Monsieur le Président, je suis ravie d'intervenir sur le projet de loi C-2, qui s'inscrit dans une tendance du gouvernement. Je m'explique.
Je suis préoccupée par la façon dont les lois sont élaborées dans notre pays. Cette mesure législative est un bon exemple du leadership qu'exerce le gouvernement conservateur lorsqu'il rédige des projets de loi et les présente à la Chambre. La façon dont le gouvernement se comporte publiquement n'a rien à voir avec le Canada dans lequel j'ai grandi et le Canada dont je suis fière de faire partie. Lorsque je prends la parole à la Chambre, je suis très triste de voir la façon dont se déroule le processus législatif.
Tout d'abord, je vais parler un peu de ce que fait réellement le projet de loi. Il ne respecte pas vraiment les collectivités, comme l'indique son titre, et comme d'autres, par exemple, n'assurent pas vraiment la sécurité des collectivités. C'est une tendance qu'on retrouve dans certains titres de projets de loi. Au contraire, il marginalise encore davantage ceux qui vivent déjà en marge de la société. Il accroît la violence dans la vie de ceux qui vivent déjà dans une grande violence. Il met en danger ceux qui sont déjà en danger.
En gros, toute la mesure législative concerne InSite. Pour ceux qui ne seraient peut-être pas au courant, InSite est un centre à Vancouver où les toxicomanes peuvent se faire des injections supervisées de drogue. Nous savons tous, du moins les députés de ce côté-ci de la Chambre, ce qu'est la toxicomanie et qu'il existe des moyens plus sûrs de briser le cycle vicieux de la dépendance. Si les toxicomanes ne parviennent pas à se désintoxiquer, comme ce peut être le cas pour certains d'entre eux, ils ne se retrouveront au moins pas dans une situation où ils sont plus vulnérables.
À la suite d'une augmentation du nombre de décès par surdose à Vancouver entre 1987 et 1993, la Vancouver Coastal Health Authority et des partenaires locaux ont créé InSite. Depuis lors, on observe une énorme baisse des maladies telles que l'hépatite A, B, et C et le VIH/sida.
Au départ, InSite bénéficiait d'une exemption en vertu de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances. En 2008, l'exemption accordée en vertu de l'article 56 de la loi est arrivée à échéance, et c'est pour cette raison que nous nous retrouvons dans la situation où nous sommes aujourd'hui. Comme le ministre de la Santé de l'époque a refusé de renouveler l'exemption, des procès ont été intentés. L'affaire a finalement été renvoyée à la Cour suprême du Canada.
En 2011, la Cour suprême a jugé que, en décidant de fermer le centre InSite et de ne pas renouveler son exemption aux termes de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances, le ministre allait à l'encontre des droits des participants au programme qui sont garantis par la Charte. La décision du ministre était « [...] arbitraire; elle va à l’encontre des objectifs mêmes de la Loi, notamment la santé et la sécurité publiques ».
Voilà qui résume la raison de notre présence ici. Nous sommes ici parce que la décision de la Cour suprême est incompatible avec l'idéologie des conservateurs. Ce projet de loi imposerait des conditions extrêmement restrictives à des centres comme InSite, et il dissuaderait toute autre collectivité qui aurait besoin de mettre en place ce genre de programme.
D'une certaine manière, ce projet de loi vise seulement InSite. Il illustre donc la tendance observée au sein du gouvernement conservateur.
Les conservateurs méprisent avec véhémence toute décision de la Cour suprême qui va à l'encontre de leur idéologie. Ils n'ont aucun respect pour le pouvoir judiciaire canadien, et ils ne comprennent pas qu'une décision prise par la Cour suprême doit être respectée, qu'elle leur plaise ou non. Ce ne sont pas eux, mais les tribunaux qui sont les défenseurs des droits et libertés au pays. Voilà pourquoi le pouvoir judiciaire est séparé des autres pouvoirs de l'État. Malheureusement, les conservateurs continuent de trouver des moyens de contourner ces décisions en présentant des mesures législatives qui ne les respectent pas, et qui, en quelque sorte, permet aux conservateurs d'appliquer ces décisions en fonction de leur idéologie.
