Bismillahir Rahmanir Raheem.
Monsieur le premier ministre, monsieur le Président Kinsella, monsieur le Président Scheer, honorables sénateurs, honorables députés, madame la juge en chef du Canada, chers membres de la communauté diplomatique, distingués invités, mesdames et messieurs, je remercie le premier ministre de m'avoir présenté de façon aussi généreuse. Je lui suis très reconnaissant de m'avoir invité ici. Je me réjouis de notre association et je suis très heureux qu'il ait permis aux principaux représentants de notre communauté et de diverses institutions du monde entier de se joindre à nous. Monsieur le premier ministre, je vous remercie.
Je me réjouis que les chefs de la communauté ismaili puissent avoir l'occasion de constater par eux-mêmes les raisons pour lesquelles le Canada est un chef de file au sein de la communauté des nations. Je tiens aussi à vous remercier, monsieur le premier ministre, de m'avoir invité à devenir citoyen honoraire de votre pays.
J'aimerais féliciter les membres de vos excellentes équipes de hockey, qui ont toutes deux remporté l'or à Sotchi. Comme j'ai moi-même déjà joué au hockey, j'espérais que vous demanderiez à vos citoyens honoraires de devenir membres de l'équipe. Je suis convaincu que le dalaï-lama et moi aurions été excellents à la défense.
Je vous remercie encore, monsieur le premier ministre, de votre invitation.
Je ressens cet instant comme un honneur sans précédent. C'est à la fois un sentiment intime et une perception objective, puisque l'on m'a rapporté que c'est la première fois depuis 75 ans qu'un chef spirituel s'adresse au Sénat et à la Chambre des communes réunis dans le cadre d'une visite officielle.
C'est donc avec humilité, et conscient d'une éminente responsabilité, que je m'adresse à vous, représentants élus du Parlement fédéral canadien, en présence des plus hautes autorités du gouvernement fédéral.
J'ai le grand privilège de représenter ici l'imamat ismaili, cette institution qui, au-delà des frontières, et depuis plus de 1 400 ans, se définit, et est reconnue par un nombre croissant d'États, comme la succession des imams chiites imamites ismailis.
Quarante-neuvième imam de cette longue histoire, je porte depuis plus de 50 ans deux responsabilités inséparables: veiller au devenir spirituel des ismailis ainsi que, concomitamment, à l'amélioration de leur qualité de vie et de celle des populations au sein desquelles ils vivent.
Même s'il fut une époque où les imams ismailis étaient aussi califes, c'est-à-dire chefs d'État — par exemple, en Égypte, à l'époque fatimide —, ma fonction est aujourd'hui apolitique, tout ismaili étant avant tout un citoyen ou une citoyenne de son pays de naissance ou d'adoption.
Le champ d'action de l'imamat ismaili est pourtant considérablement plus important qu'à cette époque lointaine, puisqu'il déploie aujourd'hui ses activités dans de nombreuses régions du monde. C'est dans ce cadre que j'évoquerai successivement devant vous quelques réflexions qui me paraissent dignes de vous être présentées.
Aujourd'hui, j'ai l'intention de vous parler un peu de moi et de mon rôle, puis de ce que nous appelons l'umma, c'est-à-dire l'ensemble des communautés musulmanes du monde entier.
À titre de chef spirituel, je vais d'abord vous parler de la crise de gouvernance qui secoue aujourd'hui une bonne partie du monde. Je terminerai en vous faisant part de mes observations sur les valeurs qui pourraient aider les pays en crise à devenir des pays offrant des possibilités, de même que sur les mesures que le Canada pourrait prendre pour établir un tel processus.
Je vais commencer par faire un bref commentaire personnel.
Je suis né dans une famille musulmane, liée par hérédité au Prophète Mahomet. Que la paix soit avec lui et sa famille.
J'ai fait mes études selon les traditions islamiques et occidentales. J'ai étudié à Harvard il y a environ 50 ans — 56 ans pour être plus précis — et c'est à cette époque que je suis devenu l'imam héréditaire des musulmans chiites imamites ismailis. L'imamat ismaili est une entité nationale distincte, qui représente les imams qui se sont succédé après le Prophète. Je tiens à fournir des précisions au sujet de l'histoire de ce rôle, tant en ce qui concerne l'interprétation sunnite que l'interprétation pure de la foi musulmane.
D'après les sunnites, le Prophète n'a pas nommé de successeur et l'autorité morale et spirituelle appartient donc à ceux qui connaissent bien la loi religieuse. Il s'ensuit qu'il peut y avoir en même temps, au même endroit, de nombreux imams sunnites. D'autres croient que le Prophète a désigné son cousin et gendre Ali pour lui succéder. De cette première division sont nées de multiples autres distinctions, mais la question du leadership légitime demeure primordiale. Ultérieurement, les chiites se sont divisés, eux aussi, sur ces questions, de sorte que les ismailis forment aujourd'hui la seule communauté chiite à avoir été dirigée tout au long de l'histoire par un imam descendant directement du Prophète.
Le rôle de l'imam ismaili se limite au plan spirituel. Son autorité se rapporte à l'interprétation religieuse et n'a rien à voir avec la politique. Je ne gouverne aucun territoire. Par ailleurs, selon l'islam, l'univers spirituel et le monde matériel sont fondamentalement indissociables. La foi ne soustrait pas les musulmans ou leurs imams aux réalités quotidiennes de la vie familiale, professionnelle et communautaire. C'est plutôt une force qui devrait nous amener à nous soucier davantage du monde dans lequel nous vivons, à vouloir relever les défis qu'il présente et à tâcher d'améliorer la qualité de la vie humaine. Si je consacre une bonne partie de mon attention au travail du Réseau Aga Khan de développement, c'est parce que je suis convaincu que la foi et le monde ne font qu'un.
En 1957, quand j'ai succédé à mon grand-père comme imam, la communauté ismaili vivait en majeure partie dans des colonies et d'ex-colonies françaises, belges et britanniques ou derrière le rideau de fer. C'est une communauté encore très diversifiée sur les plans ethnique, linguistique, culturel et géographique. Ses membres continuent de vivre surtout dans le monde en développement, bien qu'ils soient maintenant de plus en plus nombreux en Europe et en Amérique du Nord.
Avant 1957, les diverses communautés ismailis avaient leurs propres institutions socioéconomiques quand c'était permis. Elles ne voulaient nullement occuper le devant de la scène nationale et envisageaient encore moins de mener leurs activités outre-frontières.
