Bonjour, mesdames et messieurs et madame la présidente. Je vous remercie de m'avoir invité à prendre la parole devant vous.
Je veux tout d'abord énoncer mon opinion de manière à ce qu'il ne subsiste aucune ambiguïté à ce sujet. À mon avis, la Société Radio-Canada n'a pas le droit de bloquer les demandes d'accès à l'information concernant ses transactions financières. À mes yeux, il est évident qu'une société qui touche des millions de dollars de fonds publics est tenue de faire preuve d'une transparence complète quant à la manière dont elle utilise ces fonds.
En outre, de la part d'une société qui possède un service de nouvelles s'appuyant sur un nombre considérable de données découlant de demandes d'accès à l'information, de la part d'une entité qui exprime son amer mécontentement lorsque ses demandes d'accès à l'information sont rejetées, il est hypocrite de refuser aux autres cet accès à l'information qu'elle-même réclame.
Je ne suis pas d'accord avec la SRC lorsqu'elle affirme que la divulgation d'informations de cette nature la placera en situation de désavantage concurrentiel. À mon avis, une telle affirmation est ridicule. De nombreux employés de CTV et de Global par exemple, ont travaillé auparavant pour la SRC, et à l'inverse, de nombreux employés de la SRC ont travaillé pour CTV et Global dans le passé. Il est tout simplement grotesque de croire que les uns ne savent pas comment les autres fonctionnent. Au sein du secteur canadien de la radiodiffusion, le phénomène de pollinisation croisée fait en sorte que chaque réseau sait comment les autres font leur travail, et que tous les réseaux travaillent et dépensent leurs fonds de façon semblable.
Si la SRC refuse de divulguer des renseignements concernant ses transactions financières, c'est uniquement parce qu'elle craint que certaines des erreurs qu'elle a commises et des gaspillages de fonds dont elle s'est rendue responsable qui seront rendus publics au bout du compte conduiront ceux qui tiennent à porter atteinte aux radiodiffuseurs publics à faire de la publicité négative à son égard et même à la tourner en ridicule.
Je crains que cette peur ne soit fondée. Au sein du milieu politique et de celui de la radiodiffusion, il y a toujours eu des opposants qui n'ont pas eu le moindre scrupule à s'en prendre à la SRC en se fondant sur des erreurs tirées hors de leur contexte et en exagérant l'importance de mauvaises dépenses insignifiantes. À l'heure actuelle, l'hystérie anti-SRC a atteint des proportions épidémiques. Les nouvelles diffusées sur les réseaux d'information constituent un excellent exemple du fait que des gens n'ont aucun scrupule à utiliser des données faussées et des allégations en grande partie exagérées dans le but de discréditer la SRC. De plus, il est bien connu que des parlementaires s'en sont pris à la SRC sans prendre le temps d'examiner l'objet et l'impartialité de leurs récriminations.
Indépendamment de tout cela, je persiste à croire que la SRC doit rendre publics ses livres comptables. Si elle n'aime pas la façon dont ils sont lus ou interprétés, elle a le devoir de fournir des explications au public qui finance ses activités, et de ne rien lui cacher.
Cependant — et il s'agit d'une restriction importante —, il y a une autre observation que je dois faire, observation incidente, mais digne d'intérêt pour nos présents travaux. À mes yeux, il est incroyable que des parlementaires ou des politiciens de quelque échelon de gouvernement que ce soit accusent la SRC de fournir des réponses évasives au public. Existe-t-il une quelconque entité qui tente davantage qu'un gouvernement de cacher les erreurs qu'elle a commises?
Si vous le permettez, je vais vous donner un exemple pour illustrer cela. Combien de temps ont mis les Canadiens, tant des particuliers que des journalistes, pour découvrir à quel point le montant dépensé pour les réunions du G8 et du G20 de l'été dernier s'approchait du milliard de dollars? Nous avons assisté au spectacle d'un ministre qui, durant la période des questions, refusait de répondre à des questions concernant la façon dont il avait dépensé les 50 millions de dollars affectés à l'organisation de ces sommets.
L'hypocrisie de la SRC n'a d'égale que celle dont font preuve les administrations à l'échelon fédéral, provincial, régional et municipal. Ce que je soupçonne, c'est que le gouvernement entoure ses activités de secret pour la même raison que la SRC se cache derrière des excuses, à savoir que si l'opposition, les médias et le public étaient au courant des bourdes qu'il a commises et de quelques-uns des mauvais emplois de fonds publics dont il s'est rendu responsable, cela représenterait une énorme source d'embarras pour les personnes qui tiennent les cordons de la bourse du pays.
Oui, la SRC doit ouvrir ses livres. Je souhaite que les tribunaux la forceront à le faire et prendront une décision défavorable à son égard.
De surcroît, il est temps que tous les Canadiens exigent du gouvernement le même degré de transparence que certains parlementaires exigent de la SRC. J'ai travaillé pour la SRC, pour CTV et pour Global, et il n'était pas rare que j'entende mes collègues évoquer le fait qu'ils devaient se rendre à Washington pour découvrir ce qui se passait à Ottawa. Le secret dont le gouvernement du Canada entoure ses activités est démesuré, et cela est absurde si l'on tient compte de la place qu'occupe dans le monde le Canada sur les plans économique, politique et stratégique.
J'estime que l'un des meilleurs moyens de forcer la SRC et les gouvernements du Canada à mettre de l'ordre dans leurs affaires consisterait à faire savoir au public à quels égards le gaspillage et les dépenses mal avisées se produisent. Une fois que la population canadienne connaîtra les erreurs ayant été commises, les personnes responsables n'auront d'autre choix que de réparer leurs erreurs, faute de quoi elles seront punies par leur congédiement ou quelque chose de pire encore. La plupart des Canadiens comprennent qu'il est normal que des sociétés aussi importantes que la SRC et que des entités politiques d'une ampleur semblable à celle des administrations fédérale, provinciales et municipales commettent des erreurs de jugement. Les Canadiens sont prêts à pardonner aux personnes qui reconnaissent leurs erreurs et prennent rapidement des mesures pour les réparer. C'est lorsque l'on tente d'étouffer une affaire et que l'on entoure ses activités de secret que l'on transforme inévitablement une simple erreur en scandale.
Permettez-moi de résumer mon propos. Oui, la SRC doit ouvrir ses livres. Cela dit, il me semble quelque peu inconvenant de chercher la paille dans l'œil de son prochain et de ne pas voir la poutre qu'on a dans le sien.
Merci de m'avoir écouté.