Merci, monsieur le président. Bonjour à tous les membres du Comité.
Je me nomme David Wright. Je suis professeur adjoint à la faculté de droit de l'Université de Calgary. Je vous remercie de votre invitation à venir témoigner sur le sujet d'aujourd'hui.
Permettez-moi de dire, d'entrée de jeu, qu'il est réconfortant de parler de climat avec vous, parce que le temps, ici, à Calgary, est absolument pourri, avec des précipitations solides et des températures à un seul chiffre. Aujourd'hui, il est donc préférable de seulement s'occuper de climat.
Pour la placer dans son contexte, ma recherche est axée sur le droit de l'environnement et des ressources naturelles, compte tenu, particulièrement, du changement climatique. Je suis professeur, mais également avocat. On m'a invité à faire partie des barreaux de la Nouvelle-Écosse, du Nunavut et des Territoires du Nord-Ouest.
J'ai également fait partie du Commissariat fédéral à l'environnement et au développement durable pendant cinq ans, de 2011 à 2016, ce qui me fait remarquer, avec un intérêt certain, le souffle nouveau que donne le projet de loi C-12 au rôle du commissaire.
Sur ce projet de loi, je dirai d'abord qu'il représente un grand pas en avant dans le droit et les politiques du climat au Canada, dont la cohérence, dont le besoin se faisait grandement sentir, sera plus grande grâce à lui. Mais, visiblement, on peut encore faire mieux.
Mes courtes remarques préliminaires s'attacheront à trois points: le partage des compétences entre Ottawa et les provinces; la justiciabilité; le rôle de la commission.
Sur le plan pratique du partage des compétences, vous savez tous que notre constitution est silencieuse sur les questions d'environnement, y compris le changement climatique, ce qui aboutit à un chevauchement de compétences entre les provinces et le gouvernement fédéral. Le gouvernement fédéral possède amplement de compétences pour agir contre le changement climatique, qu'il exerce actuellement d'un certain nombre de façons, notamment par la tarification du carbone, comme en témoigne l'arrêt de la Cour suprême d'il y a à peine quelques semaines.
Le gouvernement fédéral occupe également une position avantageuse pour la coordination de l'action de tous les détenteurs de compétences dans la fédération. Mais, comme le ministre vous l'a fait remarquer dans sa déclaration préliminaire, lundi dernier, le gouvernement fédéral ne peut pas imposer un programme de décarbonation. Par exemple, il ne peut pas obliger les provinces à adopter des objectifs précis de réduction des émissions.
À proprement parler, un projet de loi de responsabilisation en matière de climat ne peut pas aller plus loin que de détailler ce que toute la fédération peut faire pour honorer les engagements de réduction des émissions du Canada. Il est manifeste que le projet de loi C-12 a été soigneusement rédigé, compte tenu de ces contraintes constitutionnelles et de ces compétences alors que ses dispositions se focalisent presque entièrement sur les mesures fédérales. Mais, même avec ces contraintes, on peut l'améliorer de plusieurs manières tout en continuant de respecter les compétences de chacun.
D'abord, on devrait l'amender pour faire des renseignements sur les mesures entreprises par les provinces et les territoires un élément obligatoire du plan de réduction des émissions exigé à l'article 10 — ce sur quoi je pourrai m'étendre pendant la période de questions.
Ensuite, et semblablement, je propose d'ajouter des obligations explicites de production de rapports d'avancement des travaux et d'évaluation qui englobent la contribution des provinces et des territoires pour réduire les émissions gazeuses en question. Précisons que ça n'imposerait aucune obligation aux provinces, seulement celle de rassembler l'information à l'administration fédérale. Il est certain que la Constitution ou le partage des compétences n'empêchent aucunement cette activité. Encore une fois, je pourrai expliquer, en réponse à vos questions, ce qui motive cette proposition.
Sur la justiciabilité, la question centrale est vraiment la mesure dans laquelle le projet de loi C-12 englobe la responsabilité ou l'invite grâce à un examen judiciaire et un recours, en plus de la responsabilité manifeste d'ordre politique, parlementaire et public mêlée au régime proposé. Bref, vu la forme actuelle du projet de loi, c'est une source d'imprévisibilité. La question centrale à laquelle votre comité doit répondre ainsi que ceux qui sont déterminés à revoir le projet de loi — et je ne vous envie certainement pas de faire ce travail, ligne par ligne, la semaine prochaine —, c'est dans quelle mesure on devrait gérer cette imprévisibilité et on peut la gérer.
Autrement dit, il est assez simple de dissiper l'ambiguïté par une disposition explicite qui propose une révision judiciaire et des recours pour toutes les obligations découlant de la loi, et il paraît que votre comité a reçu plusieurs propositions à ce sujet. Je recommande cette option assez simple. Elle supprimerait toutes les inquiétudes qu'on entretiendrait au sujet de la justiciabilité, dont vous entendez parler.
À partir de ce point, cependant, les choses se compliquent — les solutions de rechange sont compliquées — et il s'agit réellement d'introduire des amendements de dispositions précises pour, au moins, réduire les motifs pour lesquels un tribunal pourrait trouver la loi, en tout ou en partie, susceptible d'être portée devant les tribunaux. Comme vous le savez peut-être, une cour fédérale a rendu un jugement sur ce point, qui concernait la Loi de mise en oeuvre du Protocole de Kyoto, jugement confirmé par la Cour fédérale d'appel.
Dans le souci d'aller plus vite, je n'entrerai pas dans les détails — c'est à voir pendant la période des questions —, mais le résultat est vraiment que les devoirs énoncés dans le projet de loi doivent l'être dans un langage clair et contraignant, qui donne aux tribunaux des critères juridiques objectifs à appliquer. Le projet de loi s'en acquitte assez bien, mieux que la Loi sur la mise en oeuvre du Protocole de Kyoto, mais on pourrait faire mieux dans plusieurs dispositions.
Enfin, en guise de conclusion dans les quelques secondes qui me restent, une caractéristique appréciée du projet de loi C-12 est d'apporter un souffle nouveau au rôle de supervision indépendante du commissaire.
Le commissariat est un organisme puissant, crédible, capable de beaucoup, qui peut profiter et contribuer beaucoup au régime proposé de transparence et de responsabilité. J'ai quelques petites idées à ce sujet, mais relativement à l'article 24.
Bref, d'après moi, le projet de loi C-12, s'il était adopté, constituerait une étape importante et louable pour améliorer la cohérence de l'ensemble du droit et des politiques canadiennes en matière de climat. Mais, son architecture actuelle risque de ne pas lui permettre de résister entièrement aux vents changeants de la politique — et c'est en réalité l'intention de cette initiative. Voilà pourquoi, dans sa version actuelle, le projet de loi risque de décevoir les attentes.
Merci, monsieur le président.