Madame la Présidente, je suis très heureux de me lever à la Chambre pour parler de cette motion.
Je peux dire que nous allons voter en faveur de cette motion, bien que nous soyons en désaccord sur le libellé et particulièrement sur le préambule et le préambule amendé. Je pense que nous pourrions avoir une discussion pour déterminer s'il s'agit d'un niveau d'imposition élevé ou non. Nous pensons que ce n'est pas si élevé que cela, par comparaison avec ce qu'on voit dans les autres pays de l'OCDE.
En ce qui a trait à la dernière partie de la motion, effectivement, nous sommes d'accord pour dire que les assurances pour les soins dentaires et les soins de santé ne devraient pas être imposées, à tout le moins, pas avant que le gouvernement nous ait présenté un contexte réel pour l'analyse exhaustive du système fiscal qui est censée être faite.
Il est très important de considérer le régime fiscal dans son ensemble. J'aimerais citer ce que John Ivison, du National Post, a écrit, le 2 décembre, après avoir appris que le gouvernement envisageait d'imposer les prestations de soins de santé et de soins dentaires: « Dan Lauzon, porte-parole du ministre des Finances [...] a affirmé qu'aucune décision n'a été prise et qu'aucune mesure ne serait prise de façon isolée. » Or, ce qu'il a écrit ensuite est encore plus intéressant. Je le cite: « L'exemption fiscale visant les régimes de soins santé financés par les employés est incluse dans un vaste examen de 150 crédits d'impôt qui représentent environ 100 milliards de dollars par année en recettes non perçues par le gouvernement fédéral. »
Le gouvernement a dit que le régime fiscal ne fonctionne pas. Nous sommes d'accord. Il a dit qu'il faut revoir le régime fiscal. Nous sommes d'accord. Cependant, examiner les dépenses fiscales, les exemptions fiscales, les déductions fiscales et les crédits d'impôt, ce n'est pas une révision du régime fiscal. Encore une fois, le gouvernement hausse les attentes de la population en disant qu'il va s'attaquer au vrai problème, en l'occurrence l'iniquité du régime fiscal. Les gens ne croient pas que le régime fiscal est équitable. Ils ne croient pas que tout le monde est traité de la même façon. Le gouvernement soutient qu'il a apporté sa contribution en examinant l'ensemble des crédits d'impôt et des déductions fiscales et que le pays a un tout nouveau régime fiscal. Ce n'est pas la première fois qu'un gouvernement nous amène sur cette voie.
Dans les années 1960, la Commission Carter a effectué la dernière révision réelle du système d'impôt actuel. Je n'entrerai pas dans les détails de cette commission, parce que bien des gens l'ont fait avant moi. Ce travail a été extrêmement exhaustif et a duré cinq bonnes années.
Ce rapport a été, en conclusion, l'un des mieux reçus dans le monde entier. Il s'agissait d'un travail sérieux effectué pour que l'on ait, à l'époque, un système d'impôt adapté à la réalité d'alors. Il faut se rappeler que l'impôt sur le revenu existe depuis 1917. En 1960 ou en 1965, on avait encore un système adapté pour la Seconde Guerre mondiale. Ce travail était sérieux; il avait été commandé par le premier ministre progressiste-conservateur de l'époque, John Diefenbaker, et a été poursuivi par le ministre libéral, Lester B. Pearson.
La conclusion s'est faite sous le premier ministre Trudeau, qui a pris l'ensemble du travail qui avait été effectué pour le réduire à quelques recommandations qui ont été acceptées. L'essence même du rapport, qui était de traiter équitablement chaque dollar de revenu, a été glissé sous le tapis. Finalement, on s'est retrouvé avec un système ayant subi quelques changements sans qu'il ait vraiment atteint les objectifs de cette étude exhaustive.
Si je nous ramène dans l'histoire, c'est que nous assistons présentement à la même tentative de berner les citoyens canadiens. On leur dit qu'on les comprend et qu'on fera le travail pour rendre le système plus équitable.
Or ce que nous voyons avec la proposition concernant l'imposition de l'assurance-maladie et de l'assurance-dentaire privée, c'est un ballon d'essai qui ne vise pas à rendre le système davantage équitable, mais qui vise plutôt à aller chercher des revenus dans une poche des contribuables, alors qu'on tente de les convaincre qu'on leur a mis de l'argent dans l'autre poche.
