Merci beaucoup. Bonjour.
Je m'appelle Michael Geist. Je suis professeur de droit à l'Université d'Ottawa, où je suis titulaire de la chaire de recherche du Canada en droit d'Internet et du commerce électronique. Je suis également chroniqueur hebdomadaire affilié pour le Toronto Star et l'Ottawa Citizen, pour lesquels je rédige des articles sur des sujets liés au droit et à la technologie. J'ai publié plusieurs ouvrages sur le droit d'auteur et comparu à maintes reprises devant des comités pour discuter des politiques relatives au droit d'auteur et aux échanges commerciaux, mais c'est à titre personnel que je témoigne devant votre comité aujourd'hui, et je vous ferai part uniquement de mes propres opinions.
Je vous suis très reconnaissant de l'invitation, car j'ai de vives inquiétudes concernant la participation du Canada au PTP. Je dirai tout d'abord que je ne suis pas contre le libre-échange. J'appuie le gouvernement dans ses efforts en vue d'explorer les possibilités d'élargir les marchés pour les entreprises canadiennes.
Cela dit, le PTP soulève quelques préoccupations. J'aimerais me concentrer sur certains éléments du PTP, et plus particulièrement sur les dispositions relatives au droit d'auteur dans le projet d'entente et sur quelques préoccupations au sujet du processus.
Permettez-moi de commencer par la teneur du PTP. Étant donné que nous disposons de peu de temps, je me concentrerai surtout sur les dispositions relatives au droit d'auteur, même si le droit d'auteur n'est qu'une des préoccupations liées à la propriété intellectuelle que soulève le PTP. Scott Sinclair vous a parlé récemment de quelques questions se rapportant aux brevets. Si vous le souhaitez, je me ferai un plaisir de discuter des répercussions du PTP sur la gouvernance du système de noms de domaine au Canada.
Comme les membres du comité le savent, le Canada a récemment mené à terme un long et difficile processus de réforme du droit d'auteur. Le projet de loi C-11 a ultimement vu le jour après une décennie de débats. Presque tous les intervenants diraient que le projet de loi, qui a reçu la sanction royale en juin dernier, était imparfait. Il constituait pourtant un véritable effort en vue de parvenir à un compromis et renfermait de nombreuses dispositions relatives au contenu canadien que l'on qualifie souvent de règles sur la propriété des oeuvres numériques progressistes, efficaces et tournées vers l'avenir.
Ce qui me préoccupe le plus, c'est que le PTP viendra ébranler le compromis que le gouvernement canadien a atteint et qu'il faudra apporter des modifications radicales à notre loi nationale sur le droit d'auteur.
Je devrais dire en guise d'introduction que le MAECI a mené une consultation publique l'an dernier sur la participation possible du Canada au PTP, au cours de laquelle le droit d'auteur figurait en tête des préoccupations soulevées par les personnes interrogées. Aucun rapport résumant les réponses qu'elles ont fournies n'a été rendu public. D'après les documents que j'ai obtenus en vertu de la Loi sur l'accès à l'information, le gouvernement a été submergé d'observations négatives où l'on exhortait les fonctionnaires à résister à l'adhésion au PTP et aux pressions attendues pour qu'ils procèdent à d'importantes réformes de la propriété intellectuelle dans le cadre de l'entente.
En plus de dizaines de milliers de lettres types et de courriels dans lesquels on critiquait le PTP, le gouvernement a reçu des centaines de réponses que les gens ont rédigé eux-mêmes et qui, pour la plupart, critiquaient l'entente proposée. En fait, après avoir passé en revue plus de 400 communications, on n'en a relevé aucune en faveur de l'entente. Ces communications portaient particulièrement sur des préoccupations liées au droit d'auteur.
En me fondant sur une fuite de l'ébauche du chapitre sur la propriété intellectuelle, permettez-moi de fournir quatre exemples qui sont à l'origine des préoccupations de la population.
Premièrement, la loi canadienne prévoit maintenant une approche axée sur un régime d'avis à l'égard de la responsabilité du fournisseur de services Internet, ou FSI. Ce régime définit les obligations pour les fournisseurs de services Internet et les intermédiaires lorsqu'il y a des allégations de violations du droit d'auteur et confère aux détenteurs le pouvoir de soulever des allégations de violations auprès des sites et de leurs abonnés.