Aujourd'hui, cependant, les choses ont changé, et le Réseau Aga Khan de développement est présent et actif dans plusieurs dizaines de pays, où il s'occupe également de coordination à l'échelle régionale. Le réseau est composé d'une foule d'organismes non gouvernementaux et non confessionnels qui se chargent des nombreuses responsabilités de l'imamat. Il est actif dans plusieurs domaines, comme le développement économique, l'emploi, l'éducation, la santé et les initiatives culturelles de grande envergure.
La plupart des activités du réseau prennent racine parmi la population des pays en développement, dont elles reflètent les aspirations et la fragilité. Nul besoin de préciser qu'au fil de ans, le paysage s'est transformé radicalement: de nouveaux États ont vu le jour, comme le Bangladesh; le monde a connu les horreurs du nettoyage ethnique, comme en Ouganda; l'empire soviétique s'est effondré; et nous avons assisté à l'émergence de nouveaux pays à forte concentration ismaili, comme le Tadjikistan. Plus récemment, il y a aussi eu les conflits en Afghanistan et en Syrie. Malgré tout, les peuples ismailis ont fait montre d'une persévérance et d'une résilience incroyables.
Notre travail, qui s'est toujours articulé autour de la population, repose sur un principe islamique millénaire dont les buts ont une résonance universelle: élimination de la pauvreté, accès à l'éducation, paix sociale et pluralisme. L'objectif fondamental du réseau est simple: améliorer la condition humaine.
Les membres de la race humaine ont en commun une troisième aspiration: l'espoir d'une vie meilleure. J'ai été frappé il y a quelques années d'apprendre, en lisant une enquête menée par le Programme des Nations Unies pour le développement auprès de 18 États d'Amérique du Sud, que la majorité des gens s'intéressaient moins à leur régime gouvernemental qu'à leur qualité de vie. Pour la majorité des répondants, un gouvernement autocratique qui réussirait à hausser le niveau de vie de la population paraissait plus acceptable qu'un gouvernement démocratique inefficace. Le fait que je cite cette étude n'enlève évidemment rien au respect que m'inspirent les institutions gouvernementales au succès avéré, y compris un certain nombre de Parlements éminemment distingués.
Derrière la grande instabilité du monde d'aujourd'hui se cache une triste réalité: les gouvernements semblent incapables de surmonter tous ces obstacles. En revanche, parmi les pays qui s'emploient à faire bouger les choses, le Canada brille par son exemple.
Permettez-moi de donner quelques exemples de ce qu'en un quart de siècle de collaboration, le Réseau Aga Khan de développement et le Canada ont pu accomplir. Parmi nos plus anciennes réalisations figure la mise sur pied de la première école privée de sciences infirmières du Pakistan, en collaboration avec l'Université McMaster et ce qui s'appelait à l'époque l'ACDI. L'ouverture de cette école — le premier établissement de ce qui allait devenir l'Université Aga Khan et le premier établissement privé du Pakistan — a eu un retentissement énorme. Parmi tous ceux qui dirigent aujourd'hui des programmes de soins infirmiers dans les hôpitaux du Pakistan ou de la région, beaucoup y ont fait leurs études.
Le Canada fut aussi l'un des premiers pays à contribuer financièrement au Programme de développement rural Aga Khan dans le Nord du Pakistan, lequel a permis de tripler le revenu des habitants de cette région éloignée et marginalisée. L'approche élaborée dans cette région a façonné nos partenariats au Tadjikistan, en Afghanistan, au Kenya et au Mozambique.
Le Canada a aussi contribué à la création de l'Institut pour le développement de l'éducation de l'Université Aga Khan à Karachi et en Afrique de l'Est, ainsi qu'à la mise en oeuvre d'autres initiatives en matière d'éducation au Kenya, en Tanzanie, en Ouganda, au Mozambique, en Afghanistan, au Tadjikistan et au Pakistan, où des travaux innovateurs ont été accomplis dans le domaine du développement de la petite enfance.
Soulignons aussi les liens étroits que nous entretenons avec les universités canadiennes telles McMaster, McGill, l'Université de Toronto et l'Université de l'Alberta à l'appui de nos propres établissements d'enseignement supérieur, soit l'Université Aga Khan et l'Université d'Asie centrale. Cette dernière institution a été créée grâce à un traité tripartite que l'imamat a conclu avec les gouvernements du Kazakhstan, du Kirghizistan et du Tadjikistan. Ses portes sont ouvertes aux 22 millions de personnes qui habitent dans les collines et les hautes montagnes d'Asie centrale, régions pauvres et particulièrement vulnérables aux activités sismiques.
Je pourrais donner bien d'autres exemples de développement culturel et de recherches scientifiques. Nous sommes particulièrement fiers du Centre mondial du pluralisme à Ottawa; il s'agit d'une initiative conjointe entre l'imamat et le gouvernement canadien.
Dans à peine trois ans, le Canada fêtera son 150e anniversaire, et le monde entier sera prêt à célébrer avec vous. Le centre mondial a justement comme mission première de partager l'histoire résolument pluraliste du Canada, et 2017 sera le moment tout indiqué pour le faire. En 2017, le centre sera possiblement déjà installé dans ses nouveaux locaux, soit l'ancien Musée de la guerre sur la promenade Sussex, et les célébrations nous pousseront peut-être, nos voisins et nous, à mettre en valeur les berges près de cet édifice.
Notre partenariat avec le Canada a bien entendu été grandement renforcé par la grande communauté ismaili qui a fait du Canada son pays depuis plus de quatre décennies. À l'instar des autres communautés dont les membres sont répartis aux quatre coins du monde, les ismailis ont une histoire plurielle, mais notre expérience au Canada a certainement été enrichissante. Je me souviens avec joie de l'établissement de la délégation de l'imamat ismaili ici en 2008; le premier ministre, ce jour-là, avait dit que notre collaboration allait faire du Canada « le siège des efforts mondiaux déployés pour favoriser la paix, la prospérité et l’égalité par le pluralisme ». Nous sommes très heureux de signer aujourd'hui une nouvelle entente avec votre gouvernement afin de renforcer cette collaboration.
