Monsieur le Président, c'est avec plaisir que je prends la parole au sujet du projet de loi C-331, présenté par le député de New Westminster—Burnaby.
Je vais décrire le projet de loi et ses objectifs. Je tiens également à parler de l'état de la nation, et de la manière dont ce projet de loi vise à modifier le système judiciaire fédéral.
Le projet de loi a pour but de modifier la « [...] Loi sur les Cours fédérales afin de conférer compétence à la Cour fédérale dans les actions au civil intentées par des non-Canadiens relativement à des violations du droit international ou de traités auxquels le Canada est partie qui auraient été commises à l’étranger. »
En présentant ce projet de loi d'initiative parlementaire, le député souhaitait traiter les cas où, par exemple, des entreprises canadiennes implantées dans d'autres pays n'adoptent pas un comportement socialement responsable et bafouent d'une manière ou d'une autre les droits de la personne des citoyens de ces pays.
Dans son discours, que j'ai passé en revue, le député a nommé un certain nombre d'entreprises à titre d'exemples. Bon nombre d'entre elles étaient des sociétés minières, comme Nevsun Resources, qui possède une mine d'or, de zinc et de cuivre en Érythrée et dont les travailleurs ont fait des allégations de travail forcé, d'esclavage et de torture. Un autre exemple est celui de Hudbay Minerals au Guatemala, où des gens ont été abattus. Le projet de loi a pour but de permettre à des gens qui ne sont peut-être pas Canadiens et qui ont été victimes d'un incident à l'extérieur du Canada d'intenter des poursuites civiles devant la Cour fédérale du Canada.
Tout d'abord, mon problème, c'est que le système judiciaire fédéral, tel qu'il existe aujourd'hui, sous le gouvernement libéral actuel, est en lambeaux. L'ancienne ministre de la Justice n'a pas nommé suffisamment de juges; les causes devant les tribunaux ont donc été retardées et il y a eu un énorme engorgement. Par conséquent, les tribunaux ont rejeté de nombreuses affaires de meurtre et de viol parce qu'elles étaient en attente depuis plus de deux ans et, conformément au principe de Jordan, ces personnes, qui sont coupables de crimes odieux, ont été libérées.
Le gouvernement n'a cessé de miner l'application de la justice au Canada en affaiblissant les règles. Il a présenté des mesures législatives comme le projet de loi C-75, qui a converti certains crimes très graves, comme la séquestration d'un mineur, en simples infractions punissables sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire, qui sont passibles d'une peine d'emprisonnement de moins de deux ans ou d'une amende. Ce projet de loi contient toute une liste de crimes graves qui sont devenus des infractions mineures. Je dirais que le fait d'imposer une amende pour la séquestration d'un mineur, c'est comme recevoir une tape sur les doigts pour un acte odieux, et je crois que tous les Canadiens en conviendront.
Il y a aussi eu le cas de Terri-Lynn McClintic, la meurtrière de Tori Stafford, qui, même si elle avait pris part au meurtre cruel d'un enfant, a pu être transférée dans un pavillon de ressourcement, où il n'y avait aucune mesure de sécurité et où elle était en présence d'enfants qui accompagnaient leurs parents au travail.
Je crois que nous devons renforcer le système judiciaire fédéral actuel, et non l'affaiblir, et ce n'est pas ce que le gouvernement libéral a fait. Je crains que, si nous l'ouvrons à des non-Canadiens à l'étranger, les cas de ces derniers surchargent un système judiciaire qui est vraisemblablement déjà sous pression et qui ne répond pas à la demande. Il y a des crimes commis au Canada pour lesquels nous n'arrivons pas à intenter des poursuites adéquates en temps opportun. C'est un vrai problème.
Le projet de loi prévoit 17 types d'actions à l'égard desquelles la cour aurait compétence. J'aimerais passer certaines d'entre elles en revue et citer quelques exemples de choses qui se sont passées durant la 42e législature dans l'espoir d'illustrer, pour la gouverne des députés, le nombre d'affaires qui pourraient éventuellement se retrouver devant la Cour fédérale.
On trouve en premier lieu le génocide, qui, comme on le sait, est un crime très grave. Quand on songe aux génocides perpétrés durant la présente législature, il y a les yézidis. Le Canada a accueilli des femmes yézidies dans la foulée du génocide contre ces gens-là par les terroristes du groupe État islamique, qui les ont exterminés. C'en est un. Il y reste aussi des actions en cours concernant le Rwanda. C'est un autre génocide dont on pourrait se retrouver saisi.