C'est une question très importante parce qu'elle sera cruciale pendant les années à venir, non seulement pour le gouvernement actuel, mais pour tous les gouvernements futurs.
La dernière révision globale du régime fiscal a été faite dans les années 1960. Depuis, il n'y a pas eu de changements importants, à l'exception de quelques-uns apportés, pendant les années 1980, par le ministre des Finances Michael Wilson; selon nous, ils n'ont pas rendu le régime plus équitable.
Pour ce qui est de soumettre le régime fiscal à une révision en profondeur, je rappelle qu'on parle ici de 3 000 pages de texte juridique incompréhensible que même les fiscalistes, qui passent leur vie à les étudier, ont du mal à comprendre. Nous sommes dans une situation où le régime fiscal nuit à l'économie. Il nuit à la croissance et au rendement économiques.
Je ne suis pas le seul à dire cela. La plupart des économistes disent que la complexité de notre système d'impôts permet à n'importe qui — en tout cas à n'importe quel fiscaliste — de créer une industrie basée sur les échappatoires, ce qui rend le régime de moins en moins équitable, de moins en moins juste, au point de constituer un poids pour l'économie. Dans une telle situation, l'une des priorités absolues de tout gouvernement devrait donc être de simplifier pour vrai le régime fiscal.
Simplifier le régime fiscal ne se résume pas simplement à inventer des astuces, comme un impôt à taux unique, ou impôt forfaitaire. Nous ne devrions pas nous contenter de dire que nous allons revoir les crédits d'impôt pour essayer de faire certaines économies, car qui dit économies dit ponction dans les poches des contribuables. Ce n'est pas simplifier le régime fiscal, ça, c'est tromper les gens.
Si on se rappelle les engagements qu'ils ont pris pendant la dernière campagne électorale, on s'aperçoit que les libéraux se montrent très habiles à tromper les électeurs.
Nous l'avons vu hier, lorsqu'il était question de la fameuse annonce sur la réforme électorale, une promesse faite la main sur le coeur. On était allé chercher les électeurs néo-démocrates et libéraux en leur promettant une réforme électorale visant à ce qu'aucun vote ne soit inutile. Aujourd'hui, un an et demi plus tard, les électeurs savent qu'ils se sont fait berner par ce gouvernement.
Regardons l'ensemble des mesures qui ont été promises, notamment celles qui ont trait aux Premières Nations. Ce gouvernement a dit qu'il allait mettre fin aux poursuites entamées par le précédent gouvernement visant à porter en appel les décisions en faveur des enfants autochtones et des différentes communautés des Premières Nations. Ces décisions forcent le gouvernement à respecter ses engagements traditionnels envers les Premières Nations.
Mon collègue d'Abitibi—Baie-James—Nunavik—Eeyou, mon collègue de Timmins—Baie James et ma collègue du Nord de la Saskatchewan, dont le nom de la circonscription est très long, font un travail absolument incroyable pour s'assurer que ce gouvernement respecte ses engagements envers les Premières Nations, auxquels celles-ci ont cru.
Tous les engagements et promesses brisés commencent à s'accumuler. Un autre exemple est celui du projet de loi C-51. On allait le réformer, l'abolir ou le transformer, mais rien n'est fait.
Aucune mesure n'est prise. Le gouvernement libéral a martelé qu'il fallait changer ensemble durant la campagne électorale. En réalité, si on effectue la comparaison avec le gouvernement conservateur précédent, il semble que changer ensemble équivaut à garder les décisions et l'attitude de son prédécesseur.
Les libéraux se targuent d'agir de façon progressiste. Ils conservent la cible conservatrice en matière de changements climatiques, mais elle devient soudainement progressiste. Ils maintiennent l'entente avec l'Union européenne, et elle subit la même transformation. Tout ce que les conservateurs ont fait, ils le récupèrent, mais ils lui apposent l'étiquette progressiste. Voilà ce que signifie « changer ensemble » selon le gouvernement actuel.
Maintenant, nous faisons face à une situation où les libéraux ont promis d'alléger le système d'impôt et de le rendre plus équitable. Ils avaient raison de le promettre, comme nous le promettons aussi.