Lorsque nous essayons de voir ce que les 25 prochaines années du Réseau Aga Khan de développement nous réservent, nous croyons que notre présence permanente dans les pays en développement fera de nous un partenaire fiable, surtout en matière de planification, ce qui se révèle toujours un énorme défi. Sur cette toile de fond, passons à la scène internationale, notamment le rôle des relations entre les pays et les cultures islamiques — ce que nous appelons umma — et les sociétés non islamiques. Ces relations façonnent notre monde à l'heure actuelle.
J'aimerais tout d'abord m'attarder sur un aspect central et fondamental de l'umma, un aspect rarement vu ailleurs, soit son immense diversité. La démographie musulmane a connu une expansion phénoménale au cours des dernières années. De nos jours, les musulmans ont des opinions très divergentes sur plusieurs sujets. Il faut savoir, par exemple, qu'il n'existe pas de point de vue commun, d'opinion généralisée à propos de l'Occident. Certaines personnes aiment parler du choc inévitable qui oppose l'Occident industrialisé aux civilisations islamiques. Mais ce n'est pas ainsi que les musulmans voient les choses.
Seule une petite minorité d'extrémistes adhèrent à ce point de vue, par leurs paroles ou leurs gestes. La plupart d'entre nous ne partageons tout simplement pas leur avis. En réalité, il existe très peu de points de friction entre nos interprétations théologiques et les autres fois abrahamiques que sont le christianisme et le judaïsme. Au contraire, à bien des égards, nous sommes en profonde harmonie.
Les conflits de l'ère moderne ont souvent trouvé leur source dans un contexte politique particulier ou dans les hauts et les bas de nos relations et de nos ambitions économiques, plutôt que dans une profonde division théologique. Des éléments considérés extrêmement anormaux dans le monde islamique sont malheureusement perçus comme représentatifs de l'ensemble.
Il faut dire qu'au cours des dernières années, les perceptions véhiculées dans les médias s'inscrivaient souvent dans un contexte de guerre. Dans cette optique, il est d'autant plus important de ramener la conversation internationale dans une direction mieux éclairée. Je suis conscient des efforts que le premier ministre a faits en ce sens. Je vous en remercie, monsieur le premier ministre.
La complexité de l'umma remonte à une époque lointaine. Certains des chapitres les plus glorieux de l'histoire islamique s'appuyaient délibérément sur les principes de l'inclusivité. La politique d'État voulait que la quête d'excellence passe par le pluralisme. Les choses se passaient ainsi à l'époque des Abbassides de Bagdad et des Fatimides du Caire, il y a plus de 1 000 ans. Elles se passaient ainsi en Afghanistan, à Tombouctou au Mali, puis plus tard chez les Safavides en Iran, les Moghols en Inde, les Ouzbeks à Boukhara, et les Ottomans en Turquie. Du VIe au XVIIIe siècles, Al-Andalus a prospéré dans la péninsule ibérique sous l'égide des musulmans, tout en accueillant à bras ouverts les chrétiens et les juifs.
De nos jours, ces traditions islamiques sont en grande partie tombées dans l'oubli et demeurent peu connues des musulmans comme des non-musulmans. Le Trust Aga Khan pour la culture, qui comprend notamment un prix d'architecture et un programme consacré aux villes historiques, a pour but de faire connaître cet héritage d'inclusion. À cela s'ajoute l'ouverture prochaine du musée Aga Khan de Toronto, qui témoignera, en sol canadien, de l'immense diversité de la culture islamique.
Le conflit entre l'interprétation sunnite et l'interprétation chiite de l'islam, ainsi que ses conséquences pour les peuples sunnite et chiite, constitue peut-être la plus grande source d'incompréhension à l'extérieur de l'umma. Cette tension aiguë est parfois encore plus profonde que celle entre les musulmans et les pratiquants d'autres religions. L'ampleur et l'intensité de cette tension ont augmenté considérablement ces derniers temps, et les interventions extérieures n'ont fait qu'empirer les choses. Au Pakistan et en Malaisie, en Irak, en Syrie, au Liban, à Bahreïn, au Yémen, en Somalie et en Afghanistan, la situation est en train de tourner au désastre.
Il est donc important pour les non-musulmans qui traitent avec l'umma de communiquer tant avec les sunnites qu'avec les chiites. Faire fi de cette réalité équivaudrait à ignorer qu'il existe des différences entre les catholiques et les protestants depuis plusieurs siècles, ou à tenter de résoudre la guerre civile en Irlande du Nord sans rallier les deux communautés chrétiennes.
Quelles auraient été les conséquences si le conflit entre les protestants et les catholiques en Irlande s'était répandu dans l'ensemble du monde chrétien, comme c'est le cas actuellement de l'antagonisme sunnite-chiite dans plus de neuf pays? Il est primordial que nous comprenions ces dangereuses tendances et que nous y résistions, et que la légitimité fondamentale de visions plurielles soit respectée dans tous les aspects de nos vies, y compris celui de la religion.
Permettez-moi à ce point de mon discours, de m'adresser à vous à nouveau en français.
Je viens d'évoquer les incompréhensions entre le monde industrialisé et le monde musulman, et les oppositions qui flétrissent indûment les relations entre les grandes traditions de l'islam. Pourtant, le coeur, la raison et, pour ceux qui en sont animés, la foi, nous disent qu'une plus grande harmonie est possible.
De fait, des évolutions récentes nous donnent une ouverture. Parmi ces évolutions, je voudrais dire combien la démarche constitutionnaliste est importante pour corriger l'inadéquation de nombreuses Constitutions existantes avec l'évolution des sociétés, notamment lorsqu'elles sont en développement. C'est un sujet essentiel que les devoirs de ma charge m'interdisent d'ignorer.
Vous serez peut-être surpris d'apprendre que 37 pays du monde ont adopté une nouvelle Constitution dans les dernières 10 années, et que 12 sont en phase avancée de modernisation de la leur, soit un total de 49 pays. Dit autrement, ce mouvement concerne un quart des États membres des Nations Unies. Sur ce total de 49 pays, 25 % sont des pays à majorité musulmane. Ceci montre qu'aujourd'hui la revendication par les sociétés civiles de structures constitutionnelles nouvelles est devenu incontournable.
Je voudrais ici m'arrêter un instant pour souligner une difficulté particulière du monde musulman. Là, les partis religieux sont structurellement porteurs du principe de l'inséparabilité de la religion et de la vie de la cité. La conséquence en est que lorsqu'ils négocient les termes d'une Constitution avec des interlocuteurs qui revendiquent la séparation entre État et religion, le consensus sur la loi suprême est d'évidence difficile à atteindre.
