Monsieur le Président, je remercie le député de Lévis—Lotbinière de ses interventions. Je suis fier de siéger à la Chambre avec lui. Je le connais depuis plusieurs années, depuis que j'étais un membre du personnel d'un autre député, qui est aussi à la Chambre aujourd'hui, soit le député de Bellechasse—Les Etchemins—Lévis.
J’écoute le débat depuis ce matin. J’ai écouté la ministre ainsi que les interventions des autres députés. Le député de Charlottetown a présenté des arguments intéressants. J’ai particulièrement apprécié l’intervention du député de LaSalle—Émard—Verdun, qui est un ancien juriste et qui nous a fait part de ses impressions quant au sens de la motion. Le député qui est un fier Acadien de la Nouvelle-Écosse a également contribué.
J’ai examiné le libellé de la motion et surtout ce que signifie un vote en sa faveur. Il y a un passage qui demande au gouvernement de respecter la coutume en matière de représentation régionale pour la nomination des juges à la Cour suprême du Canada.
Lorsque nous nous prononçons sur un texte à la Chambre, notre vote est important. Je parcours ma circonscription, et je vais dans différentes écoles. J’explique aux étudiants notre façon de voter, les raisons pour lesquelles nous votons et comment nos votes sont comptabilisés. Je prends également la parole devant des groupes d’hommes et de femmes dans différentes églises. Je leur dis qu’il n’existe pas de vote qui soit véritablement libre, et que tout vote a des conséquences.
John Pepall, un journaliste et professeur agrégé qui a écrit un excellent livre, dans lequel il s'oppose à une réforme du vote, affirme que le vote libre n'existe pas, que chaque vote a une conséquence et donne un résultat bien précis. Si les députés ministériels décident d'appuyer cette motion, plus particulièrement les 32 députés du Canada atlantique, ils devront veiller à ce que la personne qui sera nommée pour remplacer le juge Cromwell à la Cour suprême vienne du Canada atlantique. S'ils votent pour respecter la coutume, ils devront par conséquent s'assurer que ce poste sera occupé par un Canadien de l'Atlantique. Par définition, s'ils appuient la motion, ils appuient aussi la coutume. Ils doivent faire un choix.
Ils ne peuvent pas jouer sur les mots en ce qui concerne la définition des termes « coutume » et « convention ». De nombreuses associations et organisations juridiques ont dit que cet enjeu est une convention. Pour déterminer à partir de quel moment il y a une différence entre les deux termes, il faudrait tenir un débat juridique, et c'est pour cette raison que le gouvernement aurait pu agir de façon tout à fait différente. Il aurait pu présenter un projet de loi d'initiative ministérielle et indiquer que c'est de cette façon que les juges de la Cour suprême seraient nommés, qu'il faudrait respecter un ensemble de critères, puis décider qu'il ne serait désormais plus aussi important d'assurer la représentation régionale. La représentation régionale serait un critère parmi tant d'autres, au lieu du principal critère, et il faudrait tous les respecter.
Ce n'est pas ce qu'a fait le gouvernement. Il a adopté un processus semi-transparent, un processus en quelque sorte secret. Le premier ministre prendra la décision définitive, puis présentera sa recommandation au gouverneur général, qui prendra de toute évidence sa décision en se fondant sur ce que le premier ministre lui dit de faire.
La représentation régionale est une tradition établie au moment de la constitution du Canada. La plupart de nos institutions sont liées à des régions de notre pays. En tant que fier Franco-Albertain, j'estime qu'il est important de respecter ces institutions, la façon dont le Parlement a été formé et comment on en est arrivé à la Confédération. Par conséquent, respecter la tradition signifie que le vote qui sera tenu ici va signifier quelque chose. Il doit signifier quelque chose. Ce n'est pas un vote libre: il aura des conséquences.
Les libéraux pourraient affirmer qu'ils vont tenir compte de la diversité en tentant de remplir certains critères. Ils ont énoncé certains des critères qu'ils voudraient remplir. Cependant, ils pourraient également choisir quelqu'un qui, en fin de compte, remplit un certain nombre de ces critères et qui vient du Canada atlantique. Pourquoi ne pourraient-ils pas nommer un Terre-Neuvien à la Cour suprême? Il n'y a jamais eu de juge de Terre-Neuve à la Cour suprême. Le gouvernement doit trouver une personne qui possède suffisamment d'expérience sur le plan juridique, qui est un grand juriste et qui remplit les critères des cours.
La nouvelle méthode de nomination préconisée par le premier ministre ne garantit pas la présence d'au moins un juge provenant de cette région. La coutume a souffert deux exceptions, il est vrai, mais deux exceptions ne font pas la règle dans le grand nombre de nominations de juge qui ont eu lieu à la Cour suprême. Si au moins un juge vient des provinces de l'Atlantique, alors la coutume est respectée, et la coutume finit par devenir une convention.
Si le premier ministre devait nommer quelqu'un de l'extérieur de la région de l'Atlantique pour remplacer le juge Cromwell, cette région n'aurait plus aucun juge à la Cour suprême, et qui sait pendant combien de temps. La prochaine fois qu'un juge prendra sa retraite, le gouvernement nommera peut-être un juge de la région de l'Atlantique, mais rien n'est certain. Si c'était l'Ontario qui perdait un juge pendant un, deux ou trois ans, le choix serait vraisemblablement défendable. Mais la région de l'Atlantique a un seul juge à la Cour suprême. Je suis certain que, si un juge de l'Alberta ou d'une autre province de l'Ouest démissionnait, les Albertains seraient d'avis qu'il faudrait autant que possible nommer une personne de leur province ou d'une autre province de l'Ouest pour occuper le poste vacant.
