Monsieur le Président, je remercie la ministre de son travail dans ce dossier, et je suis très reconnaissante de tout le travail que la ministre de notre cabinet fantôme a réalisé à cet égard.
Je suis très heureuse d'annoncer que nous allons appuyer la réponse du gouvernement, principalement parce que les amendements amélioreront le projet de loi de manière à prévenir la violence ou le harcèlement en milieu de travail. Il est urgent de combattre dès maintenant le harcèlement sur la Colline du Parlement. L'inconduite sexuelle et le harcèlement sexuel n'ont pas leur place dans la société canadienne, tout particulièrement dans le système politique du pays.
Lorsqu'elle a présenté le projet de loi, en janvier dernier, la ministre a déclaré ceci:
Sur la Colline du Parlement, il existe des déséquilibres de pouvoir évidents. Cette situation fait perdurer une culture dans laquelle des gens qui disposent de beaucoup de pouvoir et de prestige peuvent utiliser ces avantages pour s'en prendre à des personnes qui travaillent très fort pour leurs concitoyens. Dans cette culture, les victimes de harcèlement ou de violence sexuelle ne se sentent pas suffisamment protégées pour porter plainte contre leur agresseur. À cet endroit, les comportements abusifs et préjudiciables de ce genre sont acceptés et minimisés, et on n'en tient pas compte.
J'en déduis qu'il s'agit là du motif et du raisonnement qui expliquent la présentation du projet de loi et le fait que nous en soyons aujourd'hui à la dernière étape de l'étude.
Je trouve ces paroles incroyablement profondes, et il est perturbant de les entendre de la bouche d'une ministre, car il s'agit de notre propre milieu de travail. Quand j'y pense, force est de constater que plusieurs députés pourraient d'abord être tentés de rejeter ces propos, rappelant avec justesse que nous n'abusons pas tous de notre pouvoir.
D'entrée de jeu, je suis d'avis qu'il faut garder à l'esprit que c'est notre réputation à tous qui se retrouve entachée lorsque nous tolérons de tels comportements répréhensibles, et qu'il n'y a pas de processus en place pour traiter les plaintes.
Nous ne nous livrons pas tous aux types de comportements reprochés à certains députés. Heureusement, la plupart d'entre nous sont capables d'effectuer leur travail et de témoigner du respect et de la reconnaissance à nos employés pour leur travail. Cependant, une série d'incidents nous a permis de constater que nous devons examiner sérieusement la problématique du harcèlement.
Au cours des prochaines minutes, je présenterai un aperçu à la Chambre de mon expérience des questions entourant le harcèlement sexuel, la violence sexuelle et l'intimidation en milieu de travail. Je souhaite souligner à la Chambre qu'il ne s'agit pas d'une situation isolée. Nous nous sommes attaqués à cet enjeu dans d'autres industries. C'est aussi un sujet brûlant d'actualité. Cela dit, nous pouvons tirer des leçons d'autres secteurs afin d'obtenir les résultats voulus. Je conclurai mes remarques en parlant d'exemples récents pertinents qui, à mon avis, remettent en question la mise en oeuvre juste et complète du projet de loi.
Presque toute ma vie, j'ai travaillé dans des secteurs à prédominance masculine. Grâce à mon expérience dans chacun de ces domaines, j'ai observé une évolution similaire des mentalités par rapport à l'intimidation, au harcèlement et à l'inconduite sexuelle en milieu de travail.
D'abord, il faut tout simplement prendre conscience que certains propos et comportements sont inacceptables. Pour les gens, ce ne sont parfois que des blagues ou des façons de s'amuser. Certains se défendent ainsi: « Bien, je pensais qu'il ou elle appréciait ce que je lui disais. »
On doit tous être sensibilisés au fait que tout le monde ne pense pas de la même manière et que tout le monde n'agit pas de la même manière. La première étape, c'est cela: une prise de conscience.
La deuxième étape, c'est former et éduquer, à savoir que, une fois la prise de conscience du problème faite et la nécessité de modifier son comportement reconnue, la personne concernée doit être formée et éduquée sur la manière adéquate de se comporter. Je suis très heureuse de signaler que c'est ce que nous avons fait collectivement en tant que Parlement et personnellement en tant que députés. Nous avons tous suivi la formation nécessaire. Je félicite le comité et la Chambre des communes d'avoir fait en sorte que nous fassions tout cela, parce que cela nous a amenés à l'étape suivante.
