Monsieur le Président, pour continuer, il a déclaré:
La destruction de données n'est pas qu'un problème idéologique; c'est aussi un exemple flagrant de très mauvaise gestion financière.
Les décisions gouvernementales doivent être fondées sur des preuves et des faits, et la santé de notre démocratie dépend d'un public informé. Malheureusement, ce gouvernement s'attaque continuellement et délibérément à la science. Les conservateurs sabrent avec cynisme et de façon systématique dans le financement des programmes susceptibles de donner des résultats qui ne sont pas conformes à l'idéologie conservatrice.
Cependant, cette motion est plus qu'une condamnation de la guerre que le gouvernement mène contre la science et les scientifiques. Elle présente une feuille de route qui vise à faire en sorte que l'on cesse de voir la science à la manière de l'Inquisition médiévale pour reconnaître que, de nos jours, la liberté scientifique est à la base du progrès. Comme l'a affirmé le scientifique Sydney Brenner, lauréat d'un Prix Nobel, la science est le meilleur outil dont l'humain dispose pour régler les problèmes humains.
La motion demande au gouvernement d'annuler immédiatement l'ensemble des règles et règlements qui musellent les scientifiques fédéraux, de regrouper les travaux scientifiques créés ou financés par le gouvernement afin de les rendre facilement accessibles au grand public, et de permettre aux scientifiques de parler librement de leur travail, avec quelques exceptions déclarées publiquement.
La motion demande aussi au gouvernement de créer un poste de dirigeant principal de la science, dont le mandat serait notamment d’assurer que les travaux scientifiques du gouvernement sont accessibles sans contrainte à ceux qui les payent, c’est-à-dire le public.
Cette motion me donne l'occasion de réfléchir à l'avenir et à ce que pourrait réaliser un gouvernement qui ferait reposer ses politiques sur des données probantes et qui comprendrait l'importance de la recherche et des sciences. Nous devons revenir à l'époque où les conseils donnés aux ministres étaient transparents et publics. Nous avons déjà un exemple parfait de la manière dont les choses pourraient, et devraient se passer au Canada dans le Comité sur la situation des espèces en péril au Canada. Le COSEPAC, comme on l'appelle plus communément, a été mis sur pied en 1977 à l'issue de la conférence des directeurs de la faune du fédéral, des provinces et des territoires qui a eu lieu en 1976.
En 2003, la Loi sur les espèces en péril faisait du COSEPAC un organisme consultatif et le chargeait d'évaluer la situation des différentes espèces à partir des meilleures connaissances scientifiques et traditionnelles autochtones. La loi oblige en outre le gouvernement du Canada à tenir compte des désignations du COSEPAC lorsqu'il dresse la liste légale des espèces sauvages en péril. Mais surtout, le processus d'évaluation du COSEPAC est indépendant et transparent, et les résultats en sont communiqués à la fois au Conseil canadien pour la conservation des espèces en péril et au grand public.
La décision définitive demeure entre les mains du ministre, mais comme les recommandations scientifiques du comité sont rendues publiques, c'est alors au ministre d'expliquer pourquoi il ne suit pas à la lettre les recommandations de ces scientifiques. Les décisions du gouvernement doivent tenir compte de l'ensemble du contexte et reposer autant sur les principes scientifiques et économiques que sur le gros bon sens, et la totalité des données et des facteurs qui pèsent dans la balance devraient être communiqués de manière transparente au public.
Le Conseil consultatif des sciences de Santé Canada devrait renaître de ses cendres, et il devrait avoir pour mandat de non seulement conseiller le ministre sur les questions d'actualité, mais aussi de mettre sur pied les groupes de travail consultatifs qu'il juge appropriés. Ces groupes de travail devraient être impartiaux et à l'abri des conflits, et leurs conseils devraient être considérés comme véritablement indépendants. Ils devraient avoir les moyens de produire les meilleurs politiques possibles à partir des données disponibles, c'est-à-dire des politiques auxquelles les Canadiens peuvent prêter foi.
Les liens entre la recherche, les politiques et la pratique forment un cercle vertueux très important. Il est impératif que le gouvernement comprenne que, pour passer de la recherche à la politique, il faut interpréter les connaissances de manière éclairée et avec la contribution du public. Pour passer de la politique à la pratique, le gouvernement doit avoir la volonté de mettre en oeuvre des politiques fondées sur des données probantes, en temps opportun. Enfin, un gouvernement soucieux de se baser sur des données probantes se servira de la pratique pour peaufiner les questions de recherche, en finançant la recherche appliquée dans les collectivités, sur le terrain. Voilà qui permet la formulation de meilleures hypothèses de recherche, qui contribueront à leur tour à de meilleures politiques et de meilleures pratiques.
Ce cercle vertueux ne fonctionne adéquatement que si les citoyens sont au courant des travaux de recherche existants et de leurs conclusions. Ce n'est qu'ainsi qu'ils peuvent obliger le gouvernement à rendre des comptes et poser les questions suivantes: pourquoi tels travaux de recherche ne se sont pas traduits en politique publique? Pourquoi telle politique n'a-t-elle pas été mise en pratique? Est-ce que telle pratique est évaluée adéquatement? Dans un cercle vertueux, c'est ainsi qu'on fait en sorte que le gouvernement finance les programmes qui sont efficaces et abolisse ceux qui ne fonctionnent pas.
Lorsque le public est véritablement informé, ce cercle vertueux évolue rapidement. C'est cet objectif que nous voulons atteindre aujourd'hui. Nous souhaitons faire comprendre au gouvernement que, en muselant les scientifiques et en les empêchant de communiquer directement avec le public et leurs collègues étrangers ou de l'extérieur du gouvernement, il empêche ultimement les Canadiens d'exiger véritablement des comptes de sa part. Cela prive aussi le Parlement de faire de même et d'insister pour que les politiques soient fondées sur des données probantes, et non ancrées dans une idéologie.
Les Canadiens méritent un accès complet à l'information produite par les scientifiques dont ils paient les salaires. Je presse tous les députés d'appuyer la motion à l'étude et je remercie mon collègue de l'avoir présentée.