Pourquoi? Parce que le système actuel est une véritable passoire. Parce qu'il est si complexe qu'une industrie entière, comme je l'ai dit, s'est établie afin de créer des échappatoires fiscales et de tenter de tirer avantage de chaque imprécision dans les 3 000 pages de la Loi de l'impôt sur le revenu.
Nous savons également que la complexité du système est telle que les coûts d'observation pour les entreprises et les citoyens sont de plus en plus élevés. Ils sont en hausse. Il devient de plus en plus coûteux de respecter ses obligations à titre de citoyen afin de contribuer au bien-être du pays. Nous devons le faire — et c'est une bonne chose —, mais nous dénonçons le fait que les gens doivent payer plus parce que le système est plus difficile à comprendre.
Pire encore, le système ne cesse de gagner en complexité. Un des problèmes principaux associés à l'impôt est celui des paradis fiscaux et de l'évasion fiscale. Avec l'aide de cette industrie à la recherche d'échappatoires, certaines entreprises vont trop loin: le subterfuge n'est plus considéré comme légal et devient un mécanisme, une stratégie, d'évasion fiscale.
C'est extrêmement difficile pour l'Agence de revenu du Canada, dont je suis un critique exigeant. L'agence n'a pas les ressources adéquates pour assurer le respect de la loi, qui est très complexe.
Tout cela, ce sont des problèmes que nous réalisons maintenant. Ce sont des problèmes auxquels nous devons faire face et devant lesquels le gouvernement a la responsabilité d'agir, et ce, de manière structurée. Une étude a été proposée au Comité permanent des finances pour faire une révision exhaustive du système fiscal. C'est ce que dit la motion. Elle ne donne aucun détail et aucune direction. Elle ne donne aucun mandat au Comité permanent des finances. Cela va commencer mercredi prochain. Qu'allons-nous faire? Nous écouterons différents témoins incluant des comptables, ainsi que des représentants, j'en suis certain, de la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante et d'autres organisations. Je peux déjà dire ce qu'ils vont venir nous dire. Ils diront devant nous que le système est trop complexe, qu'il doit être changé, simplifié.
Nous passerons trois, quatre, cinq, voire six séances à écouter tous ces témoins, qui diront tous la même chose. Comment je le sais? Je le sais pour les avoir entendus par le passé dire ces mêmes choses. Le comité des finances perdrait son temps. C'est peut-être l'intention de la motion, en fait. Nous savons, pour l'avoir entendu du porte-parole du ministre des Finances, que le ministère travaille actuellement à la même étude. Toutefois, ce que le ministère prétend être un examen fiscal exhaustif n'est rien de plus qu'un examen des dépenses fiscales.
Combien de pages les dépenses fiscales prennent-elles dans la Loi de l'impôt sur le revenu? Elles en prennent peut-être quelques dizaines sur les 3 000. Comme je l'ai dit, le régime actuel est si complexe que nul ne peut prétendre le maîtriser complètement.
Si le gouvernement avait vraiment le courage et l'intention de faire en sorte que le système fiscal soit approprié, il irait nettement plus loin. Il peut en fait mettre sur pied une commission, non une commission royale comme la Commission Carter qui a siégé dans les années soixante, mais plutôt une commission composée d'experts triés sur le volet, notamment des secteurs syndical, commercial et universitaire. Cette commission aurait pour tâche d'examiner le système fiscal. Je ne crois pas vraiment que le ministère des Finances puisse faire un examen optimal.
Par surcroît, je n'ai qu'une confiance très limitée dans la capacité du comité des finances d'effectuer un tel examen, non parce que je n'en apprécie pas les membres, mais plutôt à cause de la complexité de la tâche et du fait qu'il n'a pas suffisamment de temps. Bref, nous n'avons ni les ressources ni l'expertise nécessaires.
Si le gouvernement était vraiment sérieux, il se pencherait sur la possibilité de créer une commission d'experts reconnus dans leur domaine. Cependant, comme nous l'avons vu depuis qu'ils sont au pouvoir, les libéraux se contentent de jeter de la poudre aux yeux et de faire des promesses en l'air auxquelles ils ne donnent pas suite, ou si peu, mais prétendent néanmoins tenir parole.
Ces membres pourraient avoir des croyances et des tendances politiques divergentes, mais ils auraient tous le même objectif, la même résolution et la même vision, soit de moderniser un régime désuet qui a été établi au milieu du XXe siècle, avant l'arrivée des ordinateurs, de la mobilité du capital et de la mondialisation, comme l'a fait le président Carter dans les années 1960.