La mesure législative gouvernementale parle, en fait, d'un processus. Beaucoup diront que, pour que des plaintes soient déposées, pour que les problèmes les plus graves soient pris en compte, il faut qu'il y ait une structure en place. Il s'agirait d'un endroit où les personnes pourraient aller et se sentiraient suffisamment à l'aise pour formuler une plainte dans l'espoir de déclencher une quelconque action.
Le dernier élément — le plus important — est qu'il y ait apparence de justice lorsqu'une demande ou une plainte est jugée irrecevable et que, lorsqu'une plainte est jugée recevable, il y ait une conséquence, que des mesures soient prises pour éviter que la situation se répète.
Pour que le projet de loi soit vraiment accepté et perçu comme une solution utile dans notre culture, il doit y avoir apparence de justice dans l'application. Bien que nous discutions aujourd'hui en partie de cette nécessité dans le processus, il faut demeurer conscients, en tant que députés, qu'il reste encore beaucoup de travail à accomplir. Il y a loin de la coupe aux lèvres et je ne crois pas que tout se déroulera sans heurts, mais je sais que les députés de tous les partis travailleront afin qu'il y ait apparence de justice dans le traitement des cas qui seront soulevés.
Dans les années 1980, je travaillais dans le domaine de la chimie. J'ai obtenu mon baccalauréat de l'Université St. Francis Xavier. C'était un baccalauréat spécialisé en chimie physique, un domaine où il y a peu de femmes. Curieusement, nous étions autant de femmes que d'hommes. Nous étions six: trois hommes et trois femmes; il y avait donc parité parfaite entre les deux sexes. Si, dans les années 1980, cette université était reconnue pour les soirées organisées par les étudiants — c'était même motif de fierté —, nous ne parlions pas souvent des problèmes liés au harcèlement et à la violence sexuels et nous n'étions pas vraiment conscients de leur existence.
Je me demande parfois si la raison pour laquelle nous n'avions pas connaissance d'un tel enjeu dans ma faculté est parce qu'il y avait une représentation égale des deux sexes dans mon groupe à cette époque. Personne ne parlait de cette notion. À ma connaissance, ce genre d'incident ne s'est jamais produit dans ma faculté, et nous sommes tous passés aux prochaines étapes de notre vie sans trop y réfléchir. Après avoir obtenu notre diplôme, nous avons tous les six choisi des domaines différents. Certains d'entre nous ont poursuivi des études supérieures, et d'autres se sont inscrits à l'école professionnelle. J'ai suivi un programme de deuxième cycle en toxicologie biochimique à l'Université de Guelph et à l'Université de Waterloo, où j'ai vraiment compris que la disparité entre les sexes pose des problèmes particuliers.
Je me suis rapidement aperçue que l'on ignorait les femmes professeures dans la salle du courrier. Elles étaient méprisées à cause de leurs aptitudes intellectuelles, elles étaient négligées et se faisaient rabaisser dans les réunions de faculté, et on ne leur donnait pas nécessairement l'espace dont elles avaient besoin pour faire valoir leurs idées dans le domaine de la chimie. J'ai pris cette affaire très au sérieux et je me suis demandé si je voulais réellement faire carrière dans ce domaine. La vérité, c'est que nos expériences personnelles influencent grandement notre opinion et les décisions que nous prenons. À cette époque, le nombre de femmes dans la faculté de chimie était très faible, et peu pouvaient servir de modèles féminins. Il y avait très peu d'exemples de réussites dont nous pouvions nous inspirer pour poursuivre dans ce domaine.
Le bon côté, c'est que j'étais une très mauvaise chimiste et que, par conséquent, ce ne fut pas une grande perte que je ne poursuive pas une carrière en chimie. Pour ce qui est de ma formation universitaire, il est possible qu'on m'ait fait comprendre que je n'allais par faire de doctorat dans ce domaine. Quoi qu'il en soit, il est certain que la piètre situation des femmes m'a effleuré l'esprit et a pesé dans la balance. Je me suis demandé si je me sentirais appréciée et écoutée. Je n'étais pas nécessairement préoccupée par le harcèlement; je voulais plutôt ne pas être ignorée, intimidée et rabaissée, autrement dit, faire l'objet d'attaques insidieuses toujours possibles.