De plus, ce régime protège la vie privée des abonnés et empêche qu'on n'ait à supprimer du contenu sur la foi de simples allégations. Durant les débats sur le projet de loi C-11, le ministre du Patrimoine canadien, James Moore, a qualifié à maintes reprises le régime d'avis d'exemple d'une approche positive canadienne. Si l'on se fie à des documents qui ont fait l'objet d'une fuite cependant, le PTP obligerait le Canada à renoncer à son approche au profit d'un système de suppression de contenu draconien qui pourrait brimer la liberté d'expression et pourrait entraîner le retrait de contenu sans qu'on n'ait de preuve qu'une violation a été commise.
Deuxièmement, la durée de la protection du droit d'auteur au Canada est actuellement la vie de l'auteur plus 50 ans. Cette durée est conforme à l'exigence internationale, telle qu'elle a été établie dans la Convention de Berne. Le PTP obligerait le Canada à ajouter une période de protection additionnelle de 20 ans. Cette prolongation signifierait qu'aucune oeuvre n'entrerait dans le domaine public au Canada avant au moins 2034, en assumant que l'entente entre en vigueur en 2014. De nombreux grands auteurs seraient immédiatement touchés par ce changement, puisque leurs oeuvres sont censées entrer dans le domaine public entre 2014 et 2034, par exemple. Citons notamment les Canadiens Marshall McLuhan, Gabrielle Roy, Donald Creighton et Glenn Gould, ainsi que les auteurs étrangers Robert Frost, C.S. Lewis, T.S. Eliot, John Steinbeck, J.R.R. Tolkien et Ayn Rand. Compte tenu de la possibilité de rendre ces oeuvres plus facilement accessibles aux futures générations une fois qu'elles entrent dans le domaine public, la prolongation de la durée de protection que le PTP pourrait obliger aurait un effet négatif senti sur l'accès à la littérature et à l'histoire, et plus particulièrement à la littérature et à l'histoire du Canada.
Troisièmement, la loi canadienne sur le droit d'auteur établit maintenant une distinction importante en ce qui concerne les dommages-intérêts, puisqu'elle prévoit une amende maximale de 5 000 $ pour les violations non commerciales. Même si les réformes n'ont pas réussi à mettre un terme aux poursuites judiciaires éventuelles intentées contre des particuliers, elles veillent à ce que les Canadiens ne risquent pas de devoir verser des centaines de milliers, voire des millions de dollars, pour des violations non commerciales.
Le gouvernement a toujours soutenu, et avec raison, que la réforme était la bonne chose à faire. Le PTP obligerait néanmoins le Canada à laisser tomber l'amende maximale pour les violations non commerciales et à rétablir les dommages-intérêts qui pourraient atteindre des millions de dollars pour les particuliers.
Quatrièmement, les règles relatives aux verrous numériques étaient le sujet le plus litigieux du projet de loi C-11. Les dispositions ont été beaucoup critiquées, mais l'aspect positif d'une approche que, je dois dire, est allée bien au-delà des exigences internationales, c'est que le gouvernement a laissé la porte ouverte dans la loi pour procéder à des réformes futures et ajouter des exceptions aux règles sur le verrou numérique. Le PTP fermerait cette porte, alourdirait les peines en cas de non-respect et limiterait la capacité du Canada de créer de nouvelles exceptions aux règles sur le verrou numérique.
Les dispositions sur le droit d'auteur du PTP risquent de nuire au compromis qu'il a fallu 10 ans au Canada à atteindre et que le gouvernement conservateur actuel a fermement défendu. Je pense que défaire ce compromis porterait un coup dur à la souveraineté canadienne et à notre politique culturelle sur les oeuvres numériques à long terme.
Je m'en voudrais de passer sous silence les préoccupations concernant le secret associé au PTP et la création d'une approche à deux vitesses qui offre un accès privilégié aux renseignements sur le PTP à certaines personnes.
Les négociations du PTP sont en cours depuis plusieurs années, mais aucun communiqué officiel du texte provisoire n'a encore été rendu public. Pour tenir une audience sur les avantages du PTP sans accès public au texte provisoire oblige les participants à se fier aux informations qui ont été obtenues grâce à des fuites, mais qui n'ont pas été officiellement confirmées. Le Canada devrait demander qu'un texte provisoire soit mis à la disposition du grand public. Il est toutefois extrêmement inquiétant que le MAECI ait établi un groupe secret, où certaines entreprises et associations de l'industrie se voient accorder l'accès aux consultations et à des possibilités d'en apprendre davantage au sujet de l'entente et de la position de négociation du Canada.
