projet de loi fait plusieurs références à des règlements et des orientations stratégiques qui n’ont pas encore été formulés pour soutenir les dispositions générales de la loi. À mon avis, tant que ces règlements n’auront pas été établis, il ne sera pas possible d’évaluer les critères d’admissibilité précis applicables aux principales prestations proposées dernièrement ni les « facteurs à considérer » — souvent mentionnés dans le projet de loi — dans l’application de la nouvelle loi. Il incombera à la communauté des anciens combattants, et à vous-mêmes, de surveiller de près les projets de règlement et les orientations stratégiques pour garantir que la portée des dispositions générales de la loi n’est pas diluée ni indûment limitée.
Troisièmement, il va sans dire que des contraintes budgétaires subsistent. En effet, après avoir passé en revue les annonces du ministre et les modifications législatives, nous constatons que les propositions du ministre ont été structurées de manière à respecter l’enveloppe budgétaire et que, par conséquent, les prestations proposées sont destinées à des cohortes précises d’anciens combattants, et non à l’ensemble des anciens combattants. Malheureusement, il nous semble que l’obsession du gouvernement à l’égard de l’équilibre budgétaire en cette année d’élection demeure, pour le moment, un frein à la réforme complète de la Nouvelle Charte des anciens combattants.
Quatrièmement, comme je l’ai dit au ministre dans ma correspondance récente et dans ma communication au Sommet des anciens combattants, il reste encore beaucoup à faire pour corriger les lacunes connues de la charte. On ne peut pas dire que la situation actuelle est parfaite sous ce rapport, mais il s’agit d’une première étape importante vers une loi réparatrice.
Monsieur le président, je sais que nous sommes pressés par le temps et que mon mémoire est plutôt long. J’ai remis ce document aux membres du comité, mais j’aimerais faire ressortir certaines de mes préoccupations à propos du projet de loi ainsi que les lacunes et les injustices qui n’ont toujours pas été éliminées de la charte.
Premièrement, l’allocation pour perte de revenus doit être augmentée pour passer de 75 % de l’ancien revenu militaire à 100 %, conformément aux recommandations que formulent depuis longtemps le Comité consultatif sur la Nouvelle Charte des anciens combattants, le Groupe consultatif d’anciens combattants et le CNAAC — ou, au moins, à 90 %, comme le propose mon collègue, l’ombudsman des vétérans. La réduction actuelle de 25 % du revenu est inacceptable, surtout si l’on songe que cette perte de revenu est imposée au moment où les anciens combattants et leur famille affrontent une période de transition au cours de laquelle ils s’efforcent de réintégrer la société civile canadienne.
Cet aspect revêt une importance particulière pour les anciens combattants atteints d’une incapacité permanente. À cet égard, il faudrait que l’approche fondée sur les gains probables au cours de la carrière, désignée par votre comité, soit adoptée afin de tenir compte de l’impact réel de la perte de revenus dans une nouvelle carrière. Cette proposition peut être appliquée en poursuivant la réforme de l’allocation pour déficience permanente ou de l’allocation supplémentaire pour déficience permanente, ou encore en procédant à une évaluation distincte fondée sur le mécanisme qu’on utilise dans les tribunaux civils canadiens pour confirmer la future perte de revenus chez les demandeurs grièvement blessés.
Deuxièmement, la politique relative au régime d’invalidité de longue durée du RARM doit être retirée de la législation applicable aux anciens combattants et être appliquée uniquement aux incapacités non liées au service.
Outre le chevauchement inutile des programmes, comme le RARM et la Prestation pour perte financière, l’indemnisation des anciens combattants et de leurs personnes à charge ne devrait pas relever de l’industrie de l’assurance dont le mandat consiste, bien souvent, à réduire le plus possible le risque pour l’assureur que représentent les personnes blessées ou handicapées. Je décris davantage cet enjeu dans le document, et je vous laisse lire ces renseignements plus tard.
Troisièmement, ACC devrait favoriser l’équité entre les pensions d’invalidité et les dommages et intérêts octroyés par les tribunaux civils.
