Monsieur le Président, j'interviens aujourd'hui pour parler d'équité fiscale.
Au cours de la dernière campagne électorale, le premier ministre a parcouru le pays en promettant des milliards de dollars en nouvelles dépenses. Tout le monde sera gagnant, disait-il. Quand, bien sûr, les Canadiens ont demandé comment il comptait payer pour tout cela, il leur a répondu de ne pas s'inquiéter: il augmenterait juste les impôts du centile supposément le plus riche, ceux du voisin fortuné des quartiers en surplomb.
Aujourd'hui, alors que nous parlons d'équité fiscale, il convient de se demander s'il a bien tenu sa promesse de financer ses dépenses de cette manière. Il a certainement tenu sa promesse de dépenser de gros montant d'argent frais. Les dépenses ont augmenté de presque 7 % cette année, ce qui équivaut à trois fois le taux combiné de l'inflation et de la croissance démographique. En d'autres termes, le gouvernement dépense trois fois plus vite que ne l'exigent les besoins des Canadiens.
En conséquence, le déficit, cette année, est trois fois supérieur à ce que le Parti libéral a promis dans son tout dernier programme électoral, et le budget ne sera pas équilibré l'année prochaine, comme le premier ministre l'avait promis. D'après Finances Canada, le budget ne sera équilibré qu'en 2045, dans un quart de siècle, et pendant ce temps, Finances Canada le reconnaît, le gouvernement ajoutera un billion et demi de dollars de dettes en plus. Autrement dit, le budget ne s'équilibrera pas de lui-même.
Que deviennent les riches? Le premier ministre avait affirmé qu’il allait augmenter leurs impôts. Les résultats sont sortis. Selon les données publiées il y a deux semaines par l’Agence du revenu du Canada, pendant l'année qui a suivi l’entrée en vigueur de l’augmentation d'impôt, le gouvernement a en fait perçu 4,6 milliards de dollars de moins auprès du 1 % de la population le plus riche. De son côté, Finances Canada a publié il y a un an presque jour pour jour, soit le 19 septembre 2017, son rapport financier annuel,qui fait ressortir presque exactement le même phénomène: les recettes provenant du 1 % de la population le plus riche ont baissé.
Le gouvernement prétend que tout cela est dû à des facteurs ponctuels. Les gens s’ingéniaient à trouver des moyens d’éviter les augmentations d’impôts, déclarait le gouvernement, et ce phénomène disparaîtrait au fil des années. Le gouvernement a raison. Certains particuliers fortunés ont fait des transferts pour éviter de payer leur juste part.
Le ministre des Finances est l'un deux. Il avait annoncé une augmentation d’impôt qui entrerait en vigueur le 1er janvier 2016, mais il avait vendu ses parts dans sa propre entreprise, Morneau Shepell, 30 jours avant pour garantir que son gain en capital serait imposé au taux inférieur précédent. De la sorte, il n’aurait pas à subir les augmentations d’impôt qu’il imposait à tout le monde. N’est-ce pas beau? Il savait qu’il y aurait des augmentations d’impôt mais, en tant que multimillionnaire qui avait travaillé dur toute sa vie pour éviter de payer de l’impôt, il n’allait pas payer un sou de plus sur ce gain en capital. Il allait faire en sorte d’être imposé à un taux inférieur à celui qui s’appliquerait à tout le monde.
Le ministre et le ministère qu'il dirige ont affirmé que beaucoup de gens faisaient de même. Cependant, maintenant que ce n'est plus le cas, ils disent que, à l'avenir, l'État pourra recueillir plus de recettes. Nul doute que, pour l'année financière 2017, on assistera à une entrée unique de recettes provenant de certains entrepreneurs et d'autres Canadiens, en réaction aux politiques du gouvernement.
Par exemple, il existe tellement d'anecdotes touchant des firmes comptables et de reportages publiés par les médias d'affaires qu'il est difficile de remettre en doute le fait que des gens sortent des fonds du Canada. Ils agissent ainsi parce que le fardeau fiscal et réglementaire est tellement lourd au Canada que, dans certains cas, il vaut mieux faire des affaires à l'étranger, plutôt que de garder l'argent ici. Ils paient donc des impôts de sortie. Comme l'argent part à l'étranger, les impôts ne sont prélevés qu'une fois.
Le premier ministre, qui ne se soucie que du moment présent et qui souhaite dépenser toujours plus d'argent maintenant, se réjouit peut-être de cette entrée soudaine et strictement ponctuelle d'argent, car il s'empresse aussitôt de le dépenser.