Je sais que le ministre Fast a nié l'existence de ce groupe lorsqu'il a témoigné devant vous le mois dernier. Toutefois, les documents que j'ai obtenus en vertu de la Loi sur l'accès à l'information indiquent que les premières consultations secrètes avec l'industrie se sont déroulées quelques semaines avant que le Canada soit officiellement inclus dans les négociations du PTP, lors d'une consultation avec des fournisseurs de services de télécommunications en novembre 2012. Tous les participants ont dû signer des accords de confidentialité et de non-divulgation.
Peu de temps après, le cercle des privilégiés s'est élargi à la suite de la formation d'un groupe de consultation du PTP. Des représentants de groupes et d'entreprises comme Bombardier, Manufacturiers et Exportateurs du Canada, l'Alliance canadienne du commerce agroalimentaire et l'Association canadienne des producteurs d'acier ont tous signé un accord de confidentialité et de non-divulgation qui les autorisait à avoir accès à certaines informations de nature délicate du ministère concernant les négociations du PTP.
J'ai des copies des accords de confidentialité signés qui font expressément mention du groupe de consultation du PTP. La création d'un groupe secret peut porter à croire qu'on essayait de se soustraire aux consultations publiques et à un examen public d'une entente qui pourrait transformer des dizaines de secteurs à la fois, alors que nous devrions intensifier nos efforts pour gagner la confiance du public en adoptant une approche plus transparente.
Je crois que l'approche hautement secrète et non transparente du PTP va à l'encontre des valeurs canadiennes d'ouverture et de reddition de comptes. Nous devrions encourager activement les participants à accroître la transparence à l'égard du PTP et nous devrions donner l'exemple en mettant fin à l'approche secrète à deux vitesses à l'égard des renseignements au sujet d'un accord commercial.
Je suis prêt à répondre à vos questions.
Thank you very much. Good afternoon.
My name is Michael Geist. I'm a law professor at the University of Ottawa where I hold the Canada research chair in Internet and e-commerce law. I'm also a syndicated weekly columnist on law and technology issues for the Toronto Star and the Ottawa Citizen. I've edited several books on Canadian copyright and appeared many times before committees on copyright and trade policy, but I appear before this committee today in a personal capacity representing my own views only.
I greatly appreciate the invitation, as I have some very serious concerns about Canada's participation in the TPP. I should start by noting that I'm not anti-free trade. I support the government in its efforts to explore opportunities to expand markets for Canadian businesses.
That said the TPP raises some concerns. I would like to focus on some of the TPP's substance, particularly the copyright provisions in the draft agreement, as well as address some concerns related to process.
Let me start with the substance. Given the limited amount of time available, I'll focus primarily on the copyright provisions, though copyright is only part of the broader intellectual property issues raised by the TPP. You heard recently from Scott Sinclair on some of the patent issues, and if you're interested I'd be happy to discuss the implications of the TPP for governance of the domain name system in Canada.
As members of the committee know, Canada recently completed a long, difficult copyright reform process. Over a decade of debate ultimately resulted in Bill C-11. Virtually all stakeholders would say that the bill, which received royal assent last June, was imperfect. Yet it did reflect a genuine attempt at compromise, with many made-in-Canada provisions that are often cited as progressive, effective, and forward-looking digital copyright rules.
My single biggest concern is that the TPP will undermine the Canadian compromise that the government struck, and require radical changes to our national copyright law.
I should preface the analysis by noting that last year DFAIT conducted a public consultation on Canada's potential participation in the TPP, in which copyright was the top issue cited by individual respondents. No public report summarizing the responses was ever published, yet according to documents I obtained under the Access to Information Act, the government was overwhelmed with negative comments urging officials to resist entry into the TPP and the expected pressures for significant intellectual property reforms as part of the deal.
In addition to tens of thousands of form letters and e-mails criticizing the TPP, the government received hundreds of individual handcrafted responses that unanimously criticized the proposed agreement. In fact, a review of more than 400 individual submissions did not identify a single instance of support for the agreement; rather, those submissions focused specifically on copyright-related concerns.
Now based on a leak of the draft intellectual property chapter, let me provide four examples that lie at the heart of the public concern.
First, Canadian law now features a notice and notice approach on Internet provider liability, or ISP liability. This approach establishes the obligations for Internet providers and intermediaries when there are claims of copyright infringements, and grants copyright holders powers to raise allegations of infringement with the sites and their subscribers.