La présence d'un plus grand nombre de femmes dans les programmes de deuxième cycle en sciences pourrait peut-être améliorer la situation. Toutefois, il est complètement fallacieux d'exercer constamment des pressions sur les femmes en leur disant qu'elles doivent se diriger vers les sciences et mieux y réussir que les hommes parce que cela leur assurera le succès sur tous les plans. Les femmes qui optent pour une carrière scientifique ont besoin d'évoluer dans un cadre solide et de voir les résultats positifs qui en découlent.
On trouve généralement intéressant d'entendre vanter les mérites de l'égalité des sexes au sein d'un comité ou d'une faculté universitaire, mais ce n'est pas vraiment l'enjeu. Il faut plutôt se demander s'il y a une véritable structure institutionnelle pour reconnaître la valeur de chaque personne au sein d'une faculté, sans égard à son sexe. Il faut faire abstraction du genre lorsqu'on évalue les aptitudes intellectuelles.
Bref, je n'affirme pas aujourd'hui que si davantage de femmes évoluaient dans la sphère politique, la situation serait meilleure. En fait, je n'en suis pas convaincue. Ce serait un bon slogan de marketing, mais je ne crois pas que ce soit une solution aux problèmes et aux enjeux auxquels les femmes sont confrontées dans des domaines où elles ne se sentent pas nécessairement bienvenues et où elles estiment ne pas pouvoir faire carrière.
N'étant pas encore lassée des secteurs dominés par les hommes, j'ai décidé de m'inscrire à la faculté de droit, un milieu très différent. C'était très paritaire. Au cours de ma première année à la faculté de droit Osgoode, il y avait plus de femmes que d'hommes dans la nouvelle cohorte. Les choses étaient certainement en train de changer pour les femmes à cet endroit. Je le répète: c'était un établissement extraordinaire, où les deux sexes étaient traités sur un pied d'égalité. La doyenne était extrêmement efficace, et les excellents cours étaient donnés tant par des hommes que par des femmes. Nous pouvions choisir le secteur dans lequel nous souhaitions nous spécialiser. À cette époque, je n'ai pas perçu de problèmes liés à la violence ou à la discrimination fondée sur le sexe. Un débat faisait toutefois rage, car on se demandait si une personne faisant partie du corps professoral avait été mise de côté. Cet enjeu faisait l'objet de discussions, mais il n'accaparait certainement pas toute l'attention dans ma classe.
Toutefois, la situation est différente dans les cabinets d'avocats. En 1998, après avoir été admise au barreau et occupé un autre emploi d'été, j'ai fait des stages dans des cabinets d'avocats. J'ai pu y constater une véritable différence. C'est là que la stratification a commencé et que je me suis aperçue du déséquilibre de pouvoir dont j'ai parlé au début de mon intervention.
En 2000, un cas absolument scandaleux d’inconduite sexuelle présumée survenu au centre-ville de Toronto a vraiment attiré l’attention sur le problème du harcèlement sexuel et de l’inconduite sexuelle dans le monde du droit à Toronto. Sans entrer dans tous les détails sordides de l’incident, un associé principal a été accusé d’inconduite sexuelle à l’endroit de plusieurs avocates dans un bar. Il était impossible de passer l’incident sous silence parce que tellement de gens étaient impliqués, avaient été témoins des faits ou les avaient rapportés. À l’époque, le cabinet d’avocats a dû régler le problème, et il l’a fait très vigoureusement. Il s’est séparé de l’associé en question et s’est assuré d’avoir dès lors un programme sérieux d’éducation, de sensibilisation et de formation au sein de l’entreprise. Je cite cet exemple parce que je crois qu’on lui doit, en partie, une plus grande sensibilisation au sein de nombreuses entreprises du centre-ville qui ne s’étaient peut-être pas encore attaquées au problème du harcèlement sexuel ou de la violence sexuelle en milieu de travail.