Cependant, un pays vient de nous faire la démonstration que cela est possible, la République tunisienne. Ce n'est pas le lieu de commenter par le menu sa nouvelle Constitution. Disons toutefois qu'elle est la résultante d'un débat pluraliste assumé et qu'elle semble contenir les règles nécessaires pour assurer le respect mutuel entre les composantes de la société civile. Ceci se traduit en particulier par une appropriation de la notion de coalition, que ce soit au niveau électoral ou gouvernemental. Il s'agit là d'une grande avancée pour l'expression de ce pluralisme accepté que le Canada et l'imamat ismaili appellent de leurs voeux.
Remarquons enfin une conséquence que cette évolution laisse espérer. Le forum des débats et conflits inhérent à toute société pluraliste n'est plus la rue ou la place, mais la cour constitutionnelle d'un État de droit. Outre le génie propre des constitutionnalistes tunisiens, les travaux préparatoires ont été l'occasion de consultations de droit constitutionnel comparé.
Je voudrais saluer, en particulier, le rôle des juristes portugais, citoyens d'un pays pour lequel j'ai beaucoup de considération et qui, comme le Canada, a développé une civilisation du respect mutuel entre communautés et d'ouverture aux religions.
Je fais référence ici à la loi à dimension concordataire qui régit les relations entre la République portugaise et l'imamat ismaili depuis 2010. Devant votre très honorable assemblée, je suis heureux d'ajouter que cette loi, votée à l'unanimité, prend acte de la qualité d'entité supranationale de l'imamat ismaili.
Pour conclure sur la Constitution tunisienne, M. François Hollande, président de la République française, a dit, à Tunis:
[...] ce qui fait l'originalité de votre révolution, et même de votre Constitution, c'est le rôle de la société civile.
Il est clair que la voix la plus influente en Tunisie est celle de la société civile. Par société civile, j'entends toute une variété d'institutions privées sans but lucratif qui ont pour objectif l'intérêt public. Elles se consacrent à l'éducation et à la culture, à la science et à la recherche, ainsi qu'à des préoccupations liées au commerce, au travail, à l'ethnicité et à la religion. Elles comprennent également les sociétés professionnelles d'avocats, de comptables, de banquiers, d'ingénieurs et de médecins. La société civile englobe aussi les groupes qui se dévouent à la promotion de la santé et de la sécurité et celle de l'environnement, ainsi que les organisations des domaines humanitaire, artistique et médiatique.
Dans notre poursuite du progrès, nous avons parfois tendance à nous concentrer uniquement sur le milieu politique et le gouvernement, ou sur les institutions à but lucratif du secteur privé. Il ne fait aucun doute que les deux milieux ont un rôle à jouer, mais, à mon avis, le monde devrait accorder plus d'attention — beaucoup, beaucoup plus d'attention — au rôle potentiel de la société civile. Nous pouvons constater son expansion en plusieurs endroits, de l'Afrique subsaharienne à la Tunisie et à l'Égypte, de l'Iran au Bangladesh.
Il y a quelques années, alors que le Kenya courait de graves dangers à l'aube d'une guerre civile, l'ancien secrétaire général des Nations Unies, Kofi Annan, a mené le pays vers une solution pacifique. Cette dernière dépendait en grande partie de la force de la société civile kényane.
Je crois que les voix de la société civile sont de plus en plus les voix du changement, là où le changement tarde à venir depuis trop longtemps. Ce sont les voix de l'espoir pour ceux qui vivent dans la peur. Ce sont des voix capables de transformer des pays en crise en pays d'avenir. La culture de la peur sévit dans de trop nombreuses sociétés, où les gens sont condamnés à une vie de pauvreté. Remplacer la peur par l'espoir sera un grand pas vers l'élimination de la pauvreté et, souvent, l'appel à remplacer la peur par l'espoir viendra de la société civile. Une société civile active peut ouvrir la porte à une énorme variété d'énergies et de talents en provenance d'une vaste gamme d'organisations et de personnes. C'est l'avènement de la diversité et de la pluralité.
Je crois que le Canada possède la capacité unique de structurer et d'illustrer les trois valeurs fondamentales auxquelles une société civile de qualité doit adhérer: le pluralisme, la méritocratie et l'éthique cosmopolite.
L'éthique cosmopolite intègre harmonieusement la complexité des sociétés humaines. Elle cherche le juste équilibre entre les droits et les obligations, entre la liberté et les responsabilités. C'est une éthique pour tous les gens, qu'ils nous soient familiers ou qu'ils fassent partie des autres, qu'ils vivent tout près où à l'autre bout du monde.
Le Réseau Aga Khan de développement oeuvre depuis plus de 50 ans pour favoriser l'amélioration de la société civile et, alors que nous nous tournons vers l'avenir, nous sommes honorés que le Canada nous considère comme un partenaire de choix. Merci, monsieur le premier ministre.
L'une des clés de la réussite du Canada dans l'édification d'une société civile méritocratique est le principe voulant qu'un gouvernement démocratique ne suffise pas pour constituer une société démocratique. Je suis impressionné par les études récentes qui montrent que le Canada est l'un des endroits au monde ou il y a le plus d'activité dans le secteur du bénévolat et des organismes sans but lucratif. L'esprit du Canada est marqué du sceau d'un principe cher à la culture ismaili chiite: l'importance de consacrer volontairement son énergie personnelle à l'amélioration de la vie des autres. Ce n'est pas une affaire de philanthropie, mais bien d'accomplissement constructif de soi.
Il y a six ans, à l'occasion du 50e anniversaire de mon accession au titre d'Aga Khan, des ismailis de partout dans le monde m'ont offert volontairement des dons. Il est important de souligner qu'il ne s'agissait pas seulement de dons matériels, mais également de temps et de savoir contribuant à notre travail. Nous avons établi un cadre pour les dons de temps et de savoir. Il s'agit d'un processus structuré pour mettre à profit un bassin immense d'expertise impliquant des dizaines de milliers de bénévoles. Cet afflux de générosité a amené nombre d'entre eux à se rendre dans des pays en voie de développement. Un tiers de ces personnes sont des Canadiens. Leur apport est énorme. Ils nous aident à adopter des pratiques exemplaires dans nos établissements et nos programmes, ce qui fait de nous, espérons-le, un partenaire encore meilleur pour le Canada.