Moreover, it protects the privacy of subscribers and does not result in takedowns of content based on mere allegations. During the debates on Bill C-11, Canadian Heritage Minister James Moore repeatedly pointed to notice and notice as an example of a positive Canadian-specific approach. Yet according to leaked documents, the TPP would require that Canada drop its approach in favour of a more draconian takedown system that could stifle free speech and result in the removal of content without the need for any proof of infringement.
Secondly, the term of protection for Canadian copyright is presently the life of the author plus an additional 50 years after his or her death. This term meets the international requirement as established in the Berne Convention. The TPP would require Canada to add an additional 20 years to the copyright term. The extension in the term of copyright would mean that no new works would enter the public domain in Canada at least until 2034, assuming that the agreement takes effect in 2014. Many important authors would immediately be affected, since their works are scheduled to enter into the public domain in the period, let's say, between 2014 and 2034. These include Canadians such as Marshall McLuhan, Gabrielle Roy, Donald Creighton, and Glenn Gould, as well as non-Canadians such Robert Frost, C.S. Lewis, T.S. Eliot, John Steinbeck, J.R.R. Tolkien, and Ayn Rand. Given the potential to make those works more readily accessible to new generations once they enter the public domain, extending the term of copyright as potentially required by the TPP would have a dramatic negative effect on access to literature and history, particularly Canadian literature and history.
Thirdly, Canadian copyright law now features an important distinction with respect to statutory damages, as it contains a cap of $5,000 for all non-commercial infringements. While the reforms have been unsuccessful in stopping thousands of potential lawsuits against individuals, they do ensure that individual Canadians won't face the threat of hundreds of thousands or even millions of dollars in liability for non-commercial infringement.
The government, I think quite rightly, consistently argued that the reform was the right thing to do, yet the TPP would require Canada to drop the non-commercial cap and restore statutory damages that could climb into the millions of dollars for individual Canadians.
Fourthly, the digital lock rules were the most contentious aspect of Bill C-11. The provisions were widely criticized, but the silver lining, in an approach that, I have to say, went far beyond international requirements, was that the government kept the door open in the legislation to future reforms and exceptions to the digital lock rules. The TPP would close that door, increasing the penalties for circumvention and restricting the ability of Canada to create new digital-lock exceptions.
The copyright provisions in the TPP threaten a Canadian compromise that took a decade to achieve and that was strongly defended by the current Conservative government. I think undoing that compromise would constitute an enormous setback for Canadian sovereignty and for our long-term digital cultural policy.
I would be remiss if I did not also raise process concerns involving the secrecy associated with the TPP and the creation of a two-tier approach that involves special access to TPP information for some insiders.
The TPP negotiations have been ongoing for years, yet there has still been no official release of the draft text. To conduct a hearing on the benefits of the TPP without public access to the draft text forces participants to rely on leaked information that has not been officially confirmed. Canada should be demanding that a draft text be made available for all to see. Instead, it is deeply troubling that DFAIT has established a secret insider group, with some companies and industries associations being granted access to consultations as well as opportunities to learn more about the agreement and Canada's negotiating position.
I realize that Minister Fast denied the existence of such a group when he appeared before you last month. However, the documents I obtained under the Access to Information Act indicate that the first secret industry consultation occurred weeks before Canada was formally included in the TPP negotiations, in a November 2012 consultation with telecommunications providers. All participants were required to sign confidentiality and non-disclosure agreements.
Soon after, the circle of insiders expanded with the formation of a TPP consultation group. Representatives from groups and companies such as Bombardier, the Canadian Manufacturers and Exporters, Canadian Agri-Food Trade Alliance, and Canadian Steel Producers Association all signed a confidentiality and non-disclosure agreement that granted “access to certain sensitive information of the Department concerning or related to the TPP negotiations.”
I have copies of the signed NDAs right here that make specific reference to the TPP consultation group. The creation of a secret TPP insider group suggests an attempt to shy away from public consultation and scrutiny of an agreement that could have a transformative effect on dozens of sectors at a time when we should be increasing efforts to gain public confidence in the talks by adopting a more transparent and accountable approach.
I believe the TPP's highly secretive and non-transparent approach runs counter to Canadian values of openness and accountability. We should be actively encouraging participants to increase TPP transparency and should lead by example by ceasing the two-tier insider approach to trade agreement information.
I welcome your questions.