Je travaillais à l’Administration portuaire de Toronto à l’époque. J’y étais conseillère juridique principale et j’ai décidé de tenter de déterminer dans quels domaines nos politiques en milieu de travail étaient déficientes en ce qui concernait les femmes, les hommes et le pouvoir. L’organisme existait alors depuis environ 75 ans et il n’avait pas de politique relative au congé de maternité. Je suppose qu’aucune femme n’avait travaillé pour l’Administration portuaire en 75 ans. L’une de mes premières tâches a été de rédiger la politique, ce que j’ai fait de manière à ce qu’elle ne fasse aucune distinction entre les sexes. Nous sommes devenus l’un des premiers endroits où nos pompiers hommes étaient reconnaissants de pouvoir prendre eux aussi un congé parental pendant la grossesse et après l’accouchement de leur conjointe. Après l’affaire de l’inconduite présumée à Toronto, il était devenu presque impératif que les conseils d’administration veillent à mettre en place des politiques appropriées pour régler les problèmes susceptibles de se présenter en milieu de travail. Avec 100 employés, dont 90 % d’hommes, nous avons entrepris de sensibiliser, d’éduquer et de former tout le monde, de mettre sur pied un processus et, enfin, de montrer que si des plaintes étaient déposées, justice serait rendue. J’aimerais pouvoir dire que ce fut facile, mais ce n’est vraiment pas le cas.
Quand on commence à parler de sujets tels que la violence sexuelle, l’inconduite sexuelle, le harcèlement et l’intimidation en milieu de travail, au départ, les gens ont tendance à dire: « Ce n’est pas moi; je ne suis pas comme ça; pourquoi lancez-vous des accusations; pourquoi dois-je participer à ce processus? » Et ce sont toutes de bonnes questions. Toutefois, il revient à la direction, au collectif, de proposer des politiques et de les mettre en œuvre, d’assurer à tout le monde qu’il ne s’agit pas de se mettre à l’affût de personnes à blâmer, mais plutôt de mettre en place un système pour permettre aux gens de se manifester afin que les éléments indésirables au sein du groupe de 100 employés soient dénoncés et que la réputation de l’organisation dans son ensemble ne soit pas remise en question.
Au bout du compte, j’ai passé 20 ans à essayer de faire adopter des politiques pour régler ces problèmes. Je sais que je l’ai déjà dit, mais je tiens à le redire, parce que si nous fondons tout ce que nous tentons de faire au Parlement sur des mesures visant à protéger toutes les personnes ici présentes, si nous disons que nous le faisons en premier lieu pour augmenter la sensibilisation, en deuxième lieu pour former et éduquer et en troisième lieu pour établir un processus solide et pour que justice soit faite, nous sommes sur la bonne voie.
Quelques cas très médiatisés survenus au sein de notre famille parlementaire en 2018, de même que dans le milieu juridique à Toronto en 2000, nous ont menés à notre débat sur ce projet de loi. Le Royaume-Uni a eu le même problème. Une enquête de la BBC sur l’intimidation et le harcèlement à la Chambre des communes du Royaume-Uni a donné lieu à une étude. Le hasard veut que le rapport en ait été publié hier à la Chambre des communes britannique. Nous n’abordons pas les problèmes de la même façon. Nous sommes immédiatement passés du côté législatif de la question pour essayer de trouver le meilleur processus parce que nous croyons que si nous mettons en place ce processus, il va tout régler. La Chambre des communes du Royaume-Uni a adopté une approche différente. Elle a lancé une enquête indépendante menée par une personne impartiale qui a été autorisée à interroger abondamment les personnes qui avaient porté plainte, à parler à tous les députés et à formuler des recommandations. L’auteure du rapport recommande ainsi de prendre le temps de bien faire les choses. C’est un long rapport de plus de 155 pages. Il vaut toutefois la peine d’être lu, non pas pour les détails salaces de ce qui est arrivé à certaines personnes ou pour les allégations à l’endroit d’autres personnes, mais pour que nous ayons une meilleure idée de ce qui aurait pu se produire ou de ce qui pourrait se produire si nous ne nous occupons pas de notre culture de la bonne façon.
Le principal problème qui est ressorti de l’enquête est que les mécanismes en place pour sanctionner les incidents qui se produisaient à la Chambre des communes du Royaume-Uni étaient manifestement inefficaces. L’enquête portait sur l’intimidation, le harcèlement et le harcèlement sexuel. Ce qui est très intéressant, c’est que le rapport recommande un changement fondamental pour rétablir la confiance, le raisonnement étant que des hommes comme des femmes font des allégations d’intimidation et de harcèlement à la Chambre des communes du Royaume-Uni et qu’il convient de prendre le problème au sérieux et de le régler le plus concrètement possible.
Les trois derniers paragraphes, qui précisent qui est le mieux placé pour changer les choses, constituent la partie la plus controversée du rapport et celle dont parlent les médias britanniques. Je vais vous les lire parce que je crois qu’ils nous donnent amplement matière à réflexion.