Par exemple, dans cette affaire, la cour a fondé sa décision sur l'article 7 de la Charte, qui dit ceci: « Chacun a droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de sa personne; il ne peut être porté atteinte à ce droit qu’en conformité avec les principes de justice fondamentale. »
C'est monnaie courante. Les conservateurs s'opposent, fondamentalement, idéologiquement, aux décisions de la Cour suprême sur des choses concernant la sécurité des gens, la santé des gens et le droit des gens à la vie. C'est ce qui fait aussi peur dans cette tendance. La Cour suprême a jugé qu'InSite et d'autres centres d'injection supervisée doivent bénéficier d'une exemption en vertu de l'article 56 dans les cas où leur existence diminuera le risque de décès et de maladie et où il n’existe guère de preuve, sinon aucune preuve, qu’elle aura une incidence négative sur la collectivité. InSite n'a pas d'incidence négative sur la collectivité. Bien au contraire, ce centre a une incidence très positive sur la collectivité. Les conservateurs doivent maintenant s'en remettre à un projet de loi pour créer des conditions extrêmement strictes pour InSite.
C'est un manque de respect et un mépris flagrant de la décision de la cour sur InSite. Cela va complètement à l'encontre de la décision et ce, de la part d'un gouvernement qui a défié à maintes reprises les décisions de la Cour suprême en présentant à la Chambre des mesures législatives qui ne respectent pas les décisions.
Prenons, par exemple, une affaire très analogue, à mon avis, en l'occurrence le projet de loi C-36 qui a récemment été présenté. C'est un affront à l'arrêt Bedford, qui disait très clairement que, compte tenu des conditions dangereuses dans lesquelles s'exerce le travail du sexe, ceux qui le pratiquent doivent pouvoir prendre des mesures pour se protéger. Nous avons maintenant un projet de loi qui leur enlève ce pouvoir. Il n'est pas exagéré de dire que cette mesure législative mettrait des vies en péril.
Nous sommes aussi saisis du projet de loi C-24, le projet de loi sur l'immigration qui crée deux catégories de citoyens. Les citoyens à double nationalité sont traités comme des citoyens de seconde classe qui pourraient être expulsés et mis en danger dans un pays qu'ils pourraient n'avoir jamais vu de leur vie.
Ce projet de loi fait suite à plusieurs projets de loi sur la criminalité qui ont été jugés inconstitutionnels. Les conservateurs marginalisent constamment les Canadiens à risque et mettent encore davantage au banc de la société des groupes qui sont déjà marginalisés.
Comme je l'ai mentionné, les nombreux projets de loi des conservateurs en matière de justice suivent le même modèle. Ils ostracisent, isolent et divisent les gens. Plutôt que d'essayer de s'attaquer à la racine des problèmes, les conservateurs s'attaquent aux symptômes, sans même s'interroger sur la source du problème. Ils jettent les gens en prison sans les aider à réintégrer la société et cela ne règle pas le problème.
Et n'oublions pas le Sénat, non élu et non tenu à la reddition de comptes, qui a bloqué le projet de loi de mon collègue sur l'identité de genre, lequel aurait instauré des droits pour les Canadiens transgenres, eux qui sont si marginalisés et qui sont confrontés à des situations de violence. Je ne crois pas avoir le temps de parler de la distinction entre un Sénat non élu et non tenu à la reddition de comptes qui va à l'encontre de la volonté des élus de la Chambre, et le processus judiciaire, qui vise à protéger les droits des Canadiens en dépit du processus démocratique qui se déroule à la Chambre.
Le Sénat fait obstacle à ce processus, mais invariablement, le gouvernement choisit l'idéologie plutôt que les faits. Dans ces cas, chaque fois, le gouvernement prend des moyens extraordinaires, vraiment, pour faire abstraction des tribunaux. Je n'exagère pas. Je sais que le temps me manque, mais je tiens à dire ceci: ces projets de loi compromettent à sécurité des gens...