Pour l'instant, le Québec est la seule région pour laquelle la Constitution prévoit un certain nombre de juges à la Cour suprême. Les juges en question doivent être membres du Barreau du Québec pour être nommés.
Après avoir écouté tout le débat d'aujourd'hui, je voudrais le poursuivre sur un thème que j'exploite dans cette enceinte depuis le début. Un proverbe yiddish dit ceci: quiconque répète assez souvent qu'il a raison finira par s'apercevoir qu'il a tort.
Les libéraux ont comme leitmotiv le respect de la diversité. Ils souhaitent voter pour cette motion et respecter la tradition, mais ils ne veulent pas nous garantir qu'un juge de la région de l'Atlantique sera nommé à la Cour suprême.
Les libéraux ont l'intention de voter pour la motion, par respect pour la coutume. Ils refusent toutefois de garantir qu'ils adhéreront à celle-ci en nommant un juge du Canada atlantique. Pourquoi alors voter pour la motion? Ils devraient voter contre. De toute évidence, la coutume n'a aucune importance dans le cas qui nous occupe. Ils sont libres de faire ainsi. C'est le choix qu'ils font, qui est tout à fait acceptable. Nous serons en désaccord et voterons autrement. Il y a davantage de libéraux présents, étonnamment, donc, je présume que la motion sera rejetée. Ils ont cette option. Ils peuvent choisir de ne pas le faire. Ils veulent le beurre et l'argent du beurre. Ils veulent affirmer une chose et faire le contraire par la suite.
Depuis mon arrivée au Canada avec ma famille, en 1985, la plupart des gouvernements libéraux ont agi de la sorte. Ils disent ou promettent une chose et ils font tout autrement. Ils atteignent toutefois un tout autre niveau lorsqu'ils se comportent ainsi à la Chambre, en votant pour une chose sans aucune intention d'y donner suite, en soutenant qu'ils respectent la coutume sans projeter de l'appliquer. Je n'ai jamais vu cela.
Le Cape Breton Post a publié un éditorial que j'ai trouvé fantastique et qui s'intitule « Ce n'est pas la diversité qui manque ». On peut y lire ce qui suit: « [le premier ministre] n'a aucune excuse pour exclure les Canadiens de l'Atlantique du processus de nomination à la Cour suprême du Canada ».
L'éditorial va assez loin. Il parle d'exclusion. Je n'irai pas jusque là. Je ne dis pas que les Canadiens de l'Atlantique sont exclus. Toutefois, je crois que le poste devrait revenir à un Canadien de l'Atlantique afin de respecter l'institution du Parlement, les traditions, l'histoire et nos origines ainsi que celles de notre pays.
Si le régionalisme n'est plus un moyen valable de répondre aux besoins de diversité, le gouvernement devrait le dire. Comme je l'ai déjà affirmé, il pourrait proposer une mesure législative où il précise que le régionalisme est maintenant l'un des nombreux critères à prendre en considération pour une nomination gouvernementale.
Alors, quelles exigences de diversité souhaitons-nous voir respecter et comment allons-nous les classer ou les hiérarchiser? Allons-nous fixer 30 exigences différentes, ou y en aura-t-il trois, quatre, cinq ou six? Lesquelles seront les plus importantes?
Ce sont des décisions que le gouvernement doit prendre, mais nous pouvons les critiquer.
Avec le temps, si les remplacements successifs à la Cour suivent un certain modèle, ce modèle devient la convention. Ou plus précisément, il devient d'abord la tradition, puis, plus tard la convention, selon le temps qu'il dure.
Le gouvernement aurait pu proposer, encore une fois, comme je l'ai mentionné déjà, un projet de loi d'initiative ministérielle à ce sujet. Il a eu un an pour ce faire. Il savait qu'une retraite s'en venait. Ce n'est pas une surprise. Ce n'est pas arrivé du jour au lendemain. Il aurait donc pu proposer un projet de loi d'initiative ministérielle pour déterminer comment les nominations s'effectueront.
Certains députés ont parlé de la décision relative au renvoi concernant le juge Nadon. Le juge Nadon a été jugé inadmissible pour siéger à la Cour suprême, mais la Cour a dit que le Parlement n'a pas le droit unilatéral de modifier la composition de la Cour. Aujourd'hui, c'est l'exécutif qui prend cette décision, ce qui est tout aussi déplorable. Si le Parlement ne peut prendre cette décision, alors l'exécutif non plus. Par conséquent, cela devrait constituer une modification de la Constitution.
Je crois réellement que préserver le siège du Canada atlantique est, je le répète, une reconnaissance du passé et du futur du Canada. Nous devons continuer de respecter la représentation régionale.
Donc, les libéraux font la promotion d'un concept de la diversité qui me semble exclure les régions. Il semble que les régions ne sont plus importantes. Et comme conservateurs, nous sommes bien sûr enthousiastes pour toutes les conventions parlementaires et les traditions de notre pays. La Cour suprême du Canada est une institution fondamentale qui devrait, comme le Parlement, refléter la diversité régionale pour refléter notre nation. C'est bien la raison d'être de la convention, et je crois que l'intégrité et la validité constitutionnelle de la Cour suprême seront compromises si on ne choisit pas un candidat du Canada atlantique.
Je termine en citant Ray Wagner:
Cela soulève des questions sur le régionalisme qui sont très importantes pour les Canadiens de l'Atlantique et leur participation à la Confédération. Le problème est que nous allons être engloutis par les régions à plus forte population qui bénéficient des nominations et que nous serons oubliés et marginalisés, en quelque sorte.
Ray Wagner est porte-parole des avocats plaidants du Canada atlantique qui portent maintenant l'affaire en justice.
Je crois que, si les libéraux sont fidèles à eux-mêmes, ils voteront contre la motion, car il est évident qu'ils ne croient pas à cette tradition.