Voici comment elle conclut son rapport. Elle écrit:
Si un électeur qui était victime d'intimidation ou de harcèlement sexuel au travail leur demandait des conseils, je suis persuadée qu'ils n'hésiteraient pas à l'aider à porter plainte. J'ose donc espérer que les recommandations que j'ai faites recevront l'appui actif des députés, qui seront scandalisés par les comportements abusifs dont certains de leurs collègues ont été accusés, mais qui veilleront aussi à ce que tout processus visant à déterminer le résultat des allégations soit indépendant, efficace et juste envers les deux parties.
J'ai également parlé tout au long de ce rapport de lacunes institutionnelles ou systémiques, et d'une philosophie collective à la Chambre qui a permis, au cours des années, à la culture sous-jacente de violence de se développer et de persister. Or, certaines personnes sont considérées comme particulièrement responsables de cette situation et des critiques qui en découlent. Leur présence est perçue comme peu susceptible de favoriser les changements nécessaires. Ce serait une erreur de ma part de nommer ces personnes, vu le mandat qui m'a été confié pour la présente enquête. Néanmoins, j'ose espérer que les conclusions du présent rapport susciteront une période de réflexion à cet égard aussi.
Pour déterminer la meilleure façon de procéder aux changements culturels qui seront nécessaires, et la meilleure façon de mettre en oeuvre les recommandations du présent rapport, il se peut que certaines personnes veuillent se demander sérieusement si elles sont bien placées pour déclencher un renouveau et si elles sauront faire le nécessaire pour concrétiser les changements qui seront dans l'intérêt de la Chambre, en tenant compte à la fois de sa réputation et de son rôle d'employeur de ceux qui sont à juste titre considérés comme sa ressource la plus importante.
L'auteure du rapport a dû s'exprimer sans ménagement à propos de la direction de la Chambre des communes de son pays, mais ces choses devaient être dites.
Voici un passage du rapport que j'ai trouvé très intéressant à propos des raisons pour lesquelles une telle culture avait pu s'établir: « l'intimidation et le harcèlement, sexuel ou autre, ont pu se faire une place et sont tolérés et dissimulés depuis longtemps grâce à une culture de déférence, de servilité, d'acquiescement et de silence qui part d'en haut. » Voilà des propos importants auxquels nous devrions nous attarder afin de veiller à ne pas favoriser pareille culture ici.
Le comité exécutif de l'administration de la Chambre des communes du Royaume-Uni a répondu en disant que le rapport « est une lecture difficile pour nous tous. L'intimidation et le harcèlement n'ont pas leur place ni à la Chambre des communes ni à la direction des services numériques parlementaires. Nous acceptons sans réserve qu'un changement s'impose et, en tant qu'équipe de direction, nous sommes bien déterminés à tirer des enseignements du rapport. Nous nous excusons des manquements antérieurs et nous avons bien l'intention d'améliorer notre culture. » C'est de loin la meilleure réaction que le comité exécutif pouvait avoir à l'égard d'un tel rapport: présenter des excuses pour ce qui s'est passé et s'engager à améliorer les choses.
Comme je l’ai dit maintes fois dans mon intervention, une loi ne suffit pas à mettre fin à la situation. Il faut qu’il soit visible que la justice est rendue en suivant un processus qui fonctionne. De plus, en faisant fond sur ce que le rapport dit, nous devons nous assurer que les personnes qui appliqueront la loi sont irréprochables, qu’elles sont tout à fait en mesure de dire qu’elles ont les mains propres et qu’elles peuvent contribuer à favoriser ce changement de culture.
Étant donné la couverture médiatique à laquelle nous avons eu droit dans le passé au sujet de la conduite à la Chambre des communes, on scrutera certainement la façon dont les problèmes seront réglés et ce qui se dira. Ce qui m’amène, et j’en suis gênée, à parler d’une affaire qui s’est produite cet été.
Cet été, donc, les médias ont appris par un blogueur que, d’après un éditorial paru il y a de nombreuses années, le premier ministre se serait rendu coupable d'une conduite déplacée. L’auteure de l’éditorial précisait que les faits remontaient à des années. Elle était jeune et il était encore plus jeune. Dans son article, elle se demandait s’il était approprié, pour un homme qui possède une notoriété et des pouvoirs considérables, d'avoir eu un comportement qu'elle qualifiait d'inapproprié.
