Monsieur le Président, je tiens à le redire à tous: il ne s'agit pas de narcissisme. Or tant qu'à parler, autant que des gens nous écoutent.
Nous sommes donc réunis pour parler du projet de loi déposé par le gouvernement. Le projet de loi vise à mettre en vigueur les principales mesures du budget. La question du budget est très technique et théorique, mais cela nous permet d'aller au fond des choses.
Comme première observation, nous allons parler du budget, tel que déposé par le ministre, et des engagements électoraux, mais également de la forme même du projet de loi, qui comprend 370 pages et qui aborde beaucoup de sujets qui n'ont pas de rapport avec le budget. On appelle cela un projet de loi omnibus.
À cet effet, je tiens à rappeler l'engagement pris par les libéraux en 2015, soit il y a quatre ans. Lors de la campagne électorale, ils ont fait plusieurs promesses aux Canadiens et aux Canadiennes, dans le but de se faire élire. Toutefois, ces promesses ont été jetées à la poubelle. Au paragraphe 6 de la page 32 de leur programme électoral, on peut lire ceci:
Nous n’userons pas de subterfuges législatifs pour nous soustraire à l’examen du Parlement.
[L'ancien premier ministre] a eu recours à la prorogation pour échapper à certaines situations périlleuses, chose que nous ne ferons pas.
[L'ancien premier ministre] s'est également servi des projets de loi omnibus pour empêcher les parlementaires d'étudier ses propositions et d'en débattre convenablement.
C'est exactement la raison pour laquelle nous sommes réunis ici. Nous sommes réunis ici pour parler d'un projet de loi omnibus dans lequel le gouvernement a inséré des éléments qui n'ont rien à voir avec le budget. Il y a quatre ans, les libéraux ont dit qu'ils ne le feraient pas, mais ils l'ont fait.
Dois-je rappeler que l'année dernière, à peu près à pareille date, nous étions réunis pour étudier le projet de loi qui mettait en vigueur les normes budgétaires du budget précédent? Le gouvernement avait inséré dans le projet de loi une dizaine de pages concernant les affaires judiciaires, afin de permettre aux entreprises qui sont sujettes à des poursuites concernant des cas de corruption, entre autres, de conclure des ententes à part. Ces éléments n'ont pas pu être abordés convenablement par les parlementaires. Le Sénat avait demandé au ministre de comparaître, mais on a refusé.
D'ailleurs, c'est ce qui a donné naissance au scandale SNC-Lavalin. En effet, le projet de loi de l'année dernière comprenait la façon de faire pour permettre un procès ou une entente à part. Cela a conduit à la décision de la directrice des poursuites pénales d'intenter un procès, le 4 septembre. Dix jours plus tard, l'ancienne procureure générale a accepté cette proposition, et c'est alors que le manège politique partisan s'est infiltré dans le processus judiciaire. C'est ce qui a conduit, plus tard, au départ de l'ex-procureure générale et de l'ex-présidente du Conseil du Trésor, qui ont été boutées hors du caucus libéral pour s'être tenues debout et avoir donné l'heure juste aux Canadiens.
Si je rappelle ce triste épisode de la démocratie canadienne, c'est parce que, ce dont il est question ici, c'est d'un gouvernement qui s'est fait élire sous de fausses promesses, qui a promis mer et monde, qui voulait être plus blanc que blanc et qui, finalement, n'a pas tenu ses promesses. Voilà pour la forme. C'est un projet de loi omnibus.
Maintenant, parlons de la réalité de ce projet de loi. Le gouvernement, au moyen de ce projet de loi, met en vigueur le budget. Qu'en est-il de ce budget? Souvenons-nous, encore une fois, que les libéraux se sont fait élire grâce à des engagements budgétaires qu'ils n'ont absolument pas tenus. Au dernier paragraphe de la page 84 du programme du Parti libéral, on parle du cadre de planification, soit du cadre de planification budgétaire. On peut y lire clairement:
Avec le plan libéral, le gouvernement fédéral enregistrera un modeste déficit à court terme de moins de 10 milliards de dollars au cours des deux prochains exercices financiers [...]
On indique aussi qu'un autre déficit, plus petit, sera engendré lors de la troisième année, ce qui permettra au Canada de revenir à l'équilibre budgétaire en 2019-2020.
C'est l'engagement sur la base duquel les libéraux se sont fait élire. La main sur le cœur, ils ont eu l'audace et la mauvaise idée de dire aux gens qu'ils allaient faire des déficits, mais des petits déficits, et qu'il n'y aurait aucun déficit en 2019-2020. Nous sommes maintenant rendus à l'échéance. Quel est le résultat? Les tout petits déficits sont devenus trois importants déficits de plus 70 milliards de dollars. Nous sommes en 2019-2020, ce qui devait être l'année du déficit zéro. Or c'est l'année du déficit de 19,8 milliards de dollars.