On retrouve également l'esclavage et la traite des esclaves, ainsi que la traite de personnes âgées de moins de 18 ans. La traite des personnes est un grave problème au Canada. Il est très fréquent dans ma circonscription, Sarnia—Lambton, qui est située près de la frontière. Sarnia et Toronto font même partie d'un réseau qui déplace des gens d'une ville à l'autre — et les victimes ne viennent pas toujours de l'étranger. De jeunes Canadiens et Canadiennes se font attirer et restent prisonniers de ce mode de vie, parfois pendant des années. Il ne fait aucun doute qu'il s'agit d'un crime odieux, mais quand je pense au nombre de cas au Canada en ce moment et au manque de ressources à notre disposition pour traduire en justice tous les auteurs d'infractions commises ici au pays, je ne suis pas certaine qu'on devrait commencer à s'occuper de ce qui se passe ailleurs dans le monde.
Je vois que « l’exécution extrajudiciaire ou la disparition forcée d’une personne » fait aussi partie de la liste. Pensons au journaliste saoudien qui a été exterminé. Pensons aussi aux deux Canadiens tués aux Philippines.
On a aussi inclus la « discrimination systémique ». C'est très large. Lorsque je présidais le comité de la condition féminine, nous recevions des visiteurs de différents pays où les femmes étaient victimes de discrimination systémique. Ces gens venaient voir comment on faisait les choses au Canada. Certains diront qu'il y a encore de la discrimination systémique au Canada. La communauté LGBTQ est un autre groupe qui fait l'objet de discrimination systémique dans le monde. Si nos tribunaux se retrouvaient submergés par toutes ces affaires de discrimination, ils seraient vraiment très occupés.
Les violations des droits de la personne qui ont cours actuellement à Hong Kong me viennent à l'esprit. Il y a 300 000 Canadiens qui vivent à Hong Kong. Le gouvernement de la Chine essaie de faire adopter des règles d'extradition afin de pouvoir faire venir en Chine toute personne qui vit à Hong Kong. Je suis très inquiète à l'idée que l'adoption de ce projet de loi puisse aussi amener de nombreux étrangers de cette région à profiter du système judiciaire canadien pour intenter des poursuites au civil.
L'enrôlement d'enfants dans les forces armées ou les groupes paramilitaires est un autre élément de la liste. Nous savons que, dans tous les combats que livre le groupe armé État islamique, des enfants soldats sont employés. C'est le cas dans différents conflits en Afrique et ailleurs. Cela ouvrirait également la voie à un grand nombre de personnes qui voudrait obtenir une compensation des tribunaux canadiens au niveau civil.
Un autre élément de la liste est le viol. Le viol est un crime répandu au Canada. Les données indiquent qu'une Canadienne sur trois sera victime de violence sexuelle au cours de sa vie. Si on pense au nombre de cas qui surviennent et au nombre que les tribunaux laissent tomber, on comprend qu'il ne serait pas possible d'en traiter davantage.
Il y a également l'avortement forcé et la stérilisation forcée dans la liste. Aujourd'hui, au comité de la santé, nous avons entendu des témoignages au sujet de la stérilisation forcée et des milliers de femmes qui la subissent au Canada. C'est horrible, mais, encore une fois, nous avons déjà beaucoup d'affaires du genre à traiter ici même.
Des enjeux comme la pollution se trouvent aussi sur la liste. Pensons à la pollution par le plastique causée par des personnes qui ne sont pas des Canadiens. Nous savons que 95 % de la pollution dans les océans provient de huit fleuves d'Asie et de deux fleuves d'Afrique. Encore là, il pourrait y avoir une montagne de plaintes à traiter.
Un autre élément de la liste est l'urgence environnementale. Ce pourrait être quelque chose comme l'urgence climatique dont les libéraux voulaient que nous débattions. Il n'en a plus jamais été question, alors ce devait être une urgence pas très urgente. Les urgences climatiques ou environnementales pourraient aussi être invoquées.
Je sais que les intentions du député étaient bonnes lorsqu'il a présenté le projet de loi et qu'il voulait cibler les problèmes liés aux entreprises canadiennes, par exemple, mais la portée du projet de loi doit être beaucoup plus restreinte et je ne crois pas que le système judiciaire fédéral ait la capacité requise. J'invite le gouvernement actuel ou, à partir du 21 octobre, le gouvernement conservateur, à rétablir les capacités du système judiciaire fédéral.