Monsieur le Président, hier, j'ai parlé de la question de la prorogation, car nous avons présentement une occasion historique de nous assurer que la prorogation ne sera plus jamais utilisée de façon illégitime, et j'ai dit que la motion proposée n'était pas efficace pour éliminer cette possibilité.
J'allais conclure mon propos concernant la prorogation en attirant l'attention de la Chambre sur un avis semblable à celui que j'ai remis à la leader du gouvernement, dans un document que j'ai préparé au sujet des modifications à apporter au Règlement. Il s'agit de l'avis du professeur Hugo Cyr, de l'Université du Québec à Montréal. À l'instar de Peter Russell, professeur émérite de l'Université de Toronto, le professeur Cyr a proposé au Comité spécial sur la réforme électorale des changements additionnels aux règles démocratiques que nous devrions envisager.
La proposition du professeur Cyr est la suivante:
[...] modifier le Règlement de la Chambre des communes pour prévoir que l'acte de demander la prorogation ou la dissolution du Parlement par le premier ministre, sans avoir au préalable obtenu l'approbation de la Chambre des communes, aura pour effet automatique de faire perdre la confiance dont jouit le premier ministre. Par conséquent, le gouverneur général ne serait pas lié par l'avis d'un premier ministre qui demanderait la dissolution ou la prorogation de manière hâtive sans avoir obtenu l'approbation de la Chambre.
C'est une proposition tout à fait sensée. Celle du gouvernement représente une certaine amélioration, mais elle n'empêchera tout de même pas le genre d'abus de pouvoir que nous avons vu de la part de Stephen Harper, lorsqu'il a fermé le Parlement pour éviter un vote qu'il allait manifestement perdre. Malheureusement, les partis de l'opposition venaient de se prononcer sur le discours du Trône et ils croyaient que ce vote n'était qu'une simple formalité, alors que c'était un vote de confiance. Voilà pourquoi, à l'époque, la gouverneure générale n'a pas rejeté la demande de prorogation de M. Harper, même si c'était un affront historique à la démocratie parlementaire. Nous devons faire en sorte qu'une pareille chose ne se reproduise plus, et la proposition du gouvernement ne nous le garantit pas.
Au départ, j'étais également heureuse de voir que la motion prévoyait la possibilité de scinder les projets de loi omnibus. Toutefois, j'ai vite été déçue en constatant que les projets de loi ne pourraient pas être scindés au moment de leur étude, mais uniquement lors du vote. L'un des projets de loi omnibus du gouvernement Harper, le projet de loi C-31, est un bel exemple du genre. Il a été présenté au printemps 2014. Je suis allée prendre part à une réunion du comité pour y proposer des amendements à divers articles du projet de loi, comme j'étais obligée de le faire puisque les motions qui venaient d'être adoptées m'enlevaient le droit de présenter des amendements à l'étape du rapport.
Le projet de loi omnibus en question était si volumineux que, alors que je m'apprêtais à proposer un amendement à un article du projet de loi au comité, les membres du comité se sont rendu compte qu'ils n'avaient toujours pas entendu de témoins au sujet de cet article qui, en passant, portait sur la vente de produits chimiques. Je voulais proposer un amendement concernant l'amiante. Le comité n'avait pas de témoins, il n'avait pas étudié ces mesures et il n'était certainement pas à même de recevoir des amendements, mais le projet de loi a pu être adopté parce qu'il faisait l'objet d'une attribution de temps. Lorsque toutes sortes de mesures sont entassées dans le même projet de loi, permettre au Président de les diviser aux fins du vote est une amélioration mineure, mais il faut absolument qu'elles soient divisées aux fins de l'étude.
Encore une fois, la recommandation de la leader du gouvernement à la Chambre est une amélioration mineure, mais elle est loin d'être suffisante.
Pendant que nous en avons la chance, nous pourrions revoir bien des dispositions du Règlement. Encore une fois, je pense aux recommandations des professeurs Peter Russell et Hugo Cyr au Comité parlementaire spécial sur la réforme électorale, qui ont souligné que le Canada est l'une des seules démocraties modernes à ne définir aucune durée maximale entre le jour des élections et le jour où le gouvernement nouvellement élu convoque le Parlement. Jusqu'à présent, personne n'a profité de cette lacune ou ne l'a exploitée de façon abusive, mais je ne vois pas pourquoi on ne la comblerait pas immédiatement.
Fondamentalement, ce qui est terriblement triste dans ce processus, c'est que nous avons raté l'occasion d'arriver à un consensus sur la manière de changer le Règlement. Cela n'en reste pas moins un précédent historique, mais pas un précédent positif: le parti qui a la majorité des sièges à la Chambre peut faire passer une motion, car il a ainsi suffisamment de votes, même s'il n'a pas remporté la majorité des suffrages au pays.
J'invite la leader du gouvernement à la Chambre et tous les libéraux à envisager sérieusement l'adoption de l'amendement des néo-démocrates. Il ne viole aucunement les principes qui sous-tendent la motion. Il permettrait au moins de scinder les projets de loi omnibus pour les étudier. J'invite mes collègues à le faire. J'espère également que, à l'avenir, nous pourrons revenir sur certaines des propositions que j'ai présentées, surtout pour ce qui est de tenir compte de l'empreinte carbone créée par le calendrier parlementaire. Je maintiens toujours que nous devons envisager très sérieusement de revoir les jours et les semaines de séance afin de concentrer le temps passé à Ottawa et, ainsi, de réduire les millions de dollars de dépenses et les tonnes de gaz à effet de serre qu'engendrent nos déplacements entre Ottawa et notre circonscription respective.