Ce que je trouve intéressant, au sujet de cette affaire, et ce qui explique mon propos sur la culture d’acquiescement, de déférence et de servilité, c’est que l'histoire circule depuis des mois. Beaucoup de gens la connaissaient, mais personne n’avait de réaction ou de réponse quant à ce qui s’est vraiment passé. Donc, l’histoire a pris de l’ampleur, ce qui nous amène à nous demander s'il y a d’autres rumeurs qui circulent, mais ne nous permet pas de savoir si un mécanisme adéquat existe pour traiter ce genre d’allégations et pour que justice soit faite.
Les médias sont tout à fait au courant de cette affaire. Ils savaient ce que contenait l’éditorial. Ils ont refusé de l’utiliser. Après des semaines de tergiversations, le premier ministre a fini par publier une déclaration disant que la femme en question n’avait pas le même souvenir que lui de ce qui était arrivé et que, dans ces situations, chacun se rappelle les choses différemment. La réponse était malheureuse et je vais expliquer pourquoi à la Chambre.
Cette réponse n’avait rien à voir avec les regrets exprimés sans ambiguïté par l’équipe de dirigeants administratifs de la Chambre des communes du Royaume-Uni. Le premier ministre a plutôt donné une explication pour se disculper. Le problème, c’est qu'alors même que le projet de loi actuel était présenté, débattu et soumis à des votes au Parlement, la personne la plus puissante au pays, qui doit être un exemple pour ses concitoyens dans ce genre d’affaires, n’a pas eu le comportement que l'on attend d'elle, c’est-à-dire présenter ses excuses et passer à autre chose. C’est à mon sens ni plus ni moins qu'aller à l’encontre de ce que nous attendons comme résultat de cette loi à l’avenir.
Le problème aussi, c’est que je suis protégée à la Chambre des communes si je tiens de tels propos. Je ne sais pas si quelqu’un regarde mon intervention actuelle, mais les médias sociaux ne manqueront certainement pas de souligner que je remets une fois de plus sur le tapis les accusations de tripotage visant le premier ministre, accusations dont il a été question tout l’été. J’espère que la Chambre comprend ce que j’essaie de dire en faisant autre chose que débiter une trentaine de secondes de phrases accrocheuses. Je suis en train de soulever une question importante. Il ne s'agit pas de parler d’une victime en particulier ou de savoir si des événements allégués ont bel et bien eu lieu. Il s’agit de dire que la réponse du premier ministre aux allégations bien réelles dont il fait l'objet n'est pas appropriée. Au lieu de donner cette réponse, il devrait montrer aux gens que, si une personne porte plainte contre quelqu’un de très puissant, elle obtiendra justice.
Le premier ministre a laissé passer une occasion de montrer que nous sommes vraiment rigoureux et que ce projet de loi est inspiré par la sincérité. C’est une occasion manquée. J’insiste beaucoup parce qu’en fin de compte, après 30 ans d’expérience dans ce domaine, je sais malheureusement qu’une simple reconnaissance et de simples excuses auraient été plus utiles.
Nous n’avons pas beaucoup parlé d’intimidation. Or, l’intimidation est aussi un grand problème à la Chambre des communes. C’est un grand problème dans les milieux de travail. J’ai été un temps ministre du Travail et nous avons vu très clairement que, parfois, des actes d’intimidation manifestes conduisent à de la violence, ce que nous ne voudrions jamais voir arriver. Je ne veux pas dire que cela arriverait ici, mais que l’intimidation n’a vraiment pas sa place lorsque des gens discutent, y compris à la Chambre. Il me semble que, dans le modèle de Westminster, l’intimidation est considérée comme inacceptable, car il inclut la notion de propos non parlementaires. Chaque député est honorable, et il n’est pas permis de ternir l’honorabilité d’un député. Nous sommes tous égaux et nous sommes tous traités comme tels. Il est très important de nous comporter en tout temps de manière honorable. Pourtant, même si le Parlement est un lieu protégé, des actes d'intimidation peuvent y être commis.
Je souhaite rappeler deux affaires survenues au cours des huit derniers mois. À mes yeux, elles montrent une fois de plus que le gouvernement qui cherche à faire adopter ce projet de loi ne prêche pas par l'exemple. J’ai donc beaucoup de mal à croire que les libéraux vont être en mesure de mettre en œuvre la loi de manière à inspirer confiance aux gens.