Il oublie que le problème avec ce genre d'entrée ponctuelle d'argent, c'est qu'elle se produit une seule fois. Les sommes d'argent transférées dans un autre pays seront assujetties à l'impôt de ce pays. Par exemple, lorsqu'un PDG bien nanti transfère sa fortune à Londres, en Angleterre, il doit payer des impôts de sortie et le gouvernement en tire un avantage fiscal, sous forme de recettes, une seule fois. Toutefois, au cours des années suivantes, le fardeau fiscal de ce PDG tombe à zéro au Canada. Il paie ainsi des impôts à un gouvernement étranger et finance de ce fait des services offerts à une autre population. Pour l'année 2017, je suis persuadé qu'un grand nombre de gens vont payer des impôts de sortie parce qu'ils ont envoyé leur argent à l'étranger.
Qui plus est, à l'automne 2017, le gouvernement a annoncé des changements fiscaux visant les petites entreprises qui auraient eu pour effet de punir les familles qui décident de vendre leur entreprise à leurs enfants. Un agriculteur qui choisit de vendre son exploitation à ses enfants paierait un impôt sur les dividendes dont le taux s'élève à près de 45 %, au lieu d'un taux d'imposition des gains en capital de 25 %. La vente de cette même exploitation à une multinationale étrangère lui permettrait donc de payer moins d'impôts.
Cela signifie que l'agriculteur qui vend son exploitation à ses enfants doit payer le prix lourd, alors qu'il bénéficie d'un allègement fiscal s'il la vend plutôt à une multinationale étrangère, qui risque à terme de faire de ses enfants les locataires de leurs propres terres ancestrales.
Devant la riposte implacable menée par les conservateurs et la réaction spontanée des contribuables canadiens, le gouvernement a décidé d'attendre après les élections pour apporter ce changement et il le fera, c'est certain. Toutefois, les propriétaires de petites entreprises et les agriculteurs ne sont pas stupides. Ils savent ce qu'ils ont évité de justesse et ils ne vont pas prendre le risque que ce changement soit de nouveau proposé.
Qu'ont fait un grand nombre d'entre eux? Selon certains des cabinets comptables les plus respectés du pays, un grand nombre d'entre eux ont vendu leur exploitation agricole dès qu'ils ont su que le gouvernement avait décidé d'attendre pour procéder à ce changement. Par conséquent, ces gens auront payé l'impôt sur cette transaction en 2017, après quoi on ne pourra plus en tirer de recettes fiscales, puisqu'elle ne se répétera pas tous les ans.
Enfin, le gouvernement propose de punir les familles qui travaillent ensemble au sein d'une entreprise et qui en partagent les gains. Il appelle cela de la « répartition ». Je comprends bien pourquoi il utilise ce terme: le ministre des Finances et le premier ministre ont tous les deux bénéficié d'une répartition de richesse sans avoir à lever le petit doigt. Ne serait-ce pas merveilleux si nous pouvions tous venir au monde dans une famille riche, comme ces deux-là? Pas étonnant qu'ils parlent de « répartition » pour décrire la petite entreprise familiale, le restaurant local dont les propriétaires partagent les revenus avec leurs enfants qui viennent y travailler chaque jour.
La modification proposée par le gouvernement est entrée en vigueur le 1er janvier. Les propriétaires d'entreprise étaient au courant; ils ont donc dû verser des dividendes plus élevés à leurs enfants et autres membres de la famille en 2017, avant la prise d'effet du changement fiscal. Évidemment, le gouvernement allait imposer ces dividendes en 2017. Autrement dit, le gouvernement va tirer une rentrée importante de recettes du fait qu'il force les entrepreneurs à verser des montants aux membres de leur famille avant l'entrée en vigueur des nouvelles règles punitives. Il est clair qu'il va récolter plus d'argent en 2017 grâce à cela.
On peut s'attendre d'un jour à l'autre à voir le ministre des Finances et le premier ministre faire une entrée triomphale dans cette enceinte, comme des généraux romains victorieux, et déclarer: « Voyez tout l'argent que nous avons réussi à amasser. » Ils vont dire que leur plan de hausses fiscales a bel et bien fonctionné et qu'il leur a permis de recueillir des fonds à dépenser. Or, toutes ces rentrées de fonds sont des rentrées de fonds strictement ponctuelles; les fonds entrent, on les dépense. Ce n'est pas de l'argent qui sera là pour les gouvernements à venir. Ainsi, le fardeau retombera inévitablement sur les travailleurs et la classe moyenne, soit ceux qui écopent toujours quand le gouvernement prend de l'ampleur et dépense sans compter.