Je mets le gouvernement au défi de réellement prendre une telle initiative et de nous faire croire que ce n'était pas une autre promesse en l'air qui visait à réconforter les Canadiens au sujet du régime, et qu'il comprend que nous savons que le régime est inéquitable.
Les Canadiens ont de moins en moins confiance dans le régime fiscal canadien. Ils ne croient plus qu'il est équitable. Ils ne croient pas que tout le monde paie sa juste part. Personne n'aime payer de l'impôt. Nous pouvons tous en convenir. C'est une réalité qu'il est toujours difficile d'accepter. Cependant, les gens accepteront de le payer s'ils savent que leur impôt sera réellement dépensé à bon escient, qu'il sera dépensé pour le bien commun et qu'il servira à financer des projets communs au Canada.
Les gens seront aussi d'accord s'ils savent que tout le monde fait sa juste part. Quand on parle aux Canadiens, l'une des premières choses qu'ils disent à ce propos, c'est qu'ils ont l'impression de se faire avoir, qu'il y a deux systèmes: un pour les riches et un pour eux. Celui pour les riches, celui pour les mieux nantis est pour ceux qui peuvent se permettre les conseils de firmes qui vont leur dire comment investir leur argent aux Bahamas, en Suisse, au Luxembourg ou à l'île de Man, comme on l'a vu, tandis qu'eux sont obligés de payer.
Je donne un autre exemple pour montrer à quel point le système est injuste. Si ces gens qui ont investi à l'île de Man, aux Bahamas ou ailleurs, sachant très bien qu'ils cachaient leur argent de l'impôt, se font attraper, on va leur dire que ce n'est pas plus grave que cela, de rapporter leur argent ici, de simplement payer l'impôt qu'ils auraient dû payer et que tout sera pardonné. Par ailleurs, si un contribuable n'a pas les moyens de faire cela, se fait attraper, ou même fait une erreur technique, on peut être sûr d'une chose, c'est que l'Agence du revenu du Canada ne le lâchera pas tant qu'il n'aura pas payer ce qu'il doit, en plus des intérêts et de la pénalité.
On peut donc pardonner aux contribuables, aux citoyens canadiens, de penser qu'il existe un système pour une classe de gens et un autre système pour eux.
Nous, c'est-à-dire le NPD, avons tenté de soulever la question auprès du comité des finances, comme d'autres membres néo-démocrates du comité l'ont fait par le passé. Nous présentons constamment des motions pour étudier le régime fiscal et les paradis fiscaux. La dernière portait sur le stratagème de KPMG à l'île de Man.
Les premières réunions se sont déroulées plutôt bien et je dois admettre que tous les membres étaient vraiment enthousiastes. Cependant, à partir de la quatrième réunion, presque toutes les questions posées, à l'exception de celles de ce côté-ci, étaient des questions faciles. Cela ne contribue pas vraiment à augmenter la confiance des Canadiens dans le régime et la capacité de la Chambre de s'attaquer à ce sujet important.
En résumé, il faut se rappeler que nous discutons présentement d'un enjeu que le gouvernement lui-même avait défini, c'est-à-dire la possibilité de voir les avantages sociaux que sont l'assurance-maladie et l'assurance-dentaire fournies par l'employeur éventuellement imposés. Cela avait été justifié par le besoin de procéder à une révision systématique et exhaustive du système fiscal. Or lorsque la pression est devenue trop élevée, les libéraux ont rejeté cette possibilité. C'était un ballon d'essai.
Toutefois, cette question de l'examen systématique du système fiscal est extrêmement importante. Elle a été promise par le gouvernement. La crainte que j'exprime présentement, c'est que j'ai bien peur qu'il s'agisse d'une autre promesse du même genre que celle de la réforme électorale et de bien d'autres promesses qui visaient à convaincre les Canadiens que les libéraux formaient un parti empathique à leurs besoin et à leurs désirs. Finalement, ils ne visaient qu'à leur soutirer leurs votes pour pouvoir se retrouver de l'autre côté et ensuite gérer les attentes.
En ce sens, j'espère que nous verrons du mouvement significatif de la part du gouvernement au Comité permanent des finances ou au ministère des Finances.