De tels efforts engendrent d'excellents résultats lorsque de multiples apports peuvent être judicieusement mis à contribution pour répondre à de multiples besoins. C'est pourquoi l'immense diversité économique du Canada constitue une ressource inestimable dans le monde.
La société civile canadienne a une qualité fondamentale: elle mise sur l'éducation. Les recherches montrent que les étudiants canadiens, qu'ils soient nés ici ou à l'étranger, excellent et se classent parmi les meilleurs étudiants du monde entier. En outre, plus de 45 % des Canadiens qui sont nés à l'étranger ont un diplôme d'études tertiaires. Ce bilan en matière d'éducation interpelle vivement les chiites ismailis, qui croient à la puissance transformatrice de l'intelligence humaine, une conviction que souligne l'engagement considérable du Réseau Aga Khan de développement dans le domaine de l'éducation. Cet engagement se manifeste partout où notre réseau est présent et il ne se concrétise pas seulement par l'enseignement de la foi chiite ismaili, mais aussi par l'enseignement de ce qui est important pour le monde. Pour ce faire, nous nous occupons de l'éducation à tous les niveaux.
L'Université Aga Khan, qui est présente à Karachi et dans l'Afrique de l'Est, prend de l'expansion. En collaboration avec plusieurs universités canadiennes, elle fondera une nouvelle faculté des arts libéraux et huit nouveaux établissements d'enseignement supérieur.
Nous partageons le même intérêt que le Canada pour les possibilités qu'offre l'éducation préscolaire. Je vous félicite, monsieur le premier ministre, de votre initiative à cet égard. La petite enfance est la période où le cerveau se développe le plus rapidement. L'éducation préscolaire est l'une des façons les plus efficientes d'améliorer la qualité de vie des populations rurales et urbaines. Permettez-moi de saluer le regretté Dr Fraser Mustard, dont les travaux sur la petite enfance auront des répercussions sur des millions de gens dans le monde. Le Réseau Aga Khan de développement a eu la chance de pouvoir s'inspirer des travaux de ce grand scientifique et humaniste canadien et d'être conseillé par lui.
Une éducation de qualité est essentielle au développement d'une société civile méritocratique et donc au développement d'approches pluralistes. À cet égard, l'histoire du Canada est très instructive, notamment lorsqu'on examine la longue évolution des processus qui, de fil en aiguille, ont permis de bâtir des sociétés civiles de qualité et des cultures vouées au pluralisme. L'un des mots d'ordre de notre nouveau Centre mondial du pluralisme veut que le pluralisme soit considéré non pas comme un résultat mais comme une approche. Je sais que bien des Canadiens décriraient leur propre pluralisme comme une oeuvre en constante évolution, mais c'est également un atout immensément précieux pour le monde entier.
Demandons-nous, enfin, ce qu'une société civile de qualité exigera de nous.
Malheureusement, le monde se pluralise sur le plan factuel, mais pas nécessairement sur le plan spirituel. Les tendances cosmopolites de la société n'ont pas encore été accompagnées d'une éthique cosmopolite. Dans bien des pays, y compris la République centrafricaine, le Soudan du Sud, le Nigeria, le Myanmar et les Philippines, on semble être aux prises avec une dure réalité, c'est-à-dire la montée de l'hostilité religieuse et de l'intolérance entre les grands groupes religieux et au sein même de ces groupes.
Encore une fois, le Canada a pris des mesures importantes, notamment en établissant, il y a un an à peine, le Bureau de la liberté de religion. À l'instar du Centre mondial du pluralisme, ce Bureau doit relever des défis énormes; sa contribution sera chaudement accueillie. Cet organisme sera certainement un bon modèle pour d'autres pays.
En résumé, je crois que la société civile est l'une des plus grandes forces de notre époque, que sa portée sera de plus en plus universelle, qu'elle gagnera d'autres pays, et qu'elle pourra influencer, refaçonner et parfois même remplacer des régimes inefficaces. Je crois également que, partout dans le monde, la société civile devrait être encouragée avec ardeur et entretenue avec sagesse par ceux qui l'ont le mieux soutenue, et le Canada en est le meilleur exemple.
Je remercie infiniment le premier ministre, ainsi que vous tous, de m'avoir permis d'aborder, sous l'angle de la foi, certaines de mes préoccupations pour l'avenir. J'espère avoir réussi à vous expliquer pourquoi je suis convaincu que le développement humain passe par un partenariat mondial.
J'aimerais conclure avec une réflexion personnelle. Vos rapports avec vous-même et votre prochain seront fondés sur certains principes. Ma vie a été influencée de manière essentielle par un verset du saint Coran qui s'adresse à l'humanité entière.
Il dit ceci: « Ô hommes! Craignez votre Seigneur qui vous a créés d'un seul être et qui, ayant tiré de celui-ci son épouse, fit naître de ce couple tant d'êtres humains, hommes et femmes! » Je ne connais rien qui exprime plus merveilleusement l'unité de la race humaine, qui est bien née d'un seul être.
Merci.
Bismillahir Rahmanir Raheem.
Prime Minister, Speaker Kinsella, Speaker Scheer, hon. members of the Senate and the House of Commons, Chief Justice of the Supreme Court, hon. members of the diplomatic community, distinguished guests, ladies and gentlemen, the Prime Minister's generous introduction has been very kind. I am grateful for this invitation, for our association, and for so thoughtfully enabling leading representatives of our community and institutions around the world to join us on this occasion. Thank you, Prime Minister.
I am thankful that these leaders of the Ismaili community will have this opportunity to see for themselves why Canada is a leader in the community of nations. I must also thank you, Prime Minister, for inviting me to become an honorary citizen.
May I congratulate you on the gold medals of your remarkable hockey teams in Sochi. As an ex-player myself, I was hoping you would require your honorary citizens to join your team. I am convinced that the Dalai Lama and I would have been a formidable defence.
Thank you again for the invitation, Mr. Prime Minister.
It is an unprecedented honour for me to be here today. This is both a personal feeling and an objective observation, since I was told that this is the first time in 75 years that a spiritual leader has addressed a joint session of the Senate and the House of Commons during an official visit.
It is therefore with humility and a feeling of great responsibility that I speak to you, the elected representatives of the Canadian federal Parliament, in the presence of the highest authorities of the federal government.
I have the great privilege of representing the Ismaili Imamate, an institution that reaches across borders and, for over 1,400 years, has identified itself and been recognized by a growing number of states as the succession of the Shia Imami Ismaili imams.