Pourquoi? Parce que les personnes à revenu élevé et les capitaux sont beaucoup plus mobiles que les personnes à revenu moindre et les travailleurs. Il est plus difficile de déplacer la main-d'oeuvre. Pourquoi? Parce qu'elle est faite de personnes et que, pour pouvoir payer moins d'impôt, il faudrait que ces personnes déménagent dans un autre pays. Les capitaux, eux, sont libres comme l'air et peuvent se déplacer allègrement. N'importe qui peut allumer son ordinateur portable et acheter des actions d'entreprise étrangère partout dans le monde, littéralement en l'espace de cinq minutes. On peut très facilement retirer son argent d'un pays.
À l'inverse, une famille qui habite à Oshawa ou Windsor et dont les parents travaillent sur une chaîne de montage ne peut pas faire ses bagages et partir sans crier gare dès que le gouvernement augmente son fardeau fiscal. Les travailleurs ne peuvent pas déménager pour éviter de payer de l'impôt de la même manière que les capitaux et la richesse se déplacent.
En fin de compte, lorsque le gouvernement fait fuir les gros capitaux, ce sont les travailleurs canadiens qui se retrouvent avec un fardeau fiscal plus important. C'est exactement ce qui s'est produit. La famille canadienne typique de la classe moyenne paie aujourd'hui 800 $ de plus au fisc, par rapport au moment où le gouvernement a commencé son mandat. Cela ne tient pas encore compte de la taxe sur le carbone et des taxes sur la masse salariale que le gouvernement prévoit imposer dès l'année suivant les prochaines élections. Autrement dit, les choses ne feront que s'aggraver.
Ce montant ne tient également pas compte de la hausse du coût du service de la dette nationale, qui augmente à un rythme spectaculaire. D'ailleurs, l'année dernière, le gouvernement a consacré 23 milliards de dollars au service de la dette nationale. Selon le directeur parlementaire du budget, d'ici trois ans, ce montant grimpera à 40 milliards de dollars, ce qui représente une hausse de deux tiers en l'espace de seulement quelques années. À mesure que la dette et les taux d'intérêt augmentent simultanément, ils auront comme effet cumulatif de transférer encore une fois la richesse des contribuables de la classe ouvrière vers les riches banquiers et créanciers obligataires qui sont les propriétaires de la dette.
Nous voici avec des guerriers de la justice sociale qui accumulent des déficits et des dettes ayant pour effet de transférer la richesse des personnes à faible revenu qui paient de l'impôt vers les riches créanciers obligataires et banquiers qui sont les propriétaires de la dette et en échange de quoi nous ne recevrons rien. Les intérêts sur la dette ne permettent pas de paver les routes, de construire des hôpitaux, d'engager des infirmières ou de rémunérer des soldats. Ils ne font rien de cela. Ils ne font que garnir le portefeuille des riches qui ont les moyens de prêter de l'argent au gouvernement.
Si quelqu'un voulait la preuve que ces gens sont riches, il n'a qu'à penser au fait que le gouvernement a annulé les obligations d'épargne du Canada. Autrefois, les personnes à revenu modeste pouvaient acheter des obligations d'épargne du Canada et prêter de l'argent au gouvernement. Ce n'est plus le cas. Le gouvernement emprunte tout son argent à de riches gestionnaires de fonds de capital-investissement, des courtiers en valeurs mobilières et d'autres personnes très riches.
Par conséquent, lorsque le gouvernement prend beaucoup de place, cela profite toujours aux gens riches, puissants et bien placés. Voilà qui est paradoxal. Jeremy Corbyn, qui se dit socialiste, et qui est le chef socialiste du Parti travailliste britannique, affirme vouloir mettre fin au capitalisme fondé sur le principe voulant que la cupidité soit une bonne chose. Il veut interdire la cupidité. Le premier ministre a tenu des propos semblables. Le plan pour éliminer la cupidité consiste à faire en sorte que le gouvernement prenne tellement de place qu'il n'en reste plus pour la cupidité. Ce comportement humain sera éliminé. Les gens deviendront altruistes et généreux. Selon eux, personne ne possédera davantage que son prochain. Ces socialistes sont si puissants qu'ils réussiront même à transformer la nature humaine.
Peuvent-ils vraiment transformer la nature humaine? Apparemment, ils n'ont pas lu Macaulay, qui a écrit ceci:
Là où coule le miel, les mouches bourdonnent;Là où pourrit la charogne, le chant du corbeau résonne;Là où le Tibre porte les rebuts, le brochet vorace en fait son repaire;Et où que l'on trouve tel maître, on trouvera tel bénéficiaire.
Ce qu'il faut retenir, c'est que, là où il y a de l'argent, il y aura toujours des gens qui essaient de l'avoir. Si tout l'argent est au gouvernement, des gens cupides tenteront d'en avoir auprès du gouvernement. Cela arrive constamment.