Il y a quelques mois, je me trouvais à une réunion de comité et, en qualité de leader adjointe, j’essayais d’interroger le ministre des Finances au sujet de certains des principes qui sous-tendaient son budget. S’agissant du genre, je voulais savoir si, oui ou non, certaines choses avaient été prises en considération. Au fur et à mesure de sa réponse, le ministre a perdu patience et il a fini par me dire, tout à la fin, que les gens comme moi qui lui posaient ce genre de questions étaient des dinosaures qu’il fallait pousser de l’avant.
À première vue, j’ai trouvé ça risible et pitoyable. On m’a déjà traitée de qualificatifs bien pires que celui-là. Ça ne m’a certainement pas déstabilisée, il m’en faut beaucoup plus que ça, je suis une bonne politicienne. Néanmoins, sachant qu’il n’hésitait pas à utiliser ce mot non seulement à mon égard, par ricochet, mais à l’égard de mon parti, j’estime qu’il a fait preuve d’un manque de respect. C’est un concept important, qui mérite qu’on en discute.
De leur côté, les médias ont jugé que ce n’était pas si grave. Quelle que soit la gravité de la chose, à ce moment précis, au lieu de répondre à la question qui lui était posée et qui portait sur une question sérieuse, le ministre a choisi l’invective et l'insulte. C’est inacceptable. Encore une fois, le gouvernement peut-il vraiment mettre en œuvre une loi qui dépendra de la capacité des gens à comprendre combien il est important que justice soit rendue ?
La dernière fois que cela s’est produit, c’était dans cette Chambre. Le Président de la Chambre n’a pas encore rendu sa décision, et j’attendrai donc qu’il se prononce au sujet de l’utilisation de propos non parlementaires par le premier ministre.
Le sujet était encore une fois très difficile, car il s’agissait de savoir si le premier ministre avait, oui ou non, le pouvoir de transférer ou de faire transférer une détenue, en l’occurrence Terri-Lynne McClintic, d’un pénitencier à un autre. Le premier ministre s’est vu poser un grand nombre de questions, d’abord par mon collègue de Parry Sound—Muskoka et ensuite par moi. Au lieu de répondre, le premier ministre a perdu patience et a fini par nous accuser de courir après les ambulances. Or, ce sont les avocats véreux qui courent après les ambulances, et comme je suis moi-même avocate, tout comme le député qui avait parlé avant moi, nous nous sommes sentis insultés.
Ce qui importe, au bout du compte, c’est que le premier ministre a encore jugé bon de répondre par une invective et une insulte plutôt que de discuter sérieusement.
J’ajouterai que, lors de ces deux incidents, le ministre et le premier ministre ne cherchaient certainement pas à faire de l’humour. L’heure n’était pas à la plaisanterie. Ces insultes étaient donc délibérées. Si j’avais été une députée moins expérimentée et que c’était la première fois que je posais cette question à la Chambre, j’aurais interprété cette réponse de la façon suivante: « Faites attention, si vous posez cette question, je vais vous humilier devant les électeurs de votre circonscription qui vous regardent à la télévision. » Quand on tolère ce genre de comportement, voilà l’impact que l’on a.
Je suis députée depuis 10 ans. Je viens de célébrer cet anniversaire avec plusieurs de mes collègues, et j’ai aujourd’hui la couenne assez épaisse pour faire face à ce genre de choses. Je suis toutefois sidérée que ce genre de comportement soit toléré.
Les députés remarqueront que, jusqu’à présent, je n’ai pas mentionné une seule fois que j’étais une femme, car cela ne doit pas entrer en ligne de compte. Qu’on soit un homme ou une femme, les insultes n’ont pas leur place ici, et notre Règlement les considère comme des propos non parlementaires. D’ailleurs, c’est un principe qui devrait être respecté aussi bien par le gouvernement que par l’opposition. Lorsque nous estimons que les lois ne sont pas appliquées de façon équitable, nous cessons de croire que les lois peuvent nous protéger.
C’est le danger d’un projet de loi comme celui-ci, car on a beau avoir les meilleures procédures au monde, le maximum d’occasions pour les gens de discuter, de recevoir du soutien psychologique, de participer à des audiences et d’obtenir l’accompagnement nécessaire, au bout du compte, si justice ne semble pas avoir été rendue, alors tout ce que nous avons fait ne sert à rien. Ce n’est qu’avec le temps que le gouvernement pourra nous démontrer qu’il va véritablement faire ce qu’il a dit qu’il allait faire.