As the 49th Imam in that long history, for over 50 years, I have carried two inseparable responsibilities: overseeing the spiritual journey of Ismailis and, at the same time, improving their quality of life and the quality of life of the communities in which they live.
Although there was a time where the Ismaili imams were also caliphs, which means heads of state—for example, in Egypt in the Fatimid period—today, my role is not a political one, since all Ismailis are first and foremost citizens of their native or adopted country.
The purview of the Ismaili Imamate is much greater now than it was in those days, since today, it is active in many areas of the world. With that in mind, I would like to share some thoughts with you that I think are important.
I propose today to give you some background about myself and my role and then to reflect upon what we call the umma, the entirety of Muslim communities around the world.
I will comment as a faith leader on the crisis of governance in so much of the world today, before concluding with some thoughts about the values that can assist countries of crises to develop into countries of opportunity and how Canada can help shape that process.
First then, a few personal words.
I was born into a Muslim family, linked by heredity to the Prophet Muhammad. May peace be upon him and his family.
My education is blended in Islamic and western traditions. I was studying at Harvard some 50 years ago—actually, 56 years ago—when I became the hereditary Imam of the Shia Imami Ismaili Muslims. The Ismaili Imamate is a separate national entity, representing the succession of imams since the time of the Prophet. Let me clarify something more about the history of that role, in both the Sunni and the sheer interpretations of the Muslim faith.
The Sunni position is that the Prophet nominated no successor and that spiritual moral authority belongs to those who are learned in matters of religious law. As a result, there are many Sunni imams in a given time and a given place. Others believe that the Prophet had designated his cousin and son-in-law Ali as his successor. From that early division a host of further distinctions grew up, but the question of rightful leadership remains central. In time the Shia were also subdivided over those questions, so that today the Ismailis are the only Shia community who throughout history have been led by a living hereditary imam in direct descent from the Prophet.
The role of the Ismaili imam is a spiritual one. His authority is that of religious interpretation. It is not a political role. I do not govern any land. At the same time, Islam believes fundamentally that the spiritual and material worlds are inextricably connected. Faith does not remove Muslims or their imams from daily practical matters in family life, in business, and in community affairs. Faith, rather, is a force that should deepen our concern for our worldly habitat, for embracing its challenges, and for improving the quality of human life. The belief in this fusion of faith and world is why much of my attention has been committed to the work of the Aga Khan Development Network.
In 1957, when I succeeded my grandfather as Imam, the Ismaili community lived for the most part in the colonies and ex-colonies of France, Belgium, and the British Empire, or behind the Iron Curtain. This is still a highly diverse community in terms of ethnicity, language, culture, and geography. They continue to live mostly in the developing world, though increasing numbers now live in Europe and North America.
Before 1957, individual Ismaili communities had their own social and economic institutions where that was allowed. There was no intent for them to grow to national prominence, and even less vision to coordinate their activities across frontiers.
Today, however, that situation has changed, and the Aga Khan Development Network has a strong presence in several dozen countries where appropriate regional coordination is also useful. The AKDN, as we call it, is composed of a variety of private non-governmental, non-denominational agencies, implementing many of the Imamate's responsibilities. We are active in the fields of economic development, job creation, education, health care, as well as important cultural initiatives.
Most of our AKDN activities have been borne from the grassroots of developing countries, reflecting their aspirations and fragilities. Through the years, of course, this landscape has changed fundamentally, with the creation of new states, like Bangladesh; the horrors of ethnic cleansing, in Uganda; the collapse of the Soviet empire; and the emergence of new countries with large Ismaili populations, such as Tajikistan. More recently, of course, we have faced the conflicts in Afghanistan and in Syria, but through all of these experiences, the Ismaili peoples have demonstrated an impressive capacity to persevere and to progress.
Our work has always been people driven. It grows out of the age-old Islamic ethic that is committed to goals with universal relevance: the elimination of poverty, access to education, and social peace in a pluralist environment. The AKDN's fundamental objective is to improve the quality of human life.
Among the great common denominators of the human race is a third aspiration, a common hope for a better quality of life. I was struck a few years ago to read about the UNDP survey of 18 South American states, where the majority of the people were less interested in their forms of government than in the quality of their lives. Even autocratic governments that improve their quality of life would be more acceptable for most of those polled than ineffective democratic governments. I cite that study, of course, with due respect to governmental institutions that have had a more successful story, including certain very distinguished parliaments.
The sad fact behind so much instability in our world today is that governments seem to be inadequate to these challenges. A much happier fact is that in the global effort to change this picture, Canada is an exemplary leader.
Let me now describe a few examples of a quarter century of close collaboration between AKDN and Canada. One of our earliest collaborations was to establish the first private nursing school in Pakistan, in co-operation with McMaster University and the CIDA of that time. It was the first component of the Aga Khan University, the first private university in that country. The nursing school's impact has been enormous. Many of those who now head other nursing programs in hospitals in the whole of the region, not just Pakistan, are graduates of our school.
Canada was also one of the first donors to the Aga Khan rural support program in northern Pakistan, tripling incomes in this remote marginalized area. The approaches developed there have shaped our further collaborations in Tajikistan, Afghanistan, Kenya, and in Mozambique.
Canada has also helped to establish the Aga Khan University Institute for Educational Development, in Karachi and East Africa, along with other educational initiatives in Kenya, Tanzania, Uganda, Mozambique, Afghanistan, Tajikistan, and Pakistan, including pioneering work in the field of early childhood development.
I could also speak about our close ties with Canadian universities, such as McMaster, McGill, the University of Toronto, and the University of Alberta, enhancing our own institutions of tertiary education, the Aga Khan University, and the University of Central Asia. The latter institution has resulted from the Imamate's unique tripartite treaty with the governments of Kazakhstan, Kyrgyzstan, and Tajikistan. It serves some 22 million people who live in central Asia on hillside and high mountain environments, areas of acute seismic and economic vulnerability.
I could list many more examples in cultural development and in scientific research. We are especially proud of the Global Centre for Pluralism here in Ottawa, a joint project of the Imamate and the Canadian government.
In just three years, Canada will mark its 150th anniversary, and the whole world will be ready to celebrate with you. Sharing Canada's robust pluralistic history is the core mission of our global centre, and 2017 will be a major opportunity for doing so. Operating from its headquarters in the former war museum on Sussex Drive, perhaps 2017, and the celebrations, can be a catalyst with our neighbours to improve the entire riverfront area around that building.