Certaines entreprises demandent des cadeaux au gouvernement, et le gouvernement libéral s'est montré un généreux bienfaiteur pour elles. Il a donné 400 millions de dollars à Bombardier qui en a profité pour offrir d'importantes primes à ses cadres. Il y a la Banque de l'infrastructure, par exemple, qui va offrir des garanties de prêt à de puissantes entreprises de construction pour que ce soit le contribuable plutôt que le propriétaire de l'entreprise qui paie la note si jamais un projet perd de l'argent.
En Ontario, les libéraux ont adopté une loi sur l'énergie verte, qui n'a pas créé d'énergie verte, mais qui a mis de l'argent dans les poches des riches lobbyistes qui ont réussi à obtenir les soi-disant contrats d'énergie verte, fait doubler le prix de l'électricité, et entraîné ce que l'Association ontarienne des banques alimentaires appelle la « pauvreté énergétique ». Des gens se sont rendus dans les banques alimentaires avec leur facture d'électricité en expliquant qu'ils n'avaient pas les moyens de payer leur facture d'électricité et de manger. Ils devaient quémander leur nourriture pour avoir les moyens de payer leur facture d'électricité. Alors, oui, ce fut très bien pour le 1 % le plus riche qui a gagné des dizaines de milliards de dollars en subventions pour ses supposés besoins en électricité, mais ce fut très mauvais pour les travailleurs qui ont eu de la difficulté à garder leurs lumières allumées et à vivre une vie normale.
Eh oui, là où on met du miel, des essaims de mouches se rassemblent. Mon collègue n'a pas parlé d'abeilles, il a parlé de mouches et, comme on le sait, les mouches ne font pas de miel, mais elles le mangent volontiers. Ce sont des parasites. En revanche, les abeilles fabriquent du miel grâce au processus de pollinisation qui permet un échange libre entre un organisme végétal et une créature vivante. L'économie de libre marché repose sur un modèle similaire. Dans ce genre de modèle économique, il y a échange volontaire de capitaux moyennant des intérêts, de produits moyennant paiement, de travail moyennant rémunération.
Dans une économie de libre marché, toutes les transactions reposent sur un échange volontaire. Les députés savent-ils pourquoi? C'est parce que chaque transaction doit améliorer la vie des deux parties, autrement elles ne seraient pas intéressées à la transaction. Voilà pourquoi il y a ce qu'on appelle le double merci. Lorsqu'on va dans un café et qu'on y achète une boisson, on remercie la personne qui nous sert. Que dit cette personne en retour? Elle ne dit pas de rien, mais plutôt merci. Pourquoi? Tout simplement parce que le paiement qu'on lui donne vaut davantage pour elle que le café qui a été servi et, pour le consommateur, le café vaut davantage que son prix. Autrement dit, les deux parties ont le sentiment d'avoir obtenu davantage qu'avant la transaction. Si j'ai une pomme et que je veux une orange, et qu'une autre personne a une orange et veut une pomme, nous faisons un échange. Il y a toujours une pomme et une orange dans l'équation, mais nous sommes tous les deux plus riches parce que nous estimons avoir quelque chose qui vaut davantage que ce que nous avions auparavant. Voilà le génie des échanges volontaires.
Pourquoi personne n'écrit-il « merci » sur sa déclaration d'impôt? C'est censé être un échange volontaire. C'est censé être un échange. On paie pour quelque chose. On est censé obtenir quelque chose en échange. C'est tout simplement parce que l'on n'a pas le choix. Il ne s'agit pas d'un échange volontaire. C'est obligatoire. On est forcé de le faire, et voilà la règle de l'économie gouvernementale. Toutes les transactions dans l'économie gouvernementale sont imposées. Toutes les transactions dans le libre marché sont effectuées selon le bon vouloir des participants.
De ce côté-ci de la Chambre, nous croyons à un libre marché ascendant où les entreprises font des pieds et des mains pour les consommateurs plutôt que pour les politiciens. C'est un marché dans lequel on prospère non pas en ayant les meilleurs lobbyistes, mais bien en ayant les meilleurs produits. Voilà ce qu'est l'économie de marché. Il s'agit d'une économie ascendante et non d'une économie du ruissellement étatique, comme le croit le gouvernement libéral.
Par conséquent, nous continuerons d'être les champions du système de libre marché, un système fondé sur la méritocratie, et non sur « l'héritocratie », où il n'est pas nécessaire de posséder un fonds en fiducie pour espérer avoir un avenir meilleur. Il ne faut que de grands rêves et des efforts soutenus. Voilà notre plan pour l'équité fiscale.