Il faut souligner qu’au lieu de mettre en oeuvre la recommandation formulée depuis longtemps, le ministre a plutôt proposé une nouvelle indemnité pour blessure grave au montant de 70 000 $. Cette indemnité est destinée uniquement aux anciens combattants atteints d’une incapacité temporaire et à ceux qui touchent une pension d’invalidité élevée. À cet égard, il faut savoir que l’indemnité pour blessure grave apporte son lot de problèmes de définition, notamment en ce qui concerne les critères d’admissibilité et les facteurs que les décideurs doivent prendre en considération pour déterminer la portée et l’étendue de cette nouvelle indemnité. Bien que nous appuyions cette nouvelle indemnité accordée en raison de la situation des plus difficiles que connaissent les anciens combattants lourdement handicapés, la décision d’ACC d’indemniser cette catégorie d’anciens combattants en particulier plutôt que d’augmenter graduellement toutes les pensions d’invalidité nous préoccupe. J’ajouterais peut-être qu’au cours des six ou sept dernières années, cette recommandation a été systématiquement formulée non seulement par votre comité, mais aussi par tous les autres groupes consultatifs qui ont examiné la charte.
Quatrièmement, il faut étudier davantage la possibilité de faciliter l’accès à l’allocation pour déficience permanente et l’admissibilité à un niveau de catégorie supérieur. On se rappellera que l’ombudsman des vétérans, M. Parent, dans son étude empirique de la charte, a conclu que 50 % des anciens combattants lourdement handicapés ne touchaient pas l’allocation pour déficience permanente et, par conséquent, ne touchaient pas non plus le supplément à cette allocation, et que 90 % de ceux qui la recevaient ne touchaient que la pension de grade 3, soit le grade le plus faible. La proposition du ministre d’élargir la définition réglementaire de l’allocation pour déficience permanente est louable, mais encore une fois, ne répond pas pleinement à tous les aspects de la réforme de cette importante allocation. C’est particulièrement vrai pour les anciens combattants lourdement handicapés qui ne remplissent pas les critères d’admissibilité à l’allocation pour déficience permanente, mais son impact est plus vaste encore si nous tenons compte du fait que le montant de l’allocation est un élément important de la nouvelle allocation de soutien du revenu de retraite, comme M. Butler l’a signalé ce matin.
Nous demeurons persuadés que la proposition que nous avons présentée au comité permanent à cet égard est la meilleure façon d’améliorer l’accès à l’allocation pour déficience permanente, c’est-à-dire qu’une fois qu’on a établi qu’un ancien combattant est atteint d’une incapacité permanente, l’indemnité d’invalidité qu’il touche devrait être le principal facteur à retenir pour déterminer le grade de l’allocation pour déficience permanente auquel il a droit. Si vous recevez une indemnité d’invalidité de plus de 78 %, vous devriez avoir droit au grade 1 de l’allocation pour déficience permanente. Une indemnité d’invalidité de 48 à 78 % devrait donner droit au grade 2 de l’allocation pour déficience permanente. Cette formule est simple et directe, et elle découle de l’indemnité d’invalidité.
Cinquièmement, il faut revoir l’allocation de secours pour les aidants familiaux, car elle ne procure pas tout le soutien financier dont les familles des anciens combattants lourdement handicapés ont besoin lorsque ceux-ci ont besoin de beaucoup de soins. Cette allocation, tel qu’elle a été présentée par le ministre, est louable, car elle constitue un soutien ciblé qui permet aux soignants d’avoir le répit dont ils ont besoin, mais, à mon avis, elle ne répond qu’à une seule préoccupation des soignants des anciens combattants lourdement handicapés. Dans bien des cas, ces familles doivent aussi composer avec une diminution du revenu parce que le conjoint ou la conjointe a dû abandonner son emploi. La perte de 25 % du revenu de l’ancien combattant en vertu du RARM ou de l’allocation pour perte de revenus entraîne souvent une crise financière au sein de la famille.
Je n’en ai que pour quelques minutes, monsieur le président. Merci.