Our partnership in Canada has been immensely strengthened, of course, by the presence, for more than four decades, of a significant Ismaili community. Like most historical global communities, the Ismaili peoples have a variegated history, but surely our experience in Canada has been a particularly positive chapter. I happily recall the establishment of the delegation of the Ismaili Imamate here in 2008, and the Prime Minister's description that day of our collaborative efforts to make Canada “the headquarters of the global effort to foster peace, prosperity and equality through pluralism”. We are deeply pleased that we can today sign a new protocol with your government, further strengthening our ongoing platform for co-operation.
As we look to the next 25 years of the AKDN, we believe that our permanent presence in the developing world will make us a dependable partner, especially in meeting the difficult challenges of predictability. Against this background, let me move on to the broad international sphere, including the role of relations between the countries and cultures of Islam, what we call the umma, and non-Islamic societies. It is central to the shape of global affairs in our time.
I would begin by emphasizing a central point about the umma that is often unseen elsewhere: the fundamental fact of its immense diversity. Muslim demography has expanded dramatically in recent years, and Muslims today have highly differing views on many questions. Essential among them is that they do not share some common overarching impression of the west. It has become commonplace for some to talk about an inevitable clash of the industrial west and Islamic civilizations. However, Muslims do not see things in this way.
Those whose words and deeds feed into that point of view are a small and extreme minority. For most of us, it is simply not true. We find singularly little in our theological interpretations that would clash with other Abrahamic faiths, with Christianity and Judaism. Indeed, there is much that is in profound harmony.
When the clashes of modern times have come, they have most often grown out of particular political circumstances, the twists and turns of our relationships and economic ambitions rather than deep theological divides, yet, sadly, what is highly abnormal in the Islamic world gets mistaken for what is normal.
Of course, media perceptions of our world in recent years have often been conveyed through a lens of war, but that is all the more reason to shape global conversation in a more informed direction. I am personally aware of the efforts the Prime Minister has made to achieve this. Thank you, Prime Minister.
The complexity of the umma has a long history. Some of the most glorious chapters in Islamic history were purposefully built on the principles of inclusiveness. It was a matter of state policy to pursue excellence through pluralism. This was true from the time of the Abbasids in Baghdad and the Fatimids in Cairo over 1,000 years ago. It was true in Afghanistan and in Timbuktu in Mali, and later with the Sufavids in Iran, the Mughals in India, the Uzbeks in Bukhara, the Ottomans in Turkey. From the 6th to the 18th century, Al-Andalus thrived on the Iberian Peninsula under the Muslim aegis, but was also deeply welcoming to Christian and Jewish peoples.
Today, these Islamic traditions have been obscured in many places, from Muslims and non-Muslims alike. The work of the Aga Khan Trust for Culture, including the Aga Khan Award for Architecture and our historic cities program, is to revive the memory of this inclusive inheritance. Another immediate initiative is the Aga Khan museum, which will open this year in Toronto, an important testimonial in a Canadian setting to the immense diversity of Islamic cultures.
Perhaps the most important area of incomprehension outside the umma is the conflict between the Sunni and Shia interpretations of Islam and the consequences for the Sunni and Shia peoples. This powerful tension is sometimes even more profound than conflicts between Muslims and other faiths. It has increased massively in scope and intensity recently and has been further exacerbated by external interventions. In Pakistan and Malaysia, in Iraq and Syria, in Lebanon and Bahrain, in Yemen and Somalia and Afghanistan, it is becoming a disaster.
It is important, therefore, for non-Muslims who are dealing with the umma to communicate with both Sunni and Shia voices. To be oblivious to this reality would be like ignoring, over many centuries, that there were differences between Catholics and Protestants or trying to resolve the civil war in Northern Ireland without engaging both Christian communities.
What would have been the consequences if the Protestant and Catholic struggle in Ireland had spread throughout the Christian world, as is happening today between Shia and Sunni Muslims in more than nine countries? It is of the highest priority that these dangerous trends be well understood and resisted, and that the fundamental legitimacy of pluralistic outlooks be honoured in all aspects of our lives together, including matters of faith.
I would now like to address you in your other official language.
I just spoke about the misunderstandings between the industrialized world and the Muslim world and the conflict that is unduly affecting relations between the major traditions of Islam. Nevertheless, our hearts, minds and faith—for those who have it—tell us that it is possible to live in greater harmony.
In fact, recent changes have opened a door for us. Among these changes, I would like to point out how important the constitutional approach is in correcting existing constitutions that are proving to be inadequate as societies change, particularly in developing countries. This is a crucial issue that the duties of my position do not allow me to ignore.
You may be surprised to learn that 37 countries throughout the world have adopted a new constitution in the past 10 years and that 12 countries are in the later stages of modernizing their constitutions, which gives us a total of 49 countries. In other words, this movement affects a quarter of the member states of the United Nations. Of these 49 countries, 25% have a Muslim majority. This shows that, today, civil societies' demand for new constitutional structures has become inevitable.
At this point, I would like to take a moment to mention a particular difficulty the Muslim world is grappling with. Because of the way religious parties are structured, they support the principle that religion and state are inseparable. Consequently, when those parties are negotiating the terms of a constitution with stakeholders who demand the separation of religion and state, it is difficult to reach a consensus on the supreme law.
However, one country, the Republic of Tunisia, has recently demonstrated that it is possible. This is not the time or the place to delve into the details of the country's new constitution. However, it is the result of a truly pluralistic debate, and it appears to contain the rules needed to ensure mutual respect among the various segments of civil society. In particular, the country is embracing the concept of coalition, be it at the electoral or governmental level. That is a great leap forward for the expression of pluralism, which both Canada and the Ismaili Imamate are calling for.
This change gives rise to hope. The debate and conflict that are inherent in any pluralistic society are no longer taking place in the streets or public squares; they are taking place in the constitutional court, where the rule of law prevails. Over and above the contributions of the Tunisian constitutional experts, the preparatory work was an opportunity to hold consultations on comparative constitutional law.
In particular, I would like to commend the role played by legal experts from Portugal, a country that I hold in high regard. It, like Canada, has developed a civilization of mutual respect between communities and religious tolerance.
I am referring here to the law that has governed relations between the Portuguese Republic and the Ismaili Imamate since 2010. I am pleased to inform this esteemed assembly that this law, passed unanimously, recognizes the Ismaili Imamate as a supranational entity.