À deux reprises, j'ai demandé à des parlementaires libéraux, la ministre du Tourisme et le député de Surrey-Centre si mes souvenirs sont bons, de me donner le montant du déficit de cette année. Ils ne sont jamais capables de me donner le chiffre, pourtant très simple mais triste et lourd de conséquences, de 19,8 milliards de dollars. Comment peut-on faire confiance à ces gens qui se sont fait élire en s’engageant, la main sur le cœur, à faire de petits déficits et un déficit zéro en 2019, alors qu’ils ont fait trois gros déficits et un lourd déficit pour l’année du supposé déficit zéro.
Ce que les libéraux ne comprennent pas, c’est qu’un déficit est une facture qu’on envoie à nos enfants et à nos petits-enfants. Le déficit d’aujourd’hui, c’est une taxe qu’on renvoie à demain. Tôt ou tard, il va falloir la payer. Pourquoi fait-on cela? C’est parce qu’on vit au-dessus de nos moyens.
Je tiens à rappeler que, historiquement parlant, les déficits sont permis d’une certaine façon. On se rappellera que, lorsqu’on était en guerre, il y a eu des déficits. Il fallait bien exterminer l’ogre nazi. Nous allons d'ailleurs célébrer bientôt le rappel du 75e anniversaire du débarquement, le 6 juin. Il aura fallu le premier ministre Louis Saint-Laurent — je ne dis pas ça parce que je suis de la circonscription de Louis-Saint-Laurent, mais c'est quand même le cas — pour ramener l’équilibre budgétaire après la guerre.
Nous nous rappelons que c’est au début des années 1970, sous l’égide du gouvernement libéral de Pierre Elliott Trudeau, le père de l’actuel premier ministre, que l’on a commencé à inventer des déficits en pleine période de prospérité.
Ce fut un malheur pour l’économie canadienne car, cinquante ans plus tard, le fils du premier ministre Trudeau qui a généré des déficits en période de croissance a fait exactement la même chose, en générant quatre immenses déficits, alors que l’économie mondiale est en pleine croissance.
Je dis sincèrement que j’ai beaucoup de respect et d’estime pour le ministre des Finances, comme d’ailleurs pour tous celles et ceux qui se présentent aux élections et offrent leurs services à la population canadienne et qui, fiers de leur expérience personnelle, veulent la mettre à profit. Le ministre des Finances a fait une carrière fructueuse, éblouissante à Bay Street. On pourrait même le qualifier de baron de Bay Street, pour avoir si bien administré la fortune familiale qu’il a fait prospérer. D’ailleurs, quand il était à la tête de l’entreprise familiale, Morneau Shepell, il n’a jamais fait de déficit.
Quand il était au privé, le ministre des Finances n'a fait aucun déficit, mais depuis qu’il est au public, qu’il utilise l’argent des contribuables, qu’il se sert de l’argent des travailleurs canadiens, ce sont des déficits cumulatifs, l’un derrière l’autre.
Combien en a-t-il faits? Il y a eu un, deux, trois, quatre budgets, et il a fait un, deux, trois, quatre déficits. Quatre en quatre, c’est le Grand Chelem de la mauvaise gestion des fonds publics, alors que, au privé, il était un modèle et un exemple à suivre.
Le moins qu’on puisse dire, c’est qu’actuellement il ne peut servir ni de modèle ni d’exemple à suivre. En effet, faire des déficits alors qu’on est en période de croissance économique, c’est une hérésie fondamentale. Aucun économiste sérieux ne dira que c’est le temps de faire cela. Au contraire, quand le cycle économique reprend, c’est le temps de mettre de l’argent de côté.
Ils ont été très chanceux. Quand ils sont entrés au gouvernement, ils avaient entre les mains le meilleur pays du G7 sur le plan de l'économie. Quand nous étions au gouvernement, notre gestion a été tellement sérieuse et rigoureuse que nous avons été le premier pays du G7 à sortir la tête de la grande crise des années 2008-2012. C’était grâce à la gestion éclairée et rigoureuse de feu l’honorable Jim Flaherty, qui était en d’autres temps ministre des Finances, et du premier ministre conservateur M. Harper. Ces gens-là ont donc hérité de la meilleure situation économique des pays du G7, en plus d’un surplus budgétaire de 2,5 milliards de dollars, ce qui ne sera pas le cas dans cinq mois, si par bonheur les Canadiens décident que nous formerons le gouvernement.
Pire encore, ils se sont servis de cette grande chance de la croissance économique sensationnelle que la planète entière a connue depuis quatre années et, très naturellement, de la force économique des États-Unis, qui est en pleine croissance depuis plusieurs années. Profitant de cette bonne fortune, qu’ont-ils fait? Ils ont complètement ruiné la situation et ont fait en sorte que les déficits majestueux et monstrueux qu’ils font depuis quatre années vont être envoyés à nos enfants et à nos petits-enfants pour qu’ils les paient plus tard.
C’est pourquoi nous nous opposons farouchement à ce projet de loi qui, dans un premier temps, bafoue la promesse électorale de ne pas présenter des projets de loi omnibus et, dans un deuxième temps, bafoue la promesse électorale de faire de petits déficits et de revenir à l'équilibre budgétaire en 2019.