To conclude my remarks on the Tunisian constitution, I would like to quote François Hollande, President of the French Republic, who said this in Tunis:
...what sets your revolution—and your constitution—apart is the role played by civil society.
Clearly, the voices playing a major role in Tunisia are the voices of civil society. By civil society, I mean an array of institutions that operate on a private, voluntary basis, but are motivated by high public purposes. They include institutions devoted to education and culture, to science and research, and to commercial, labour, ethnic, and religious concerns. They include as well professional societies in law, accounting, banking, engineering, and medicine. Civil society encompasses groups that work on health and safety and environmental matters and organizations that are engaged in humanitarian service or in the arts or the media.
There is sometimes a tendency in the search for progress to focus solely on politics and government or on the private profit-making sector. Surely they both have roles to play, but in my view the world needs to pay more attention—much, much more attention—to the potential role of civil society. We see it expanding in many places, from sub-Saharan Africa to Tunisia and Egypt, from Iran to Bangladesh.
At a time of extreme danger in Kenya a few years ago, at the beginnings of a civil war, the former secretary-general of the United Nations, Kofi Annan, led the way to a peaceful solution, which rested heavily on the strength of Kenya's civil society.
Increasingly, I believe the voices of civil society are voices for change where change has been overdue. They have been voices of hope for people living in fear. They are voices that can help transform countries of crisis into countries of opportunity. There are too many societies where too many people live in a culture of fear, condemned to a life of poverty. Addressing that fear and replacing it with hope will be a major step toward the elimination of poverty, and often the call for hope to replace fear will come from the voices of civil society. An active civil society can open the door for an enormous variety of energies and talents from a broad spectrum of organizations and individuals. It means opening the way for diversity. It means welcoming plurality.
I believe that Canada is uniquely able to articulate and exemplify three critical underpinnings of a quality civil society: a commitment to pluralism, to meritocracy, and to a cosmopolitan ethic.
A cosmopolitan ethic is one that welcomes the complexity of human society. It balances rights and duties, freedom and responsibility. It is an ethic for all peoples, the familiar and the other, whether they live across the street or across the planet.
The Aga Khan Development Network has worked over five decades to assist in the enhancement of civil society, and as we look to its future, we are honoured that Canada views us as a valued partner. Thank you, Prime Minister.
One key to Canada's success in building a meritocratic civil society is your recognition that democratic societies require more than democratic governments. I have been impressed by recent studies showing the activity of voluntary institutions and not-for-profit organizations in Canada to be among the highest in the world. This Canadian spirit resonates with a cherished principle in Shia Ismaili culture: the importance of contributing one's individual energies, on a voluntary basis, to improving the lives of others. This is not a matter of philanthropy but rather of self-fulfilment, enlightened self-fulfilment.
During my golden jubilee six years ago, and this is important, Ismailis from around the world volunteered their gifts not only of wealth but, most notably, of time and knowledge in support of our work. We established a time and knowledge framework, a structured process, for engaging an immense pool of expertise involving tens of thousands of volunteers. Many of them travelled to the developing countries as part of this outpouring of service. One-third of those were Canadians. Their impact has been enormous in helping us achieve best practice standards in our institutions and programs, making us, we hope, an even better partner for Canada.
Such efforts thrive when multiple inputs can be matched to multiple needs, which is why Canada's immense economic diversity is such a valuable global resource.
One of the foundational qualities of Canada's civil society is its educational emphasis. Studies show that Canadian students, whether native or foreign born, perform in the very top tier of students internationally and that, indeed, more than 45% of the foreign-born population in Canada have a tertiary degree. This record of educational opportunity resonates strongly with the Shia Ismaili belief in the transformative power of the human intellect, a conviction that underscores AKDN's massive commitment to education wherever we are present, not only education for our faith but also education for our world. To do this, we are engaged in all levels of education.
The Aga Khan University in Karachi and in East Africa is expanding to create a new liberal arts faculty and to establish eight new post-graduate schools, in collaboration with several Canadian universities.
We share with Canada a deep appreciation of the potential of early childhood education. Congratulations, Prime Minister, for your initiative on this. It is the period of the greatest development of the brain. This education is one of the most cost-effective ways to improve the quality of life for rural as well as urban populations. In this regard, let me take a moment to salute the late Dr. Fraser Mustard, whose work in early childhood development will impact millions of people around the world. The AKDN has been fortunate to have been inspired and counselled by this great Canadian scientist and humanist.
Quality education is fundamental to the development of a meritocratic civil society and thus to the development of pluralistic attitudes. The history of Canada has a great deal to teach us in this regard, including the long incremental processes through which quality civil societies and committed cultures of pluralism are built. One of the watchwords of our new Global Centre for Pluralism is that pluralism is a process and not a product. I know that many Canadians would describe their own pluralism as a work in progress, but it is also an asset of enormous global quality.
Finally, what will a quality civil society require from us?
Sadly, the world is becoming more pluralist in fact but not necessarily in spirit. Cosmopolitan social patterns have not yet been matched by a cosmopolitan ethic. In fact, one harsh reality is that religious hostility and intolerance seem to be on the rise in many places, from the Central African Republic to the South Sudan to Nigeria to Myanmar, the Philippines, and other countries, between major religious groups and within them.
Again, Canada has responded in notable ways, including the establishment just one year ago of the Office of Religious Freedom. Its challenges, like those facing the Centre for Global Pluralism, are enormous, and its contributions will be warmly welcomed. Surely it will also serve as a worthy model for other countries.
In summary, I believe that civil society is one of the most powerful forces in our time, one that will become an increasingly universal influence, engulfing more countries, influencing, reshaping, and sometimes even replacing ineffective regimes. I also believe that civil society around the world should be vigorously encouraged and wisely nurtured by those who have made it work most successfully, Canada first among all.
I am most grateful to the Prime Minister, and to you, who have given me this opportunity to share, from a faith perspective, some of the issues that preoccupy me when looking ahead. I hope I have explained why I am convinced of the global validity of our partnership for human development.
Let me end with a personal thought. As you build your lives for yourselves and others, you will come to rest upon certain principles. Central to my life has been a verse in the Holy Quran, which addresses itself to the whole of humanity.
It says, “O mankind, fear your Lord, who created you of a single soul, and from it created its mate, and from the pair of them scattered abroad many men and women”. I know of no more beautiful expression about the unity of our human race, born indeed from a single soul.
Thank you.